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L'éternité plus une heure (Yoongi)

(Histoire à deux voix)

*

J'ai l'habitude de venir très tôt. Ainsi personne ne voit mon visage dévasté par les larmes que j'ai versées toute la nuit durant. D'ordinaire, le gardien a à peine le temps de faire couiner l'horrible portail de fer forgé que je suis déjà sur la tombe de ma sœur. A force, il n'essaie même plus de me saluer. Il me laisse passer en me regardant d'un oeil morne. J'aime autant.

Je ne croise jamais personne parce que, comme je l'ai dit, je viens à une heure où les gens ont encore le nez dans leur tasse de café fumant. C'est aussi parce que je ne viens qu'une fois l'an - et, c'est déjà bien suffisant - à une période où tous ne pensent que famille et cadeaux. Enfin, c'est aussi parce qu'ici, on est au milieu de nulle part. Pas vraiment proche de Séoul ni vraiment assez loin. Personne ne souhaite vivre ici. Je ne veux plus vivre ici. Mes géniteurs eux-mêmes ne prennent pas la peine de faire le déplacement. Il n'y a que ma fichue culpabilité et mon éducation chrétienne pour obliger ma carcasse à venir jusque là ! Dans le fond, je sais que ma soeur n'en saura rien. Que ça ne lui fera ni chaud ni froid que je vienne ou non. Je me demande à chaque fois ce que je fous ici !

Et lui ? Lui avec sa grosse voiture neuve rutilante, qu'est-ce qu'il faisait là ? Garé face à moi dans ce parking désert encore plongé dans la pénombre ? La grille a grincé sinistrement ; le cimetière ouvrait. J'aurais déjà dû marcher d'un pas décidé dans l'allée que j'ai trop souvent arpentée. Mais non, je suis restée là, sidérée, à le regarder dévorer un sandwich accoudé au capot de son engin de luxe, l'air absent et ne semblant pas importuné par l'air froid et humide. Il s'est cru où ? Depuis quand fait-on des haltes touristiques là où certains souffrent le martyr ?

Je ne pleure jamais. Enfin si. Une fois l'an avant de me traîner jusqu'à cette tombe. Je ne crie pas non plus. J'ai été en colère pour toute une vie lorsque mon aînée a décidé que ses jours se termineraient en beauté si un train lui passait dessus, sept ans plus tôt. Les gens disent de moi que je suis d'un calme olympien ou que le stress n'a aucune prise sur moi. Je fais l'admiration autour de moi aux urgences. Je suis l'interne qu'ils adorent avoir en garde avec eux. La vérité, c'est que je suis un véritable foutoir que je contiens tant bien que mal. La vérité, c'est que mes parents se sont fait la malle chacun de leur côté après ça, et que je me suis plongée seule dans les études me murant dans le silence.

Alors quoi ? Qu'est-ce qu'il a fait à part se tenir là où je ne voulais de personne ? Il s'est trouvé juste au mauvais endroit au mauvais moment. Pourquoi ai-je eu envie de lui hurler dessus ?

Le foutoir en moi a débordé brusquement et, avant même que je n'en prenne conscience, je me suis mise à crier des horreurs. Il s'est redressé, a plongé ses mains dans sa veste en cuir. Il semblait attendre patiemment que je finisse. Son visage de porcelaine semblait lisse de toute émotion. Je ne le voyais plus clairement : de grosses putains de larmes se mettant entre nous. Quand ma bouche sèche d'avoir éclusé mon chagrin et ma rancœur sur un inconnu s'est enfin fermée, il a fini par me dire d'un air placide :

— J'attendais l'ouverture moi aussi. J'ai un ami là.

Et, il s'est mis, lui aussi, à tout déverser sur moi. Son chagrin n'a eu d'égal que ma stupeur.

— Bon, maintenant, on peut y aller m'a-t-il dit, la voix cassée en montrant le portail du menton. On reparlera, après, devant un café, sans se beugler dessus.

