25. Vie presque privée
J'ai peine à y croire, plus rien, il n'y a vraiment plus aucune trace de mes fichiers sur le cloud. Rien, plus rien. Toutes mes photos, tous mes documents sont perdus, me voilà revenue au Moyen-âge. J'en pleure, il n'y a plus rien.
— Ellya, ça va ? me demande Ashleen. Tu es toute pâle.
— C'est... vide, toutes mes photos sont parties.
Elle est tout aussi surprise que moi, mais bien plus calme. Dans sa grande sagesse elle me suggère de contacter l'entreprise qui gère mon cloud.
— Tu as certainement leur email, ou bien leur numéro, tu sais ces entreprises sont très sécurisées, elles ne perdent jamais rien.
Sécurisées, le mot résonne dans ma tête, qui m'a parlé de sécurité ? Oh le chameau ! J'essuie mes larmes, je ne vois rien, puis mes doigts tapotent l'écran tactile, il va me le payer cher, il va me le payer très cher. Je vais l'appeler et lui dire ce que j'en pense. Il va m'entendre.
— Ellya ?
— Je vais le tuer.
Et puis non, je me ravise et éteins mon téléphone. Je ne peux pas laisser passer cela. Je me lève et annonce à Ashleen que je dois la quitter.
— Où vas-tu ?
— Résoudre mon problème.
Et mon problème se nomme Xyrus.
J'abandonne Ashleen et retourne au château. Je dois voir mère demain mais il me faut reporter, la situation l'exige. Je croise Delina en montant les escaliers et lui annonce ma résolution.
— Je pars à Londres, je dois aller voir Xyrus.
— Je viens avec toi.
Je refuse tout net.
— Tu as une réputation à maintenir, me dit-elle insistante.
— Et toi tu as des études à poursuivre ! Combien de temps comptes-tu encore sécher ?
Déjà que nous n'avons pas d'argent, si en plus elle ne finit pas ses études elle travaillera dans un secteur qui ne lui plaira pas.
— Parle pour toi ! Tu n'y as pas mis les pieds depuis la rentrée.
— C'était il y a trois jours !
Trois petits jours pendant lesquels en effet j'ai profité du château, mais il est si grand, si majestueux.
Nous poursuivons notre course dans les escaliers, non sans continuer d'argumenter. J'entre dans ma chambre et commence à faire mes bagages, Delina sur mes talons.
— Tu te moques de moi ? me hurle-t-elle. Tu penses que je vais te laisser partir pour Londres une semaine ? Toute seule ? Tu me parles d'assiduité et tu vas sécher une semaine de cours ? Hors de question !
— Il faut que je parte !
— Pourquoi ? Pour te jeter dans ses bras ? Il te manque à ce point ?
C'est tout l'inverse. Je lui crie qu'il a tout effacé. Il a rayé ma vie d'un trait. Il m'a rayée d'un trait. La surprise se lit sur le visage de ma sœur, la peine vient la remplacer. Elle me prend dans ses bras et cherche à me consoler. Je ne veux pas être une de ces poupées modelées par leurs maris et les traditions. Je ne veux pas, je ne peux pas.
— Je ne veux pas finir comme Courtney.
J'essaye de parler mais les mots se coincent dans ma gorge. Je ne veux pas être comme elle, réduite au rang d'épouse.
— Je suis désolée d'avoir raté les cours.
— Ne t'excuse pas Ellya, me murmure Delina, j'ai l'impression d'être mère.
Suivant les jours c'est un compliment ou une insulte. Et aujourd'hui je ne suis pas certaine que cela soit un compliment. Nous restons quelques instants enlacées puis je me défais de ma sœur et ajoute que je reste sur ma décision. Elle fait de même et croise les bras sur la poitrine.
— Ce ne sont pas quelques jours qui changeront mes notes d'examen, par contre si l'une des ancêtres a vent de ta présence à Londres sans moi ma vie est fichue.
J'attrape un mouchoir en papier puis sèche mes larmes en riant, elle n'a pas tort, nous finirons toutes deux très mal si cela se sait.
— Et qui plus est Ellya, si tu dois le gifler je veux filmer.
Et garder une trace éternelle de ma colère contre lui. J'hésite, je ne peux pas faire ça à Delina, mais je veux absolument y aller. Je pose une main sur mon sac, la fermeture est froide, le tissu rugueux, cette belle pochette est l'une de celles que nous avons achetées avec mère. C'est une partie de sa dette actuelle. C'est vrai, nous devions aller la voir.
— Je vais préparer mes affaires, déclare Delina en sortant.
— Attends ! Et qu'est-ce qu'on dit à mère ?
