⬛ 08
Comment pouvait-il partager une chambre... comment pouvait-il partager un lit avec un homme qu'il détestait avec chacune des cellules de son corps ?
Et pourquoi ce tordu de In-ho avait-il pensé à une telle chose ? Ce ne pouvait être que pour l'humilier davantage.
Passé outre la haine viscérale qu'il avait de l'homme, cette nouvelle chambre était une vraie amélioration de la précédente. Pour le formuler autrement, il passait de la classe économique à la première classe.
La chambre d'In-ho était grande – au moins cinq fois la taille de la chambre blanche – et luxurieuse. À l'image du salon avec tous les écrans et de la salle à manger, les murs d'un rouge sombre étaient recouverts de boiseries. Le lit était spacieux et, placé juste en face, une grande télévision. Dans le coin opposé de la pièce, un espace de lecture avec deux fauteuils et – In-ho n'avait pas menti – une grande bibliothèque dont les étagères filaient jusqu'au plafond. Cette chambre était digne d'un palace.
— La chambre te plait ? demanda la voix froide d'In-ho.
L'homme manqua de le faire sursauter en arrivant par derrière.
— Pourquoi dois-je être là ? Je pourrais te tuer dans ton sommeil.
Gi-hun l'entendit rire derrière son oreille.
— Même si tu me tues, rien ne changera, Gi-hun, ne l'as-tu pas encore compris ? Je ne suis qu'une marionnette – comme toi – dans ce vaste jeu. Enfin... les gens comme toi et moi avons vu la mort de trop près pour qu'elle puisse encore nous effrayer.
En le frôlant, In-ho passa près de lui. Debout devant le lit, il commença à retirer son haut, dévoilant un torse musclé et athlétique tel que Gi-hun avait pu le deviner sous ses vêtements.
— Tu sais, Gi-hun... nous ne forçons personne à participer à ces jeux. Nous leur donnons le choix et, encore et encore, ils votent pour rester dans le jeu... même s'ils en connaissent les conséquences. Lors de ta victoire, nous avons même autorisé les participants à quitter l'île... et la plupart d'entre eux sont revenus. Même toi, tu es revenu. Les gens sont rongés par leur cupidité. Ils feraient n'importe quoi pour toucher l'argent qui gonfle le ventre de ce foutu cochon.
Sa bouche se tordit sur ces derniers mots, alors qu'il entreprenait de défaire les boutons de son pantalon.
— C'est aussi ce qui m'a fasciné chez toi. Le jeu t'a donné tout cet argent... et c'est à peine si tu en as profité. Tout ces billets doivent encore pourrir dans ton appartement.
— Il n'était pas question que j'utilise cet argent sale.
— Tu l'as gagné pourtant. Tu as même tué pour l'obtenir. Tu te crois différent de moi, Gi-hun... mais le peu de cet argent que tu as dépensé a été utilisé pour transformer un immeuble en bunker et acheter des centaines d'armes meurtrières destinées à tuer.
Gi-hun écarquilla les yeux sous la surprise. Comment était-il au courant ? Il pensait son plan savamment étudié. Il avait tout fait avec le plus de discrétion possible dans l'espoir de réunir un arsenal qui lui permettrait de mettre fin au jeu. In-ho eut un rictus.
— Quoi ? Tu pensais que je n'étais pas au courant ? Je te surveille depuis des mois, Gi-hun. Tu ne peux rien me cacher.
In-ho se débarrassa de ses chaussures, puis de son pantalon. Il n'avait absolument pas l'air gêné. En même temps... avec un corps comme le sien, qui le serait ?
— Tu devrais te déshabiller, lui conseilla-t-il, tu ne vas pas dormir en tenue de soirée tout de même. Les gardes t'ont laissé un pyjama.
Pudique, Gi-hun s'enferma dans la salle de bain pour se changer. Pressant son dos contre la porte, il resta plusieurs secondes immobile. Son cœur battait la chamade. Il ne parvenait pas à croire qu'il allait dormir dans le même lit qu'In-ho, cet homme qu'il détestait, cet homme qu'il pensait initialement devoir tuer pour tout arrêter.
Mais... peut-être qu'il avait raison ? Peut-être que le je était inarrêtable ? Le doute commençait à s'immiscer dans son esprit. In-ho n'avait pas tort quand il prétendait ne forcer personne à jouer... ou quand il disait qu'il y aurait toujours de nouveaux investisseurs pour relancer une édition. C'était peut-être vraiment une machine sur laquelle on ne pouvait pas faire marche-arrière.
Alors... quoi ?
Si Gi-hun savait une chose, c'est qu'il ne pourrait jamais co-diriger ces jeux. Il en serait incapable.
Ayant enfilé son pyjama, il retourna dans la chambre pour voir que In-ho s'était déjà installé dans le lit, jambes croisées au-dessus de la couette. Il s'était lui aussi mis en pyjama. Avec nonchalance, il appuyait sur les touches de la télécommande pour trouver un film susceptible de l'intéresser sur Netflix.
— Qu'est-ce que tu aimes regarder, Gi-hun ?
— Heu...
Pris de court par la question, il ne sut pas tout de suite quoi répondre.
— ... les comédies, hasarda-t-il.
— Oh, vraiment ? Je ne suis pas étonné.
— Et toi ?
Sans trop savoir pourquoi, Gi-hun était curieux.
— Les romances.
La réponse lui boucha un coin. Il fallait dire que le Front Man avait une tête à aimer tout... sauf les romances !
— Les romances ?!
— C'est ma femme qui m'a fait découvrir ces films. Au départ, je les trouvais lents, peu crédibles et trop à l'eau de rose... mais avec le temps, je me suis pris d'affection pour eux. Ils me détendent quand les journées sont difficiles.
L'attention de Gi-hun fut piquée.
— Alors... tu as vraiment une femme ?
— Plus maintenant, répondit-il tristement. Elle est morte avec ma fille il y a de ça plus de dix ans.
— Je... suis désolé, murmura Gi-hun, mal à l'aise.
— Tout ce que je t'ai raconté lorsque nous étions dans le jeu est vrai. Je t'ai seulement caché mon rôle, ainsi que mon véritable nom. J'ai toujours été sincère avec toi.
Peu importe ce que In-ho disait, Gi-hun se sentait trahi. Il se gardait bien de lui dire, mais ce qui rendait la situation plus douloureuse c'est que durant le jeu... il avait réellement cru à la sincérité de « Young-il ». Il s'était lié d'amitié avec lui, le considérait comme un ami... Il avait essayé de le sauver comme tout les autres. Oh, comme il s'était trompé !
— Viens te coucher, finit par dire In-ho pour changer de sujet, voyant que Gi-hun restait immobile. Je vais mettre une comédie.
L'homme hésita durant quelques secondes, mais quel autre choix s'offrait à lui ? Il n'allait pas dormir parterre. In-ho le traitait déjà comme un animal domestique, il n'allait pas lui donner davantage raison de le faire.
Il s'installa sur le lit, se tenant à l'extrême opposé du matelas, le plus loin possible de l'autre homme.
Son cœur battait si vite, il était tellement tendu et concentré sur la présence d'In-ho de l'autre côté du lit qu'il était incapable de comprendre le film. Une comédie d'adolescents débiles jouait sur la télévision, mais son sang tambourinait tellement contre ses tempes qu'il n'entendait pas le moindre mot. Tout semblait noyé dans un bruit sourd. Pourtant, il essayait de regarder le film. Pour ne pas être forcé de regarder In-ho, il avait vissé son regard sur l'écran.
Ce qui le rendait fou, c'est qu'In-ho ne semblait pas le moins du monde déranger par sa présence. S'il l'était, du moins, il ne le montrait aucunement.
Le temps passa au ralenti. Mais éventuellement, Gi-hun vit les crédits du film défiler sur la télévision.
Gi-hun devint encore plus stressé. D'une part, il était soulagé, car cette comédie ne l'avait pas fait du tout rire – In-ho non plus d'ailleurs –, car il avait été trop sur les nerfs pour se concentrer sur les paroles des personnages. D'une autre part, il était terrifié, car la fin du film signifiait aussi qu'il allait devoir dormir...
En sentant du mouvement sur le matelas, il pensa que In-ho se glissait sous la couette. Il retint sa respiration et compta jusqu'à trois.
À trois, il tourna la tête pour jeter un regard à l'homme qui partageait son lit. Il ne pouvait plus se retenir. Il voulait juste voir de quel côté In-ho s'était couché... espérant qu'il lui ferait dos.
Mais le regard de Gi-hun tomba sur une paire d'yeux noirs qui l'observaient en silence. Son sang se figea dans ses veines et sa bouche s'assécha.
Il avait la sensation qu'In-ho ne venait pas tout juste de tourner la tête dans sa direction... Depuis combien de temps le regardait-il ? Avait-il seulement regardé le film ?
— Bonne nuit, Gi-hun, lui dit In-ho en éteignant le téléviseur. Dors bien.
Le souffle coupé, Gi-hun se retourna aussitôt pour échapper au regard perçant d'In-ho. Mais même dans cette position, il lui semblait encore sentir ses yeux sur son dos.
Comment pourrait-il parvenir à fermer l'œil ?
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