Le faire-part
Falilou était resté chez lui deux semaines sans mettre les pieds dehors. En plus d'avoir une grande déception et une rancœur insupportable qui lui serrait la poitrine, il avait honte; honte d'avoir déçu ses militants. Le sacrifice lui fût réellement fatal et il en jaugeait le poid à chaque lever du jour. Cependant, il n'arrêtait de réprimer ces idées négatives et son ressentiment. Falilou n'était pas un type qui regrettait, il savait renvoyer tout à Dieu. N'est-ce pas Dieu qui élit les gouverneurs et les gouvernants? Les choses sentaient tout sauf le hasard. La rencontre avec cette femme devait signifier autre chose; Dieu ne faisait rien sans rien. Il entendit qu'on était en train de toquer à sa porte, il se leva en trainant son corps moribond et ouvrit.
C'était sa maman, belle comme un diamant noir, grande tout comme son fils avec la stature magistrale. Layla était une femme de fort caractère qui s'était battue d'arrache-pied pour s'occuper de son fils depuis la mort de son mari. Elle était là depuis qu'elle avait entendu l'incident pour soutenir son enfant.
- Lilou toi aussi! Regarde-toi! Ta mine actuelle me rappele quand je t'ai sevré de mon lait.
Il s'esclaffa de rire sans le vouloir.
- Regardez moi ce beau sourire, c'est qui le plus mignon?
Elle le tira et lui fit un gros câlin. Ce câlin sût briser et dissiper tous ses maux ; sa maman avait quitté Dakar pour venir l'assister .
Il n'y a plus grand soutien que celui d'une mère, le meilleur docteur. La sollicitude et la tendresse d'une maman sont juste incomparables dont on ne peut résister.
Maman Layla était simplement une femme que Falilou ne saurait gratifier avec la richesse de toutes les planètes réunies. Il n'était ni aveugle de ses sacrifices ni sourd de ses efforts accomplis depuis le depart de son papa. Elle n'était plus décidée à convoler un nouveau mariage, sa priorité tournait exclusivement autour de son unique enfant.
- Lilou, tu ne peux pas te morfondre pour le restant de tes jours; tu es plus fort que tout cela. Allah est majestueux, il est le plus grand. S'il fait cela, c'est sûrement parce qu'il te réserve une chose meilleure. Arme-toi de foi et de persévérance, le ciel sera bientôt bleu.
- Maman! M'en veux-tu de m'être sacrifié ainsi pour une inconnue? Pas vrai?
Elle tira la main de son enfant et l'emmena s'asseoir sur son lit. Elle lui caressa les cheveux et l'embrassa sur son front.
- Au contraire, chéri... Dieu m'est témoin, je suis tellement fier de toi. Je viens d'avoir la confirmation, j'ai donné naissance à un ange. Tu as été toujours altruiste depuis tout petit, Lilou. Tu t'es toujours beaucoup soucié des autres plus que ta personne. Te rappelles-tu le jour où j'ai découvert que tu ne prenais jamais ton goûter à l'école et qu'ensuite je suis entrée dans folle rage.
Quand Falilou était petit, il se plaisait à offrir son petit-déjeuner aux petits talibés qui traînaient autour de son école. Il n'avait jamais compris qu'avaient-ils fait pour être dans de telles situations? Qu'avaient-ils fait pour se faire traîner dans ces rues avec une misérable sebile comme unique provision? Pour Falilou, donner son goûter était la moindre des choses à faire pour leur venir en aide. Et très vite, il sût attirer la sympathie de ces semblables, les talibés. Eux à leur tour, l'attendaient chaque matin à la petite porte de l'école comme le rendez-vous le plus important car ils savaient qu'ils allaient être comblés par le fils de Layla dont le goûter était ceremonieux.
Sa maman commençait à le soupçonner car chaque jour à la descente de son fils, elle voyait un visage fade dont seule la famine était capable d'en être coupable. Elle croyait même que son enfant était un souffre-douleur de certains de ses camarades costauds qui le brimaient , car chaque fois , il ne restait une seule miette de son bon goûter alors qu'il avait l'air d'être non rassasié.
