140. Partir ou non ?
Présent, Las Vegas
Béatrice recule, effrayée.
BÉATRICE
Enfin, je ne peux pas les abandonner.....
Un guide passablement irrité, fait une annonce au mégaphone.
GUIDE (Voix Off)
Dernier appel pour Washington. Les bus partent dans quelques minutes ! Merci de vous mettre dans la ligne de gauche et d'avancer sans vous bousculer "s'il vous plaît" !!
Dans le hall, Hugo enlace Jonathan, sentant que c'est la dernière fois qu'ils se voient.
HUGO (le cœur serré)
Prends bien soin de toi, mon pote ! Tu vas me manquer.
Béatrice et Orson regardent la scène.
ORSON (insistant)
Viens avec moi, Béatrice, ne commets pas la bourde de ta vie !
Béatrice est prise au piège. Soit elle sauve sa peau avec Orson, soit elle tente de rejoindre la côte Est par 55 degrés...
Ses yeux se posent sur la caméra d'Hugo. Elle a soudain une idée....
BÉATRICE
Attends, il y a encore un moyen de les sauver....
ORSON (la voyant tourner les talons)
Enfin... à quoi tu joues ?
Elle remonte rapidement le hall et retient Hugo s'apprêtant à franchir la porte-tambour de l'hôtel.
BÉATRICE
Non, Hugo. Ne pars pas !!
HUGO
Quoi ? Comment ça ??? Les bus vont partir...
BÉATRICE
Je sais, mais ne monte pas dans ces bus !
HUGO (se tournant)
Mais pourquoi ??
Jonathan s'approche.
JONATHAN
Un souci ?
HUGO (contrarié)
Ouais, elle ne veut pas que je prenne le bus !
BÉATRICE (parlant fort)
Si tu vas à Washington, tu mourras !!
Les personnes autour d'eux se retournent et la dévisagent.
Béatrice leur sourit timidement et s'écarte de la file, imitée par Hugo et Jonathan.
HUGO (chuchotant)
De quoi est-ce que tu parles ???
BÉATRICE
Je viens de croiser mon collègue Orson qui était avec moi à la conférence de presse de Los Angeles.
HUGO
Et après ??
BÉATRICE
Il est avec la délégation présidentielle...
JONATHAN
Ils ont réussi à s'en tirer ??
BÉATRICE (hochant la tête)
Oui. Et d'après Orson, le pire est à venir...
HUGO
Quoi ? Comment ça ??
BÉATRICE
La Terre va s'arrêter de tourner....
Hugo la dévisage en battant des paupières.
Jonathan comprend tout de suite.
JONATHAN
Alors Nancy avait raison... (Regardant Hugo) elle nous a dit de nous mettre à l'abri, que c'était important.
Il baisse les yeux, triste.
JONATHAN
Et je ne l'ai pas cru...
BÉATRICE
Écoutez, oubliez le passé pour l'instant. On a plus urgent.
HUGO
Ok et c'est quoi le plan ?
BÉATRICE
J'ai peut-être un moyen de tous nous sauver, mais il va falloir jouer le jeu.
Au même moment le guide lance son dernier appel au mégaphone, en voyant encore quelques personnes traîner dans le hall.
GUIDE (les dévisageant)
Dernier appel. Les bus en partance pour la Côte Est partent. C'est votre dernière chance de traverser le pays !!
BÉATRICE (les regardant)
N'y allez pas.... Vous savez tout comme moi comment ça va se terminer...
Jonathan et Hugo se lancent un regard, comme s'ils étaient d'accord pour changer leur destin.
JONATHAN
Ok, on t'écoute !
BÉATRICE
Vous voyez mon collègue là-bas ?
Orson leur fait un signe rapide, avec un sourire mal à l'aise.
ORSON (entre ses dents)
C'est pas vrai, à quoi elle joue ??
Béatrice leur explique quelque chose et ils hochent la tête.
Ils reviennent rapidement dans sa direction.
BÉATRICE
Orson, je te présente Hugo notre caméraman et voici Jonathan notre ingénieur du son.
ORSON (entre ses dents)
N'y pense même pas !
BÉATRICE
Si une poignée de l'humanité devait survivre, est-ce que la Délégation a pensé à immortaliser ce moment ?
ORSON
Bien sûr que non !! Et tu sais bien que ce n'est pas la question...
BÉATRICE
Crois-moi, ça l'est !! Nous devons livrer aux générations futures notre témoignage. Hugo a filmé l'assassinat de notre Président en direct, le Big One de Los Angeles et les aurores boréales au-dessus du Nevada. C'est un témoignage qui risque de s'éteindre, si on ne le met pas à l'abri. Et tu sais très bien que ça va empirer. On se doit d'être les témoins de ces événements ! Pour la postérité, Orson !
ORSON
Impossible! Je te l'ai dit, les places sont très chères....
BÉATRICE
Je sais... mais le gouvernement n'a pas la tête à ça. C'est à nous qu'il incombe cette mission !
Orson sait qu'elle a raison. Elle le voit hésiter et choisit avec soin ses mots. Orson a toujours rêvé de marquer l'Histoire avec un grand "H."
