3. L'initiation
Je regarde le soleil se lever, il n'est que 4h30 mais il fait déjà chaud. J'admire les jardins depuis un moment déjà. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté depuis que je suis arrivée ici, le palais est calme, rien ne bouge.
Je soupire, je n'arrive pas à accepter ce qu'il m'arrive. J'ai rendez-vous dans 30 minutes avec Sirielle et je devrais partir bientôt si je retrouver la salle du trône sans me perdre. Regarder les jardins m'apaise. Mes yeux tombent toujours sur les statues des femmes, à part Alinore, je ne sais pas qui elles ne sont ni qui elles représentent mais elles m'intriguent. Les minces rayons du soleil font miroiter l'eau des fontaines et éveillent les insectes et les fleurs. Cet endroit semble comme hors du temps. Ce palais est en pleine jungle humide et à la chaleur étouffante tandis que les jardins gardent une atmosphère de fin d'été chez moi.
Mon regard se perd vers la cime des arbres et je plisse les yeux. Cette forêt me semble infini, peut-être que si j'arrivais à grimper plus haut que les arbres, je réussirais à avoir un aperçu de sa superficie. Même si la moiteur et l'humidité me donnent des indices : je suis quelque part dans l'hémisphère sud. L'Amazonie me vient immédiatement en tête mais il existe aussi des forêts vierges et tropicales au centre de l'Afrique.
Cela me parait évident que Sirielle et les autres Gardiennes se soient installés dans un endroit reclus et presque impossible à accéder. Une forêt immense et impénétrable me parait tout aussi inaccessible qu'un plateau à flanc de montagne.
Les tic-tacs de mon horloge me ramèrent à la réalité et je m'arrache de la fenêtre pour partir à la salle du trône. Je lisse mes nouveaux vêtements, distraite. Tard dans la soirée des servantes sont venues m'apporter une combinaison noire plutôt moulante avec des rangers. J'ai failli m'évanouir quand je l'ai vue. C'était la même combinaison que dans ma vision. Devoir la mettre à été horrible. Cette combinaison me fait peur. Elle représente un futur que je refuse de connaître et d'affronter.
Je sors de la chambre en essayant de me souvenir du chemin que j'avais emprunté la veille avec Coal mais peine perdue. Les couloirs se ressemblent tous, entre les dorures et les tapisseries je me perds vite. Quand je passe pour la troisième fois devant le même couloir je n'en peux plus. Je prends un couloir que je n'avais pas encore empruntée et j'avance tournant tantôt à droite tantôt à gauche. Quand je crois reconnaitre un escalier, je l'emprunte mais retombe sur un long couloir inconnu plongé dans la pénombre.
Pas à pas, je m'avance précautionneusement, bien consciente du changement entre les endroits que j'avais visitée auparavant dans ce château et cet endroit. La tentation de faire demi-tour me saisit mais un bourdonnement familier dans mon esprit attire mon attention. Il est différent de tous ceux que j'ai déjà vécu. Le bourdonnement se transforme en mal de crâne à mesure que je m'approche d'une pièce fermée par une porte en bois décorée richement. Je pose ma main sur la poignée et un hurlement me transperce l'esprit.
※※※
Je ferme la porte de ma chambre avec douceur et marche le long du couloir. Je jette un œil par la fenêtre et je vois des centaines de soldats et des guerriers du village. Apparemment eux aussi se joignent à la fête. J'aurais dû me douter que ce jour arriverait, après tout, elle reste une ennemie très puissante, de même qu'Isildor. Je prends une longue inspiration et replace la mèche de cheveux blonds qui me tombe devant les yeux. Je ne survivrai probablement pas à cette attaque mais je ne mourrai pas sans me battre. Elle a sous-estimé ma prudence. À l'heure actuelle, Sirielle est en sécurité loin de ce château, tout ira bien pour elle, la ligné des Gardiennes ne s'arrêtera pas. Je me détache de la fenêtre et continue d'avancer dans le couloir
Un raclement de gorge me fait tourner la tête vers mon plus fidèle domestique. Il s'approche de moi et, après une légère courbette me fait signe de le suivre. Lui aussi m'a trahi... Mais qui me reste-il ?
