Pour le dîner, ce fut gratin de pâtes aux légumes. Plat qu'Asher engloutit parce qu'il adorait ça et parce qu'il avait surtout hâte de se coucher. Il dut même refuser quelques parties de jeux de société.

Il n'eut aucun mal à s'endormir. Néanmoins, quand il fallut coucher Téo, Vénus et Cécilia semblaient avoir oublié qu'il était là.

— Même s'il dort beaucoup, on peut favoriser son sommeil. Première chose, vérifier que sa couche est propre. Ça, c'est fait. La température de la pièce est aussi importante. Aux alentours de 20°C est l'idéal. Petite astuce, tu peux l'emmailloter avec une couverture pas très épaisse, ça lui rappelle le temps passé dans ton ventre.

Tandis que sa mère continuait sa liste de conseils, Asher se permit de l'interrompre.

— Ce serait possible de dormir ?

— Désolée, chuchota sa petite amie.

Le jeune homme se retourna et ferma les yeux.

— Donc, je disais, reprit Cécilia à voix haute.

— Maman !

— Le bébé, rétorqua-t-elle à voix basse.

— Sérieusement ? D'accord, il doit dormir, mais moi aussi.

— Ce n'est pas pareil, expliqua-t-elle.

Il haussa les sourcils.

— Si je dois porter une couche pour qu'on fasse en sorte que je m'endorme rapidement, je le fais sans hésiter.

Sa mère s'avoua vaincue. Toutefois, Vénus regarda son copain d'une manière étrange.

— Non, fit-il. Ne m'imagine pas dans cette tenue.

Elle soupira, déçue. Finalement, elle coucha leur fils et la grand-mère de ce dernier quitta la pièce.

Quelques heures plus tard, alors que la petite famille dormait à poings fermés, le plus jeune membre se mit à pleurer, réveillant ses parents.

— Asher, tu as le courage d'y aller ?

— Non. Et toi ?

— Moi non plus.

— Pierre-feuille-ciseaux en quinze manches ?

— Allez.

Ils n'eurent pas le temps de jouer que Cécilia entra en trombe.

— Eh ! Les jeunes parents ! Il faut se lever !

— Ah, tu tombes bien, maman. Tu peux voir ce qu'il veut pour nous ?

— Dans tes rêves. Même fatigué, un parent doit honorer ses responsabilités. Debout, mon grand.

Celui-ci poussa un grognement puis glissa lentement jusqu'à tomber du lit. Il prit Téo dans ses bras et le berça, tout en parlant avec une voix douce. Le petit se calma immédiatement.

— Il fait ça avec une telle aisance, envia Vénus.

— C'est la pratique, expliqua-t-il. Ne t'en fais pas, je suis sûr que tu seras aussi douée que moi et mes parents.

Le lendemain, Asher sortit de son lit avec l'intention d'emmener Vénus et Téo en promenade. Après un petit-déjeuner copieux et avoir changé puis habillé le petit bonhomme, le tour du pâté de maison en poussette commença.

Les maisons des alentours ressemblaient à celle de ses parents et un réseau de sentiers bordés de haies séparaient les terrains. Si la nuit, il n'était pas rassurant de les emprunter, le jour, ils étaient très accueillants et lumineux. Sur l'un d'entre eux, Asher croisa à sa grande surprise deux amis d'enfance.

Lui, avait ses cheveux blonds bien peignés, comme toujours. Elle, ses bouclettes rousses et ses lunettes colorées.

— Benjamin ! Betty ! Ça fait si longtemps !

L'homme le prit dans ses bras et le serra fort, si bien qu'il manqua de peu de lui couper la respiration. Quant à elle, elle lui fit une simple bise.

— Je ne m'attendais pas du tout à te voir ici, avoua-t-elle. Toi qui es parti loin.

— Je suis de son avis, ajouta Benjamin en tapotant l'épaule de son vieil ami.

— Je suis revenu grâce à un heureux évènement.

Il présenta son fils de la main.

— Tu es papa ? s'étonna son ami.

— Euh... C'est quoi cette tête ? Tu ne m'en sentais pas capable ?

— Pas du tout. C'est que j'imagine que la femme à côté de toi est la mère.

Asher confirma par un vif hochement de la tête, bien qu'intrigué par cette remarque. Benjamin souffla en retour. Il tendit alors un billet à Betty. Celle-ci s'en saisit sans prendre la peine de cacher sa joie.

— J'avais parié que ton premier enfant ne serait pas de Flavie, expliqua-t-elle. Et j'ai eu raison ! D'ailleurs, j'avais aussi parié que ce serait un garçon.

Un deuxième billet.

— Je m'appelle Vénus, glissa la maman. Et oui, je suis la chanteuse.

— Connais pas, mais enchantée quand même, lança-t-elle avant de ranger les deux billets dans sa poche. Bon, tu connais nos prénoms. Et quel est celui du bébé ?

— Téo, dit-elle, toujours surprise de son statut d'inconnue à leurs yeux.

— Oh ! J'avais parié que son prénom commencerait par une consonne !

Un autre billet.

— Tu paries beaucoup, fit remarquer la blonde.

— J'adore ça !

— Elle adore surtout l'argent, rectifia Benjamin.

— Et alors ? Vous êtes toujours copains comme cochons ? demanda leur ami d'enfance.

— Et encore ! s'écria-t-elle. Ramène le blé ! J'avais parié que ce serait la première question que tu poserais.

— En fait, non, contredit le blond. Il m'avait demandé pourquoi j'étais surpris il y a une minute.

— Zut ! Bon, continuez de discuter, je dois mettre mon carnet à jour.

Elle le sortit de son sac à dos. Il était inscrit sur la couverture « Mes paris ». Elle l'ouvrit et griffonna dessus.

— Pour répondre à ta question, Asher, dit Benjamin, oui, on n'est jamais très loin de l'autre.

Il exhiba l'alliance sur son annulaire en guise de preuve. Asher fit éclater sa joie.

— Félicitations ! Ça fait longtemps ?

— Assez longtemps pour que mon compte ne passe pas en négatif plusieurs fois par mois. Plus sérieusement, ça fait trois ans.

Si Benjamin avait été le seul à accepter d'entrer dans le jeu de Betty, c'était surtout pour lui faire plaisir. Seulement, il lui arrivait régulièrement d'être à sec et il en venait à voler son amie pour lui rendre l'argent grâce à ces fameux paris. Il n'avait partagé ce secret qu'avec Asher.

S'ensuivit une discussion des plus classiques sur les études, le travail et ce qu'étaient devenus leurs autres camarades du lycée. Cette conversation leur fit comprendre qu'il faudrait beaucoup de temps pour qu'ils puissent se raconter le récit des années passées, notamment l'histoire des cheveux bleus. Ainsi, Asher invita ses deux amis à un goûter pour dans deux jours. Les deux groupes reprirent alors leur promenade respective.

Se balader dans le village natal d'Asher avait l'effet d'un réel dépaysement pour Vénus. Radieuse, elle posa une tonne de questions à son petit copain sur son enfance. Toutefois, quand il les lui retourna, elle ne donna que des réponses très vagues. L'éducateur prit alors Téo dans les bras pour passer à autre chose. Il présenta ensuite son école, une partie d'un corps de ferme réhabilité pour l'occasion, le parc, avec des structures qui se limitaient à des troncs d'arbres et des pneus et la rivière dans laquelle les enfants se baignaient.

Sur le pont qui la surplombait, Asher se pencha pour saluer ceux qui y jouaient. Ils lui firent un signe de la main en retour.

— Tu les connais ? questionna Vénus.

— Quelques uns. Même s'ils ont bien grandi.

Ils poursuivirent leur chemin jusqu'à la maison familiale.

***

1215 mots.

Publié le 28/09/2022