
Chapitre 25 : Glaces et complications
Les semaines qui avaient suivi avaient été très chargées, et il arrivait même qu'on oublie Alix à la villa tellement nous étions fatigués.
Pour notre défense, elle parlait si peu que si on ne pensait pas à elle, on ne la voyait pas.
Nous avions récupéré douze des quinze descendants de Gayleri. Il nous fallait à présent trouver Marina, qui vivait dans le Nord de la France, Alan, le "magicien" Rochelais, et enfin, Jonathan, le Parisien.
— Marina s'est acheté un mobil-home et vit dans un camping aussi longtemps qu'il est ouvert, lut à haute voix Arwen. Le reste de l'année, elle est chez elle.
Non, ne vous demandez pas d'où nous tenions ces informations.
Un indice : Alix et Loís s'étaient révélés être des hackers hors norme.
— Donc... ? fit Anniah en grimaçant.
— Donc, on va se faire une petite semaine de camping.
***
Vous avais-je déjà dit à quel point convaincre les douze Gayleiens avait été éprouvant ? Non ? Et bien, convaincre douze têtes de mûles surpuissantes de leurs origines, je ne souhaitais ceci à personne.
Mais là... nous venions d'apercevoir Marina, comme nous avions loué des Mobil-homes proches du sien.
Vers le parc, des enfants se chamaillent bruyamment. Marina avait ouvert sa fenêtre, hors d'elle, et avait hurlé :
— LE PROCHAIN GAMIN QUI GUEULE, JE LUI FAIS BOUFFER SA GRAND-MÈRE !
Autant dire que les enfants en question s'étaient tus, un peu comme nous.
— Ça va être la plus dure à convaincre, soupira Eléa en s'affallant sur le canapé
— Au pire, on ne lui laisse pas le choix... ? suggéra Aris.
Anniah lui flanqua un coup de coude un peu plus fort que nécessaire en le fusillant du regard.
— Si on lui donne une glace, elle sera peut-être de meilleure humeur ? tenta Carl - moyen très subtil de faire comprendre qu'il voulait lui-même une glace (comme nous tous).
Arwen soupira longuement.
— Les glaces sont dans le congélateur, fit-elle. Bande de gamins.
— Je peux avoir une glace, moi aussi ?
On sursauta tous, lâchant nos glaces qui tombèrent au sol. Marina nous fixait avec impatience, derrière la fenêtre de la cuisine.
— Quoi ? Si l'autre avait raison sur un point, c'est que je suis de meilleure humeur quand je mange une glace. Donc si vous voulez me dire quelque chose, c'est maintenant.
Comment avait-elle pu nous entendre ?! Son mobil-home était à plus de dix mètres de celui où nous étions !
Mon sixième sens me souffla me c'était grâce à son don, qui devait renforcer ses cinq sens. Formidable.
Carl alla lui ouvrir la porte, et Marina entra. Ce que je remarquai en premier, excepté ses yeux bleus comme de la glace et ses cheveux d'un noir de jais, ce fut sa manière de se déplacer. Elle marchait de manière si élégante qu'on aurait dit qu'elle glissait sur le sol.
— Bon, fit-elle d'un ton impatient en ouvrant le papier de la glace que Clara venait de lui donner. Qui êtes-vous, que voulez-vous et d'où venez-vous ? Vous n'êtes pas comme tous les autres crétins qui viennent en vacances, ça se voit. Il y en a un qui lutte contre sa nature colérique et son envie de m'en coller une, une qui semble obligée de diriger les autres pour ne pas que ça arrive, un qui agit comme un traumatisé de la vie... je continue ?
— Non, merci, fit Arwen avec un sourire forcé. Mais bien vu, nous ne sommes pas vraiment d'ici.
— Vous venez d'un endroit où les gens comme nous sont normaux ? demanda Marina avec sérieux, tout en léchant sa glace à la fraise. Je pourrais vous êtes utile. Je ne veux plus revoir ce connard de blond aux yeux bleus.
— Ayan ?! demandai-je dans un cri étranglé.
— Ouais, Aya- truc. Je l'ai appelé Aya Nakaruma et ça ne lui a pas plus, donc on s'est battus.
Dylan ne put s'empêcher de rire devant l'audace de Marina.
— Plus sérieusement, vous venez d'où ? redemanda t-elle. Et comment vous connaissez Truc ?
— Nous venons de Gayleri, cria presque Carl, et Ayan est un enfoiré de...