Pendant une longue journée d'école, on l'appela pour lui annoncer que son Lillou avait eu un malaise, une faiblesse qui l'avait mis sur terre. Il suffit qu'il mangeât pour se remettre sur ses jambes. Après multiples enquêtes, Layla n'arriva à comprendre face à son fils qui essayait de lui rassurer qu'il ne faisait l'objet d'aucune brimade.
Mais un jour, alors qu'il avait raté son bus, Layla avait décidé de le déposer elle-même. Il suffit que Lillou descendît de la voiture et trois Talibés courussent l'accueillir et l'altruiste leur distribua tout et entra dans l'école. Ce spectacle laissa sans voix Layla qui n'arrivait à y croire. Elle l'espionna trois jours et découvrit la même scène.
À sa descente, elle rentra dans une colère noire et lui fit un énorme rentre-dedans en le traitant de poltron et que son papa n'aurait été fier de oui. Falilou se mit en larmes et lui rassura qu'il n'était sous aucune menace et qu'il agissait simplement ainsi parce qu'il avait pitié d'eux puis cria à l'injustice du monde. Layla se calma direct et comprit l'attitude de son Lilou, tout fier de lui. Son propre enfant tout petit lui avait ouvert clairement les yeux sur le monde, sur la situation de ses enfants. Finalement, elle décida de passer un contrat avec son Lillou : elle allait préparer deux goûters, un qu'il devait donner à ses amis talibés, l'autre, il devait le consommer exclusivement car le goûter était très important, lui disait-il. Falillou était heureux et accepta ce contrat.
Maman Layla était loin d'être surprise face à ce nouveau sacrifice de Lillou, au contraire. C'était simplement un sacrifice parmi tant d'autres. Son fils était un ange et il était capable de se donner la vie pour le sourire des autres sans rien attendre en retour.
- Oui maman je me rappelle de cela... Mais là c'est différent, tu as tellement rêvé que je sois à la tête de la mairie de ta commune natale...
- Lillou, regrettes-tu vraiment ton acte? L'interrogea sa maman
- Non du tout... Je regrette simplement de t'avoir déçue, maman.
Layla s'approcha de son visage et lui fit la bise sur son front et le calîna
- Ne t'inquiètes pas pour moi, je suis tellement fier de toi. Je ne pense pas que je l'aurais été tant que ça si tu m'avais simplement amené la victoire. C'est ce que tu as fait qui m'émeut le plus de joie. Mon fils, ne regrette surtout pas , j'en suis sûr qu'un jour , tu arriveras à t'etablir sur ce trône! Prends ta douche et vas voir Amina, tu lui manques sûrement.
Il sourit à l'entente de cette dernière phrase. Falilou ne savait pas si ce que sa maman disait était vrai ou pas, mais ce dont il était sûr fût que cette fille lui manquait énormément beaucoup. Malgré toute la douleur qui l'accablait , Amina trouvait toujours la possibilité de se pointer sur son esprit. L'aimait-il? Il ne voulait s'interroger à cette question mais il savait bien qu'il commençait à bien prendre grande place dans son cœur.
Amina la douce, Amina au regard innocent d'une belle biche naissante, Amina à la sensuelle voix d'une victime de mille maux! Amina qu'il a , lui, décidé de protéger et d'aimer... Il sauta de son lit et fit sa toilette puis s'habilla d'un simple boubou traditionnel et prit la route. Il sonna en arrivant et ne trouva que la servante qui l'informa qu'Amina se trouvait à l'étage et que ses parents étaient sortis. Heureusement! Mouhamadou Falilou Ndiaye n'avait aucune envie de les rencontrer, il se sentait toujours mal pour recevoir un autre poids d'affliction. Dès qu'il arriva en haut, il fit face à une Amina assise sur un divan, le regard égaré et hagard dans un ample Ndokett.
- Assalamou Aleykoum princesse .
Elle émit des soubresauts à l'entente de cette voix et plongea son regard du sien. Elle courut et sauta dans ses bras en sanglotant, Falilou lui caressa ses cheveux soyeux et lui fit la bise sur son front.
- Ne pleure pas, Amina, s'il te plaît. J'aurai mal.
- Falilou, je croyais que tu n'allais plus revenir. Pardonne moi, tout est de ma faute. Je n'aurai pas dû lui parler de cela, j'ai été tellement naïve. J'ai gâché la mienne et gâché la tienne en même temps, dama aygaff.