- Grande Immortelle Alinore, vous êtes attendue en salle du trône, me dit-il seulement.
- Combien sont-ils ?
Il se tourne vers moi, faisant semblant de ne pas comprendre mes dires. Ses yeux ridés trahissent sa peur, il n'est rien qu'un humain, il ne fait pas le poids face à moi.
- De qui parlez-vous, Grande Immortelle ?
Un ricanement moqueur s'échappe de ma bouche, même ce traitre ose prononcer mon statut sans trembler. Je m'avance vers lui et, d'un simple froncement de sourcils, l'empêche de s'enfuir. Influencer les esprits mortels est tellement facile. Je l'attrape par le col et plante mes yeux bleus dans les siens. Il se met à trembler et je lui souris avec sadisme.
- Dis moi s'ils sont également là.
Ma pression mentale le fait craquer. Ses yeux deviennent vides à mesure que je force son cerveau à tout m'avouer.
- Trois... trois d'entre eux sont là, chuchote-t-il. Ils font partie des plus fort.
Je lâche un juron avant de le relâcher, il ne m'est plus d'aucune utilité. Il se lève en titubant et pars en courant. Je n'ai pas besoin de lui pour me guider jusqu'à la salle du trône, je parcours les sols de ce château depuis bien plus de huit-cents ans que lui.
- Georges, dis-je sur un ton ferme.
Il se retourne et je sens sa peur d'ici.
- J'imagine que tu connais le châtiment réservé aux traites ?
Il ne répond rien et se contente de s'enfuir en courant. Je fais apparaitre un pic de glace entre mes mains et le projette dans son dos. Il s'effondre mort et je continue mon chemin jusqu'à la salle du trône. La mort est le châtiment réservé aux traites et je compte bien en emmener beaucoup avec moi dans ma chute. Je descends les escaliers lentement pour faire enrager les traitres et, à peine arrivée devant mon trône, une centaine de mes guerriers et des habitants d'Amilys m'ont en joue avec leurs arcs ou leurs épées.
- Alors c'est comme cela et à cet endroit que tout se termine ? demandé-je posément.
Isildor, que je n'avais pas encore vue, sort du rang de soldats.
- Oui ma Grande Immortelle.
Je peux sentir l'ironie qu'il s'amuse à appliquer dans ce titre. Il sait très bien que nous n'en avons pas fini lui et moi. Je regarde à travers les rangs des soldats mais je ne vois aucun d'eux. Je suppose qu'ils doivent attendre que je massacre ma propre armée pour m'achever. Je me redresse de toute ma hauteur, j'ai bien compris que ce jour serait mon dernier sur Terre alors autant mourir dans la dignité.
- Très bien... chuchoté-je en serrant les poings.
Je devance mes soldats déchus en créant une tour de terre venant les percuter de plein fouet. La moitié d'entre eux tombent sous la violence de mon élément et ils sombrent en hurlant de terreur et de douleurs. Il ne reste que l'autre moitié... Croyaient-ils que j'allasse les laisser me tuer sans me battre ? Que leur a-t-on promis pour qu'ils acceptent de se dresser contre ma magie ? Ils savent très bien qu'ils n'ont aucunes chances.
Les archers tirent leurs flèches vers moi mais je me protège avec ma tour de terre. Je me concentre quelques secondes le temps de visualiser l'eau dans la fontaine devant le Palais. L'eau s'élève dans les airs et vient percuter dans le dos la partie restante de mes agresseurs.
