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Paloma Fauvette

Je ne suis pas coutumière de ce genre de journaux idiots. En fait, la dernière fois que j'en ai ouvert un, ça devait être alors que j'étais encore étudiante. Les gros titres tapageurs pour finalement ne parler que de petits événements sans importances, ça me fatigue, je trouve ça ridicule. Mais ce matin, je n'ai pas eu d'autre choix que de faire semblant que tout cela m'intéressait. Quand Tody m'a tendu le journal du jour avec un rire gras, j'ai su qu'il y avait découvert une chose qui allait potentiellement m'agacer.
— Vois dont un peu ce qui lui arrive à ton p'tit Anglais, a-t-il fanfaronné, et j'ai tendu la main pour prendre le torchon qu'il me tendait.

« Mon p'tit Anglais », c'est Robin Hawk, impossible de s'y tromper. Quand nous étions adolescents, Robin et moi étions dans la même classe, ses parents avaient quitté l'Angleterre pour s'enterrer dans un petit village français sans intérêt. Je n'ai jamais compris pourquoi. Et s'il est vrai qu'à une époque nous nous tournions un peu autour, l'attention que me portait un élève plus âgé a eu tôt fait de me détourner du bel étudiant étranger et de ses manières qui nous paraissaient si distinguées à nous, enfants de paysans ou d'agriculteurs.

Cet élève plus âgé est devenu quelques années plus tard mon époux, et j'ai pris son nom prêtant à sourire, tout comme les trois enfants que nous avons eu ensemble. Parfois, je me demande ce qu'aurait été ma vie avec un autre homme, avec cet Anglais élégant, par exemple, mais à quoi bon ? Ça ne réécrira pas le passé, ni mes erreurs.
J'ouvre donc le canard local qui amuse tant Tody et découvre le visage en gros plan de Robin dans sa tenue de facteur.

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ridicule ?
Mon mari ricane.
— Pas trop de regrets d'avoir choisi le gros boulanger, après tout, hein ?
Je soupire et quitte la table du petit-déjeuner.
— Cette histoire remonte à 25 ans, Tod, passe à autre chose.
Ça le fait rire. Malgré les années, j'ignore encore s'il est terriblement peu sûr de lui ou s'il ne fait ça que pour m'énerver. Dans tous les cas, je n'ai ni le temps de l'amuser ni de le perdre à tenter de le comprendre. J'attrape mon sac, embrasse ma fille cadette qui termine ses céréales et m'enfuis telle une voleuse. Heureusement que j'ai mon magasin, passer la journée avec lui à la boulangerie, comme je l'ai fait pendant les dix premières années de notre mariage, je n'en serais plus capable.

Aujourd'hui, la journée devrait être calme à la graineterie, nos gros clients, les fermiers du coin, sont tous passés la semaine dernière, à croire qu'ils s'étaient donné le mot, et les particuliers qui nous fréquentent essentiellement pour notre grande sélection de vrac viennent plutôt après 17 h, alors, avec Malia ma jeune vendeuse, nous décidons d'occuper cette matinée en procédant à un grand rangement.
— Ça fait des semaines que je veux revoir le rayon des semences, certains légumes ne sont jamais achetés juste parce qu'ils ne sont pas assez mis en valeur. Va chercher le trans-palette dans la réserve, s'il te plaît.
Cette gamine parle peu, mais semble capable de toute faire, tout porter ou déplacer, même le logiciel que l'on utilise pour gérer les stocks et qui semble avoir été conçu par un crétin qui pense qu'un inventaire ne peut être que l'ensemble des conneries ramassées en route par son avatar dans Minecraft, ne lui a pas résisté longtemps. Si elle pouvait seulement être un rien plus souriante avec les clients, j'estimerais avoir touché le gros lot le jour où elle a déposé son CV à la boutique.