- Amina, arrête toi aussi. Arrête de te culpabiliser, ça devait arriver et c'est arrivé, je ne veux plus en parler, crois en Dieu, croyons le. N'en parlons plus, ecoute! Comment va notre bébé?
Elle scruta son ventre et y posa sa main.
- Je ne sais pas.
- Comment ça tu ne sais pas? Tu ne fais pas de visites à l'hôpital?
- J'en ai fait aucune!
- Es-tu sérieuse? S'affola t-il... Écoute! Lève toi, on y va. Je ne te le pardonnerai pas si quoi que ce soit arrive à mon enfant, souffla t-il avec une douceur violente
Elle fut offusquée par ses derniers mots. Cet homme devait être fou et elle se demandait s'il existait réellement, si elle n'était pas dans un rêve ou simplement que cet homme fût un imposteur et qu'il essayait de feindre un humain alors que c'était un ange. Amina était touchée au plus profond d'elle
- Do diouk? Lève toi, on y va. J'ai une amie , une Toubab, qui est docteur, il va beaucoup prendre soin de toi jusqu'à ce que tu sois en terme de ta grossesse.
Avant qu'elle n'en plaçât un mot, la servante arriva avec une lettre et la lui passa. Ça ressemblait à un faire-part, mais de qui? Elle tira le papier qui se trouvait à l'intérieur et lût
C'est avec un très grand plaisir que nous vous annonçons et vous invitons au mariage de monsieur Souleymane Sall et de mademoiselle Aïcha Humayra ce Samedi 12 Avril 1990.
Nous serons très heureux de vous compter parmi nos honorables invités.
Amina relût plusieurs fois cette courte lettre et n'arrivait toujours pas à comprendre. Cela était impensable , impossible. Elle mit ses sandales et supplia à Mouhamadou Falilou de l'accompagner d'une voix péremptoire qui interdisait toute éventuelle question. Il s'exécuta et Amina demeura dépaysée pendant tout le trajet par un silence radio total. Quelle blague! Cela ne pouvait être vrai, non c'était inimaginable mais elle reconnaissait bien la signature de son amie Humayra.
Juste à l'entrée de son quartier, Amina la vit et descendit en se dirigeant vers elle. Humayra ne sembla surprise de cette visite.
- Salut Aïcha, ça va?
- Oui très bien et toi, Chérie? Toute extasiée en faisant un coucou de la main au chauffeur Fallilou qui répondit avec un sourire suave
- Oui, répondit Amina en branlant l'enveloppe... Je peux savoir ce que ce bout de papier signifie ?
- Ah tu as reçu?
- Aïcha Humayra?
- Quoi?
- Comment ça quoi? Tu te maries avec quel Souleymane Sall? Je ne t'avais connue un copain
- Tu connais un autre Souleymane Sall?
- Bene la xam, mouy sama boss, le père de mon enfant.
- Mome leu
Amina allait tomber des nus, à un moment, elle ne sentait plus ses jambes. Les paroles lui manquaient, langue perdue, quoi dire?
- Mais Aïcha, Souleymane c'est toi qui me l'a présenté à l'école , c'est bien toi qui a fait cette union entre lui et moi.
- Ne m'emmerde pas, c'était simplement un défi que je lui avais lancé pour dépuceler celle qui croyait être la plus intelligente dans la classe, la sainte ni touche qui se croyait la plus chaste, mieux que tout le monde et qui n'arrêtait de me prendre pour une fille au pagne léger.
Dis-moi, chérie? Qui a le pagne le plus léger entre nous deux? Devine qui lui a payé sa bourse d'études? Ah! Souley t'a jamais aimée, chérie, il ne faut pas se leurrer et te morfondre dans tes draps . D'ailleurs, il te passe ses saluts, ce matin... Mais estime toi heureuse, le pharaon noir est là. Regarde le! Quel charisme! Comme il est beau, comme il est craquant ! Seu ndèye ligueye neu nak, domndey...
Finit-elle en lui faisant une bise sonore sur sa joue et avant de lui tourner le dos, elle vit Amina qui s'était écroulée sur sol sans réactions.
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