17. Alcool et bouchées à la reine
« Aucune »
Je ferme les yeux un instant et, lorsque je les rouvre, tout a changé. Le restaurant a disparu et me voici à l'horizontale, enfin je crois. La Terre tourne, plus que de raison. L'alcool a de multiples effets sur le corps humain et je n'aime guère celui-ci. Pas plus que je n'apprécie ce beau trou noir auparavant nommé mémoire. Cette pièce devient peu à peu familière, je reconnais ma chambre d'hôtel. Un mouvement après l'autre, lentement, doucement, je me redresse. La Terre continue de tourner mais je dois me lever, la salle de bains n'est qu'à quelques mètres.
Je tente de me mettre debout mais mes jambes flageolent et je finis à genoux. Finalement à quatre pattes c'est aussi bien. J'avance peu à peu, la porte de la salle de bains se rapproche, plus qu'un petit effort et je pourrai bientôt prendre une bonne douche. Un marteau-piqueur, ou un pivert je ne saurai trop que choisir, frappe avec entrain sur mon crâne.
— L'élégance même très chère, ricane une voix derrière moi.
Je me retourne brusquement, Xyrus est là, allongé sur un canapé, un oreiller sous la tête. Il ne porte que sa chemise froissée et son caleçon, le reste traîne par terre. Un frisson me traverse l'échine, je jette un regard apeuré sur ma poitrine, ouf, je porte encore ma robe. Peu importe la nuit dernière, une chose est sûre : si je m'étais déshabillée je ne l'aurais certainement pas remise. La mettre en étant sobre fut déjà un calvaire.
— Que s'est-il passé Xyrus, qu'avons-nous fait ?
— Tellement de choses, tes grands-mères vont probablement te renier...
J'aimerais lui répondre mais un haut le cœur me pousse à continuer vers la salle de bains. Pas le temps de réfléchir à la situation ni à ma dignité, mon repas de la veille quitte mon corps de la manière la plus désagréable possible.
— Tu veux que je te tienne les cheveux ? me crie le duc depuis la chambre.
Hors de question ! Je tire ma chevelure en arrière avant que le pire n'arrive. Son aide me serait précieuse mais mon ego est contre. Je réponds donc par la négative, les jambes tremblantes, une main agrippée au rebord des toilettes.
— Tant mieux, car rien qu'au bruit cela m'écœure.
Pourquoi proposer en ce cas ? Une nouvelle salve de vomissements me prend aux tripes, mon seul but actuellement est de limiter les dégâts, je ne pensais pas avoir bu autant.
— Que s'est-il passé hier soir ?
— Avant ou après que tu te sois mise à enchaîner les verres ?
Je l'écoute tant bien que mal et ma honte ne fait que s'accroître au fil de son récit. Il semblerait que je sois moins ouverte d'esprit que ce que j'imaginais.
— Tu as bouclé sur le nombre de mes maîtresses, tu n'arrêtais pas d'alterner entre des félicitations pour ne pas être un débauché et la recherche d'un éventuel défaut. Puis tu as passé une bonne partie de la soirée à me demander pourquoi je t'avais demandée en mariage. Cela te perturbe tant que cela qu'on puisse te trouver désirable ?
Oui cela me choque lorsqu'il s'agit d'un parfait inconnu. Je crois que la crise est passée, je recule un peu et prends une grande respiration. De l'eau, j'ai besoin d'eau. Avec difficulté je me redresse et agrippe l'un des robinets. Un filet d'eau coule tandis que je saisis le gobelet posé sur le rebord. Dans les hôtels où j'ai eu l'occasion de dormir dans ma jeunesse, c'était du plastique, celui-là est en verre, de bonne qualité qui plus est. Je le passe sur le jet d'eau et le regarde le remplir. Mon cerveau est si réactif que je ne retire l'objet que lorsque je sens l'eau couler sur ma main.
Je me rassois, mes jambes ne me porteront pas plus longtemps, et bois à petite gorgée.
— Pousse toi, grommelle Xyrus en arrivant à son tour, à quatre pattes lui aussi.
Rira bien qui rira le dernier. Son état n'est guère meilleur que le mien. Comme moi quelques instants plus tôt, il vide le contenu de son estomac dans les toilettes. Nous sommes deux larves envinées. Je fais un pas en avant et appuie sur le bouton de la chasse d'eau. Disparaissent les preuves de notre soirée, tout du moins une partie, dont l'odeur est à la limite de la soutenabilité.
— Merci, murmure Xyrus en s'asseyant à mon côté.
Il saisit mon verre, se rince la bouche et recrache l'eau dans la cuvette. Il est en sueur, moi aussi. Impossible de savoir lequel de nous deux est le plus pitoyable.
— J'étais... fatigante à ce point-là ?
— On dirait bien que c'est le premier puceau que tu rencontres...
— Je suis désolée, je suis impardonnable. Je, je ne sais pas comment expliquer mon comportement.
Mis à part la surprise et mon taux d'alcoolémie.
— Disons que cette soirée restera dans les annales comme celle où la naïve Ellya a découvert que tous les hommes n'étaient pas accros au sexe.
— Tu veux entrer au monastère ?
— Ou bien trouver la bonne.
Plus je parle et plus je m'enfonce. Pourtant je n'arrive pas à stopper le flux de paroles.
— Tu manies si bien la technique du coq à l'âne que c'est à se demander comment il est ne serait-ce qu'imaginable que tu aies réussi à faire des études.
— Arrête de te moquer.
— Oh une phrase correcte, miracle.
Xyrus reçoit une tape sur le bras, cela n'est pas grand-chose mais c'est tout ce que je peux faire pour l'instant. Il m'attire près de lui et me serre dans ses bras.
— Pas trop fort sinon je vais vomir.
— Si tu bouges encore c'est moi qui vais vomir, sur toi.
Je me fige, la perspective ne m'enchante guère. Les battements du cœur de Xyrus sont rapides, il est tremblant, fiévreux. Il m'offre un parfait miroir, ressent-il aussi ces frissons et ces nausées qui me tordent le ventre ? Les couples partagent beaucoup de choses : des sorties, des sentiments, des instants précieux. Nous partageons notre première soirée ensemble avec une cuite mémorable.
— Je n'arrive pas à croire que nous soyons dans un état pareil. La Terre tourne trop vite, je suis ridicule et si ma famille l'apprend je suis reniée.
— Personne ne l'apprendra, nous avons fini les bouteilles ici.
— Moi je le saurai, quelle honte, je suis la honte de ma famille.
— Parce que tu as pris une cuite ?
— Parce que j'ai pris une cuite lors de ma première soirée avec mon fiancé.
— Cela arrive tout le temps à Londres.
J'ai envie de vomir, encore. Si seulement la Terre voulait bien arrêter de tourner. Je m'accroche à Xyrus, pour l'instant il est la seule bonne chose dans cette salle de bain froide. Sa chaleur est rassurante.
— Merci.
— De quoi jolie nymphe ?
— D'être fixe... et chaud.
Xyrus rigole doucement, son étreinte se resserre autour de moi.
— J'ai un aveu à te faire jolie nymphe. Tu ne seras pas ma première. J'ai menti.
Mes genoux tremblent, pas à cause de lui, j'ai encore peine à réfléchir. Un seul mot doit sortir de ma bouche mais c'est très dur.
— Pourquoi ?
Il m'explique brièvement qu'il fait le coup à toutes les femmes qui le draguent. Cela l'amuse de voir leurs réactions.
— Comment fut la mienne ?
— Sur une note de un à dix ? Un bon 12 pour l'originalité.
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