☆ Chapitre 12 : rêves brisés ☆
Alerte : la première partie de ce chapitre parle beaucoup de la tentative de suicide de quelqu'un. Si ce sujet vous dérange, je vous recommande de passer à la seconde moitié du chapitre, qui change de sujet.
Le troisième prince Scriruslèmien
Pour la première fois de sa vie, il était hors de chez lui. Il était sur Terre. Et c'était sûrement pour la dernière fois.
À cette altitude, le vent était glacial. Mais il s'en moquait. Juste devant lui se trouvait un immense vide, mais il ne serait jamais aussi grand que celui qui préoccupait son cœur.
Il n'avait qu'à faire un pas et à se laisser tomber. Rien qu'un, et il chuterait du haut de cette falaise et finirait sa course dans la mer, immense étendue sombre et agitée.
Mais pas aussi agitée que son esprit.
Il avait encore le choix. Il pouvait reculer. Mais seconde après seconde, il réalisait qu'il ne voulait pas reculer. Bien au contraire.
Son envie de vivre s'était envolée en même temps que la certitude que son ancienne petite amie ne lui pardonnerait jamais en apprenant son identité.
Maintenant, plus rien ne le raccrochait à ce monde, plus rien ne le retenait de sauter.
Il s'approcha un petit peu plus du bord de la falaise. Derrière lui, il entendait des Terriens affolés lui crier de reculer et de ne pas bouger. Il avait un jour appris le français, d'ailleurs. Pourquoi ? Peut-être pour essayer de comprendre un peu plus une partie du monde que sa princesse défendait corps et âme aux côtés de l'autre Guerrera, sûrement.
Il se tourna lentement vers les Terriens. Le vent le poussait presque dans le vide, mais il voulait sauter de son plein gré, pas tomber à cause du vent. Il y avait un policier qui approchait à pas lents de lui, comme pour ne pas l'effrayer. Ce constat ne fit ni chaud ni froid au Scriruslèmien.
Il était vide. Il ne ressentait plus l'envie d'avancer, de continuer de vivre. Même respirer était un supplice pour lui.
Il ferma les yeux un court instant, et n'attendit pas plus. Il se laissa tomber du haut de cette falaise.
La sensation de se chuter était la plus plaisante qu'il n'avait jamais ressenti. Pour la première et dernière fois, il chutait à toute allure, sans ses ailes pour le ralentir et le réorienter. Un léger sourire naquit sur son visage. Il ne regrettait en rien ce qu'il était en train de faire.
Il heurta l'eau avec une violence inouïe. Il était maintenant trop sonné pour pouvoir réagir, et cela lui plut. D'avoir choisi de ne plus avoir le choix.
Il s'enfonça dans les flots sombres qui balançaient son corps. Il se laissait faire. Il avait, par instinct, bloqué sa respiration, et attendait de se sentir obligé pour respirer. Sa vue était trouble. Or, il ne paniquait pas. Il allait enfin laisser ce monde de mensonges et de douleur derrière lui.
Il inspira, et sentit la désagréable brûlure dans sa gorge provoquée par l'eau salée. Sa vue se troubla de plus belle. Alors qu'il allait enfin parvenir à ses fins, il vit une silhouette plonger juste au-dessus de lui. La personne lui attrapa le bras. Ses ailes furent assez puissantes pour les hisser hors de l'eau. Le plus jeune ferma les yeux, ayant réussi à inspirer sous l'eau la fois de trop.
Ayan balança presque son petit frère entre les bras de Kensaku sur une petite crique, qui entreprit de lui faire un massage cardiaque. L'ainé agita ses ailes pour les sécher le plus possible, ignorant les regards terriens et stupides braqués sur eux du haut de la falaise.
Quand il marcha de nouveau en direction de ses deux frères, des galets roulèrent sous ses pieds. Il s'accroupit à côté du plus jeune qui toussa de l'eau avant de reprendre sa respiration avec difficulté.
— Pourquoi tu as fait ça ? demanda sèchement Ayan.
— Je... j'en pouvais plus, dit le plus jeune en fondant en larmes, la tête repliée entre ses genoux.
Les deux plus âgés sursautèrent, et échangèrent un regard, surpris. Ils ne l'avaient jamais vu pleurer. Kensaku le prit maladroitement dans ses bras et Ayan lui caressa les cheveux avec hésitation. Comment calmait-on une personne suicidaire, au juste ? D'habitude, seuls les esclaves se mettaient parfois dans cet état là, et les deux blonds préféraient alors fermer les yeux pour se débarrasser du souffrant une bonne fois pour toutes.