Delina sourit et me dit de lui laisser cela. Elle va embellir la raison de notre voyage et promettre sur la tête de tous nos ancêtres qu'elle ne me laissera pas seule en compagnie de Xyrus.
— L'amour, toujours l'amour !
L'amour, l'amour, la colère oui. Repenser à Xyrus me donne mal à la poitrine. Toutes mes photos, toute ma vie. Je le déteste, en cet instant je le déteste. Pourquoi a-t-il fait cela ? Il faut que je sache, je vais le regarder droit dans les yeux et je vais savoir la vérité.
— Ellya ! Moderne ou traditionnel ? me hurle Delina depuis sa chambre.
— Traditionnel, mademoiselle, répond une autre voix que je reconnais comme étant celle de madame Nail, comme il sied à une dame de compagnie respectable.
Je ne l'entends pas mais j'imagine fort bien que Delina a poussé un long soupir, je la plains. La gouvernante frappe puis entre dans ma chambre, Delina en avait laissé la porte ouverte.
— Allez-vous quelque part ?
Je réponds par l'affirmative.
— Je vais rejoindre Xyrus quelques jours à Londres.
— Dois-je faire préparer la maison ducale ?
Je sèche. Si elle doit la faire préparer c'est que Xyrus n'est pas dedans, et s'il n'est pas dedans c'est probablement qu'il n'a pas envie qu'elle soit occupée. Je ne sais pas trop.
Madame Nail prend mon hésitation pour une acceptation.
— Je vous envoie une femme de chambre pour vous aider à préparer vos affaires, je préviens la maison ducale et je reviens aider votre sœur.
Ma pauvre Delina.
Sans attendre plus de réponse elle s'en va avec la légèreté d'une plume et la froideur d'un glaçon en arctique. Je crois toujours sentir un courant d'air frais lorsqu'elle est dans les parages. Il n'en faut pas plus pour que la plaisanterie d'Ashleen à propos d'un fantôme ne ressurgisse dans mon esprit. Je me ressaisis et ouvre mon armoire. Je suis désolée Delina mais mes tenues seront plus modernes que les tiennes. Je ne veux pas que Xyrus m'imagine empêtrée plus encore dans le carcan des traditions.
La femme de chambre me rejoint rapidement et suis mes ordres avant même que je ne les ai donnés. Peut-être parce que je n'en donne pas. Je n'ai jamais été très à l'aise avec cette notion de hiérarchie. Mère dit qu'une maison d'aristocrates est comme une petite entreprise dont nous sommes les patrons. Les ordres donnés ne sont ni plus, ni moins condescendants que ceux qu'un chef de brigade en restaurant peut émettre envers ses équipiers. J'aimerais la croire et le vivre aussi simplement qu'elle mais le service domestique est trop intime pour moi. Nous vivons tous ensemble certes, les employés travaillent peut-être oui, mais pas moi.
Madame Nail apparaît une vingtaine de minutes plus tard alors que je termine d'ajuster ma coiffure et annonce que le taxi est prêt à nous emmener à l'aéroport.
— Le jet sera prêt à votre arrivée.
Delina, juste derrière elle, lève deux pouces triomphants. Un jet, moi qui me demandais comment nous allions payer le train. Je saisis un manteau dans mon armoire, mon sac à main, et suis le convoi. La voiture est là, comme prévue. Nous montons puis saluons madame Nail et Fitz, venu nous aider à embarquer les bagages.
Ce n'est qu'une fois au loin que Delina m'informe que tout est réglé pour mère.
— J'ai dit que tu voulais réfléchir à un événement au château, avec les riverains.
— Quoi ?
— Allez, c'est bientôt le printemps. Le vieux duc faisait toujours une fête pour le printemps.
— Nous sommes en janvier !
— Et comme je me l'étais imaginé, mère-grand et grand-mère étaient avec elle. D'ailleurs elles te félicitent pour ton sens de l'organisation.
Me voici donc contrainte à hurler sur Xyrus puis à lui annoncer qu'il a une fête à organiser pour le printemps.
— Tu sais que s'il n'a pas une bonne explication à me donner je le quitte ?
— Je croise les doigts pour qu'il en ait une, ne serait-ce que pour ça !
L'aéroport est sous nos yeux, le jet privé aussi. Nous embarquons après les formalités d'usage et l'avion décolle. Londres se rapproche, mon stress augmente.
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Merci d'avoir lu ce chapitre !
Purée j'ai eu du mal à l'écrire celui-là. La première personne du présent ce n'est vraiment pas mon truc. Il faut que je progresse.
A bientôt !
Axel.
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