Si vous ne l'avez vue qu'à travers une seule scène, que depuis l'appartement d'Asher, peut-être est-ce l'occasion de savoir ce qui se passe dans le sien, non ?

La bouilloire sifflait, le four bipait, on toquait à la porte, l'après-midi s'annonçait bien pour Pénélope Biddindsel. En effet, elle avait invité ses copines pour le goûter. Elle leur ouvrit la porte et tandis que les trois vieilles dames se dévêtissaient de leur écharpe et manteau colorés, Pénélope leur servit le thé et des cookies.

Ce genre de réunion leur permettait de ne pas s'isoler chacune dans son coin et surtout de partager les potins dont elles avaient eu vent dans la semaine.

- Mais je t'assure, Bernadette, lança Pamela. Elle et Paul se bécotent toujours pendant le bingo. Ils nous sortent des excuses à chaque fois, mais c'est simplement pour se couvrir. Tiens, l'autre jour, elle me dit qu'elle a des fuites urinaires. Soit. Par contre, quand je suis allée aux toilettes pour une envie pressante, ne t'inquiète pas, ça ne l'a pas gênée pour faire des galipettes avec lui. Si tu vois ce que je veux dire. Imagine ma surprise. Mais tu me connais, je leur ai promis de garder le secret.

Alors que son monologue captivait deux de ses vieilles copines qui acquiesçaient, la troisième avait la tête ailleurs et on le lui fit remarquer.

- Qu'il y a-t-il, Gladys ? lui demanda Pamela. Tu connaissais déjà leur combine ?

- Hmm ? Ah, non, non, ça n'a rien à voir. Je regardais ce qui se passait dans l'appartement du voisin d'en face.

- Comment ça ? demanda Bernadette qui se pencha pour voir.

Ses nombreux colliers de perles s'entrechoquèrent et masquèrent son petit cri de surprise. Le voisin, un homme aux cheveux bleus, dansait chez lui, uniquement vêtu d'un caleçon. Si la propriétaire n'osait pas regarder plus longtemps, Gladys, Pamela et Bernadette se rinçaient clairement l'œil.

- Sacré fessier, déclara cette dernière avec un sourire malicieux qui nettoyait frénétiquement ses petites lunettes tellement elle n'en croyait pas.

- Bien rebondies.

Gladys confirma avant d'ajouter :

- Jean-Marc avait lui aussi une belle paire de...

- Et même le corps en général, la coupa la gardeuse de secrets. Très bien proportionné.

- Et surtout très bon déhanché, insista Bernadette.

- Si vous aviez vu Jean-Claude...

- Et ça n'a pas l'air bien vide.

- Ah ça...

- Jean-Baptiste, c'était quelque chose aussi.

Pénélope interpella Gladys.

- Qui sont tous ces Jean quelque chose ?

- Mes conquêtes. Je fais exprès de ne coucher qu'avec des hommes avec ce genre de prénoms. Comme ça, si j'oublie le leur, je peux les appeler Jean sous prétexte d'un diminutif.

Elle semblait fière de son astuce.

- Alors, reprit-elle, tu as un sacré point d'observation. Je me le ferai bien ce gars-là.

- Tu as raison, dit Bernadette. Ce jeune homme m'émoustille.

- Je propose qu'on se regroupe maintenant uniquement ici, fit l'une.

- Et plus souvent, compléta l'autre.

- J'amènerai mes jumelles et mon appareil photo, fit la troisième.

Et elles poursuivirent leur voyeurisme. Pénélope se mit à l'écart à manger les cookies, mais les commentaires plus ou moins explicites parvenaient à ses oreilles et l'exaspéraient.

Puis, soudainement, toutes furent en ébullition. Une femme avait rejoint le voisin et la température avait vite augmenté entre eux. Les trois invités n'en loupaient aucune miette.

- Sacrebleu !

- Monsieur est chaud lapin !

- Elle n'est pas non plus en reste.

Elles fixaient la scène, absorbées par le spectacle qui s'offraient à elles jusqu'à ce que cette fameuse femme les voit. L'homme aux cheveux bleus était déjà parti, mais elle prit le temps de leur lancer un regard noir et de leur faire un signe grossier avant de le rejoindre en mimant une fessée. Elle les provoquait sans gêne. Les trois vieilles dames étaient outrées. Néanmoins, Gladys s'en remit vite.

- Si cette pimbêche pense qu'elle va nous arrêter, elle se met le doigt dans l'œil ! Nous reviendrons ! Demain !

Ses deux compères ricanèrent avec elle. Quant à Pénélope, elle soupira.

***

690 mots.

Publié le 22/06/2022