BÉATRICE (répétant)
Pour la postérité, Orson.... C'est sûrement le reportage le plus crucial de l'Humanité.... Le reportage de toute une vie..... Il faut l'immortaliser en vidéo !
Orson prend une profonde respiration comme s'il s'apprêtait à rendre une décision.
ORSON
Très bien, mais je peux en prendre un, mais pas deux....
JONATHAN
Alors, laissez-moi dans près des bunkers. Je me débrouillerais ! S'il vous plaît.
ORSON
Je ne peux pas....
JONATHAN
Je ne vous demande rien d'autre que de me prendre en taxi.
ORSON (sourcillant)
Et après ?
JONATHAN
Je connais quelqu'un sur place qui pourra me faire entrer. Soyez tranquille, personne ne saura que vous m'avez aidé.
BÉATRICE (renchérissant)
S'il te plaît, Orson. Si nous ne nous serrons pas les coudes dans un moment pareil, alors nous avons perdu le droit de nous revendiquer des êtres humains.
Orson s'agace par toutes ces demandes de dernières minutes.
Les portes de la salle de réunion s'ouvrent au même instant.
La Délégation est sur le point de quitter l'hôtel.
BÉATRICE (répétant)
S'il te plaît, Orson. On prend Hugo avec nous et on laisse Jonathan sur la route... Je me charge de faire la demande à Éli pour Jonathan.
ORSON (soupirant)
Très bien.... On tente le coup. (Regardant Jonathan et Hugo) mais si la sauce ne prend pas, n'insistez pas. Sinon ils vont nous exclure définitivement de la Délégation.
HUGO
Promis !
Les quatre touristes se mêlent aux politiciens. À peine la porte-tambour franchie, qu'Hugo pousse un cri.
HUGO
Waouh, quelle chaleur dehors !!!!
JONATHAN
Bon sang, ça pique !!!
ORSON (se tournant vers Jonathan)
Il fait 48 degrés ! Vous voulez toujours qu'on vous laisse sur le chemin ?
JONATHAN (montrant des bouteilles d'eau dans son sac)
Oui...
Orson lève les yeux au ciel, dépité.
ORSON
Suivez-moi.
Ils se dirigent vers un van stationné juste en face.
Le chauffeur referme le coffre et barre le passage à Hugo.
CHAUFFEUR
Votre accréditation je vous prie !
HUGO
Euh... eh bien... je...
ORSON (montrant son badge)
Ils sont avec moi !
HOMME
Je regrette monsieur, mais nous ne prenons que les personnes autorisées.
ORSON
C'est mon équipe de tournage...
CHAUFFEUR (répétant)
Peut-être, mais seuls les membres accrédités ont le droit de monter.
ORSON
Et je fais comment sans équipe de tournage ??
CHAUFFEUR
Désolée, mais les règles sont les règles.
Le conseiller Éli Gold sort la tête du van.
ÉLI
Un problème Orson ?
ORSON
Oui...
ÉLI (raccrochant)
Je vous rappelle...
Le politicien descend du van.
ÉLI
Qu'est-ce qu'il se passe ?
ORSON
Mon équipe a réussi à venir jusqu'ici. Tu connais Béatrice, je crois.
ÉLI
En effet, nous nous sommes croisés tout à l'heure.
BÉATRICE (pipotant)
Je suis désolée Éli, je pensais que vous aviez été prévenu de notre arrivée...
L'homme fronce les sourcils. Des gouttes de sueurs commencent à perler sur son front.
ÉLI
On ne m'a pas informé.
Orson rebondit. Il commence à avoir chaud.
ORSON
Mon rédacteur en chef a été contacté par le service presse de la Maison-Blanche pour nous demander de venir en renfort, afin d'immortaliser ce moment. C'est important pour la postérité.
ÉLI
En effet. Je comprends. Le souci c'est que l'information a dû se perdre.... Sûrement parce qu'ils ont viré l'attaché de presse !!
Béatrice se raidit. Elle repense à sa cousine restée à Los Angeles, prise au piège au siège du FBI. Elle a le cœur serré.
ÉLI
Où sont vos accréditations ??
En voyant que Béatrice ne réagit pas, Orson prend le relais.
ORSON
Ils viennent tout juste d'arriver. Ils n'ont pas eu le temps de les retirer. Mais ils sont en règle. Écoutez, on peut discuter de tout ça en chemin ? Il fait une chaleur à mourir ici....
La chaleur insupportable a finalement raison de l'attaché gouvernemental.
ÉLI
Très bien. On va se serrer. (Désignant Hugo) Vous, là, passez devant !
HUGO
Euuh, ok...
Hugo récupère ses deux sacs de sport au sol.
ÉLI
Vous avez besoin de tout ce bazar ?
HUGO (le visage rouge)
C'est ma caméra....
ÉLI
Ok. Montez ! Et vite ! Nous sommes en retard !
Le conseiller remonte dans le van. Hugo et Jonathan se regardent en souriant. Le plan fonctionne....
ÉLI
Vous venez ???
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