Il ne reste plus qu'Isildor et eux. Ils se cachent toujours... Peut-être établissent-ils une stratégie ou alors ont-ils trop peur pour m'affronter ? Même si je ne survis pas aujourd'hui, je n'ai qu'une certitude, Isildor le paira.
※※※
Je retire précipitamment ma main de la poignée, la respiration hachée. Qu'est-ce qu'il vient de m'arriver ? Je n'avais jamais vécu ce genre de choses en voyant des souvenirs. J'étais Alinore. Ce constat m'effraie et me fascine en même temps. J'étais dans la peau d'une Gardienne ayant vécu des centaines d'années avant moi. Je respire doucement pour me calmer et analyser la situation. J'ai vécu le jour de la mort d'Alinore à travers ses yeux, j'étais elle.
Je me mets en route vers la salle du trône, le chemin à présent gravé dans ma mémoire. Déjà, le souvenir se fait plus flou et certains détails commencent déjà à s'échapper. J'ai l'impression de vouloir me rappeler à tout prix d'un rêve. Cependant, le nom d'Isidor est gravé dans ma mémoire ainsi que celui de Sirielle. Est-elle au courant de la manière dont est morte sa prédécesseur ? Peut-être peut-elle voir les souvenirs également ?
Quand je pose les pieds dans la salle du trône, je m'attends presque à voir les hommes de l'armée envahir la pièce. Mais il n'y a que Coal qui semble m'attendre. Dès qu'il m'aperçoit, il me sourit et s'approche de moi.
- Je suis en retard ? demandé-je, inquiète de mettre en colère Sirielle dès ma première leçon.
- Non tu es pile à l'heure, m'annonce-t-il.
Il tourne les talons et je le suis sans hésitée, replongeant dans mes pensées. Soudain, un détail me frappe en plein visage. Alinore possédait des pouvoirs magiques, elle contrôlait l'eau et la terre. Comment est-ce possible ? Les Immortelles sont juste... immortelles, pas des magiciennes ni des sorcières ! Si Alinore possédait une telle magie, pourquoi personne n'était au courant ? Les soldats ne paraissaient même pas choqués !
Pendant que je réfléchis, Coal entre dans un minuscule vestibule et je le suis. Il me fait signe de fermer la porte derrière moi et j'obéis, intriguée. Il se tourne vers moi et me montre une porte d'un signe de tête.
- Seuls les Gardiennes ont le droit d'entrer dans cette pièce. C'est ici que tu te rendras tous les jours pour ton initiation.
Il me laisse passer devant lui et je pousse doucement la porte, m'attendant à recevoir un souvenir n'importe quand. Finalement, rien ne m'apparait et je rentre en jetant un dernier regard à Coal. Il me sourit pour m'encourager et je referme la porte derrière moi.
Je me retourne vers la pièce plongée dans le noir, je n'ai aucune appréciation des distances et elle m'a l'air minuscule. Le silence est total et seul le bruit de ma respiration semble donner vie à ce lieu. Puis j'entends des pas, un mot fut prononcé dans la nuit et une lumière venue de nulle part illumine la pièce. Je plisse les yeux, éblouie par cette lumière.
Sirielle est au milieu de la pièce, droite, le visage levée vers moi, elle attend, sa robe dorée brillant au soleil. Une fois que mes larmes ont fini de couler le long de mes joues pour s'habituer à l'obscurité, je me rends compte que cette pièce est immense. Sirielle me regarde puis s'assoit par terre. Je l'imite et le silence s'installe. Cet endroit me fait penser à une salle de danse. Du parquet clair et lustré recouvre le sol et d'élégantes colonnes forment une arabesque en direction du plafond. Les mêmes enluminures de fleurs et le symbole des Gardiennes sont sculptés un peu partout sur les colonnes.
Un bourdonnement assiège de nouveau l'arrière de ma tête et des dizaines de souvenirs semblent se superposer. Je suis de nouveau Alinore, puis Sirielle, des noms et des souvenirs se mélangent brutalement dans mon esprit.