— Je ne pensais pas que tu allais si mal, dit le blond aux yeux verts.
— J'ai besoin de savoir si tu comptes recommencer dès que nous aurons le dos tourné, demanda Ayan.
— Oui, répondit le Miracle entre deux pleurs. Je ne veux plus vivre. Je ne peux plus.
Son cœur était en miettes, brisé, anéanti.
— On va rentrer et discuter de cela calme-
— POLICE ! NE BOUGEZ PLUS ET ÉLOIGNEZ VOUS DE CE GARÇON !
Ils se relevèrent précipitamment, le plus jeune s'appuyant sur ses frères. Dans son dos, ses ailes se mirent également à battre. Des voitures de police les encerclaient. Des policiers armés leur bloquaient tout espoir de fuite.
Les agents semblaient terrifiés mais tenaient leurs armes avec courage. Ayan sortit trois pistolet de ses poches et les tendit à ses frères.
Alors que les Ailés allaient faire feu, un lourd filet métallique leur tomba dessus, les plaquant au sol. Les policiers se rapprochèrent sans cesser de les menacer de leurs armes.
Ayan réussit à se concentrer pour ouvrir une faille dans le sol. Il y poussa le plus jeune sans ménagement, et essaya de pousser Kensaku. Mais ce fut les moments que choisirent les policiers pour soulever le filet et attraper le plus proche d'eux, aussi dit le blond aux yeux verts, qui réussit à pousser Ayan dans la faille avant de la refermer.
Une aiguille s'enfonça dans son bras, et ses yeux se fermèrent presque aussitôt. Kensaku pensa qu'au moins, il avait pu refermer la faille, et que les policiers ne découvriraient pas l'existence de Scriruslème. Son père ne devrait pas trop lui en vouloir.
***
Kensaku
Quand le blond aux yeux verts reprit connaissance, il constata qu'il était presque entièrement dévêtu et allongé sur une table métallique. Il essaya de se relever, mais de solides chaînes retenaient ses poignets et ses chevilles. Un collier en métal l'obligeait également à ne pas lever la tête.
– Il est 16 heures 57, et le docteur Smith vient d'entrer dans la salle d'opération, énonça quelqu'un qui était sûrement en train de tout enregistrer.
Kensaku se débattit, mais il se sentait encore faible et les liens qui le retenaient étaient trop solides.
– Il est 16 heures 58. Le sujet est réveillé. Nous pouvons donc lui injecter un calmant qui le privera de l'utilisation de ses muscles et l'empêchera de ressentir la douleur, annonça la voix.
Je ne peux rien faire, pensa-t-il. Kensaku ne peut rien faire mais... mais Kensaké si.
Au même titre qu'Ayna pouvait devenir Ayéna et Ayan Ayané, Kensaku devenait Kensaké quand il cédait à ses pires pulsions meurtrières.
Un rictus mauvais étira ses lèvres. Il tira quelques coups sur ses chaînes qui cédèrent sans problème.
– Il est 17 heures 01, le sujet s'est libéré de ses chaînes avec une violence inouïe, il-
Kensaké mit un coup de poing à la femme, qui s'effondra, inerte.
Ses ailes se replièrent dans son dos, ce qui le soulagea instantanément.
Il passa les minutes suivantes à combattre des forces de l'ordre qui essayaient par tous les moyens de l'immobiliser.
Or, ils étaient de plus en plus nombreux. C'est quand un policier attrapa à deux mains l'aile droite de Kensaké qu'il, aveuglé par la douleur, baissa sa garde et offrit sans le vouloir le moyen à une infirmière de planter une nouvelle seringue dans son bras.
***
Quand il reprit de nouveau connaissance, il était de nouveau immobilisé contre la table métallique, et en prime, bâillonné.
– ... 23, les médecins renoncent à l'idée d'anesthésier le sujet pour mieux observer ses réactions.
Kensaku sentit un élan de terreur le gagner. Non, il ne devait pas avoir peur. Il arriverait à se sortir de là.
Pourtant, sa peur ne voulait pas disparaître.
– Le sujet ressemble à un humain. La seule chose qui différencie cette créature de nous sont les ailes noires qu'il possède. Elles semblent naturellement fixées depuis le milieu des omoplates jusqu'au bas de son dos. Elles sont noires et rappellent celles d'un corbeau.
Kensaku déglutit difficilement en voyant du coin de l'oeil le médecin Smith s'approcher de lui en enfilant des gants en latex blanc. Il portait également un masque chirurgical sur la bouche.