Voilà. Voilà comment Min Yoongi est entré dans ma vie aussi froide et lugubre qu'une pierre tombale. J'aurais pu dire non. Je dis non très facilement, sans scrupules. Mais venant juste de faire exploser mes barrières, je n'étais plus à ça près.

*

  On est sensé réagir comment quand on apprend que le seul pote de collège qu'on a gardé vient d'y passer ? Le seul qui ne se foutait pas de notre gueule quand tous les autres nous traitaient de « petit gros » ou se moquaient des fringues qu'on récupérait de notre frère (qui, lui-même, devait les tenir d'œuvres caritatives) ? Le seul qui continuait de prendre des nouvelles de Yoongi et non de Suga et n'avait jamais essayé de profiter de lui ?

  Bref, quand mon père m'a réveillé, ce matin là, il savait que la nouvelle n'allait pas super bien passer. Nos pères respectifs étaient restés plutôt proches. Assez, du moins, pour que l'un demande à l'autre d'avertir son rejeton contre la volonté du sien. C'est vrai que je n'avais pas eu de nouvelles depuis bien six mois, mais je n'en avais pas pris non plus. C'était pas grave entre nous. En tout cas, pas quelque chose d'alarmant. Pendant que moi, je me prenais la tête sur quel projet refuser, lui luttait contre un cancer fulgurant. J'ai déboulé chez lui en le traitant de crétin.

« Si on ne prévient pas les potes dans les moments comme ça, à quoi ils servent ? »

Tranquillement, il m'avait dit qu'il prenait son temps, qu'on lui avait annoncé qu'il n'y avait pas d'issue positive pour lui mais qu'il avait encore quelques mois. Putain ! Trois semaines plus tard, il me quittait ! Et, moi, comme un con, j'étais coincé à Séoul à cause de Suga et de ses obligations d'idole. Le Yoongi en lui fulminait. Non, il était dévasté.

  Je suis allé au cimetière dix jours après. Un matin, super tôt, pour ne croiser personne. Avoir la paix et pouvoir lui dire adieu sans me cacher.

  Ma mère m'avait préparé un sandwich que j'avais juste pris pour lui faire plaisir. C'est sa manière à elle de me montrer son soutien. Elle fait à manger. Jamais un mot doux ou un geste tendre. Non, elle s'enferme dans la cuisine et mitonne un petit plat. Ça m'énerve encore parfois, je vous jure ! A cause d'elle, je suis un handicapé des gestes d'affection et des mots tendres. Pour montrer mon amour, je suis le gars qui est cap de vous offrir un colis de viande. Riez ! Je l'ai déjà fait ! J'avais dans l'idée de ne pas y toucher mais quand je suis arrivé, la grille était fermée. Finalement, là, au milieu de nulle part, sous la brume froide, ce n'est pas que j'avais tellement faim mais j'aurais bien aimé avoir ma mère près de moi. Alors j'ai commencé à le manger, ce sandwich.

  C'est là que je l'ai vue, flottant dans son grand manteau de laine gris. Je l'ai ignorée. Mais elle a continué de me fixer avec ses yeux de chat. J'ai cru qu'elle m'avait reconnu. Alors quand elle s'est mise à pleurer et que son beau visage s'est déformé de rage pendant qu'elle me hurlait dessus, je suis resté comme un con quelques instants.

  Elle me prenait pour un de ses gros débiles plein aux as de Séoul qui font mine de jouer aux aventuriers et de prendre les provinciaux pour des espèces d'indigènes dont les lieux de vie sont des « sites incontournables à visiter ».
Dans tout ça, il n'y a qu'une chose de vrai me concernant, je suis plein aux as. Je n'en ai plus honte sans pour autant en faire étalage. Ma voiture semblait dire le contraire selon elle.

  J'ai beau être un handicapé des émotions parfois elles s'autorisent à sortir. J'ai dit :

— J'attendais l'ouverture moi aussi. J'ai mon meilleur pote, là.