— De violeur ? Ah ça oui, je m'en doute. Néanmoins, je pense que s'être pris une lampe de chevet dans l'entrejambe le calmera quelques temps.
Un léger sourire étira les lèvres de Carl et de Marina.
Finalement, la belle brune aux yeux bleus ne fut pas si compliquée à convaincre, et notre séjour au camping pas si long que ça.
***
— C'était Alan, le magicien prodige ! Un tonnerre d'applaudissements pour Alan !
Sous ce chapiteau de cirque, il faisait chaud et l'ambiance était étouffante, mais j'applaudis tout de même, la prestation d'Alan ayant valu le coup d'œil. Comme le cas Marina avait vite été réglé, nous avions choisi de nous occuper d'Alan le jour même, n'ayant rien à faire de l'après-midi.
Maintenant, le problème était de savoir comment récupérer ce garçon qui semblait timide et méfiant envers les inconnus.
— On sort, nous souffla Éléa. J'ai pas envie de crever de chaud en regardant un clown faire des blagues à deux balles.
***
— Donc, comment on va faire ? demanda Alix, de mauvaise humeur - pour changer.
— On va demander à rencontrer les artistes, et on avisera sur place, déclara Anniah.
On revint donc un peu plus tard, une fois le spectacle terminé.
— Bonjour, ce serait pour rencontrer les artistes, fit poliment Dylan à une femme dans l'entrée.
— Désolé, mais nous ne laissons personne les voir en dehors des spectacles.
— Et même avec ça ?
Je déposai une liasse de billets de cent euros sur le comptoir.
— Euh... je crois que je peux faire une petite exception pour vous, en fait. Je vous en prie, entrez, vous trouverez tous nos artistes soit dans leur caravane, soit sur le terrain derrière.
On passa par la porte derrière le comptoir, qui permettait directement de sortir sur le terrain où étaient installées les caravanes. Plusieurs personnes, de tous les âges, jouaient au centre d'un cercle formé par plusieurs véhicules stationnés là.
— Bonjour ! Que faites vous ici ? nous demanda un garçon de nôtre âge en nous apercevant.
— Nous cherchons Alan, fis-je, savez-vous où il est ?
— Oui. Mais il est vraiment bizarre, bonne chance pour lui parler. Il est derrière sa caravane, dit-il en désignant le véhicule le plus éloigné.
— D'accord, merci !
On s'approcha de ladite caravane, et on en fit le tour. Un garçon brun s'entraînait à viser une cible... non pas avec des flèches, mais avec des sphères de puissance rouges rubis qui sortaient de ses mains !
— Euh... bonjour ! lança Anniah.
Il se retourna d'un bond en sursautant : une sphère nous frôla avant de finir sa course contre une caravane voisine.
— Qui êtes-vous ?! s'écria-t-il en reculant d'un pas quand il constata que nous étions nombreux.
— On veut juste discuter, dit calmement Diane en levant les mains en signe de paix.
Alan me fixa de ses yeux bleus perçants.
— Pourquoi c'est l'une des plus jeunes d'entre vous qui prend les initiatives du groupe ? Ainsi qu'une blonde bizarre ?
— Car j'ai grandi en France, mais eux viennent de pays étrangers et ne parlent pas très bien français. Et la "blonde bizarre" est la plus responsable de nous tous.
— Que me voulez-vous ?
Au lieu de répondre, je me servis de mon don de Sonde. Il était en effet bien plus puissant qu'un humain normal.
— C'est bien lui, chuchotai-je aux autres.
— Hé, je vous ai posé une question !
— Je te l'ai dis, on veut juste te parler.
— Vous venez de le faire ! Partez, ou je vous ferai partir à ma façon !
— C'est-à-dire ? s'enquit Loís.
Alan lança à nouveau une sphère de pouvoir, en nous visant, cette fois.
D'un geste de la main, je mis en place un bouclier bleuté, que je fis disparaître une fois le danger écarté. Il écarquilla les yeux.
— Que... ?
— Et oui, gamin. T'es pas le seul à avoir des pouvoirs, ne put s'empêcher de dire Aris. Donc maintenant, sois tu repars avec nous de ton plein gré, sois on te ramène par la force.
Je lui mis un coup de poing dans l'épaule, en même temps qu'Anniah - il allait avoir de sacrés hématomes, à ce rythme là.
— Le tact, tu connais, idiot ?!
Alan pâlit et recula encore.
— Je ne vais nulle part... c'est ici que je suis à ma place !
— Dans un cirque ? demandai-je en haussant les sourcils.