- Pourquoi ?
Je me tiens devant ma maitresse qui, excédée, pose son épée. Son visage fin et volontaire affiche un certain mépris. Je me redresse et lui fait face, mes yeux bleus de biche planté dans ses iris noire en amande. Pour notre cours, elle s'est détachée de son traditionnel habit rouge pour une tenue d'homme, un pantalon évasé et une tunique modeste, dessinant délicatement la finesse de son corps. Je dois bien avouer que dans cette tenue et avec cet air énervé sur le visage, Kumiko me fait peur.
- Pourquoi ? me répond-t-elle en soupirant. Ecoute Alinore, tu es jeune, tu viens à peine de découvrir tes pouvoirs et cet univers, tu ne peux pas encore comprendre correctement ses enjeux.
- Je le sais très bien mais j'ai également une intuition qui me pousse à ne pas leur faire confiance ! Contrairement à vous !
Un nouveau soupire s'échappe des lèvres de la Gardienne alors qu'elle s'avance vers moi, ses longs cheveux de geai attachés en une queue de cheval ondulant dans son dos à chaque pas. Je sens le vent caresser ma peau. Nous sommes dans une pièce fermée, le vent se lève toujours quand Kumiko est énervée.
- Je ne suis pas de leur côté. Certains de leur choix ne me plaisent guère mais certains d'autres ont permis de sauver des centaines de vies. Je me méfie d'eux autant que toi mais tant que nous n'avons pas d'autres alliés aussi puissants qu'eux, autant ne pas faire d'eux nos ennemis.
- Vous êtes lâche, craché-je avec mépris.
Elle m'adresse un petit sourire en coin et, sans prévenir, je suis propulsée plusieurs mètres en arrière. Je me cogne la tête contre le parquet avant de me redresser. Je serre le poing mais Kumiko hausse la voix.
- N'utilise pas ta magie, je n'ai pas envie de détruire ce palais à cause d'une dispute sans grande importance. Je suis peut-être lâche, mes années passées sur le champ de batailles ne représentent peut-être rien pour toi tant que je ne les combats pas eux. Nous ne les affronterons en face pas avant plusieurs siècles. A ce moment je serais déjà morte et toi aussi.
L'Immortelle quitte la pièce sans rien ajouter et je me relève, les poings serrés. Pourquoi faut-il qu'elle est quelqu'un qui puisse lui montrer l'avenir ! Je suis Immortelle, pourquoi devrais-je donc mourir ! Je marche vers la porte avec une seule certitude, je ne mourrais jamais, je le refuse.
※※※
Je réouvre les yeux et prend une longue respiration hachée, comme si j'étais en apnée durant tout le temps du souvenir. Sirielle n'a pas bougée mais me regarde attentivement. Je mets quelques secondes de plus à revenir à la réalité et à m'extraire des pensées d'Alinore. Serais-je toujours assiégée de souvenirs ? L'image de la guerrière asiatique, peut-être était-elle Chinoise, plane toujours dans mon esprit. Elle semblait... tellement arrogante. Alinore la détestait et ses pensées influent et biaisent ma pensée. Kumiko aussi pouvait contrôler la magie, le vent. Qu'est-ce que les Gardiennes gardent encore comme secret ?
- Bien, déclare finalement Sirielle, je vois que tu as découvert ton pouvoir psychique.
Je la regarde à nouveau, tellement perdu dans mes pensées que je l'avais oubliée.
- Des pouvoirs psychiques ?
Elle me sourit en le faisant signe de me taire.
- Toutes les Gardiennes ayant existés possédaient deux types de pouvoirs, psychique et magique. Les pouvoirs mentaux, comme ont les appellent également, sont des talents uniques à chaque Immortelle. Mon pouvoir psychique est d'être capable d'emmener mes yeux ou je veux sur cette Terre sans avoir à bouger de mon palais et également à entrer en contact avec les humains à travers leur rêve. Le tiens est plus complexe et plus puissant. Le passé n'a aucuns secrets pour toi.
- Comment vous le savez ?
- Il t'es déjà arrivée de voir des fantômes du passé n'est-ce pas ?
J'acquiesce, perplexe.
- Mais j'imagine que, depuis que tu es ici, d'autres souvenirs, plus réels te parviennes. Elle prend le temps de réfléchir avant de parler quand elle me voit de nouveau lever la tête de haut en bas. Ces souvenirs sont ceux des Gardiennes, reprend-t-elle, ils sont plus rares et différents des autres. Ainsi, tu peux découvrir des morceaux de leur vie, des moments qui ont impacté la leur plus que tout les autres. Ces souvenirs survivent à travers le temps, comme s'ils étaient vécus la veille.
- Vous ne possédez pas ce pouvoir ? Alors tout ce que l'on apprend sur vous est un mensonge ?
Elle sourit avant de m'expliquer que certains secrets se devaient d'être gardés. Sirielle n'a pas le pouvoir de lire le passer comme moi, d'ailleurs, aucune Immortelle n'en avait le pouvoir. Alinore pouvait influer sur les esprits des autres, ce qui me permet de comprendre pourquoi le domestique lui a tout avoué. Kumiko, la Gardienne avant elle, la femme de mon deuxième souvenir, possédait une intelligence supérieure. Le pouvoir psychique de la première Gardienne est en revanche inconnue.
Finalement, Sirielle me laisse poser la question qui me brûle les lèvres.
- Vous savez faire de la magie ?
La Gardienne sourit.
- Oui, en effet, nous possédons toutes des pouvoirs, de la magie si tu préfères. Ces pouvoirs sont en lien avec les quatre éléments. Personnellement je peux contrôler le feu et l'air.
J'ouvre la bouche pour poser encore une fois un milliard de question mais Sirielle se lève et, d'un coup, comme dans mon souvenir, le vent envahis la pièce. J'ai l'impression que ma mâchoire se décroche du reste de mon visage quand l'Immortelle décolle du sol. Elle lévite quelques secondes avant de reposer pieds sur Terre. Elle m'adresse un petit sourire amusé.
- Je pourrais faire pareil ?
Elle hausse les épaules.
- Je ne sais pas encore quelle magie tu possèdes, c'est différent pour chaque Gardienne et elle ne se déclarera surement pas avant plusieurs mois. Alinore savait manier la terre et l'eau, Kumiko et la première Gardienne, les quatre éléments. Elles étaient extrêmement puissantes.
- Comment est-ce possible que tout le monde ignore vos pouvoirs ?
- Nous nous sommes toujours cachés pour pratiquer la magie, c'est pour cela que cette partie de nos pouvoirs sont inconnus. Seul l'Immortalité a été révélé à l'humanité. Qui sait ce que certains serait prêt à faire pour un peu de magie.
Elle se rassoit face à moi et je comprends que connaitre l'histoire des Gardiennes et du monde va être très long.
- Bon, revenons aux bases veut-tu ? Tu te trouves dans la salle des gardiennes ou salle des Immortelles si tu préfères. Sirielle regarde autour d'elle, je l'imagine revivre ses souvenirs, ceux que j'ai pu entre-apercevoir en arrivant ici. Ici tu apprendras la signification de l'immortalité, tes droits et tes devoirs en tant qu'Immortelle. Tu apprendras à te servir de tes dons, magique comme psychique. Mais surtout, c'est ici que je t'apprendrais le savoir des Immortelles. Toute l'histoire du monde t'appartiendra, puis, tu la transmettras à ta future remplaçante.
Elle se tait, je respire plus vite qu'avant. Je stresse, je vais découvrir la véritable histoire des Hommes. Pas celle des livres d'histoire. Des gens serait prêt à tuer pour être à ma place. Maintenant que je sais que la magie existe, quel autre mythe pourrait-être la réalité ?