  Et voilà, ça aurait dû s'arrêter là. Mais j'avais tout retenu dix jours durant. Ma mère m'avait gavé pendant que mon paternel s'était contenté de me tapoter l'épaule en radotant « pauvre gamin ». Le gamin de trente ans s'est senti autorisé à tout extérioriser à son tour. Un échange de bon aloi avec cette mignonne créature aux yeux creusés par les larmes.

  Je ne suis pas plus fier que ça. Mais ça m'a fait du bien. Une fois mon sac vidé, un peu piteux, je lui avais répondu :

— Bon, maintenant, on peut y aller, en montrant le portail du menton. On reparlera après devant un café sans se beugler dessus.

*

  Le café s'est éternisé.

  Je n'aime pas le café. En revanche, j'adore son odeur, le bruit de la machine à café, la tasse chaude entre mes doigts. Je prends souvent des cafés en salle de pause, à l'hôpital, pour être avec les autres. Je ne les bois jamais. On m'a bien fait la remarque une ou deux fois. J'ai même songé à la psychanalyse. Mais pourquoi se priver de ce petit truc rassurant dans ma vie ?

  Avec du recul, ce café ne s'est pas éternisé parce que je ne le buvais pas et qu'il a attendu que je le sirote une heure durant. Non, il s'est éternisé parce que mon étrangeté a rencontré la sienne et qu'elles se sont plues.

  Au sept-cent-quarantième café matinal rassurant non bu, je lui ai annoncé par-dessus notre comptoir de cuisine, que je partais. Une opportunité à Boston. Une de celles qu'on ne refuse pas dans une carrière comme la mienne. Et puis, ce n'est pas comme si on s'était promis de rester ensemble, toujours...

  C'est la version qui m'arrange.

  Une nuit, qu'on observait la ville sans rien se dire, depuis le haut du gratte-ciel où il aime passer des heures à composer, il me l'a dit.

  — Cette nuit, avec toi, a un goût d'éternité. Faisons la durer.

  Venant de lui, il n'y avait pas plus tendre déclaration. Je le sais. Je le connais bien, à présent. Il ne me gave pas de petits plats comme sa mère s'obstine à le faire avec nous deux, mais il a des petits gestes tendres, un peu timides, quand nous sommes seuls ou qu'il est très fatigué. Mais jamais de mots. Alors, cette déclaration m'a fait l'effet d'une bombe.

  Ma soeur m'a abandonnée. Mes parents n'ont pas fait mieux. Ce sera son tour, un jour. Alors, j'ai voulu la faire durer, cette éternité. Je suis partie. Pas de rupture. Pas d'abandon.

*

  Vous le croyez, vous ?

  Elle m'a rejoint, un soir, après sa garde, à mon studio. J'avais tout bien préparé. Moi, l'handicapé de la tendresse, j'avais choisi mes plus beaux mots et les alliances. Elle n'a pas dit oui. Elle s'est contenté de fondre dans mes bras comme elle le fait toujours. J'avais pris ça pour un oui. Alors, le lendemain, dans notre cuisine, quand elle m'a annoncé d'un air serein qu'elle partait, je n'ai pas compris tout de suite. Un séminaire ? Une mission ponctuelle ? Non, un aller simple sans retour prévu !

  Elle ne pleure pas ou rarement. Une fois l'an, tout au plus. Elle ne crie pas non plus. Là, j'ai cherché à la faire pleurer et crier. Bon sang, elle ne pouvait pas partir comme ça ! On avait notre appartement, Holly, nos petites habitudes, notre café du matin... c'est peut-être de ma faute. Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais. Pas mot pour mot. Je pensais qu'elle l'avais deviné, que, nous deux, nous n'en avions pas besoin. Mais non, elle a gardé son air doux et affable. Il y a peut-être eu quelques petites larmes au coin de ses beaux yeux bruns. Ou, c'est moi qui me le suis imaginé pour me rassurer...

