Chapitre 60
PDV Keefe
— Elle est... partie, murmurai-je mon regard se perdant dans le vide.
Aucune autre phrase ne voulait sortir de ma bouche, mes lèvres semblaient n'avoir que ça à dire, cette bête constatation qui ne la ferait absolument pas revenir. J'avais envie de m'assomer mentalement, oui. Mes yeux ne voulaient pas quitter l'endroit où elle avait disparu, comme si elle allait réapparaître et faire un grand "COUCOU" avec de grands gestes. Quelles espérances stupides...
Les femmes que j'aime me font toujours du mal en partant, et je me laisse toujours faire comme une vulgaire poupée qu'on jette.
— Oui, soupira Sophie, ce petit souffle d'air me donnant l'impression d'une brise refaisant battre mon palpitant. Mais j'ai le pressentiment que... elle... je ne sais pas... bégaya-t-elle en sentant mon regard sur elle, elle... veille encore sur nous ? Elle est déjà revenue deux fois nous voir, elle pourrait encore le faire. Elle n'est pas une elfe comme les autres, puisqu'elle peut encore voir sa « famille », comme elle dit. Alors... je pense qu'elle nous est un peu supérieure tu vois ? Je... je ne dis vraiment rien de sensé, pouffa-t-elle nerveusement.
Je souris pour toute réponse. Ce qu'elle disait n'avait en effet aucun sens, mais à la fois je comprenais complètement ce qu'elle voulait dire.
— Je ne sais tout de même pas si je peux être consolé en sachant qu'elle pourrait encore revenir nous voir... Murmurai-je, une larme roulant sur ma joue, mon regard planté dans le tapis que ses pieds avaient foulé mais qui n'avaient laissé aucune trace.
Ne pas pleurer devant Sophie : échec.
De toute façon, ce n'est pas la première fois que je suis faible face à elle.
— Tu vas y arriver, chuchota-t-elle en essuyant ma larme avec son pouce et m'enlaçant par derrière, sa tête posée entre mes omoplates. J'ai foi en toi.
Moi aussi, tu ne peux pas imaginer à quel point...
— Arrêtons de penser à des choses tristes. Et si on se montrait nos dessins ? Coupai-je court à ce moment démoralisant qui promettait au mieux de nous calmer, au pire d'être très long.
Qu'elle est mignonne quand elle rougit comme ça... On dirait une petite rose. Ma rose à moi.
— Oui, bien sûr, bafouilla-t-elle en se rapprochant imperceptiblement d'une table derrière elle où reposait une large feuille retournée.
— Qu'elle bonne nouvelle, je vais chercher mon œuvre d'art !
Elle pensait sûrement que j'étais trop loin pour l'entendre, mais elle se dit à elle-même :
— Ton œuvre d'art plutôt... tu dessines tellement bien...
PDV Sophie
En l'observant une dernière fois avant le moment fatidique, je trouvai qu'il manquait quelque chose à ma création, ne pouvant pas qualifier cela d'œuvre comme le fait Keefe, qui lui a vraiment du talent et est bien au courant.
Je m'emparai d'un pinceau et écrivis en belles lettres calligraphiées "Je ne pourrai jamais te détester" en bas de l'image, légèrement de travers pour lui donner une signification plus... personnelle.
Voilà, c'est parfait !
Keefe entra :
— Alors, comment se débrouille mon adorable Foster quand il est question de représenter cette magnificence que je suis ?
Je ne pus m'empêcher de pouffer face à cette phrase si étrange.
— J'attends, insista-t-il d'un air faussement sévère.
— Ça va, ça arrive....
Je lui montrai le tableau en tournant la tête dans l'autre direction. Pour me détendre, je me mis à compter les secondes, tout en sachant que ça allait avoir l'effet inverse. Pendant cent trente-trois secondes, il ne bougea ni ne parla, laissant un grand silence planer dans la pièce.
Puis il m'enlaça sans un seul bruit, me faisant brusquement sursauter.
— Moi non plus.... Murmura-t-il tout près de mon oreille.
J'ouvris les yeux, un rosissement s'était emparé de mes pommettes et je le vis sourire en constatant cette couleur qu'avait pris mon visage à son geste.
— Montre-moi ton tableau à toi, maintenant.
— À vos ordres, Lady Fos-boss !
— Pitié, arrêtez tous avec ce surnom...
— Jamais, le prononcer est devenu si drôle...
Je lui lançai un regard désespéré, il me répondit par un frôlement de son nez contre le mien en se penchant légèrement vers moi, puis il se redressa immédiatement.
