Point de vu de Luxus...

Je sors du bureau du vieil homme et me dirige vers une des salles de réunion où m'attend déjà mon équipe. En chemin vers celle-ci, je ressasse ses paroles. Ma plus longue mission a duré pratiquement un an. Nous devions protéger des convois qui transportaient des vivres et du matériel dans des zones sinistrées. Nous devions faire des reconnaissances de terrain et déterminer les meilleurs itinéraires. Il s'agissait autant d'une mission d'escorte et de protection, que d'une mission de surveillance. Plusieurs fois nous sommes tombés dans des embuscades tendues par des groupes de pillards. J'ai écopé de ma cicatrice lors de la dernière échauffourée, la plus sanglante d'ailleurs... Freed venait de se faire assommer par l'onde de choc d'une explosion qui l'avait envoyé contre un mur, Ever était en difficulté, presque à cours de munitions, et Bixrow avait été durement touché à l'épaule. Il perdait beaucoup de sang... Je lui avais ordonné de faire pression sur sa blessure et de limiter ses mouvements. Il ne pouvait plus se défendre qu'avec son arme de poing.

En réalisant la situation presque désespérée dans laquelle nous nous trouvions, j'ai tenté le tout pour le tout. J'ai réussi à abattre les derniers ennemis qui nous menaçaient. Du moins, je le croyais. Mon ultime adversaire a jeté une grenade qui m'a étourdi pendant plusieurs secondes. Un laps de temps suffisant pour réussir à me désarmer et m'attaquer. Dans mon malheur, j'ai eu la chance que son orgueil ai pris le pas sur sa vigilance. Nous nous sommes engagés dans un combat à mains nues jusqu'à ce qu'il sorte une lame et qu'il tente de me crever un œil. J'ai eu le réflexe de m'écarter mais pas assez vite. Il a réessayé mais n'est pas arrivé à ses fins. Malgré le sang qui gênait ma vision j'ai réussi à passer derrière lui et à le maîtriser avec une clé d'étranglement, lui faisant d'abord perdre connaissance. Cependant, nous avions reçu l'ordre de ne faire aucun prisonnier... alors je n'ai pas desserré ma prise. Même sans cet ordre j'aurai pris cette décision. Celle de l'achever. Qui sait ce qu'il aurait pu faire s'il avait réussi à se libérer ? Il aurait pu s'en prendre à mon escouade et c'est quelque chose que je n'aurais pas toléré. Ils ont été assez blessés alors que c'est mon devoir de les protéger...

Je soupire. Cette mission m'a hantée pendant un long moment. Je crois que ce qui m'a le plus marqué, c'est le sentiment que je perdais le contrôle. Et j'ai détesté ça...

Enfin, s'il a autant insisté sur la durée de celle qu'il nous confie aujourd'hui c'est qu'elle peut s'avérer plus longue encore... Ce n'est pas une information à prendre à la légère. Au contraire, c'est toute une organisation à prévoir, un bouleversement du quotidien, de nos habitudes. Surtout avec un groupe aussi restreint. Et puis, une protection doit être soigneusement pensée... Tout le monde ne peut pas le faire.

J'entre dans la salle et prends soin de fermer derrière moi pour qu'on ne soit pas dérangé. Je ferme également les stores de la vitre donnant sur le couloir pour protéger les données confidentielles. Au même moment, mon portable vibre dans ma poche. Mon grand-père a envoyé les infos dont j'avais besoin pour le briefing. Timing parfait. Je reste debout, face à eux. C'est une équipe plutôt atypique que j'ai réussi à constituer. J'ai gagné leur loyauté et ils me sont entièrement dévoué désormais. Ils pourraient me suivre en Enfer s'il le fallait.

Evergreen, la seule femme présente dans cette pièce, possède une chevelure châtain clair et un corps très féminin. En mission, elle utilise son charme pour séduire les cibles et leur soutirer des informations qui peuvent s'avérer cruciales. Elle dit toujours que c'est grâce au sang de fée qui coule dans ses veines qu'elle est irrésistible... Qui suis-je pour briser ses rêves ? Elle est également une experte en explosifs. Que ce soit pour créer une bombe ou la désamorcer, elle connaît tout à leur sujet.

Freed est un homme, disons, assez étrange par moment. Il a teint ses cheveux en vert et les porte longs bien que le règlement stipule qu'ils doivent être courts et il n'a pas forcément la carrure qu'on s'attend à voir chez un militaire. Jamais personne n'a réussi à s'approcher de lui avec une tondeuse ou des ciseaux. C'est notre expert linguistique et informatique. Capable de parler une bonne dizaine de langues et de craquer les codes de sécurités les plus élaborés. Il est également un trappeur hors pair.

Bixrow est tout aussi étrange que son équipier. Très peu de gens peuvent se vanter de l'avoir vu sans son masque ou ses lunettes. Son excuse ? Il veut protéger ses yeux à tout prix. Étant notre sniper je peux comprendre son point de vu, mais un truc médiéval comme le sien ? C'est quand même extrême... À côté de ça, il a plusieurs drones de reconnaissance qui lui permettent de quadriller rapidement une zone et de repérer rapidement les intrus sur le terrain. Il en prend soin comme s'il s'agissait de ses propres bébés. Il leur a même donné des noms, c'est pour dire...

Les trois attendent que je prenne la parole. Je branche mon téléphone à l'ordinateur portable et télécharge le fichier que le vieux m'a envoyé par mail. Aussitôt, l'écran derrière moi s'illumine pour montrer plusieurs documents, dont la fameuse lettre. J'explique dans les grandes lignes ce qu'il m'a dis et nous prenons connaissance tous ensemble des détails de cette mission.

- Voici maintenant notre cible, dis-je en ouvrant le fichier correspondant.

J'écarquille les yeux en découvrant celle que nous devons protéger. Une sublime créature à la longue chevelure constituée de fils d'or, ramenée en chignon d'où s'échappent plusieurs mèches. De grands yeux d'un brun envoûtant et aux reflets de miel. Elle est habillée d'une robe rouge sophistiquée et on ressent toute la noblesse de sa posture. Tout en elle crie la beauté et l'élégance. Chacun des traits de son visage est délicat, que ce soit la hauteur de ses pommettes, la ligne de son nez ou la courbure de ses lèvres. La forme de ses sourcils ou la longueur de ses cils... La couleur de sa peau... Elle semble aussi fragile que de la porcelaine et dégage une douceur telle qu'on jurerait voir un ange. Le sourire qu'elle arbore est tout simplement magnifique. Je pourrais passer ma vie à le contempler.

Cette jeune femme est la plus belle qu'il m'ai été donné de voir. Mon cœur loupe un battement alors que je me laisse subjuguer par ses yeux de biche.

- Boss ? m'interpelle Bixrow. Tout va bien ?

- Oui... Oui. Tout va bien, dis-je en reprenant mes esprits, légèrement énervé d'avoir été perturbé par une simple photo. Où en étais-je ?

- Tu nous expliquais que nous devions protéger cette charmante demoiselle le temps qu'elle trouve un mari.

- D'ailleurs j'ai une question, intervient Ever. Enfin, plutôt deux ou trois en fait. La demande de protection a été demandée par son père, mais elle, est-ce qu'elle est au courant ? Ensuite, où allons-nous loger ? La plupart du temps nous sommes sous couverture et nous prenons un hôtel ou nous profitons d'une planque, mais là il faudra être au plus près d'elle. Et enfin... Si le commanditaire est mort, comment sommes-nous payés ? On a besoin d'argent pour entretenir notre équipement, nous fournir des munitions etc.

- Premièrement, l'argent a bien été viré sur notre compte. Papi a approuvé le transfert. Ensuite, nous devrons loger au manoir. Si cette héritière est réticente à notre présence nous devrons lui rappeler que c'est son père qui en a décidé ainsi en nous chargeant de sa sécurité. Cependant, elle est apparemment au courant, ou du moins en partie. C'est elle qui aurait envoyé la lettre d'après le mot qui l'accompagnait, dis-je en affichant l'élément en question.

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À l'attention de Monsieur Makarov Drear,

Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais vous vous souviendrez sans doute de mon père. Jude Heartfilia. Il a combattu sous vos ordres durant la guerre...

J'ai le douloureux devoir de vous informer qu'il est décédé. Avant de disparaître il m'a confié une volonté. Celle de vous remettre cette lettre par tous les moyens. Je ne sais pas ce qu'elle contient, je ne l'ai pas lue. J'espère simplement qu'elle vous parviendra sans encombre.

Avec tout mon respect pour l'homme qui a veillé sur mon défunt père adoré,

Lucy Heartfilia.

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Les quelques traces de larmes au bas du papier prouvent que ces mots ont été difficiles à écrire pour elle. Chacun de nous médite en pensant à cette jeune fille qui n'a pas tremblé une seconde avant de signer, alors qu'elle venait juste de perdre son dernier parent et était assaillie par le chagrin. Nous connaissons tous la souffrance engendrée par la perte d'un proche. Nous ne pouvons que compatir à sa douleur.

- Quand partons-nous ? demande Freed, brisant le silence qui s'était installé dans la salle.

- Dans deux heures, indiquais-je. Je veux tout le monde au hangar numéro 8. Je vais demander à ce que le matériel que nous ne pouvons pas emporter dans l'immédiat nous soit livré de nuit. L'obscurité offrira une couverture parfaite. Vous pouvez disposer, les congédiais-je.

- À vos ordres, clament-ils en se levant pour effectuer le salut militaire avant de partir se préparer.

Je reviens un instant sur le visage de cette jeune femme. J'espère presque que la photo a été retouchée pour l'embellir... Si elle est aussi sublime je suis mal. Elle est tout à fait mon type et devoir la côtoyer chaque jour sera une torture. Surtout si je l'entraîne. J'ai un code moral strict. Aucune exception. Et je ne sais pas pourquoi, mais je prédis que cette mission va me donner du fil à retordre.

Je soupire et débranche mon téléphone. Je dois me préparer également. J'établis une liste mentale tout en me dirigeant vers mes quartiers. Tout le matériel d'entraînement ne peut pas être transporté dans l'immédiat mais nous devons prendre un maximum de choses dans la limite de poids et de place de l'hélicoptère. Priorité donc aux tenues, armes, objets de première nécessité et matériel médical. Je fais mon sac mécaniquement. Chaque élément a une place prédéfinie pour optimiser l'espace. Tout doit être soigneusement empaqueté. Satisfait, je regarde l'heure. Je balaie ma « chambre » du regard pour vérifier que je n'ai rien oublié et prends mes différents sacs pour me diriger vers le hangar.

Sans surprise, je suis le premier sur place. J'ai tout loisir pour ranger mes affaires et commencer les vérifications d'usage avant le décollage. Le trio arrive peu après moi. Nous travaillons en silence. Aucun bavardage inutile durant l'inspection de l'appareil. Nous finissons cette tâche quand j'aperçois mon grand-père qui se dirige vers nous.

- Garde à vous soldats, ordonnais-je d'une voix forte et sans appel à mon équipe.

Nous nous mettons tous les quatre en rang devant le petit homme qui nous regarde avec un sourire affectueux, les bras croisés dans le dos.

- Repos soldats. Vous savez que ce n'est pas nécessaire avec moi, souffle t'il. M'enfin... Je ne vais pas dénigrer votre éducation. Je suis simplement venu vous rappeler que je ne tolérerai aucune imprudence.

- Permission de parler ? demandais-je.

- Permission accordée.

- Comment as-tu su que nous étions ici ? Ce hangar est réservé à ma brigade et je n'ai aucun accord à demander pour utiliser son contenu.

- Ever, Freed, Bixrow. Vous pouvez retourner à vos tâches, leur indique-t-il avant de se retourner vers moi pour me répondre. Tu es prévisible. Tu te donnes toujours à fond pour accomplir une mission. Je n'ai eu qu'à penser au moyen le plus rapide pour t'y rendre. Ce n'était pas compliqué !

- Tss... pas moyen d'avoir la paix, laissais-je échapper furtivement.

- Je ne suis pas encore sourd espèce de petit morveux ! s'égosille t'il en fronçant les sourcils.

- Pardon, maugréais-je de mauvaise grâce.

- Excuses acceptées. Et la prochaine fois, viens à mon bureau avant de partir ! Je ne suis plus tout jeune. Penses un peu à mes pauvres guiboles qui doivent traîner ma vieille carcasse dans toute la base juste pour dire au revoir à mon petit-fils et à mes enfants adoptifs.

- J'y penserai la prochaine fois grand-père...

- Bien. Et s'il te plaît, ne sois pas trop dur avec Lucy. Cette petite me fait de la peine... Elle n'a pas besoin que tu la malmènes en plus de tout ça.

- Je ne te promets rien. Tu sais comment je suis, tranchais-je.

- Je sais, soupire t'il. Les dernières recrues que tu as formé ont fini traumatisées. Cinq d'entres elles ont même dû consulter un psychologue car elles n'arrêtaient pas de parler d'un démon blond qui hantait leur sommeil. Tu ne peux donc pas me reprocher d'avoir essayé...

- C'était des hommes à la mentalité de fillettes qui se plaignaient au moindre effort. Même Lisana, qui est plutôt chétive, faisait mieux qu'eux. Mais là n'est pas le sujet. Je peux te demander un service ? À l'origine je pensais appeler la base à notre arrivée mais puisque tu es là... expliquais-je.

- Hum. Ça dépend lequel, répond-il, légèrement réticent à première vue.

- Nous ne pouvons pas emporter tout notre matériel avec l'hélico. Une fois que nous serons un minimum installés, je reprendrais contact pour faire rapatrier ce qu'il nous manque. Je n'ai pas envie que ceux qui en ont après elle voient débarquer tout un régiment alors est-ce que tu pourras programmer ça de nuit ? Je te ferais une liste de ce qu'il nous faudra.

- Bien sûr que je peux ! Pour qui me prends-tu gamin ?!

- Pour un vieux grincheux pervers qui planque des magasines pornos dans le tiroir droit de son bureau et qui passe une partie de son temps à mater sous les jupes des femmes. Fais gaffe à pas avoir une plainte sur le dos pour harcèlement sexuel... débitais-je le plus naturellement du monde.

- Petit insolent ! Qui m'a flanqué un casse-pieds pareil dans les pattes ?! rumine t'il en réfléchissant sans doute à un châtiment approprié.

- Toi aussi tu vas me manquer grand-père, avouais-je.

- Reviens en un seul morceau cette fois. Je n'ai pas envie de te recoudre. Et ça vaut aussi pour ton équipe, bougonne t'il.

- Je t'enverrais nos rapports sans faute, le rassurais-je juste avant que Freed ne m'informe que l'appareil est prêt à décoller.

Je le remercie d'un hochement de tête et me retourne vers celui qui m'a élevé à la mort de mon père. Il n'y a pas d'embrassade ou quoi que ce soit. Ce n'est pas notre genre. Nous échangeons juste un regard entendu puis il s'en va une seconde plus tard. Nous ne sommes pas doués pour ce qui est de nous dire au revoir ou adieu, chaque mission comportant un risque que je ne revienne pas. Mais l'idée de narguer la mort est bien trop séduisante et c'est ce qui me pousse à vivre ma vie au gré des demandes des clients. Et puis, rien ne nous empêchera de rester en contact cette fois.

Mes camarades n'attendent plus que moi désormais. Les bagages sont rangés, le toit du hangar ouvert, le plan de vol établi... Je monte dans l'hélicoptère et m'assois à côté d'Evergreen. Je m'attache et mets le casque sur ma tête pour pouvoir communiquer avec eux pendant le vol. Ce dernier va durer plusieurs heures avant que nous n'arrivions enfin à destination. Je me demande quelles surprises me réserve cette mission...