- Bien entendu, reprend-elle, ce travail sera long et difficile, mais ne t'inquiète pas tu y arriveras. Ton initiation prendra fin à tes vingt ans. Tu as énormément de choses à apprendre.
Je faillis m'étouffer. Jusqu'à mes vingt ans ?
J'en ai encore pour cinq ans d'initiation !
- Je conçois que pour toi cinq ans c'est très long, mais c'est le minimum pour que tu comprennes ce qu'il t'entour. Mais ne t'inquiète pas, cela passera très vite.
Hum...
Je me rappelle le souvenir que Sirielle m'a envoyée il y a seulement une semaine. Cela fait seulement deux jours que je suis ici, pourtant j'ai l'impression que c'était il y a déjà longtemps. Dans mon souvenir, je suis sûre que je n'ai pas vingt ans. Ce souvenir se passe sûrement dans mon futur proche, c'est obligé. C'est peut-être un entrainement de Gardienne ?
- Tu vas également devoir apprendre à te battre.
- À me battre ?
- Oui, le monde est dangereux.
J'ai beau insisté, elle reste de marbre et ne répond à aucune de mes questions. Pendant plus d'une heure Sirielle me parle de ses pouvoirs, m'explique comment elle fait pour les utiliser. Je ne savais pas que ses pouvoirs étaient si prodigieux. Elle commence à me raconter l'histoire des Gardiennes, des dates et des noms de lieux mais mon cerveau sature déjà. Sirielle semble le remarquer et met fin au cours.
- Je crois qu'il est tant que tu ailles prendre ton petit déjeuner, me dit gentiment Sirielle.
Je la remercie et avant de quitter la pièce, je me tourne une dernière fois vers elle
- Savez-vous qu'une Immortelle a été tuée dans ce château, Alinore ?
Sirielle se fige et me regarde, abasourdie.
- Comment ? souffle-t-elle si bas que j'ai du mal à entendre. Quel souvenir a tu vus ?
- J'étais à sa place et elle était attaquée par des soldats de sa propre armée !
La Gardienne Immortelle se lève et marche vers moi, le visage défait.
- Tu... l'as-tu vue mourir ?
Je secoue négativement la tête et elle semble rassurée.
- Non, mais elle n'arrêtait pas de penser qu'elle allait mourir ce jour-là.
Je lui explique rapidement le souvenir. Elle me demande si seul Alinore utilisait la magie. Je lui réponds que oui en fronçant les sourcils. Elle vient de me dire que seuls les Gardiennes possédaient de la magie.
- Oublie ce souvenir, me dit-elle doucement. Certes ce qu'il s'est passé est vraiment arrivée mais tu n'avais pas à être confronté à des batailles à peines arrivée ici.
Je la regarde sans comprendre. Elle savait qu'Alinore était morte ce jour-ci ? Après tout, Alinore avait prononcé son nom. Sirielle doit voir l'incompréhension dans mon regard puisqu'elle décide de m'en apprendre plus.
- Alinore était mon instructrice, c'était la Gardienne avant moi. C'est elle qui m'a tout appris sur la vie de Gardienne. Bien sûr je savais qu'elle avait été tuée par une partie de ses soldats, mais... le fait que tu l'ais vue combattre, cela réouvre des blessures que je croyais refermées à jamais.
Il y a un long silence puis Sirielle fini par reparler.
- Il faut que tu ailles manger maintenant, me dit-elle sur un ton sans appel.
Je quitte la salle avec des interrogations plein la tête. Finalement quand je ressors de la pièce aux Gardiennes, il est presque dix heures du matin. Je me rends à la salle à manger accompagnée d'une domestique. Elle s'incline et me laisse seule devant la porte.
Quand j'entre il n'y a personne. La domestique m'a expliquée que les gradés de l'armée prenaient leurs repas très tôt et que Sirielle mangeait très rarement le matin. A cette heure je serais donc presque toujours seule quand je viendrais manger.