— C'est le seul endroit où je peux exercer ces capacités étranges sans être pris pour un monstre. Car les gens croient aux trucages et aux effets spéciaux.
— Non, c'est faux, ce n'est pas le seul endroit.
— Bien sûr que si ! s'écria-t-il d'une voix tremblante. Le chef de ce cirque m'a adopté. Il est officiellement mon père adoptif. Je ne peux pas partir comme ça !
— Tu ne serais pas mieux dans un monde rempli de gens comme toi, où utiliser ses pouvoirs serait aussi naturel que de dire bonjour ?
— N-non.
Il tremblait et respirait rapidement.
— Ma famille de cœur se trouve ici, je ne l'abandonnerai pas.
Les yeux d'Arwen se remplirent de compassion à l'entente de ces mots.
— Tu sais, dit-elle, moi aussi, pendant un temps, je pensais comme toi. À ce moment, j'avais fui ma "vraie" famille et j'ai trouvé refuge chez leurs ennemis, qui m'ont tout de suite accueillie et traitée comme leur propre fille. Or, on ne peut pas fuir son passé éternellement.
— B-bien sûr que si, balbutia t-il. J'y arrivais très bien avant que vous n'arriviez.
— Mais combien de temps aurais-tu tenu ? Au fil des années, tes dons vont encore gagner en puissance. Tu ne pourras bientôt plus les faire passer pour de simples "tours de magie", et des gens te signaleront aux autorités. Tu veux vraiment finir sur une table de dissection ?
— N'importe quoi ! Arrêtez de m'embrouiller. Et partez ! Partez !
— Bon, je te l'ai déjà dis, s'impatienta Aris. Sois tu es un gentil garçon et tu nous suis sans faire d'histoires, sois tu continues à ce rythme et on te ligote pour te ramener.
Au point où nous en étions, cela ne servait plus à rien de frapper Aris, à part nous faire mal aux poings. En face de nous, Alan avala difficilement sa salive.
— Et pour aller où, au juste ? demanda-t-il lentement.
— Sur Gayleri. La planète d'où on vient.
— J-je ne vous crois pas. Foutez-moi la paix ! Vous êtes complètement malades !
— Tu veux vraiment finir ligoté ?
— Aris, ferme juste ta putain de gueule, s'énerva Éléa.
— Ce serait un enlèvement ! poursuivit Alan. Vous n'avez pas le droit de me menacer...
Il regarda désespérément derrière nous, espérant sans doute qu'un de ses camarades arrive. Or, personne n'arriva.
— Techniquement, nous sommes tous de famille royale sur Gayleri, donc nous avons tous les droits.
Alan pâlit encore plus et regarda le champ derrière lui.
— Si tu t'enfuis en courant, Dylan te rattraperas, fit distraitement Alix.
— C'est vrai que je suis le meilleur à la course, se vanta le concerné. Allez, mec, fais pas d'histoires et rentre avec nous !
Il hocha négativement la tête, tremblant.
— Alan, dit calmement Arwen. On ne te veut aucun mal, je t'assure. C'est juste... que tu descends de la personne la plus puissante de là où l'on vient. Ce serait terriblement dangereux de te laisser ici.
Elle avait raison, mieux valait ne pas l'embrouiller plus que déjà fait avec la vérité.
— J-je ne veux aller nulle part. Et personne ne m'y forcera !
Il se retourna et se mit alors à courir le plus vite possible qu'il pouvait dans le champ - et il courait vite, croyez moi.
— Je m'en charge ! dit Dylan en le suivant.
C'est vrai qu'il courait sacrément vite, lui aussi.
— J'ai mal au cœur pour ce pauvre gars, lâcha Diane.
— Oui, mais il est en danger sur Terre, en plus de mettre la Terre en danger, surtout s'il continue d'ignorer sa vraie nature. Il est dangereux pour cette planète, fit pensivement Loís.
Au loin, on put voir que Dylan avait plaqué Alan par terre. On se téléporta à côté d'eux, ignorant la fatigue temporaire liée à cet acte. Alan tentait d'échapper à la prise de Dylan en pleurant.
— L-lâchez moi je vous en prie, supplia Alan entre deux sanglots.
On détourna tous le regard.
— S-s'il vous plaît... j'ai juste peur... laissez moi partir...
Il réussit à se tortiller assez pour libérer ses poignets de l'emprise de Dylan, qui le remarqua aussitôt et les rattrapa d'une main.