Je lui pris le tableau des mains en rougissant toujours plus de sentir son sourire taquin sur la nuque et restai sans voix devant l'image que j'avais sous les yeux. Si en y réfléchissant nos inspirations et intentions étaient assez semblables, les messages passés étaient relativement différents, et c'est bien cela qui me coupa le souffle. Son œuvre comportait en réalité peu de contexte, puisque complètement implicite, et les deux personnages présentés avaient juste ce qu'il fallait de détails pour que chacun puisse s'identifier fidèlement à eux sans se sentir étranger en face des deux protagonistes. Les tâches sombres formant le décor me rappelaient avec puissance les Invisibles et leur menace constante sur nous — maintenant révolue —, et me voir ainsi soutenue dans cette mini-reproduction de mon passé me brûla les yeux et installa une douloureuse boule de plomb dans ma gorge, alors que dans le même temps des myriades de papillons soulevaient mon estomac. Je peinai à détacher mes yeux du travail de mon compagnon, qui me regardait toujours derrière moi, et me retournai lentement pour voir l'expression de son visage.
Je ne sais pas ce qu'il se passe dans mon cerveau, et visiblement lui non plus.
— Keefe, c'est... je... Balbutiai-je avec difficulté pour ne pas être tentée de renifler ou de laisser couler mes larmes, mais mon inspiation tremblante camoufla assez mal l'état dans lequel j'étais.
Mes yeux me paraissaient si chauds que l'on aurait pu y faire cuire un œuf, et son regard mi-perplexe mi-amusé, tête penchée, me fit sourire.
« Je t'avoue que c'est un peu le bazar dans mon complexe émotionnel, ris-je nerveusement en perdant le contrôle de mes yeux, qui rougirent d'autant plus en pleurant.
Keefe s'avança vers moi pour me prendre dans ses bras, m'embrassant doucement pour ne pas me perturber plus que je ne l'étais déjà, mais qui laissait transparaître tant de passion que mes larmes se tarirent instantanément.
PDV Keefe
La voir ainsi touchée devant cette simple image que j'avais créée m'avait fait quelque chose, et j'avais dans le même temps très envie de lui demander son avis, mais ses émotions étaient... plus indescriptibles que jamais. Elle était à la fois très touchée par ce qu'elle voyait mais donnait l'impression de ne rien ressentir, embarrassée de sentir mon regard sur elle mais déconnectée de l'instant présent, si prise dans sa contemplation qu'elle en pleurait mais était à la fois triste et... amoureuse, très amoureuse.
Amoureuse d'un feu qui me dévora le ventre et les entrailles autant que les siennes, d'une ardeur qui me donna envie de la serrer contre moi, mais qui me semblait aussi si fragile, que j'aurais eu peur de la briser en mille morceaux. Elle tourna la tête vers moi, tenant le cadre entre ses mains, et la vue de son visage me perturba tant qu'un instant, je la vis dans un autre monde, un monde sans troubles, un monde uniquement rempli de fleurs, du soleil couchant, et d'elle, qui me regarderait de cette manière, les larmes aux yeux mais tentant de les cacher à ma vue tant elle serait heureuse.
— Je t'avoue que c'est un peu le bazar dans mon complexe émotionnel, avoua-t-elle en commençant à pleurer, mais riant en même temps.
J'eus la sensation de l'avoir brisée, elle semblait complètement désorientée, autant sur son point de vue émotionnel — elle avait raison, quelle pagaille — que physique ; elle pleurait mais souriait, elle respirait difficilement mais riait, elle avait une boule dans la gorge mais me parlait d'un ton détaché et joyeux. Et pourtant, la voir ainsi me donna des ailes, tant que je m'avançai lentement vers elle pour ne pas trop la surprendre, et l'embrassai doucement mais j'y mis tant d'intention que je la sentis se calmer instantanément et me répondre, soudain bien plus sauvage. Ses mains se placèrent sur ma nuque sans hésiter, pressant davantage nos visages l'un contre l'autre, tandis que j'entourai maladroitement son corps de mes bras, surpris d'obtenir une telle réponse aussi rapidement ; Sophie était rarement entreprenante.
Elle me surprit d'autant plus en pressant ma lèvre inférieure entre ses dents, puis en laissant passer le bout de sa langue dessus comme pour la soigner à la manière d'un petit chaton. Mon corps, après ce bref instant de surprise, se réveilla brutalement, et me donna l'envie — étrange — de poser mes mains partout sur elle, pour l'étreindre avec toute ma force, la caresser, l'embrasser sans discontinuer jusqu'à la mort. Comme pour brouiller mon cerveau plus qu'il ne l'était déjà, elle passa ses mains dans mes cheveux, et colla sa taille contre la mienne pour nous rapprocher encore, toujours plus près.
Je veux la dévorer.
Je ne pus retenir mes mains de la toucher plus longtemps, les posant de part et d'autres de sa taille pour la serrer contre moi, me faisant baisser la tête pour combler la différence de taille, elle, entourant mon cou de ses bras, l'une de ses mains toujours à la base de mon crâne pressant nos visages l'un contre l'autre.
