Washington - samedi 17h30

Tout est noir et silencieux. Soudain des sons émergent des ténèbres se tordant comme pour percer un linteau de nuages trop épais. Finalement John parvient à distinguer des timbres, des voix d'hommes montant dans les aigus. Des voix en proie à une panique certaine. Dans l'appartement d'Hugo, Miles tourne en rond.

MILES
Il faut appeler les secours !! Ça fait 30 minutes qu'il est dans cet état... On a dit qu'on attendait une demi-heure et ensuite qu'on les appelait !!

HUGO
La première fois, Tom est revenu à lui au bout de 30 minutes... Il ne va peut-être pas tarder...

MILES
Toute cette histoire, c'est du grand n'importe quoi !! On a appelé John en renfort pour nous aider à débloquer les niveaux de ce jeu, c'était certainement pas pour qu'il se grille le cerveau. Ça fait 20 minutes que vous cherchez des infos sur cette société Mittelos, et vous n'avez rien trouvé sur le net. C'est pas net tout ça, parole de journaliste !!

Hugo regarde Tom qui hésite.

TOM
Ok... Appelle les pompiers. On ne peut pas le déconnecter comme ça du jeu. On ne sait pas ce qu'il risque de se produire.

Tom repense à Eric qui est toujours maintenu dans un coma artificiel dans un hôpital parisien. Mais il se garde bien de leur raconter cette histoire.

MILES (sortant son téléphone)
Ok, je les appelle.

Soudain ils voient John, assis sur un fauteuil, retirer lentement le casque virtuel.

HUGO
John ??

John plisse les yeux. La lumière du soir est forte pour des yeux restés trop longtemps clos. John met un petit temps avant de revenir à lui. Miles s'approche de lui, inquiet.

MILES (passant sa main devant ses yeux)
Tu es avec nous John ?

JOHN (lui souriant)
Et il semblerait que oui...

MILES
Oh mon dieu, tu m'as fait une de ces peurs...

HUGO
On a failli appeler les secours...

JOHN
Mais pourquoi ?

MILES
Parce que tu ne communiquais plus avec nous depuis...

JOHN (le coupant)
Une demi-heure... J'ai entendu.

Hugo lui apporte un verre d'eau.

HUGO
Tiens mon pote.

JOHN
Je te remercie Hugo.

HUGO
Alors il s'est passé quoi pendant cette demi-heure ??

JOHN
Je n'en ai pas la moindre idée...

Hugo décoche un regard vers Tom.

HUGO
Comme toi...

JOHN
Tom aussi a eu des....

MILES (lui servant le mot sur un plateau)
Des "absences"... oui hier soir.

JOHN (comprenant)
C'est pour ça que tu n'as pas pris ce casque, Tom... Je me demandais bien pourquoi.

Tom regarde Hugo et Miles, mal à l'aise.

TOM
Je suis désolé. Je ne pensais pas que ça se reproduirait. J'ai cru que c'était moi la cause.

JOHN
Ne te fatigue pas. Tu cherches à trouver des questions dans ce jeu sur Sophie. Et la porte s'est fermée à toi.

Tom le regarde, tentant de comprendre cette remarque.

MILES
Bon, maintenant que tu revenu parmi les vivants, John, ma mission est terminée. Je rentre chez moi. Nous n'apprendrons visiblement rien de plus sur ce masque virtuel mis à part qu'il est ultra dangereux. À mon avis, tu peux le balancer à la poubelle Hugo !

HUGO
Ouais, je suis d'accord !

Hugo s'empare du casque, de la notice et les range dans l'étui avant de le balancer à la poubelle sous les yeux de Tom et de John qui préfèrent s'abstenir de tout commentaire.

MILES
Une bonne chose de faite. Je vous laisse. Adios les gars. On se voit lundi.

HUGO
Ben en parlant de ça...

Hugo regarde Tom qui fronce les sourcils. John et Miles les dévisagent.

JOHN
On dirait bien qu'il y a anguille sous roche...

MILES
Je dirais même plus, baleine sous gravier... Il se passe quoi lundi, Hugo ?

HUGO
Rien, je ne serai pas là. Je vais prendre une semaine de vacances... C'est tout.

Hugo lance un autre coup d'œil à Tom qui fait semblant de rien en lui souriant. Miles a repéré le pot aux roses, mais préfère en rester là.

MILES
Bon moi, j'ai eu mon lot en bad surprises. Si vous permettez...