Je me mordis le poing en murmurant :
— Oh... pourquoi est-il plus émotif que les autres, par les rois ?
— Je suis triste pour lui, là, renchérit Anniah.
— J'ai l'impression d'être trop cruel, c'est horrible, dit Dylan en évitant le regard de celui qu'il immobilisait.
— Mais v-vous l'êtes, sanglota Alan d'une voix tremblante. Je veux juste retourner avec les autres...
Même Aris évita son regard en lui nouant une fine corde autour des poignets pour que Dylan puisse le lâcher. Alan se débattait si faiblement qu'on se sentait tous trop mal pour dire quoi que ce soit.
— Il y a un problème ? s'enquit une voix.
Je relevais précipitamment la tête, archi soulagée.
— Dame Gayleri ! dis-je en m'inclinant poliment. Oui, en effet, on a un problème.
Elle posa son regard sur Alan, qui pleurait, résigné. Elle s'agenouilla à côté de lui pour être à sa hauteur.
D'une voix douce, elle lui demanda :
— Comment tu t'appelles, mon grand ?
Il essaya de répondre d'une voix pas trop tremblante.
— A-Alan.
— C'est un très joli prénom, Alan. Et, est-ce que tu sais qui je suis ?
— Non... comment je pourrais le savoir ?!
Il pleurait toujours, mais tentait de se calmer.
— Je m'appelle Gayleri. C'est mon prénom que porte la planète dont te parlaient ces gens, dit-elle en nous désignant d'un geste de la main. En fait, ta mère ou ton père était l'enfant de l'enfant de l'enfant de l'enfant de l'enfant de ma propre fille.
Il releva ses yeux rougis par les larmes vers elle, perdu.
— Tu l'as sûrement compris, je ne suis plus vraiment vivante, mais pas morte non plus. Mais tu en as déjà vu des comme moi avant, n'est-ce pas ?
Il hocha timidement la tête.
— Et à chaque fois, tu étais le seul à les voir ?
— O-oui.
— Tu sais, sans me vanter, je suis la plus puissante personne à avoir mis les pieds ET sur Gayleri, ET sur Terre.
Elle abusait un peu - le plus puissant était Sèrtio, le Fondateur, puis moi (allez savoir pourquoi, je cherchai encore), et enfin, elle. Mais bon, ç'aurait été trop long à expliquer.
Elle lui sourit doucement.
— Or, tu es mon descendant. Ce qui signifie que tu es le descendant d'une personne très puissante, et tu es un enfant qui as hérité de ces capacités. Avec le temps, tu deviendras de plus en plus puissant. Comme eux !
— Psychopathes ?
Elle rit et nous désigna à nouveau.
— Non, non. Ils manquent juste un peu de tact. Je te les présente. La brune, c'est Lucie. C'est aussi une de mes descendantes, donc une sorte de cousine éloignée. Eux, ce sont Aris et Arwen, des jumeaux. Ils ont une histoire assez complexe. Lui, c'est Dylan, lui, Loís, elle, Diane, elle, Anniah. Lui, c'est Carl, le demi-frère de Lucie. Il a la pire histoire de toutes, mais il n'est pas un de mes descendants. Et la dernière, c'est Alix. Elle n'est pas très bavarde.
Je ne comprenais pas pourquoi Dame Gayleri lui parlait autant. J'échangeai un regard dubitatifs avec les autres, quand enfin je saisis. Quand je lui avais dis, tout à l'heure, qu'on avait un souci avec Alan, elle l'avait vu en pleine crise de panique. Elle était donc en train de lui parler de tout et de rien pour le mettre en confiance. Ou du moins, d'essayer de rattraper un peu le manque total de tact d'Aris.
— Dis moi, Alan...
— Oui ?
— De quoi as-tu peur, là, maintenant ?
— J'ai peur de ce qui est en train de se passer, balbutia-t-il en baissant les yeux, blême. Tout dégénère et sort de ma routine. M-mais je ne veux pas partir ! Je veux rester !
Ouh là, question risquée. Il se remit à pleurer. Dame Gayleri ne se découragea pas - à se demander si elle n'était pas en réalité psychologue.
— Explique moi pourquoi, précisément.
— Je... j'ai grandi ici, avec les personnes là-bas... je ne veux pas partir... dans un endroit qui n'existe même pas !
Il n'ajouta rien, et Gayleri non plus. Néanmoins, je croisais rapidement le regard d'Alan et pus constater que quelque chose y avait changé : il avait dépassé sa crise de panique et semblait prêt à discuter avec nous.
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