– Il faudra envoyer un échantillon de l'aile en question au laboratoire pour tester les points communs et noter ses particularités, continua la voix. Le sujet semble être un jeune adulte on ne peut plus banal, ayant entre dix-huit et vingt ans.
– Scalpel, demanda le chirurgien en se penchant au-dessus du Scriruslèmien.
– Il est 17 heures 27, le docteur Smith lance le premier prélèvement.
Kensaku essaya de se débattre de toutes ses forces en sentant la main de Smith plaquer son aile gauche contre la table en métal, ce geste étant particulièrement douloureux aux yeux du jeune Ailé.
Quand la lame aiguisée du scalpel commença à lui entailler le bout de l'aile, Kensaku se débattit de toutes parts en hurlant dans son bâillon. La douleur était tout simplement insupportable.
– Il est 17 heures 29. Le chirurgien Smith commence le prélèvement. Le sujet semble ressentir la douleur au même titre qu'un humain.
Le chirurgien en question continua de mutiler l'aile de Kensaku. Celui-ci n'arrivait même plus à se débattre tellement il souffrait. Et pour la première fois de sa vie, il se mit à pleurer sans cesser de crier dans son bâillon.
– Il est 17 heures 39. Première constatation : le sujet souffre autant qu'un humain. On en déduit donc que ses ailes sont des membres à part entière de son organisme. Deuxième constatation : le sujet peut pleurer. Troisième constatation : comme le sujet perd beaucoup de sang si l'on se précipite, le chirurgien Smith ralentit ses mouvements pour éviter de faire couler trop de sang.
À ce moment, Kensaku aurait accepté la mort avec plaisir. Il souffrait trop. Et le fait que le chirurgien ralentissait ses mouvements signifiait simplement qu'il le faisait souffrir encore plus lentement.
– Quatrième constatation : le sujet a cessé de se débattre, comme s'il était résigné. Cinquième const-
La porte blindée sortit de ses gonds et alla finir sa course contre la personne chargée de récapituler à haute voix. Ayéna entra, suivie d'Ayané et d'Amané. En moins de dix secondes, ils vinrent à bout de chaque médecin ou policier se trouvant dans la pièce. Ayané acheva le chirurgien en lui ouvrant la gorge avec son propre scalpel.
Amané se précipita vers son jumeau, et redevint Amana en quelques secondes.
– Kensaku, Kensaku, est-ce que tu m'entends ?! paniqua-t-elle en essayant de défaire ses liens.
Ce fut Ayan qui lui vint en aide, car elle tremblait tellement qu'elle n'arrivait à rien. Ayna regarda le cadavre du chirurgien avec une haine non dissimulée.
– Tu aurais dû essayer de lui prélever un bout de ses parties génitales, qu'il comprenne ce que Kensaku a ressentit, gronda-t-elle.
– Avec du repos et les soins des meilleurs médecins, tu te rétabliras vite, promit Amana à son jumeau en l'aidant à se lever.
Voyant qu'il était incapable de marcher, Ayan prit son jeune frère sur son dos avant de faire apparaitre une faille noire dans le sol.
***
– Toi, tu essaie de te suicider ! s'énerva le roi en giflant son plus jeune fils. Quel comportement irrespectueux ! J'ai honte !
L'adolescent ne répondit rien, ne bougea même pas. Il resta dans sa position, la tête légèrement tournée vers la droite suite à la gifle qu'il venait de recevoir.
Mourir, mourir, mourir. Je veux mourir.
– Et toi, mais alors, toi ! Assez stupide pour te faire capturer par des Terriens ! Et trop faible pour te sortir de là tout seul ! Non, évidemment, tu as eu besoin de tes deux sœurs et de ton frère ! Mais quel faible ! Tu me fais honte !
Il essaya de le gifler, mais ses quatres enfants s'interposèrent, y compris Miracle. Déjà que Kensaku tenait à peine debout même en s'appuyant sur Amana, alors si en plus il se faisait frapper, il ne se relèverait pas - plus.
En fait, des deux "victimes" du jour, aucune n'avait envie de se relever. Mais pourtant, ils allaient reprendre leur rôle de prince Scriruslèmien pour faire plaisir à leur père.
Car ils le devaient.
Ils s'y étaient habitués, de toute façon.
Sauf que là où Kensaku sentait déjà sa tristesse se transformer en rage, le plus jeune n'eut pas le même déclic. Lui, il continuait de souffrir en silence.
Mourir, mourir, mourir.
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