⇢ quinze
– Tu me fais la tête ?
– Non.
Felix se redressa puis fronça les sourcils, Jeongin avait clairement quelque chose contre lui. Cela faisait déjà bien dix minutes qu'ils s'affairaient à ranger les nouveaux produits dans la réserve et le noiraud n'avait pas prononcé un seul mot malgré les tentatives de Felix d'engager la conversation. Il parlait dans le vide depuis tout à l'heure et riait parfois de ses propres réflexions tout seul. Au bout d'un moment, cette situation s'avérait assez pesante, ils discutaient beaucoup habituellement, surtout lorsqu'ils effectuaient des tâches barbantes comme celle-ci et justement, Felix s'ennuyait terriblement sans lui pour s'amuser.
Il jeta un énième coup d'œil à son ami qui était très occupé à disposer des sacs de farine sur les étagères, les manches retroussées, il ne prêtait pas du tout attention au regard qui pesait sur sa personne. Felix poussa sa lèvre inférieure vers l'avant en reprenant son rangement puis lâcha un soupir forcé pour espérer faire réagir le noiraud, mais ce dernier ne daigna même pas lui accorder un regard. Le plus vieux réitéra sa plainte plusieurs fois et voyant bien que ses tentatives étaient vaines, il s'appuya mollement contre l'armature métallique des étagères en se tournant vers lui.
– Dis quelque chose alors si y a pas de problème !
Jeongin lui jeta un regard en biais alors qu'un petit sourire s'immisçait sur ses lèvres.
– C'est plutôt toi qui a quelque chose à me dire, non ?
– Hein ?
– Ouais, ouais, fit-il en se remettant au travail, vas-y, fais l’innocent…
Perdu, Felix cligna des paupières. Il sentit son cœur s'emballer et battre à mille à l’heure dans sa poitrine. Des choses qu'il devait cacher, il n'y en avait pas des tonnes... seul Changbin était son petit secret. En voyant à quel point Jeongin semblait confiant, il avait peur qu'il sache quelque chose… mais non ce n’était pas possible ! Il avait fait attention avec son petit ami, il s’était même obligé à ne pas le regarder lors du service de la veille. Le jeune homme essaya de reprendre contenance, il n’avait pas à s’en faire, Jeongin devait sûrement parler d’autre chose.
– Je fais l’innocent parce que je le suis, de quoi tu parles ?
Le noiraud se retourna vers lui, les sourcils haussés. Il feignit de s’étouffer en portant une main à sa poitrine.
– T’as pas honte de me mentir comme ça ?
– Mais je ne te mens pas, bougonna Felix en allant déchirer le plastique d’un pack de lait, je ne vois vraiment pas ce que tu me reproches.
Au même moment, la porte de la réserve s’ouvrit brutalement, faisant tourner la tête des deux jeunes hommes.
– Vous n'avez pas encore fini ? s’exaspéra Changbin en déboulant dans la pièce.
Il y eut un petit silence qui suffit à Felix pour rougir comme une tomate. Pourquoi fallait-il que Changbin entre pile au moment où il venait de mentir ? Il se sentait piégé. Son petit ami l’observait les sourcils froncés alors qu’il sentait le regard amusé de Jeongin peser sur sa personne. À cet instant, il n’était encore sûr de rien mais quelque chose lui disait que la situation était en train de lui glisser des mains.
– Bientôt, ch-chef, bégaya-t-il en baissant la tête.
Le soupir de son aîné parvint à ses oreilles.
– Magnez vous les fesses, vous avez encore du boulot… Et Felix ?
Ce dernier ferma momentanément les yeux avant d’être contraint de les relever.
– Oui ?
– Tu viendras me voir quand tu auras fini, j'ai à te parler.
– Oui chef…
Ils échangèrent un bref regard, Felix sur le point d’exploser, Changbin les prunelles faussement sévères, avant que ce dernier ne tourne les talons.
– Au boulot. Et plus vite que ça.
La porte se referma derrière lui aussi vite qu’elle s’était ouverte.
Cette fois-ci, ce n’était plus Jeongin qui fuyait la conversation mais Felix qui trouvait soudainement sa besogne passionnante. Il s'affairait en silence comme dans une bulle. Le noiraud ricana en le regardant perdre pied ; il savait qu’il avait compris et c’était vraiment hilarant de le voir se faire tout petit alors qu’il avait clamé haut et fort qu’il n’avait rien à cacher quelques minutes plus tôt. Jeongin se délecta un instant de la situation avant de désamorcer la bombe.
– Je me demande vraiment ce qui te plaît chez lui, annonça-t-il en riant. T’as des penchants masochistes ?