Mon cœur rata un battement quand elle tira un peu mes cheveux avec ses doigts et qu'elle émit un petit bruit, tout petit hm involontaire. Tout se mélangeait dans ma tête, les désirs, les interdits, les freins que je me mettais à moi-même, et l'envie, si puissante mais que je réfrénais furieusement pour ne pas tout faire partir en l'air. Tout vola en éclats quand mon cher colibri glissa sa langue entre mes lèvres. Avait-elle seulement conscience de ce qu'elle était en train de me faire subir ? probablement pas. Ses actions avaient tout, absolument tout, pour me faire perdre la tête. Sa main qui poussait doucement ma tête plus près, encore plus près de son visage, de sa bouche que je voulais dévorer. Mon envie d' aller plus loin surpassa toutes mes pensées, et ma langue retrouva la sienne pour danser avec elle, lentement, langoureusement.
Puis tout alla plus vite, et elle retira une main de mes cheveux pour la glisser sous ma chemise, caressant mes abdominaux qui frissonèrent à ce contact inattendu, et passa également l'une de ses cuisses entre les miennes, déjà légèrement écartées pour me maintenir en équilibre. Je me penchai au-dessus d'elle pour continuer à l'embrasser et m'empêcher de souhaiter qu'elle continue de toucher ma peau, tout mon corps et plus encore, qui me semblaient pouvoir fondre sous ses doigts fins.
D'un coup, une émotion étrange que je n'avais encore jamais vue prit place dans sa tête, clignotante et vibrante. Sophie se décolla doucement de moi et papillonna un peu pour retrouver une vue nette. Mais ses pupilles agrandies ne laissaient aucun doute sur ce qu'il venait de se passer.
— Je... Excuse-moi, murmura-t-elle en se reculant de deux mini pas, comme si elle ne voulait pas vraiment partir.
— T'excuser de quoi ? Répondis-je de la même façon en m'approchant plus que nécessaire, joueur.
Elle rougit de voir ma proximité — comme si nous n'étions pas collés l'un à l'autre moins de dix secondes plus tôt — et rougit d'autant plus en détournant le regard.
Ce doit être signe qu'elle a pensé à quelque chose de compromettant, ça...
— Mademoiselle Foster a des pensées salaces à ce que je vois ? La narguai-je en me penchant pour croiser son regard.
— N-Non ! Réfuta-t-elle vivement, ses joues de plus en plus rouges et son regard fuyant obstinément le mien.
Je me mordis la lèvre pour ne pas rire et attrapai son menton pour qu'elle me regarde.
— Sophie, Sophie, Sophie... Fis-je mine de soupirer. On était en train de s'embrasser, avec un peu plus de passion que d'ordinaire certes, mais rien de fou, et toi tu romps ce contact que, je pense pouvoir l'affirmer sans me tromper, tu as apprécié. Pourquoi t'es-tu donc retirée ?
Elle avala difficilement sa salive, ses yeux glissant sur mon ventre qui avait été partiellement découvert avec son maniement de ma chemise. Puis elle re-rougit en marmonnant que « tu le sais de toute façon ».
— Oui, mais je veux que tu me le dises... Soufflai-je dans son oreille.
Ses émotions hésitaient réellement entre de la gêne — fort conséquente —, de la honte et de l'envie, beaucoup d'envie — qui pourrait facilement s'apparenter au désir mais cela n'a pas le même aspect. Et un peu d'hilarité, mais en faible quantité. Elle soupira en baissant la tête, et j'eus à peine le temps de voir l'envie prendre le dessus qu'elle sauta à mon cou pour m'embrasser furieusement. Sa langue se fraya une nouvelle fois un chemin jusqu'à la mienne tandis qu'elle-même se pressait sur mon torse. Je réfléchis à peine lorsque j'y répondis, et que mes mains attrapèrent sa taille et le creux de son dos. Mais je repris mes esprits et mis fin au baiser, sans la relâcher pourtant.
— Fort bien mademoiselle. Je prends en compte cette petite scène que vous venez de me faire et je vous propose d'aller goûter pour nous remettre d'aplomb ?
Elle sourit, espiègle, plaqua un dernier bisou sur mes lèvres et s'approcha de la sortie de la chambre pour aller, effectivement, goûter. Je la fis tournoyer et la pris dans mes bras telle une princesse, prétextant qu'elle ne devait pas abimer sa delicate voûte plantaire, la faisant rire doucement.
Oui, aujourd'hui finira bien.
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Date de la sortie initiale du chapitre : 27/08/2020
Date de correction et réécriture : 18/06/2021
Date de réécriture : 21/02/2022
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