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Le temps se réchauffait et les manteaux d'hiver disparaissaient du paysage au fil des jours. Aell enfila une veste vert d'eau par-dessus sa chemise blanche ; c'est ce qu'Enio lui avait recommandé pour un premier rendez-vous. Sur le perron, elle vérifia à nouveau qu'elle avait bien son portefeuille et ses clés ; et elle se mit enfin en route. Elle était en retard, mais Roy ne lui en tiendrait pas rigueur, il savait qu'elle avait à peine eu le temps de rentrer chez elle entre son dernier cours et leur dîner.
Aell ne put réprimer le sourire qui lui monta aux lèvres lorsqu'elle aperçut Roy assis dans un coin, une partition posée sur la table devant lui.
— Hello, la salua-t-il. Tu vas bien ?
— Plutôt bien, oui. J'ai eu mon élève préféré en dernier, ça m'a mise de bonne humeur. Et toi ?
— Je ne m'en sors pas avec ce morceau, rit-il en désignant la feuille couverte de notes. À par ça, tout va bien.
Ils se regardèrent en souriant bêtement. Aell se racla la gorge :
— J'ai vu mes parents et mon frère récemment. Ils habitent dans les Alpes, à la frontière de l'Italie.
Elle les présenta brièvement, et la discussion fut lancée. Elle apprit que Roy avait été adopté, et qu'il avait perdu son père, mort de vieillesse.
— Ils m'ont eu à soixante ans, alors c'est un peu logique qu'il soit parti maintenant. Je profite un maximum de ma mère, maintenant ; je regrette de ne pas l'avoir fait avec mon père.
— Je comprends...
Il la scruta un instant avant d'esquisser un sourire amusé :
— Tu as le droit de poser une question déplacée, Aell.
— Tu as déjà cherché à savoir qui sont tes parents biologiques ?
— Oui, bien sûr. Pendant mon adolescence. Ma mère refusait de me donner leurs noms et ça me rendait fou ; elle disait que je regretterais plus tard de les avoir retrouvés, et elle avait raison car aujourd'hui je suis bien content qu'elle n'ait pas cédé à ma curiosité. Ça m'aurait bouleversé, de faire un pas vers mes parents biologiques. Ça m'aurait complètement déséquilibré.
Aell hocha pensivement la tête et la conversation dériva sur leurs années de lycée.
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Roy avait les joues et le nez rougis par le vent glacial lorsqu'ils parvinrent devant chez Aell. Elle se plaça face à lui pour l'observer, les yeux emplis de tendresse.
Il lui prit doucement les mains et son regard intimidé chuta au sol.
— Merci pour ce soir, dit-il, ça m'a fait du bien de passer du temps avec toi à nouveau.
Aell sentait son cœur battre la chamade dans sa poitrine et le rouge lui monter aux joues – cela dit, elle pourrait toujours mettre ça sur le compte du froid.
— Ça m'a fait plaisir aussi, répondit-elle. Merci beaucoup, Roy.
Roy la regarda dans les yeux à nouveau. Elle sourit et fit un petit pas vers lui :
— Tu es très beau, tu sais.
Un petit silence plana. Roy avait les mots au bord des lèvres, un « je peux t'embrasser ? » qui menaçait de sortir de son propre gré. Quelque chose le bloquait pourtant ; peut-être le souvenir de cette silhouette blonde s'éloignant dans la nuit, aperçue à travers ses larmes.
Alors ce fut Aell qui fit ce pas-là, qui enfouit la main dans les cheveux bouclés de Roy et l'embrassa tout doucement. À nouveau.
Lorsqu'elle s'éloigna un peu, elle vit qu'il avait toujours les yeux clos et que les coins de ses lèvres se relevaient en un infime sourire. Il finit par ouvrir les paupières et serra Aell contre son cœur.
— Tu veux qu'on se revoie un de ces jours ? murmura-t-il dans ses cheveux.
Elle hocha vigoureusement la tête et le haut de son crâne heurta violemment le menton de Roy, déclenchant un fou rire irrépressible.
Leurs souvenirs de cette soirée ne furent qu'un condensé d'odeurs sucrées et de sensations de douceur.
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