  Elle est partie.

  Elle est partie sans prendre la peine d'emporter toutes ses affaires. Je suis resté dans notre appartement avec ses vêtements, sa collection de vinyle de Motown et tous nos « je t'aime » jamais dits. Avec le souvenir de cette heure au café près du cimetière et ce voeu d'éternité.

*

  Il y a quelque chose de rassérénant, pour moi, à l'étranger. Je ne subis rien. Je découvre, j'essaie, je progresse, j'excelle. Et, puis, on a besoin de moi alors que je n'ai besoin de personne.

  Boston a ce petit côté bourgeois « vieille Amérique » qui m'horripile. Il y a aussi ce petit « je ne sais quoi » de faux aussi. Du type : « Ici, on est des gens biens et évolués. Pas ces trous du cul de l'Amérique profonde ou du Texas. New-York et la Californie n'ont pas l'apanage de l'avant-garde. »

  Bref. J'avais des chefs de service et des collègues qui adoraient m'inviter à des soirées ou, pire, à des garden parties pour exhiber leur petite collègue asiatique super sérieuse et performante. Preuve qu'ils n'étaient ni racistes ni paternalistes. Ça ne me faisait ni chaud ni froid. Je n'étais pas là pour créer des liens.

  Il y a un lien, en revanche, que j'ai cherché à distendre, tordre, couper. Un fil rouge qui me reliait malgré moi à Séoul. Il était costaud. Alors je me suis abrutie de travail et je n'ai jamais répondu aux messages. Jamais.

  J'aime bien me mentir à moi-même. Ce que je ne regarde pas, ce que je ne nomme pas, n'existe pas. Alors, je n'ai jamais posé de mots sur cette drôle de sensation, au réveil, quand je me retrouve seule dans mon grand lit. Des petites aiguilles qui traversent la gorge. Je n'ai jamais nommé non plus cette aversion pour le  café qui m'est venue brutalement quelques semaines après mon arrivée. Et, celle, devant toutes, que j'ai enfouie bien profond dans mes entrailles, c'est celle de mon cœur qui a cessé de battre quand j'ai vu son visage sur tous les panneaux publicitaires de la ville pour annoncer sa venue à New-York !

  Trois ans de vie paisible, dans une camisole cotonneuse, qui volait en éclat à cause de ces foutus bouts de papier glacé !

*

Elle a fichu le camp et s'est fantômisée, je me souviens bien, le « jour du cimetière ». Un peu bêtement, les deux années qui ont suivi, j'y suis allé pour l'ouverture. Je n'y ai trouvé que le sinistre portail et le grinçant gardien. La tombe de sa sœur a été totalement abandonnée. Finalement, sa « fichue culpabilité et son éducation chrétienne » ne la tenaient pas tant que ça. Ou, alors, quelque chose de plus fort avait pris le dessus... Je sais qu'elle ne s'est pas volatilisée dans le triangle des Bermudes ou qu'elle n'a pas tenté de suivre sa sœur. Je le sais parce que je n'avais jamais eu le courage ni l'envie d'annuler ses abonnements aux revues médicales. Pour être honnête, je cherchais son nom chaque fois qu'elles arrivaient à la maison. Et je l'ai trouvé. J'ai vu plusieurs de ses publications dans The New England Journal of Medicine. Rien de moins ! Ma demoiselle aussi fuyante que l'eau atteignait des sommets bien jeune. Alors quoi ?

Avant que mon père ne reparte avec ses « pauvre gamin » et que ma mère me rende obèse, j'ai décidé d'atteindre des sommets moi aussi. Mission difficile lorsqu'on est déjà pas bien loin de l'Everest. Quoiqu'il en soit, la bête de travail s'est déchaînée et je n'ai plus rien refusé. Namjoon et surtout Hoseokie ont bien cherché à me faire ralentir. Venant du premier, j'ai pris ça pour de la compétition. Comme un bon petit souvenir du passé. C'était plus facile d'envisager ça comme ça que d'accepter leur inquiétude et de me voir tel que j'étais : une loque.

