Il reconnut tout de suite l'écriture de son père mais ça ne lui en disait pas plus sur la signification de ce qui était écrit sur la couverture. Il était convaincu qu'il s'agissait d'un code mais qui voulait dire quoi ? Qui donnait accès à quoi ?

   Quand il ouvrit la première page du carnet, le mystère s’épaissit. Le même code était écrit en rouge en haut de la page.  Tout juste en dessous, il y avait  écrit un autre code du même genre en vert : O11161181. Un autre code en bleu tout juste à la droite du vert indiquait : V97141514. Trois autres codes en violet étaient écrits côte à côte en bas du bleu. Le reste de la page était couvert de codes du même genre, ils commençaient tous par une lettre et se terminaient par des chiffres. Mais contrairement aux sept premiers qui attirèrent son attention, tous les autres étaient en noir.

   Il passa un long moment devant le carnet à essayer de deviner la nature de ces codes. Quand il croyait enfin savoir de quoi il s'agissait, quelqu'un sonna avec véhémence chez lui. Il bondit une nouvelle fois hors de son lit. Il prit des photos du carnet avec son téléphone. Il rangea le carnet dans la boîte et remit le tout à sa place au fond de l'armoire. Il verrouilla ensuite les photos sur son téléphone de manière à être le seul à y avoir accès.

   La personne écrasa une deuxième fois la sonnette. Terry prit une grande inspiration avant de vérifier, par le judas, l'identité de son visiteur. Il soupira en découvrant que c'était Achille. Il lui ouvrit. Il déboula dans le salon en bousculant son hôte. Il était contrarié et il n'essayait pas de le dissimuler.

- Qu'est-ce que tu as foutu avec la princesse ? attaqua-t-il. Elle m'a appelé pour me dire qu'elle ne voulait plus de toi sur sa mission.

- En quoi le fait que je ne participe plus à sa fameuse mission vous contrarie autant ?

    Il ferma les yeux et se mit à respirer lentement pour retrouver son calme. Il fit signe à Terry de s'asseoir. Il s'assit à son tour.

- Le Creed est lié au royaume de Septa depuis près de deux décennies. Ils financent nos activités et en retour, nous leur obtenons ce qu'il souhaite posséder si tu vois ce que je veux dire. Alors quand tu te fais exclure d'une mission aussi importante parce que tu veux poser tes conditions, c'est tout le Creed qui est exclu. En d'autres termes c'est vingt ans de partenariat que tu fous en l'air en montant sur tes grands chevaux. Voilà ce qui me contrarie autant dans le fait que tu ne participes pas à sa fameuse mission.

- Vous avez dû omettre ce partenariat dans votre Powerpoint sur le Creed. Quoi qu'il en soit, j'ai été admis au sein du Creed parce que je suis excellent quand il s'agit de voler des choses ou de berner des gens. Je n'ai pas intégré le Creed pour me plier aux volontés d'une vieille princesse qui couche avec des jeunes pour se convaincre qu'elle est jeune. Je ne suis et ne serai l'objet de personne. Je sais que je suis l'un des meilleurs membres de l'organisation, mais je ne vous laisserai pas m'utiliser pour obtenir plus de sous du royaume de Septa.

- Mais ça fait partie du business Terry ! Alors si elle veut que tu la baises, demande lui à quelle profondeur.

     Terry étouffa un rire.

- Le rôle du gentil toutou vous va bien. Mais comme je le lui ai déjà dit, si je dois coucher avec elle, ce sera parce que je l'ai voulu. Pas parce qu'elle m'y aura forcé. Par respect pour vous, je serai sur sa mission si je la juge raisonnable. Mais ça n'ira pas plus loin.

- C'est déjà un bon début, répondit Achille. Mais franchement, je ne vois pas comment tu peux dire non à cette femme. Si tu ne couchais pas avec la fille du commissaire, j'aurais cru que tu étais gay. Tout ça montre à quel point vous les jeunes manquez de goût.

- C'est justement parce que je suis déjà avec Jessica que je refuse de coucher avec cette femme.

- Ne me dis pas que tu es amoureux de cette fille Terry. Ce serait la pire nouvelle de la journée.

    Terry éclata d'un grand rire.

- Amoureux ? Moi Terry ? Je me sers d'elle pour surveiller son père, c'est tout.

    Achille hocha la tête d'admiration.

- C'est donc pour ça que tu t'acharnes autant à sortir avec elle ? Ça me laisse vraiment sans voix.

    Le jeune eut un sourire en coin.

- Je suis un professionnel. Je ne peux en aucun cas tomber amoureux de la fille de mon ennemi.

    Achille se leva. Terry l'imita. Il prit la tête de son poulain entre ses mains.

- C'est bien petit. Nous exerçons un métier très dangereux, aussi la prudence est de mise dans chacun de nos choix et dans chacune de nos actions. N'oublie jamais cela.

    Il le lâcha et se dirigea vers la porte.

- Et au fait, le gala annuel se tiendra samedi prochain. Je t'enverrai le numéro de mon tailleur pour qu'il te fasse un beau costume.

   Il ouvrit la porte et à la surprise des deux hommes, Jessica entra dans le salon. Tous les deux la regardèrent d'un air abasourdi.

- Vous allez me dire que vous ne m'avez pas entendu frapper à la porte depuis ? s'exclama cette dernière devant leurs têtes.

   Achille lui adressa un vague signe de tête avant de sortir.

   Dès qu'il referma la porte derrière lui, Jessica se retourna vers Terry les bras croisés.

- Ça fait combien de temps que tu es là ? risqua-t-il.

- Assez longtemps pour apprendre que tu te sers de moi pour surveiller mon père !

    Terry resta sans voix pendant une fraction de seconde.

- Ce n'est pas ce que tu crois Jessica.

- Je sais.

- Quoi ?!

    Elle haussa les épaules.

- Diminuer ma valeur à tes yeux auprès de lui pour qu'il n'essaie pas de s'en prendre à moi en cas de complications. C'est un classique ça. J'étais surprise qu'il l'ait gobé. On devrait quand même rester prudents.

- Ça commence par ne pas parler de tout ça sans s'assurer qu'il soit vraiment parti.

    Il l'enlaça par la taille.

- Ne sois pas surprise si du jour au lendemain je te demande en mariage.

- Tu voudrais que je devienne ta femme ?

- Oui je le veux.

    Jessica alla s'asseoir.

- Tu es vraiment sérieux ?

    Il vint s'asseoir près d'elle.

- Je le suis. Laisse-moi juste le temps de me sortir de toute cette merde dans laquelle je me suis fourré et on pourra l'envisager plus sereinement.

- Comment comptes-tu te sortir de cette merde, dis-moi.

    Elle se leva et se mit à tourner en rond dans la pièce comme une lionne en cage. Il se leva à son tour et la rejoignit.

- Je l'ignore pour le moment, mais je trouverai bien ne t'inquiète pas.

    Elle se laissa lourdement tomber dans l'un des canapés.

- Mais qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer avec mon père ? s'enquit-elle. Qu'il va te pardonner et balayer tout ça sous le tapis parce que sa fille est amoureuse de toi ? Tu crois qu'il va plaider en ta faveur auprès du juge parce que je suis heureuse avec toi ?

    Elle prit sa tête entre ses mains, le regard perdu droit devant elle.

- J'aurais dû arrêter cette relation dès la minute où j'ai su qui tu étais vraiment. Mais non ! Il a fallu qu'on arrive jusqu'ici. Jessica aime les mauvais garçons. Le plus ironique c'est que je connaissais bien l'issu de cette relation avant même de m'y engager.

- On est bien là, répondit Terry en s'agenouillant devant elle.

- Mais jusqu'à quand ? répliqua-t-elle. Jusqu'à quand serons-nous bien ? Jusqu'à quand échapperas-tu à mon père ? Et surtout jusqu'à quand continueras-tu de risquer ta vie dans le monde du crime ? Je tiens beaucoup à ma famille. Je ne couperai les ponts avec eux pour aucune raison. J'ai toujours voulu que mon père m'accompagne à l'autel à mon mariage et ça n'a pas changé. J'ai toujours voulu que ma mère donne un de ses longs et inspirants discours, ça non plus ça n'a pas changé. Et toi, tu es tellement pris dans ton monde… Je ne veux pas passer mes journées à m'inquiéter pour toi comme je le fais déjà. Mon cœur s'emballe à chaque fois qu'un numéro inconnu m'appelle, j'ai peur qu'on m'annonce le pire. J'ai peur Terry… Il n'y a que quand je t'ai devant les yeux que je suis un tant soit peu rassurée. C'est ça la vie que tu veux pour moi ?

    Il s'assit en tailleur sur le sol.

- Mais je ne te demande pas de te marier à l'insu de qui que ce soit. Je ne suis pas tombé du ciel tu sais, j'ai des gens que j'aimerais voir à mon mariage moi aussi. Et je...je...

- Tu quoi Terry ?! s'impatienta-t-elle. Ne vois-tu pas où je veux en venir ?

    Il baissa la tête.

    Il comprenait très bien sa position à elle. Il n'avait jamais avoué ses motivations dans le monde du crime à qui que ce soit, ni à lui-même d'ailleurs. Il n'avait pas d'idée claire de comment il y était entré et ce qu'il y cherchait réellement.

- Je vois très bien où tu veux en venir. Tu te demandes si je finirai par quitter le monde du crime ?

- Je veux surtout savoir si tu aimes ce que tu fais. Et s'il devait arriver que tu choisisses entre ton monde et moi, quel sera ton choix ?

- C'est toi mon monde. Tout ceci n'a pris de sens que quand je t'ai rencontrée. Où que je sois, quoi que je fasse, il y a toujours cette voix dans ma tête qui me guide. Elle me dit toujours quoi penser, quoi dire et quoi faire. Mais la première fois que je t'ai vue, cette voix s'est tue. J'en ai vu des belles femmes, des reines de beauté, des tops modèles, des hôtesses et j'en passe. Slim, svelte ou thick [1]. Noire, clair ou métisse. Mais devant aucune d'entre elles cette voix dans ma tête ne s'est tue. Elle n'écoute personne, moi y compris. Mais devant toi, elle s'est tue pour t'écouter. C'était une sensation totalement inédite. Ça peut paraître insensé mais à ce moment précis j'ai su que je te voulais dans ma vie avant même de te connaître. Et maintenant que je te connais, je suis prêt à tout pour t'avoir pour toujours dans ma vie.

- Même si ça implique que je sois constamment en danger ? Que je passe mon temps à me faire du mauvais sang pour toi ? Que je te vois toujours en cachette chez toi ? Que tu ne puisses pas assister aux moments importants pour moi parce que tu es recherché par mon père ? C'est la vie que tu voudrais pour moi ? Est-ce que tu aimes au moins ce que tu fais ? Ou tu le fais les mains liées par je ne sais quelle force ou quel contrat ?

    Il se leva et alla se chercher une bouteille d'eau. Il revint s'asseoir en tailleur devant Jessica.

- Qui peut autant aimer risquer sa vie ? répondit-il enfin. Je suis peut-être doué pour ça, mais je ne le fais pas par amour. J'ai une conscience aussi tu sais.

    Il ferma les yeux pendant un moment.

- J'ai un instinct qui ne me trompe jamais, dit-il en les rouvrant. Quand je néglige mes intuitions, je le regrette tout de suite après parce que mon intuition ne me trompe jamais. Il y avait ces deux hommes qui sont venus voir mon père environ deux semaines avant sa disparition. Malgré leurs bonnes apparences, ils avaient un air menaçant. Le genre de personnes à te glacer le sang rien qu'en t'adressant la parole. Quand je les ai vus s'enfermer dans le bureau de mon père avec ce dernier, j'ai compris qu'il avait des ennuis. Mon père était un banquier de renom, et qui dit renom dit beaucoup de gros clients dont des personnes peu recommandables comme ces deux-là. Ils ne sont venus que deux fois à la maison. Mon père sortait toujours lessivé de ces entrevues ce qui me fit comprendre que ce n'était pas des visites de courtoisie. Alors quand mon père a disparu, je savais que la chose à faire, pour découvrir ce qui lui est arrivé était de rechercher ces hommes. Alors me voici quelques années plus tard, membre d'un grand réseau de criminels, avec en supplément toute la police de la ville à dos.

    Elle se pencha vers lui et attira sa tête contre sa poitrine.

- Je pense que ton père aurait souhaité que tu ne risques pas ta vie pour essayer de le retrouver. Regarde où on en est grâce à ton instinct. C'est à la police d'enquêter sur la mort des gens. C'est à eux de découvrir les circonstances de son éventuelle mort.

- Ce n'est pas aujourd'hui que ça va arriver vu leurs compétences.

   Jessica lui jeta un regard noir. 

   Elle a été fille de policier toute sa vie. Alors quand il s'agit des blagues sur la police, elle n'appréciait pas beaucoup. Jusqu'à un certain âge elle voyait encore son père comme un superhéros alors quand on dénigrait, sans gêne, son travail devant elle, elle le prenait très mal.

- Il faut que j'y aille, dit-elle soudain.

    Elle ramassa son sac et quitta l'appartement.

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[1] Thick : Ronde