Écrit par Potato_0607 ❤️

PDV KEEFE

Notre première journée d'enfermement s'est achevée sans encombres particuliers ; Marulla sont rentrées peu avant le repas, exténuées mais contentes, Linh et Biana ont épaulé Foster toute la journée parce que sa migraine a empiré avec les heures, moi et les gars avons fait quelques parties de Conquête au milieu des bêtes du domaine mais sans les filles c'était pas très drôle alors on a arrêté, puis les adultes sont rentrés et nous ont dicté les règles et le programme de nos futurs jours ici : pas le droit de sortir, obéissance absolue envers les gardes du corps, qui vont nous apprendre à nous battre et à utiliser nos talents de manière offensive -- ne me demandez pas comment le mien va pouvoir être offensif ne serait-ce qu'une seconde, je n'en ai aucune idée --, et enfin ne pas se disputer -- consigne assez sensée, pourquoi n'y avons-nous pas pensé plus tôt ?

Je soupire en regardant le plafond, allongé dans mon lit d'appoint. Au-dehors l'orage gronde, et ça me fait du bien, mais en même temps ça me frustre, je ne sais pas pourquoi. Je regarde les autres dormir. Tam n'est pas rentré ce soir, alors nous sommes trois dans cette grande pièce, mais pourtant je me sens enfermé.

J'ai chaud.

Je me retourne pour tenter de faire partir ce sentiment désagréable, mais rapidement j'ai l'impression d'étouffer. Je dois sortir me dégourdir les jambes.

Ça me fait penser à Aluveterre, ça, songé-je en basculant mes pieds sur le sol pour me lever. Sauf que cette fois je n'ai pas de post-it pour me vider la tête.

Le pire c'est que je ne pense à rien de particulier. Mais le son de l'orage dehors me maintient bizarrement éveillé et en pleine forme.

Je sors de notre dortoir à pas de loup et jette un œil à l'escalier, mais je n'ai pas envie d'aller voir Foster, pour une fois. Pas envie du tout, même. Alors je fais l'introspection rapide des lieux où je pourrais aller, en quête d'un endroit où passer la nuit. Le salon ne me tente pas beaucoup -- quelle disgrâce ce serait si mes chers camarades se rendaient compte que je dors avec un pyjama couvert de gulons et d'alicornes --, mais je me retrouve donc à exclure le rez-de chaussée, ce qui ne me reste que le premier étage, que je connais particulièrement peu.

Devant moi se trouve le mur qui dessert les pièces de l'étage, et je me rends compte que la seule pièce que je connais ici, c'est la chambre de Jolie, pour l'avoir déjà vue une fois à la dérobée.

Je n'ai pas envie de fouiller, ce serait malpoli, me dis-je en moi-même alors qu'en réalité ça ne me dérange pas plus que ça, et ça me fait même un peu envie. Je vais aller dans la chambre de Jolie.

Je fais comme si je n'entendais pas mon cerveau me dérouler les mille bonnes raisons de fouiller en pleine nuit une maison qui ne m'appartient pas, et je me dirige vers la chambre de Jolie, qui libère une fraîcheur agréable aussitôt que j'y entre. Le lit est toujours là, ainsi que quelques meubles, mais sinon c'est assez vide. Surtout que le lit n'a de lit que le matelas et le sommier.

Bah, de toute façon j'ai trop chaud. Je commence même à transpirer, faudra vérifier demain que je ne tombe pas malade...

Je m'allonge sur le lit et regarde le ciel par la baie de la pièce, couvert de nuages si noirs qu'ils cachent les étoiles. En ayant cette vue, je me sens instantanément mieux, et j'ai un peu moins chaud.

Rapidement, je laisse mon esprit s'égarer vers cette guerre dont la menace plane sur nos têtes. Une guerre entre le Forkelnator et ma mère, j'aimerais bien voir ça. Mais qui gagnerait ?

On a des forces, et Sophie est l'une d'elles, mais eux ? Ils doivent être nombreux, et entraînés depuis bien plus longtemps. Mais selon cette prophétie, leur arme à eux, c'est moi...

J'ai un rictus.

Et à quoi je servirais ? Détecter le désespoir de l'ennemi ? Celui de Sophie ?

En temps normal, évoquer ce genre de scénario me tordrait le ventre, mais inexpliquablement, cette fois, j'en ressens une énorme satisfaction. Ce constat me fait peur, et je perds mon sourire.

Et si ma mère gagnait...

J'imagine le sang, la peur de tous mes amis et de ceux contre lesquels je vais devoir me retourner si la prophétie se réalise. Les bâtiments détruits, les morts.

Une image de Sophie me vient. Elle est pâle et ne respire plus.

Et là, devant ce cauchemar, je ressens à la fois l'horreur et le vide que je suis censé ressentir, mais aussi une joie atroce, qui me donne envie de rire. Je me redresse aussitôt dans le lit, pris de sueurs froides.

En fait, on va dormir par terre.