La loque a fait des ravages sur scène. Et puis, il y a eu cette opportunité à New York qui rendait dingue mon manager. « New York, Yoongi ! Une heure sur scène avec Gaga... ». J'ai cédé assez vite même si c'était bien trop près de mon petit fantôme et de son éternité de silence.

*

J'étais assez fière du programme de recherche d'oncologie pédiatrique auquel je participais. L'UNICEF avait renouvelé son partenariat ; ça ne se refusait pas. J'y étais à ma place. Je subissais les exhibitions de ma personne parce que, finalement, ça me servait bien. Et si on pouvait lever des fonds plus facilement, pourquoi pas.

C'était parfait.

Jusqu'à ce que Lady Gaga décide de reverser l'intégralité de ses gains lors des concerts à New York à l'UNICEF et à notre programme en particulier.

Je dis non facilement. J'ai voulu dire non, cette fois-ci. Pas de soirée à la Grosse pomme pour moi. Mon chef ferait sans ma petite personne. Mais cela ne s'est pas passé comme je le voulais. Avant même que je ne le réalise, j'étais engoncée dans une robe noire à serrer des mains. La bonne nouvelle, c'était que la star ne devait venir que quelques minutes pour poser devant son chèque géant en carton. L'heure venue, elle n'était pas là et je me suis préparée à filer à l'anglaise. Mon élan a brusquement été brisé par la double porte de la salle de réception qui s'est ouverte sous le son effroyable des crépitements des flashs, des applaudissements et des exclamations d'admiration et d'étonnement.

Qu'est-ce qu'il a fait à part se tenir là où je ne voulais pas le voir ? Il s'est trouvé juste au bon endroit au bon moment. Mais pourquoi ai-je eu envie de lui hurler dessus une seconde fois comme il y a cinq ans ? Il empiétait de nouveau sur mon territoire comme je le craignais. Il m'obligeait à ressentir des choses que je voulais garder bien enfouies.

Je n'étais plus celle d'il y a cinq ans. J'avais décidé que je ne resterai pas tétanisée et que je ne me mettrai pas à vider mon sac. J'étais devenue plus froide encore. Ma carapace avait bien épaissi. Je l'appréciais. J'ai prestement posé ma flûte de champagne sur le plateau d'un serveur dont les yeux papillonnaient rien qu'à la vue de celui que j'avais manqué d'épouser si je n'avais pas été moi. Malheureusement, mon chef m'a rattrapée au vol pour me traîner tout droit vers le représentant de l'UNICEF qui serrait déjà les mains des deux monuments de la musique présents.

Et voilà, le phénomène que j'étais devenue se retrouvait une fois encore mis en avant. Le chef faisait un discours dithyrambique sur le programme et ses avancées. Et lui, lui ne me quittait pas des yeux. A vérifier que c'était bien moi. A attendre que je lève les yeux vers lui comme une autorisation à briser les barrières si durement reconstruites. Pas question ! Mais mon chef n'en a eu cure et a lancé les hostilités :

— Quel goujat je fais ! J'ai oublié de faire les présentations. Dr Li Ji-Min.

— Enchantée, a fait Gaga avant de me serrer dans ses bras.

Je rougissais encore de ce contact quand il a soufflé :

— On se connaît déjà.

— Pardon ? fit mon chef certain d'avoir mal compris.

— On se connaît. C'est ma fiancée. a-t-il répété en plantant ses yeux dans les miens.

Un court silence gêné a statufié le petit groupe un instant avant que mon idiot de chef ne s'esclaffe, incrédule :

— Hahahaaaa ! Les idoles ont aussi des dons de comédiens. J'avais oublié !