HUGO
Bon week-end Miles.

MILES
Ouais enfin ce qu'il en reste...

Miles sort. John ramasse ses affaires.

HUGO
Tu y vas aussi ?

JOHN
Oui.

John se tourne vers Tom et le regarde en réfléchissant.

TOM
Oui ?

JOHN
Je me demandais... si vous accepteriez de m'accompagner à ma voiture quelques minutes. J'ai quelque chose à vous montrer.

TOM
Euh... Je vais devoir y aller aussi. J'ai pas mal de choses à faire.

JOHN
Je n'en ai pas pour longtemps. Je suis garé juste en bas. Je pense que ça peut être utile pour vos recherches.

TOM
Ah... bon, très bien.

Tom regarde le casque virtuel dans la poubelle. Il ne peut pas laisser la dernière piste le menant à Sophie partir aux ordures.

TOM
Hugo, je peux te l'emprunter ? Je vais faire des recherches de mon côté sur cette société.

HUGO
Ouais vas-y, je te le donne ! Mais fais-moi plaisir, surtout ne te connecte pas avec.

Ils disent au revoir à Hugo. À peine entré dans l'ascenseur, Tom regarde sa montre.

JOHN
Vous avez un rendez-vous ?

TOM
En fait, je voulais me rendre sur la tombe de Sophie. Ça va bientôt fermer.

JOHN
Alors je peux vous y emmener. C'est sur mon trajet.

TOM
Volontiers, merci !

John démarre sa voiture et s'arrête au premier feu rouge, l'air pensif. Tom sent que quelque chose le tracasse. Il n'y va pas par 4 chemins.

TOM
Vous vous sentez bien ?

JOHN
Oui, oui.

En disant cela, il se met à serrer le volant. Tom voit bien que quelque chose le frustre, voire, le rogne de l'intérieur.

John descend la 16e avenue de Washington et s'arrête à un autre feu. Tom aperçoit un temple avec un panneau indiquant House of Temple.

TOM
C'est quoi ce bâtiment ?

JOHN
House of Temple ? Un temple maçonnique construit en 1911.

TOM
Il est immense !

JOHN
Vous n'ignorez pas qu'ici les Francs-maçons ont pignon sur rue.

TOM
Et c'est une bonne chose ?

JOHN
Il faut croire que oui, sans ça, Washington ne serait pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

TOM
Je suis désolé, je suis un néophyte pour ce genre de choses.

JOHN
Tout ce que vous avez à savoir c'est que les hommes et les femmes entrant en maçonnerie sont animés par des convictions fraternelles et un idéal humaniste.

TOM
Ça me semble une bonne chose.

JOHN
Ça l'ai, je vous l'assure !

TOM
Bien que mon kidnapping au Louvre m'ait fait penser l'inverse sur le moment.

JOHN
Que s'est-il passé ?

TOM
Je ne suis pas autorisé à entrer dans les détails mais les hommes qui m'ont kidnappés faisaient partie d'une secte, et non d'une confrérie. Ils ont essayé de brouiller les pistes.

John ne dit rien et range cette histoire dans une coin de sa tête. Il devra enquêter.

JOHN
D'ailleurs, savez-vous que l'homme ayant tracé les plans de Washington est un Français ?

TOM
Non, je l'ignorais.

JOHN
On ne peut pas dire qu'il se soit enrichi. Il est mort dans le plus total dénuement.

Le feu passe au vert. John emprunte un rond point baptisé Dupont Circle.

JOHN
Curieux destin que celui de l'Enfant.

TOM
C'est son nom ?

JOHN
Oui, Charles l'Enfant. Il aurait touché au total pas moins de 1400 dollars pour son travail d'urbanisation de la ville.

TOM
Effectivement quand on sait ce que Washington est devenu, ça ne fait pas lourd.

JOHN
L'Enfant n'était pas doué en affaires. Il avait même refusé plus de 4 hectares de terrain à Manhattan en paiement de travaux réalisés à New York.

TOM
Ah oui quand même...

Tom contemple le luxe de Washington, ses bâtiments si bien rangés dans une grille, semblant flambant neufs. Tout comme New York, les deux villes ont prospéré et sont devenues depuis plus d'un siècle le siège du pouvoir américain.

TOM (soupirant)
J'imagine que l'on ne peut pas refaire l'Histoire...

John se crispe à nouveau et serre son volant.

JOHN
Non. Du moins, c'est ce que je croyais jusqu'à ce jour.