Le cendré se mordit l’intérieur des joues alors que sa respiration se bloquait dans ses poumons. Résigné, il poussa sur ses genoux pour se lever. Il avait espéré jusqu’à la dernière seconde qu’il s’était trompé mais maintenant il ne pouvait plus se voiler la face, son secret n'en était plus un aux yeux de son ami. Un mal lui mordit l’estomac lorsqu’il se remémora à quel point il avait insisté auprès de Changbin pour que leur relation reste secrète… Il ne donnait pas cher de sa peau si son petit ami découvrait qu’il avait déjà fauté. Lui qui avait assuré qu’il resterait sur ses gardes, c’était loupé.
– Comment t’as su ?
– Quand deux personnes se gâlochent sous mon nez, je peux te dire que c’est assez évident à comprendre.
Les joues écarlates, Felix laissa échapper une plainte en plongeant son visage dans ses mains. Il était tellement embarrassé qu’il n’arrivait plus à regarder son ami.
– Quand ?
– Hier, à la sortie des vestiaires.
– C’est pas vrai… souffla-t-il en prenant appui sur le mur, c’est terrible…
– Ça tu peux le dire.
Le cendré jeta un petit coup d'œil au plus jeune qui était en train de faire semblant de vomir. Il lui balança un récipient rempli de sel que Jeongin réceptionna d’une main en riant.
– C’est bon je rigole ! C’est juste que ça m’a fait bizarre. Quand je pense à toutes les galères que vous avez créées… tout ça pour ça au final ! C’est quand même un peu se foutre de la gueule du monde !
– Écoute, j’y suis pour rien. Ça c’est fait comme ça…
– Hm, ça explique pourquoi t’étais aussi bizarre. J'ai pas crû Chan quand il a dit que tu devais être amoureux mais-
– Quoi !
Le cri de Felix avait explosé dans la pièce, terriblement aigu, si bien que le plus jeune en eut mal aux oreilles.
– Quoi, quoi ? répliqua-t-il en grimaçant.
– T’as parlé à Chan ?
– Ouais, hier.
Le cendré en demeura bouche bée, il ne pouvait pas y croire. C’était une catastrophe. Les mains tremblantes, il plongea ses doigts dans sa chevelure pour se tenir le crâne. Il avait envie de vomir. Si son cousin apprenait l'existence de leur relation par une tierce personne, tout allait empirer, il le savait.
– Il le sait ? demanda-t-il d’une voix faible. Moi et Changbin...
– Tu ne lui as pas dit ?
– Non.
Jeongin répondit par une grimace qui traduisait son inquiétude face à la situation. Pas plus tard qu'hier, Chan lui avait assuré qu’ils n’avaient aucun secret l’un pour l’autre...
– Est-ce qu’il le sait ? s’impatienta Felix.
– J’en sais rien ! Je lui ai rien dit mais-
– D’accord, parfait ! s'exclama-t-il en levant les bras vers le ciel. Donc ne dis rien !
Les sourcils courbés, Jeongin détailla son ami de la tête aux pieds avant de soupirer. Même s'il avait envie de lui dire à quel point il trouvait sa décision irréfléchie, il n'en fit rien. Il n'avait pas son mot à dire dans cette histoire, ça ne le regardait pas et il ne voulait pas ajouter son grain de sel.
– Ok…
– Je compte sur toi, hein.
– Je te promets de me taire, lui assura-t-il d'une voix monocorde, mais fais moi le plaisir d’être un peu plus discret.
– Promis !
Le visage de Felix s'illumina d'un large sourire. Il était soulagé. Si tout se passait bien, il n'avait plus de raison de s'inquiéter.
– Oh et aussi... fit-il en réfléchissant, su tu pouvais éviter d'en parler à Changbin ça m'arrangerait...
Désabusé, Jeongin se contenta de souffler alors qu'il pliait un carton. Il hocha la tête et le plus vieux en fût satisfait. Autant lier l'utile à l'agréable et garder ce détail sous silence ou bien son petit ami risquait de lui tapper une petite crise à coup de "je te l'avais bien dit" et "j'en étais sûr". S'il pouvait éviter ça, il n'allait pas refuser ! Son sourire ne quittait plus ses lèvres, il était vraiment fier de sa manœuvre.
– Bouge Felix, le rappela à l'ordre le noiraud en lui tapotant l'épaule, dépêche toi de finir de ranger, n'oublie pas que le chef t’attend... pour "discuter".
Jeongin ne manqua pas d'insister sur le dernier mot en lui lançant un clin d'œil.
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