Cette fois, je n'ai pas cherché à m'éclipser discrètement. J'ai tourné les talons et j'ai filé vers les vestiaires mi contente mi rageuse de ne pas être suivie.

Mon taxi a démarré quand la portière s'est brusquement ouverte sur une tornade qui s'est engouffrée. Me passant au-dessus, il s'est assis sur le siège du milieu. Le chauffeur interloqué ne savait plus que faire. D'un petit signe de tête, je lui ai indiqué de poursuivre, que tout allait bien.

Tout allait bien ?

*

C'était certain qu'elle serait à cette soirée caritative. Mon manager a insisté pour que j'y fasse une apparition ; c'était bon pour mon image. J'ai cédé. Mais pas question de rendre public mes dons ! C'était le deal.

Je ne sais pas si, finalement, j'avais tant envie de la revoir. Je vivais déjà avec son fantôme.

— Dr Li Ji-Min a fait l'espèce de gros bonhomme prétentieux.

J'ai détesté entendre son nom sortir de sa bouche comme si elle lui appartenait. Il l'exhibait. Mon sang a bouilli. MA Ji-Min.

— On se connaît déjà.

Parfois, je sors des trucs un peu brut de décoffrage. Ce n'est pas que je manque d'éducation ou que j'ai des pulsions agressives. C'est juste que les émotions me submergent et que je vais au plus simple.

Elle m'a regardé de ses petits yeux de chat effrayé. J'ai créé un gros silence gêné. Alors, j'ai craqué. J'ai voulu l'acculer plus encore. Elle m'a quitté sans pleurs ni cris. Elle me les devait.

— On se connaît. C'est ma fiancée.

Court. Simple. Impactant.

Alors que son abruti de chef s'est bidonné, elle a tourné les talons sans mot dire. Je ne connaissais pas cette Ji-min là. J'ai mis un petit moment à me décider de la suivre. Et puis, merde, elle m'avait assez fui ! J'ai salué le beau monde sous le regard réprobateur de mon manageur et j'ai filé sous le nez de mon garde du corps.

J'ai rattrapé son taxi de justesse. J'ai ouvert la portière sans réfléchir pour m'engouffrer dans l'engin jaune qui m'enlevait celle qui m'a abandonné. Elle aurait pu m'éjecter. Elle est restée impassible jusqu'à l'hôtel.

Et là, je les ai eus mes cris et mes pleurs !

  Enfin !

*

Durant ces années ensemble puis à se fuir, finalement, combien de temps s'était-on réellement parlé ?

Une heure.

Une heure exactement. Au café près du cimetière.

Et, ensuite, on a fait comme si tout avait été dit. Comme s'il n'y aurait plus jamais rien à discuter, à expliciter.

C'était parfait !

Il m'a reproché, sans préludes, de l'avoir abandonné et ma satanée peur de l'abandon. C'était vrai. Je n'ai rien eu à répliquer à ça. J'ai été assez fière de moi un court instant : J'ai résisté à son beau visage, à son parfum, au souvenir de ses bras autour de moi. Jusqu'à ce qu'il dégaine l'arme fatale !

Il s'est mis à énumérer toutes les petites choses qui me rendent heureuse et que j'ai laissées derrière moi.

— Holly t'a longtemps cherchée...

Ce chien... cette boule de douceur qui me donnait de l'affection sans me juger.

— Tu manques à mes parents...

  Ces gens si particuliers qui m'avaient accueillie comme leur fille, qui se réjouissaient et s'inquiétaient pour moi.

Ma carapace que je portais depuis mes dix-huit ans a commencé à craqueler.

— Tu me manques...

Lui... son visage de porcelaine, ses attentions timides, sa gentillesse...

Ma carapace se fendillait et il a poursuivi.

— Tes vinyles prennent la poussière. Tu ne semblais jamais si heureuse que lorsque tu dansais et chantais sur les Supremes ou les Temptations...

Heureuse ? Oui, j'étais presque heureuse avec lui.

