54. Del Posto
Manhattan, samedi 15h
Un taxi descend la 11ème avenue de Manhattan, longeant les quais du fleuve Hudson. Assises à l'arrière, Kate et Gilda habillées sur leur 31, regardent chacune de leur côté.
GILDA (entre ses dents)
Vous allez me le payer !
KATE (se tournant vers elle)
Si tu coopères, tout ira bien.
GILDA (énervée)
Est-ce que tu sais au moins que j'ai sauvé la vie à tes deux poulains au Mexique ??
Le chauffeur regarde dans le rétroviseur. Gilda s'en aperçoit.
GILDA
Vous, occupez-vous de vos affaires !
KATE (souriant au chauffeur)
Pardonnez-la, elle est sur les nerfs aujourd'hui...
Le chauffeur regarde sa route complètement bouchée, sans rien dire.
GILDA
C'est dingue ça ! Même pas un merci !!
KATE
J'ai eu d'autres échos... Tu aurais pris Tom et Sophie en otage.
GILDA
En otage ??? C'est n'importe quoi. C'est eux qui m'ont kidnappée, attachée et enfermée dans la cabine d'un yacht.
En entendant ça, le chauffeur ravale sa salive. Il pensait faire une course rapide avec deux jolies jeunes femmes, pas assister à un crêpage de chignon.
KATE
On arrive! On reparlera de ça plus tard.
GILDA
Tu parles...
Le taxi se gare à l'angle de la 11ème et 15ème avenue.
GILDA
Vous ne pouvez pas nous déposer devant le restaurant ?
CHAUFFEUR (se vengeant)
C'est à quelques mètres. La rue est bouchée par les travaux. Si je m'y engage je perds ma journée.
KATE (lui donnant un billet)
Tenez. Merci et bonne journée.
Kate et Gilda sortent du taxi.
GILDA (respirant l'air marin pollué)
Deux secondes que je me mette dans l'ambiance !
Elle inspire un bon coup, ferme les yeux et expire lentement.
GILDA (ouvrant les yeux)
C'est bon !
Le visage de Gilda se métamorphose. Elle a chassé de ses pensées sa mauvaise humeur et son visage rayonne à présent de beauté. Les deux femmes entrent dans un restaurant italien "Del Posto". Desmond, déjà présent sur les lieux, savoure une généreuse pizza. Ils font semblant de ne pas se connaître.
GILDA (parlant au serveur)
Bonjour, j'ai une réservation au nom de Linus.
SERVEUR
Bonjour, monsieur Linus vous attend. Veuillez me suivre.
En les voyant passer prêt de lui, Desmond ne peut s'empêcher d'être ébahi par leur beauté. Desmond a arrêté Gilda le matin même et l'a forcé à coopérer avec le FBI pour approcher Benjamin Linus. Mary a débarqué dans sa galerie d'art, juste après que Desmond l'ait menottée. Elle a menacé sa soeur de la dénoncer aux autorités sur l'acquisition d'un tableau de Caravage volé, à moins qu'elle ne coopère, auquel cas Desmond fermera les yeux et n'informera pas sa hiérarchie que le tableau a refait surface.
Le serveur les conduit dans le sous-sol aménagé.
SERVEUR (leur indiquant une salle à l'écart)
Vous êtes attendues...
GILDA
Parfait, merci.
Le serveur remonte. Gilda aperçoit un homme assis seul dans la salle. Elle l'interpelle avec un grand sourire.
Un homme les regarde complètement sous le charme.
BENJAMIN (se parlant à lui-même)
Deux déesses grecques arrivent dans ma direction.
BENJAMIN (se levant)
Gilda, ma douce, comment vas-tu ?
GILDA
Très bien, et toi ?
BENJAMIN
C'est toujours une joie de te voir. Tu es radieuse comme toujours.
GILDA
Benjamin, je te présente une amie, Lucy. Lucy, voici Benjamin Linus.
BENJAMIN (lui faisant un baise-main)
Enchanté Lucy.
KATE
Tout l'honneur est pour moi.
BENJAMIN
Prenez place. J'ai réservé cette salle, nous ne serons pas dérangés.
Benjamin regarde Gilda prendre place en face de lui. Il paraît tout excité.
BENJAMIN
Tu m'as dit que c'était une urgence. Donc je suis venu aussi vite que j'ai pu. Bon j'avoue, je traînais dans le quartier...
GILDA (lui prenant la main délicatement)
C'est bien pour ça que j'ai choisi ce restaurant ! Je te connais Ben.
BENJAMIN
Je suis si prévisible ?
GILDA (lui faisant un clin d'œil)
Tu ne le regretteras pas, crois-moi !
Au même moment le serveur arrive.
SERVEUR
Vous désirez un apéritif ?
KATE
Non, pas pour moi, merci.