La pièce est plutôt grande, une table longue de plusieurs mètres avec une dizaine de chaises en bois et en velours se tient au milieu. Plusieurs fenêtres illuminent doucement la salle à manger. La tapisserie est neutre mais lumineuse.
Je marche tranquillement sur un tapis si épais que mes chaussures s'enfoncent à l'intérieur. Une fois assise sur la chaise qui m'est attitrée, plusieurs hommes et femmes vinrent m'apporter mon petit déjeuner. Un bal de robe, de chemises et de plateau se mettent à danser autour de moi. Au bout de quelques secondes je suis à nouveau seule dans la salle à manger. J'ouvre la bouche de surprise quand je vois le nombre de plats qui sont posé sur la table. Je ne sais pas quoi prendre.
Soudain, la porte en bois de hêtre de la salle à manger s'ouvre sur Sirielle. Elle rentre doucement dans la pièce et vient s'assoit à l'autre bout de la table. Je ne dis rien, je ne sais pas quoi dire.
Quand je regarde à gauche de Sirielle je vois le buste d'Alinore. C'était la troisième Immortelle, en tout il y en a quatre, cinq si je me compte.
La première Immortelle n'est pas très connue et même son nom s'est perdu au fil du temps. Elle était considérée comme une sage à son époque puisqu'elle me mourrait pas. Sirielle m'a avouée que personne ne connaît sa date naissance ni de mort. Elle ne sait même pas quel âge elle avait quand elle est morte, juste qu'elle mourut en tombant d'une falaise. Son savoir fut perdu à jamais. Peut-être que si j'utilisais ma magie pour retrouver ses souvenirs, son savoir sera de nouveau accessible ?
La seconde, Kumiko, apparu plusieurs siècles après, un peu avant le début du moyen-âge en Chine. Elle était vraiment très puissante et à participer à de nombreuses batailles pour son royaume avant de venir s'installer dans ce palais, loin des Hommes. Elle mourut après avoir enseigné le tour ce qu'elle savait à Alinore. Dans le souvenir que j'ai vu, Alinore venait à peine de découvrir l'existence des Gardiennes.
Pour finir, Alinore vécu de la fin du moyen-âge à la moitié de la Renaissance. Elle est née en France et a été sans aucun doute la Gardienne ayant vécu le plus longtemps, environ mille ans. Mais la suite fait froid dans le dos. Elle transmit son savoir à Sirielle, la quatrième Immortelle. Je serais donc la cinquième Immortelle de la terre après mon initiation. Je me demande soudain ce que deviendra Sirielle, va-t-elle redevenir mortelle et mourir ou bien partir loin d'ici ?
Je garde la tête fixée sur mon assiette. Je ne pense pas que poser cette question soit une bonne idée alors je me tais. Sirielle n'a pas l'air d'avoir envie de discuter alors notre repas se termine en silence. Je retourne ensuite dans ma chambre, ma première séance de combat n'aura lieu que cet après midi. A peine entrée, je me laisse tomber sur mon lit, cette séance m'a fatigué plus que je ne le croyais.
Mon regard se pose sur mon téléphone qui n'a pas bougé de sa place sur la table de nuit depuis hier soir. Je m'en veux soudain d'avoir déjà oubliée mes parents alors qu'ils doivent être morts d'inquiétude. Mais d'un autre côté, je suis soulagée d'avoir des choses à faire qui m'obligent à ne pas penser constamment à eux et à ma vie d'avant pour ne pas déprimer.
J'essaie de les appeler mais aucunes réponses. Le plus étrange dans tout cela c'est que je possède du réseau et Internet en pleine jungle. J'hausse les épaules avant de m'allonger dans mon lit, après tout ce n'est pas la chose la plus étrange que j'ai vue en ce début de journée.
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