Mon moi tout fragile se tortillait à l'intérieur de cette carapace qui se faisait la malle.

— Notre café-du-matin-quoiqu'il-arrive, me manque...

Il a dit « notre », pas nos. C'est à ce petit déterminant possessif que ma carapace a soudain explosé. J'ai grandi d'un coup, trop vite, sous ses mots, à trente ans. Ma carapace ne me contenait plus ! En un millième de seconde, je me suis retrouvée soudainement à l'étroit puis nue et sans défense.

C'est là, que j'ai pleuré et crié pour tenter de me mettre à l'abri. Mais pour dire vrai, j'ai eu soudainement besoin qu'il me serre contre lui tant j'avais froid.

*

  Allez-y, vous ! Tentez de retenir un courant d'air avec des mots.

  Et, puis, je devais faire vite. Je suis plutôt un homme de lenteur. De durée. Exprimer dans l'urgence l'essence de mes sentiments, c'est quasi mission impossible ! Lui écrire une chanson, ça oui, je pouvais le faire. Je l'ai fait d'ailleurs ! Elle l'a découvert entre deux reproches avant de me balancer que j'étais con, que c'était pas des choses à partager en public... Mais j'ai bien vu qu'elle était touchée et qu'elle l'avait écoutée, ma chanson.

  C'est à « notre café » que je l'ai retrouvée. L'espace d'une seconde qui a duré une éternité, ses épaules sont tombées, son visage s'est adouci, ses mains ont fait un geste timide vers moi. Une seconde d'éternité.

  — Si je te prends dans mes bras maintenant, je te ramène pour toujours à la maison. ai-je réussi à dire. Et, je te dirai que je t'aime autant que tu en as besoin.

  J'ai tendu les bras vers elle. Je m'attendais à ce qu'elle me dise non. Elle dit non très facilement. C'est admirable pour moi qui ne sait rien refuser. Je m'attendais à retrouver Séoul, Holly et mes parents, et notre appartement vide d'elle.

  — Tu me promets une éternité de « nous » ? a-t-elle demandé tremblante en se lovant contre moi. Tu ne m'abandonneras pas ?

  Quoi lui répondre ? Évidemment que je lui promettais tout cela ! Alors, j'ai tout simplement dit oui.

*

  C'est difficile de revenir vers ceux qu'on a volontairement abandonnés.

  Je me suis fondue en excuses auprès de ses parents. Les gestes et les mots d'affection, ils ne comprennent pas bien. Du moins, ils sont très mal à l'aise avec. Alors, Yoongi m'a conseillé quelque chose : je les ai invités à un restau de viande. Vous avez bien entendu ! Il y a un truc dans cette famille avec la nourriture ! D'ailleurs, il m'a aussi conseillé d'attendre le plus longtemps possible avant de leur annoncer LA bonne nouvelle si je voulais pouvoir entrer dans ma robe le jour J.

  Holly, lui, ne m'a pas vraiment bien accueillie. Il m'a boudée une bonne journée. J'ai aussi repris ma place dans le lit. Ça, il a beaucoup grogné. Longtemps. Mais, je crois qu'aujourd'hui, il ne m'en veut plus.

  J'ai fait la paix avec ma soeur aussi. J'ai renoncé à comprendre et je l'ai laissé partir. Et, les deux autres, s'ils se manifestent un jour, j'essaierai de les écouter... Peut-être.

  Quant à lui... il va me falloir toute une vie pour lui rendre ce qu'il m'a offert. Il est d'accord avec ça. On a explosé notre heure de discussion. Chaque matin, devant notre café, on se parle un peu. Pour de bon.

  Je me sens plus légère. Plus de carapace à se traîner. C'est quand même plus commode pour s'égosiller et se dandiner sur Baby Love !

*

Nous avons la joie
de vous inviter à notre mariage

le samedi 13 juin 2026

afin de célébrer
une éternité et une heure de bonheur

Ji-Min et Yoongi

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