Benjamin regarde Kate de travers.
KATE (souriant)
Il y a un souci ?
GILDA (riant)
C'est qu'on ne peut pas venir chez Del Posto sans goûter à leur spécialité...
KATE
Dans ce cas, je prendrais un Aperol Spritz.
BENJAMIN
Excellent choix ! La même chose pour moi.
GILDA
Je vous suis ! Trois, s'il vous plaît.
SERVEUR
Parfait.
Kate se dit qu'elle ne devrait pas boire en service, mais comme elle est en mission d'infiltration, il faut bien qu'elle se plie à quelques règles. Et cette boisson lui rappelle Jim.
BENJAMIN (attendant que le serveur s'éloigne)
Alors cette urgence ?
GILDA (plantant ses grands yeux bleus dans les siens, ainsi que son décolleté sous son nez)
J'ai une superbe offre à te faire ! Le genre qui ne se refuse pas, crois-moi !
BENJAMIN
Je t'écoute ?
GILDA
Tu as entendu parler de la célèbre toile qui a été volée à Saint-Laurent de Palerme ?
BENJAMIN
Oui, bien sûr... Je te rappelle que je suis un Sicilien d'origine... même si ça ne voit pas au premier coup d'œil. J'ai hérité du côté anglo-saxon de ma mère.
GILDA
Et donc ?
BENJAMIN
Tu parles de la toile de "La Nativité" volée la nuit du 17 au 18 octobre 1969 ?
GILDA (souriant)
Bingo !
BENJAMIN
On ne la jamais retrouvée...
KATE (prenant le relais)
Il se trouve... (marquant une pause) que j'ai cette œuvre en ma possession !
Benjamin paraît surpris, comme s'il venait de prendre un coup de massue sur la tête.
BENJAMIN
Vous... Vous dites que vous êtes en possession d'un Caravage ??
KATE
C'est exact. Et pour des raisons qui me regardent, j'ai besoin de m'en débarrasser très rapidement, mais à un très bon prix, si vous me suivez...
BENJAMIN
Oui, c'est parfaitement limpide ! (Tournant la tête vers Gilda) Je suis flatté que tu aies pensé à moi, Gilda !
KATE
Pourquoi ? Vous n'êtes pas le meilleur dans votre domaine ??
BENJAMIN
Bien sur que je suis le meilleur ! (Regardant Gilda) Et qui plus est... (l'air gêné) enfin... que toi, tu penses à moi... ça me va droit au cœur ! Vraiment !
Kate sent qu'il y a anguille sous roche.
BENJAMIN (poursuivant)
Après notre dernier échange, j'ai bien cru que tu ne voudrais plus me voir...
GILDA
On va peut-être parler de ça un autre moment non ?
BENJAMIN (regardant Kate)
Pardon Lucy, de vous importuner avec de vieilles histoires.
KATE
Mais non, voyons... Je peux parfaitement comprendre.
Kate se demande à quoi il joue, et comprend qu'elle vient de se faire avoir. Elle vient de lui dévoiler un trait de faiblesse : de la compassion pendant une négociation... Il va sûrement chercher à l'utiliser à son avantage.
GILDA
En fait, pour tout te dire Ben, j'ai décidé que tout ça avait assez duré, qu'il était temps d'aller de l'avant.
Kate serre son poing sous la table. Pour compliqué le tout, Gilda ne leur a parlé à aucun moment d'une altercation entre eux.
GILDA (reprenant la main de Benjamin en parlant d'une voix langoureuse)
Notre complicité me manque.
BENJAMIN (parlant avec douceur)
Pas autant qu'à moi ! Comme quoi les gens changent...
GILDA
Effectivement, et je voulais te montrer que je ne suis pas une peau de vache !
BENJAMIN
En me faisant un cadeau de la sorte... C'est assez (croquant dans un gressin doré) "inattendu" ! je dois bien le reconnaitre.
Kate se crispe, sentant que leur discours sonne complètement faux. Gilda le remarque et abrège ses souffrances.
GILDA
Lucy doit conclure le deal très rapidement.
KATE (enchaînant)
J'ai besoin de cash en vue d'une nouvelle acquisition.
BENJAMIN
Et j'imagine que vous ne pouvez pas m'en dire plus sur cette acquisition ?
KATE
Disons que certains marchés ne doivent pas être ébruités...
BENJAMIN
Je vois, des pots-de-vin donc...
Kate lui sourit en coin pour lui faire comprendre qu'elle le trouve perspicace.
GILDA
Est-ce que tu aurais des acquéreurs en vue, Ben ?
BENJAMIN
Oh oui ! Une flopée.
À l'étage au-dessus, Desmond fulmine en coupant sa pizza Reine tout en écoutant la conversation dans ses airs-pods.
DESMOND
Génial... Il ne manquait plus que ça...
Le serveur passe devant lui avec un plateau rempli de cocktails oranges.
SERVEUR
Tout va bien, monsieur ?
DESMOND
Oui c'est parfait. Grazie mille.
À l'étage du dessous, Kate tente de garder le contrôle.
KATE
Entendez-moi bien. Je suis prête à céder le Caravage, mais pas à n'importe qui. Et en aucun cas des petites frappes qui ne comprennent rien à l'art. M'en séparer me fend le cœur, alors j'espère au moins que le futur acquéreur est un homme ou une femme qui a du goût et du cœur.
GILDA (reprenant la balle au bond)
Je sais que tu connais les meilleurs dans le milieu, Ben !
BENJAMIN
En effet. Mais avant de prendre contact avec eux, j'aurai besoin d'authentifier le tableau. Pour m'assurer que tout est en ordre, il s'entend.
KATE (répondant à la place de Gilda)
Bien entendu. Je vous emmènerai après notre déjeuner si vous n'avez rien de prévu cet après-midi.
BENJAMIN
Si... mais pour un Caravage, je peux bien faire une exception !
À l'étage du dessus, Desmond passe un coup de fil à Mary.
DESMOND
On passe au plan B après leur déjeuner.
MARY (Voix Off)
J'ai entendu...
DESMOND
Comment ça ?
MARY
J'ai piraté le portable de Gilda.
DESMOND
Sympas les frangines...
MARY (Voix Off)
Non efficace. C'est bon, j'ai pratiquement terminé.
DESMOND
Ok.
Une heure plus tard, Kate, Gilda et Benjamin arrivent à l'hôtel Evelyn. Kate les emmène dans une grande chambre spacieuse et très lumineuse. Benjamin se dirige tout de suite vers la fenêtre pour admirer la vue.
BENJAMIN (sifflant)
Eh bien, je vois que vous avez bien choisi votre hôtel ! Juste en face du Flatiron Building.
KATE
Le fer à repassé... C'est comme ça que je le surnommais quand j'étais enfant.
BENJAMIN
Comme nous tous. Bien. Pouvons-nous passer aux choses sérieuses ?
KATE
Bien sûr. Asseyez-vous dans le salon. Je reviens.
Kate part dans la chambre et en ressort avec un tableau de 3m par 2m. En le voyant, Benjamin ouvre de grands yeux.
BENJAMIN
Ils vous ont laissé entrer avec ??
KATE
Avec un généreux pourboire à la clé.
BENJAMIN
Je peux l'examiner ?
Kate ôte l'étui de protection. Gilda se sent défaillir en voyant "son" tableau aux mains de ce bandit.
BENJAMIN (sortant une petite loupe)
C'est tout simplement incroyable de voir une œuvre pareille dans une simple chambre d'hôtel... Vous savez combien peut valoir ce tableau ?
KATE
Des millions.... Mais nous sommes à Manhattan. Vous avez des millions à chaque coin de rue...
BENJAMIN
En effet.
KATE
Et puis, je vous l'ai dit, je suis pressée.
BENJAMIN (inspectant minutieusement les couches de peinture)
Il faut croire...
Gilda et Kate se regardent, espérant que le poisson morde à l'hameçon.
BENJAMIN
C'est tout simplement une merveille, presque une photographie de cette femme qui vient de mettre au monde son enfant.
GILDA
N'est-ce pas son auteur qui affirmait à propos de la nature que le peintre devait l'imiter directement ?
BENJAMIN (sortant de sa transe et se retournant vers Gilda)
En effet. Je vois que tu connais tes classiques.
Benjamin se retourne pour étudier à nouveau le chef d'œuvre.
BENJAMIN
Contrairement aux autres peintres, Caravage peignait directement à partir du modèle, sans étude et sans dessin préparatoire. Pour préparer la composition, il faisait des incisions avec un stylet ou un bout d'un pinceau dans la peinture lorsqu'elle n'était pas encore fraîche. Cette caractéristique a permis d'établir que des tableaux retrouvés étaient des originaux de ce peintre... et... (relevant la tête) il semblerait que celui-là n'échappe pas à la règle ! On retrouve sa marque de fabrique à plusieurs endroits.
GILDA (souriant)
Donc c'est un vrai ?!
BENJAMIN
Affirmatif ! Et je sais pertinemment que son futur propriétaire saura savourer cette œuvre à sa juste valeur.
KATE
En parlant de valeur, à combien pouvons-nous l'estimer ?
BENJAMIN
Oh, je dirais... à un sacré paquet d'argent !
Soudain Benjamin se retourne avec un pistolet à la main et change de ton.
BENJAMIN (pointant son arme sur elles)
Mais de toute évidence, vous n'en verrez jamais la couleur...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro