1. Un précieux livre
Bonjour tout le monde !
Lorsque j'ai débuté G&L, je me suis posée une contrainte qui est devenue de plus en plus gênante au fil des chapitres : celle d'écrire avec un POV interne, au présent. J'ai horreur de cela. C'en est devenu bloquant dans l'écriture. J'ai donc décidé de refaire cette histoire en retrouvant mon passé adoré. Je n'ai pas encore achevé cette correction, ne vous étonnez donc pas si le récit passe au présent dans un futur chapitre.
Merci de votre compréhension.
Axel.
Ps : les chapitres corrigés sont mentionnés par un tag dans le titre.
---
— Par pitié qu'elles arrêtent de hurler !
Parfois elle haïssait réellement ses sœurs avec leurs disputes incessantes. Elles étaient toutes adultes et « responsables », mais pouvaient avoir des moments d'une puérilité rare. Et pourtant ce n'était pas comme si l'aînée, Abbey, travaillait dans un respectable office notarial et allait bientôt monter en grade. Ou la seconde, Beth, qui était comptable. Ellya, la plus jeune de la fratrie, avait régulièrement l'impression d'être la plus mature de la bande. Il lui était actuellement impossible de lire dans ces conditions. Pour autant, ses sœurs ne se tairaient pas, trop absorbées par leur conflit futile. Ellya se résigna donc à quitter la maison. Elle saisit une veste puis descendit deux étages au pas de course, aussi rapidement que le lui permettaient les jupons sous sa robe longue. Les trois niveaux de la bâtisse n'étaient point de trop pour accueillir cette famille de six enfants, tous jeunes adultes.
Ellya trouva sa mère dans la cuisine. Lady Grant ne mijotait pas de bon repas, mauvaise cuisinière qu'elle était. Elle était capable de sucre un roast-beef et, de saler une crème aux fraises. Elle nettoyait avec minutie ses pinceaux. Son âme d'artiste s'était éveillée peu après le départ de son unique fils, elle s'était mise en tête de transformer son ancienne chambre en bureau. La pièce aurait pu permettre à Ellya et sa sœur aînée, Delina, d'avoir enfin une chambre chacune, mais qu'était-ce donc qu'un peu d'intimité pour deux jeunes femmes qui vivaient encore chez leurs parents ? Aujourd'hui, c'était donc peinture, Lady Grant avait bien essayé de recruter l'une ou l'autre de ses filles, mais étonnamment, mille choses urgentes s'étaient présentées.
— Mère, je vais à la librairie, dit doucement Ellya.
— Encore, lui répondit-elle en essuyant avec soin ses ustensiles, tu y es allée hier.
Et la veille, et le jour avant, et pratiquement tous les jours précédents, Ellya aimait lire, sentir l'odeur du papier imprimé, chargé des mille aventures contées par autant d'ouvrages.
— Je sais, mais j'ai oublié de prendre un manuel qu'Abbey m'a recommandé, tu sais pour le stage...
Abbey, l'aînée, avait eu la gentillesse d'aider sa cadette à obtenir un stage de quelques mois dans son office notarial, six mois à servir du café et répondre « oui monsieur » aux trois associés poussiéreux à l'œil pervers. Ellya avait tellement hâte de commencer. Le livre en question trônait déjà sur la commode qui lui servait de bureau, mais sans bonne raison sa mère risquait de lui interdire de sortir. Sa parente réfléchit un instant et laissa traîner le suspense.
— D'accord, mais fais vite, sois de retour pour le thé.
Les grands-mères d'Ellya venaient toutes les deux chaque mercredi prendre le thé et sa mère avait horreur de se retrouver seule avec elles. Par conséquent, elle obligeait tout le monde à être présent. Ellya saisit ses clefs dans le tiroir du meuble de l'entrée, pièce sculptée dans un bois sombre qui se transmettait de génération en génération, et fila sans demander mon reste. Elle avait hâte de découvrir ce nouveau roman qui l'envoûterait pendant des heures et illuminerait son monde par les aventures trépidantes de son héroïne à la fois courageuse et brillante.
