
⬛ 11
Gi-hun pesa les pours et les contres. S'il ne jouait pas, Jun-hee était presque certaine de mourir, surtout si les prochains jeux étaient physiques. S'il était enfermé ici avec In-ho et que Jung-bae était mort... qui pourrait veiller sur elle ? Sans doute pas son ex-petit-ami merdique.
— Quel jeu ?
In-ho esquissa un sourire.
— Que dirais-tu d'une simple partie de « ni oui ni non » ?
Oh, c'est facile, pensa immédiatement Gi-hun. Il pouvait facilement gagner s'il restait concentré.
— C'est d'accord.
— La partie prendra fin quand l'un de nous dira soit « oui » soit « non », peu importe le temps qui se sera écoulé. Il n'y a pas d'autres fins possibles.
Ainsi, le jeu pourrait durer plusieurs jours si aucun d'eux ne craquait. Ce serait mentalement épuisant, mais Gi-hun était convaincu de pouvoir le faire.
— OK.
— Ça commence maintenant.
Gi-hun se concentra. Tous les neurones de son cerveau étaient concentrés sur le jeu. Il essaya de penser à la meilleure façon de piéger. Ça ne devait pas être trop évident.
— Hum... Qu'est-ce que tu étais en train de lire ?
Oui, voilà. Il pouvait l'amener à parler de sa lecture, puis tranquillement poser des questions auxquelles il devrait répondre par « oui » ou « non ».
— « 1984 » de Georges Orwell, un roman anglais.
— C'est ton livre préféré ?
In-ho secoua la tête.
— Ce n'est pas mon livre préféré. Je préfère les auteurs coréens, mais j'aime découvrir des livres étrangers. Je reviens souvent à « 1984 » lorsque je m'interroge sur certaines choses...
Gi-hun masqua son agacement. In-ho n'était pas tombé dans le panneau, mais ce n'était que partie remise. Il n'avait qu'à se montrer intéressé et à continuer de discuter.
— Comme quoi ?
— Les systèmes d'oppression, les révoltes, la surveillance... ce genre de choses.
— Comment se termine ce roman ?
In-ho soupira.
— Par un échec. On ne peut pas changer les sociétés totalitaires. Winston, le protagoniste, est fait prisonnier, puis torturé par ses plus grandes peurs. Il trahit la femme qu'il a aimé en la dénonçant et finit par prêter allégeance au Parti et à Big Brother.
Gorge sèche, Gi-hun frissonna de tout son soûl comme si ce roman faisait écho à son propre échec.
— Je vois...
In-ho le scruta du regard en prenant une expression triste.
— Je sais que tu aurais voulu que la fin soit différente, mais l'humain est ainsi fait. Ils trahissent leurs amis – même leurs amours – si on les torture, ils mettent leur vie en jeu et tuent pour de l'argent. Nous ne sommes pas différents.
Il marqua une pause avant d'ajouter :
— J'étais comme tout les autres la première fois que j'ai rejoint le jeu. Ma femme était atteinte d'une grave maladie, elle ne pouvait plus travailler et il nous fallait payer les traitements bien trop dispendieux pour notre bourse. À l'hôpital, nous avons découvert qu'elle était enceinte... Alors, je n'ai pas hésité quand l'opportunité s'est présentée à moi. Je n'ai pas hésité quand il a fallu éliminer mes concurrents. Je n'avais pas le choix... c'était soit eux, soit moi. Mais quand j'ai gagné les jeux et que je suis rentré chez-moi riche... je suis arrivé trop tard. La maladie les avait déjà emportés.
— Je suis désolé, murmura Gi-hun sans savoir quoi ajouter.
In-ho lui avait déjà fait part de son histoire familiale avant, mais pas avec tout ces détails.
— Tu es arrivé trop tard toi aussi. Tu aurais pu rester au chevet de ta mère, mais tu as préféré participer aux jeux... elle est morte seule dans sa cuisine.
Gi-hun sentit son sang bouillir. Comment In-ho avait-il obtenu cette information ? Il l'avait donc vraiment placé sous surveillance pendant tout ce temps ?
— Je ne l'ai pas abandonnée ! protesta-t-il.
In-ho eut un rictus.
— C'est ce que tu crois... tout comme tu crois que tu es mieux que moi et que tu n'es pas un tueur. Alors, Gi-hun... dis-moi où sont passés les quatre-cent-cinquante-cinq autres joueurs qui ont pris part au jeu avec toi ?
— Ce n'est pas... je n'ai pas... !
Le Front Man continua de parler en l'ignorant.
— Ce n'est pas parce que tu ne les as pas tués à mains nues que tu n'es pas responsable de leur mort. Tu as accepté de jouer comme chacun d'entre eux... peu importe les conséquences. Tu aimes jouer les héros et prétendre que tu veux tous les sauver, mais quand nous étions tout les deux dans le jeu, tu étais prêt à sacrifier les autres joueurs... Je n'avais encore jamais vu ce côté de toi, même si j'ai toujours su qu'il bouillonnait quelque part. C'est à ce moment-là que je me suis dit « oh, il a changé ». Mais nous en revenons toujours au même débat, aux mêmes arguments...
Gi-hun essayait de garder son calme, mais ses poings étaient fermés avec force sur les couvertures du lit. Chaque parole d'In-ho lui donnait envie de lui mettre son poing dans la figure. Il bouillonnait. Quand allait-il arrêter de parler ?
— Ce n'est pas vrai, rien n'est vrai.
In-ho plissa les yeux.
— Quand vas-tu enfin cesser ce petit jeu et admettre que nous sommes pareils, Gi-hun ? N'es-tu pas fatigué de lutter contre ta propre nature ? Cette conversation devient lassante à force. Tu te prétends différent, alors que tu as accepté de jouer la vie de Jun-hee.
— C'est toi qui l'as proposé !
Le Front Man haussa les épaules. Il proposait toujours des jeux. C'était son job.
— Qui est le pire... celui qui propose ou celui qui accepte ? Ne sommes-nous pas tous maîtres de nos choix ? Tu es seulement dans cette situation parce que tu l'as voulu. Même si tu regrettes par la suite.
— Je n'ai pas choisi d'être ton prisonnier, cracha Gi-hun.
In-ho se contenta d'énumérer les faits :
— Tu as choisi de jouer, pas une seule fois, mais trois fois. Tu as choisi de me faire confiance. Tu as choisi de te rebeller, alors que tu en connaissais parfaitement les conséquences. Enfin, tu as choisi de jouer au jeu qui t'a conduit dans cette chambre.
Gi-hun tremblait de colère et de haine, mais pour une fois, il ne trouvait rien d'intelligent à redire. Cela l'enrageait de l'admettre, mais In-ho avait raison. Il aurait très bien pu s'arrêter à la deuxième partie lors du jeu de Nim, quand il avait encore la victoire, mais il avait insisté pour une troisième partie. Il ne pouvait que s'en prendre à lui-même. Au moins pour cet épisode.
C'est alors qu'In-ho ajouta une fois de plus de l'huile sur le feu.
— Allez, Gi-hun, ceux qui sont morts pour tes idées de révolte sont morts à cause de toi, admets-le une bonne fois pour toute : tu es un tueur.
La réponse s'échappa d'entre ses lèvres, rapide, incontrôlable et violente, avant même qu'il ne puisse s'en rendre compte :
— Non !
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