Je suis à genoux devant l'étal des fruits à coque, quand la clochette de l'entrée retenti et qu'un homme que je ne connais pas entre.
C'est rare les étrangers dans notre petite bourgade, encore plus dans un magasin aussi spécifique que le mien, c'est pour ça qu'il retient mon attention. Voyant qu'il semble chercher quelque chose en particulier, je lui propose mon aide, mais il la refuse poliment dans un français approximatif. Pendant vingt minutes, je le laisse donc parcourir les allées et note qu'il semble surtout intéressé par la partie animalerie du magasin. Quand il passe enfin en caisse avec un sac de graines pour oiseaux exotiques, j'en profite pour lui demander s'il vient d'emménager dans la région, s'il habite la vieille ferme à l'entrée du village ou l'appartement au-dessus de la poste, seules habitations en vente dans les environs d'après ce que j'en sais, mais il ne parvient pas à me répondre, visiblement incapable de comprendre ce que je lui demande.

Ma curiosité n'est pas satisfaite, mais le travail ne va pas se faire tout seul, et je finis donc par m'y remettre en compagnie de Malia.
Comme prévu, la journée se passe sans autre événement majeur et quand ma jeune employée me quitte, il est tout juste 17 h et il reste encore au soleil quelques heures de répit avant de tomber sous l'horizon. Quand je descends finalement le volet métallique sur la vitrine, après avoir fermé la porte à clef, il n'est pas encore 19 h et, pas très emballée à l'idée de retrouver Tody qui va, je le connais, en remettre une couche au sujet de Robin, je m'invite chez ma meilleure amie après m'être assurée qu'elle est bien disponible pour une soirée Netflix-pizza.

Il n'est pas loin de minuit quand je la quitte, peut-être un rien trop pompette, mais il faut dire qu'en grande amatrice de vin, Taka possède la cave la plus remplie à des kilomètres et que sa vision de l'hospitalité comprend invariablement l'ouverture de l'une ou plusieurs de ses meilleures bouteilles. Surtout quand je débarque à l'improviste comme aujourd'hui et qu'elle comprend instinctivement que je vais encore ressasser mes années lycée.
Ce n'est pas que je n'aime pas Tody, enfin, je l'ai aimé, ça, c'est sûr, et aujourd'hui, oui, probablement que je l'aime toujours un peu, enfin, je suppose. On ne resterait pas ensemble s'il n'y avait plus rien entre nous, ce n'est pas dans notre nature, du moins, je crois. Mais à bientôt 45 ans, je ne peux m'empêcher de me demander si, vraiment, j'ai toujours pris les meilleures décisions et si ma vie, telle qu'elle est aujourd'hui, est la meilleure version d'elle-même. Je ne pense pas spécifiquement à Robin en disant ça, je suis passée à autre chose depuis longtemps. D'ailleurs, le fait qu'il soit toujours à traîner ses savates dans ce village moisi après autant d'années, à se complaire dans son petit job de facteur, me pousse à croire que je n'aurais pas été plus heureuse avec lui. Mais alors quoi ? Qu'aurais-je pu faire autrement pour ne pas me retrouver dans cette situation ?

Comme elle n'habite qu'à deux rues de chez moi et que je suis à pieds, Taka me laisse rentrer seule, malgré mes quelques verres dans le nez. En même temps, si on met de côté Robin avec ses poules démoniaques, personne ne s'est jamais fait agresser dans notre petit patelin et c'est le cœur un peu plus léger que je rentre à la maison, satisfaite à l'idée que mon mari est en train de dormir et que demain matin, normalement, il aura oublié cette histoire de volatiles. Je parcours en silence les quelques mètres qui séparent la rue de Taka de la mienne en passant par la grand-place composée presque exclusivement de magasin et glisse à œil au mien qui dort paisiblement de l'autre côté de la fontaine municipale, quand je perçois à travers la vitrine grillagée le faisceau d'une lampe torche. Quelqu'un est en train de cambrioler ma boutique !

Est-ce le vin, l'adrénaline, l'amour que je porte à mon petit magasin ou un subtil mélange des trois, qui me pousse à agir ? Quoi qu'il en soit, en moins de deux minutes, j'ai rejoint la porte arrière, laissé un message vocal à Tod et contacté le poste de police de St-François-les-oies, le plus proche du village, mais tout de même distant de quinze kilomètres. L'officier m'a recommandé de ne pas m'approcher du magasin et d'attendre l'arrivée de ses collègues, mais je ne peux pas rester sans rien faire alors qu'une sale petite fouine arpente mon bien sans s'inquiéter des conséquences.

Je me glisse de la réserve attenante au magasin à proprement parler et me met à déambuler en silence dans les allées pas si nombreuses de ma mini-surface. Rien du côté du café en grains, certains pots, remplis, valent pourtant plusieurs centaines d'euros. Le nouveau rayon de graines de fruits et légumes ne semble pas non plus au goût de mon voleur, quelle impolitesse, quand je pense qu'il vient d'être réorganisé. En passant entre les étagères suivantes, je plonge la main dans le bocal de noisettes et emporte le plus gros des ustensiles en métal proposé sur le présentoir en bout de rayon. Qu'il approche cet abruti, qu'on voit s'il fait toujours autant le malin.

Pourtant, j'ai déjà parcouru trois rayons et n'ai entendu aucun bruit, vu aucune lumière de torche. Un instant, je me demande si je n'ai pas halluciné, s'il ne s'agissait pas du reflet d'un lampadaire, et ma motivation en prend un coup. Peut-être aussi que je suis juste en train de réaliser ce que je fais et où je me trouve. J'ai bu beaucoup trop de vin ce soir, qu'est-ce que je fais là ? S'il y a vraiment quelqu'un dans le magasin, je suis en train de risquer ma vie. Alors, non, elle n'est peut-être pas parfaite, ni comme je la rêvais, mais j'y tiens quand même un minimum. Qu'est-ce qui m'a pris ? Inquiète, tout à coup, je relâche la tension dans mes doigts une fraction de seconde et sens, incrédule, deux noisettes m'échapper. Le temps qu'elles mettent pour aller de ma main au sol me semble durer une éternité. Je devine, plus que je vois, dans l'obscurité quasi-totale, les deux petits fruits se détacher de leurs compagnons et s'envoler. Ils courent à la rencontre du plancher en bois, un plancher qui a le bon goût de ne pas grincer quand on marche dessus, mais qui n'absorbe en aucun cas le double POC et la roulade effrénée qui s'en suit.

Paralysée, j'attends, priant pour n'entendre aucune réaction, pour découvrir d'ici une ou deux secondes les étals baignés dans les flashs de bleu et de rouge provoqués par le gyrophare salvateur. Au lieu de ça, un frottement, une sorte de glissement étouffé, me parvient du fond du magasin, de l'espace animalerie. Il y a bien quelqu'un avec moi dans cette pièce, et cette personne va devoir passer devant moi pour rejoindre la sortie. Qu'ai-je fait, bon sang ?
Dans un mouvement instinctif, je glisse à mon tour jusqu'au rayon le plus proche. Des présentoirs de savons et de shampoings solides se déploient devant moi. J'ai toujours trouvé leur manque de teintes festives triste, mais le naturel se doit de n'être décliné qu'en gamme de beige et brun. Une bénédiction pour la peau, vantent les commerciaux chargés de les refourguer aux petites enseignes comme la mienne, une aubaine pour la marque qui, non-contente de se payer une image pro-nature, réalise de formidables économies en colorants, d'après moi.

Le frottement se refait entendre, plus proche cette fois, et je retiens ma respiration en distinguant une ombre se dessiner sur le rayonnage d'en face. Une seconde plus tard, l'homme entre dans mon champ de vision, de dos. Il me cherche et dans sa main, je reconnais l'une des pelles à grains qui se trouvent, en temps normal, dans les silos au fond du magasin. Il va se retourner et me voir, et alors lui seul sait ce qu'il me fera. Cessant de réfléchir, choisissant de suivre mon instinct, en espérant ne pas le découvrir trop rouillé, je m'avance vers lui et d'un mouvement sec, envoie quelques noisettes supplémentaires sur sa gauche alors que je fais un pas sur sa droite. Sans surprise, il se retourne dans cette direction, la pelle levée pour frapper, mais ne trouve personne, et le temps qu'il termine de tourner sur lui-même pour me faire face, je lui jette le restant des fruits secs au visage. Surpris, il a un mouvement de recul et porte sa main libre à ses yeux, me laissant le champ libre pour lui assener un premier, et dans la foulée un second, coup de casse-noix dans l'entre-jambes.

Gémissant, l'homme tombe à terre et je suis tentée d'en remettre une couche pour m'assurer qu'il ne puisse plus bouger, mais à ce moment, la sirène tant attendue accompagnée de son spot bicolore se fait entendre.
Je fais de grands gestes à travers la vitrine et je crie.
— C'est ouvert à l'arrière ! Faites le tour !
Et en quelques minutes, les lumières ont été rallumées, l'homme menotté et une couverture est posée sur mes épaules. Un vieux flic moustachu tente de me sermonner quant à ma conduite, mais trop heureuse d'être encore en vie, je ne l'écoute que d'une oreille, savourant un café péruvien que je viens de me moudre derrière la caisse.

Alors qu'ils font sortir le voleur, que j'ai été incapable d'identifier, mais que j'ai reconnu comme étant mon curieux client de ce matin, j'entends des voix s'élever dans la réserve et découvre, stupéfaite, Tody en pyjama, l'air affolé, en train de se disputer avec un policier qui lui refuse l'entrée. Si je m'attendais à ce qu'il écoute mon message si tôt et à ce qu'il vienne me rejoindre au magasin.
En me voyant, il bouscule le jeune flic et se précipite à ma rencontre, m'enlace et fait claquer un baiser sur mes lèvres. De plus en plus inattendu.
— Tu as mis le voleur KO, s'emporte-t-il. J'ai entendu les flics en parler. T'es incroyable !
— Oh ! Eh bien, euh, oui. Merci.. ?
À quand remonte la dernière fois qu'il m'a félicitée ? Je me demande si cela a jamais eu lieu et bafouille comme une adolescente idiote. Oui, c'est ça, comme l'adolescente idiote que j'étais quand je l'ai rencontré et l'ai laissé m'impressionner avec son aplomb et ses réparties.
— Incroyable, j'te dis. Ça va te faire une pub d'enfer, tout le monde va vouloir savoir comment ça s'est passé et toute la région va venir faire un tour ici, tous ces péquenots à qui il n'arrive jamais rien. On va se faire un blé monstre !
Je le regarde interdite. Il ne vient pas de dire ce que j'ai entendu, c'est totalement ridicule et hors de propos. Le choc me fait halluciner, tout simplement.
— Faut trouver quelqu'un qui fera ça bien. Tu devrais demander à ton p'tit facteur, là, y connaît du monde dans le Pigeon, maintenant.
— Mais tu as perdu la tête !?
Je n'ai pas rêvé alors.
— Quoi ? Tu veux pas qu'on parle du magasin ? grimace-t-il avec une insupportable suffisance. Tu veux pas qu'on devienne riche ?
— Bien sûr que j'aimerais qu'on parle du magasin, mais pour de bonnes raisons, pas pour... ça. Et on ne risque pas de devenir riche comme ça, non plus. Tu es ridicule.

Dire que j'ai pensé, un instant, un bref stupide petit instant, qu'il s'était inquiété pour moi et qu'il venait pour me réconforter. Je ne suis qu'une idiote. Une idiote qui attend en pleine nuit, dans son magasin de graines, que la police en ait terminé pour pouvoir tout fermer et rentrer chez elle, dormir quelques heures avant de devoir affronter une horde de curieux dés demain. Parce qu'article dans un magasine débile ou pas, cette histoire aura fait le tour du village avant demain midi, je n'en doute pas une seconde.

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