Le village, Woodalley était des plus modestes, tout le monde s'y connaissait et rien n'y courrait plus vite que les rumeurs. Le nombre de boutiques se comptait sur les doigts de la main et il fallait à peine quelques minutes pour le traverser. Ellya rejoignit ainsi très rapidement l'unique librairie, tenue par une vieille dame très serviable qui, le pensait la jeune femme, espérait certainement qu'elle reprenne la boutique à sa retraite. Cet avenir n'était pas déplaire à Ellya qui pourrait théoriquement fort bien se satisfaire d'une vie calme et intellectuelle, mais il lui manquait une petite dose d'imprévu. Rien n'était plus ennuyeux que la vie à Woodalley. Ellya ne demandait pas grand-chose, juste un petit peu d'animation, de perspective, de changement, de vie. Oui, plus que tout, Ellya souhaitait quitter cette vie pour une autre plus palpitante à Londres. Lorsqu'elle pénétra dans la petite boutique à la décoration cosy, madame Fields l'accueillit avec son sourire habituel et lui tendit les bras pour l'embrasser amicalement.
— Bonjour, ma petite Ellya, comment vas-tu ?
— J'ai fui la maison, Abbey et Beth se disputaient encore.
La libraire avait l'habitude de l'entendre se plaindre de ses aînées, lorsque ce n'était pas de son frère. La vieille dame concluait invariablement les propos de la plus jeune par un discours traditionaliste.
— Il serait bon qu'elles trouvent un mari et s'en aillent vivre leur vie au lieu de se chiffonner comme des cheminots. De mon temps, une femme n'avait pas le droit de travailler si elle n'avait pas de mari. À l'époque je militais contre, mais, lorsque je vois certaines jeunes filles maintenant...
Elle déclama alors un long monologue dont la particularité était d'être paradoxalement féministe et archaïque selon la phrase que vous captiez. Madame Fields n'attendait même plus de réponse, elle parlait à ses livres et leur racontait ses amours de jeunesse, la manière dont elle était tombée folle amoureuse de son mari, et dont ses fils avaient fait les quatre cents coups durant leur jeunesse.
Ellya se promenait entre les rayons lorsque son regard se posa sur un ouvrage à la couverture soignée. Elle le sortit avec précaution de son étagère puis en caressa délicatement la tranche avant de le tourner pour en lire le résumé. Il l'emporta dans un tourbillon de magie et la brûla d'envie d'en parcourir les lignes sur le champ. Enthousiaste au possible, Ellya se dirigea immédiatement vers la caisse et m'empressa de tendre un billet à madame Fields avant de la remercier et de gagner la sortie prestement. La journée était agréable, le temps frais, mais doux, c'était un parfait décor pour une lecture au parc voisin. Mais Ellya avait à peine quitté le trottoir devant la boutique et mit un pied sur la chaussée afin de la traverser qu'une grosse berline noire se gara brusquement devant elle, manquant de l'écraser. La jeune femme n'échappa aux pneus qu'à la grâce d'un réflexe, mais elle termina par terre et, sans surprise, son livre m'échappe et finit dans la seule flaque d'eau et de boue de la rue. Il lui semblait parfois être l'héroïne de l'un de ses romans : une jeune femme à qui malheur arrive constamment, qui enchaîne les boulettes et se découvre en vérité princesse de naissance avant d'entreprendre un long chemin vers la perfection cachée en elle. À ceci près qu'Ellya se savait ne pas être de sang royal et ne vivait donc que la partie maladresse de l'histoire.
Elle s'empressa de récupérer son livre alors qu'un homme sortait de la voiture et l'enjambeait sans la moindre hésitation.
— Vous ne pourriez pas faire attention ? s'exclama Ellya, passablement énervée, alors qu'elle tentait de sauver, en vain, son précieux livre. Elle se redressa, furieuse, prête à crier son ressentiment aussi fort que ses quatre sœurs réunies, et découvrit celui qui avait brisé ses rêves d'une bonne lecture dans la clairière artificielle du parc.
Son souffle fut coupé et son cœur rata un battement. Si le comportement était minable, ce n'était au moins pas le cas de son apparence. Ellya ne saurait dire ce qui la troublait le plus en lui : les reflets dorés dans sa chevelure brune, dus aux rayons du soleil, ses iris d'un bleu sombre et profond qui la transperçaient, son assurance naturelle, ou bien le fait qu'il portait un T-shirt imprimé sur un jean brut avec l'élégance d'un costume trois-pièces. À Londres, ce style était certes commun, mais Woodalley était un petit village campagnard fidèle aux traditions, il était inconvenant de sortir sans redingote ni manteau correct. Le rouge monta bien vite aux joues de la jeune femme qui commença à bredouiller ce qui parut amuser son interlocuteur.
— Quelle idée de se trouver en travers de mon chemin jolie nymphe ! Écarte-toi ou déshabille-toi.
Ellya se figea, elle avait certainement mal compris sa phrase. Elle prit donc le parti d'ignorer sa remarque, recula d'un pas, et le salua poliment, tel qu'une femme aimable le ferait envers un homme aimable.
— Je vous souhaite une bonne journée, monsieur.
— Pas si vite jolie nymphe, répondit-il, je plaisantais.
Drôle de manière de plaisanter avec une inconnue. L'homme retint Ellya par le bras qui sentit un instant la chaleur de sa grande main à travers sa fine avant qu'elle ne se dégage sans qu'il ne resserre sa poigne.
— Il me semble avoir abîmé vos affaires, se reprit-il bien plus respectueux. Allons boire un café que je puisse vous dédommager.
— Non, non merci, je... On m'attend.
Elle eut pu accepter si les regards appuyés des passants autour d'eux n'avaient pas accru sa gêne. Certains semblaient reconnaître l'homme, d'autres, guindés, se montraient ouvertement outrés, certainement à cause de sa tenue. Avant qu'elle ne puisse s'enfuir, l'inconnu à la berline noire lui arracha son livre des mains, du moins ce qu'il en restait et lui lança l'invitation la plus rustre qu'il lui eut jamais été donné de recevoir.
— Comme cela je suis sûr de te revoir jolie nymphe, passe au château demain après l'enterrement. Et mets un truc plus sexy que ta robe de grand-mère.
Il osa rajouter un clin d'œil. Ellya ne ressentait même plus de gêne, c'était à présent un sentiment de honte qui l'habitait. Certes, sa robe à la grecque d'un bleu profond n'était pas à la pointe de la mode actuelle, mais la critique était cruelle. Il partit sans ajouter un mot, ni même un regard. Bon sang, quel individu !
Ellya s'en fut à son tour vers son domicile, totalement perturbée. Elle pénétra dans la demeure familiale au moment où sa mère annonçait le thé. Toutes ses sœurs avaient réussi à fuir à temps, mais la cadette de la famille n'eut pas cette chance. Avant qu'elle eut le temps de s'éclipser, sa mère la happa avec ses grands-mères.
— Ma chère Ellya, que t'est-il arrivé ? demanda l'une d'elles.
Ellya grommela une réponse inintelligible qui lui valut une remarque sur la diction qu'une jeune femme de bonne famille devait posséder puis la discussion que tenaient les anciennes avant son arrivée reprit.
— Comme je le disais à ta mère Ellya, les funérailles demain promettent d'être grandioses, le duc était très aimé, nous nous devons donc d'y assister.
Mais la jeune femme n'écoutait que d'une oreille, l'esprit encore tourné vers le rustre qui l'avait envoyée au sol lorsque quelques mots l'interpellèrent.
— Après les funérailles publiques se tiendra un évènement au château, l'héritier y accueillera une partie de la population, les proches du duc. Nous irons.
— Nous n'allons tout de même pas nous y rendre ? s'étonna-t-elle. Nous n'étions pas si proches du duc.
Les trois lui rétorquent que si, notamment sa grand-mère paternelle qui insiste. En signe de respect, une bonne partie du village sera présente. Ellya comprit soudainement la signification d'une parole lancée par son mystérieux inconnu. Il était probable qu'ils se croisassent le lendemain au cimetière. Quelque peu troublée, Ellya leur demanda de bien vouloir l'excuser, prétextant une douleur due à la chute, puis elle fila, chaude ou froide, elle ne sut trop ce dont elle avait besoin. La seule idée de le revoir lui provoquait alternativement frissons et coups de chaud. Alors c'était cela un coup de foudre ?
-------
Merci d'avoir lu ce chapitre !
Axel.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro