Archie était couché au pied de la pile d'amplis, le nez dressé vers sa maîtresse, attentif. Aell était extrêmement concentrée sur son clavier, voulant que tout soit parfait pour ce premier concert en dehors du cadre de l'école de musique. Roy grattait les cordes de sa guitare, et puis Brume, Théa et Julien gravitaient autour de lui sur la scène ; trois ans après, ils étaient à nouveau réunis : on ne change pas une équipe qui gagne.

Aell sentit son chien lui donner un premier coup de truffe dans le mollet. Elle ne sentait pas encore son cœur se dérégler, alors elle choisit d'ignorer l'alerte et de continuer à jouer ; cependant un seconde coup de museau l'avertit de nouveau, puis un troisième ; Archie se leva alors et posa une patte sur sa cuisse, la regardant avec insistance.

— Pas maintenant... gémit Aell.

Son rythme cardiaque accéléra soudain violemment et elle tituba hors de la scène pour s'écrouler derrière. Elle ne perdit pas connaissance mais la douleur était telle qu'elle était incapable de bouger et que ça vision était devenue floue. En plus de la souffrance physique, une vague de peine engloutit sa poitrine, un puissant sentiment d'injustice mêlé à la tristesse infinie de la perte de Leios, qui lui avait à jamais perforé l'âme.

La crise reflua doucement et Aell se rendit compte qu'elle était recroquevillée dans les bras de Roy. Elle s'agrippa à son t-shirt et éclata en sanglots, épuisée et meurtrie. Il la berça doucement, sans un mot, pendant que les autres musiciens s'occupaient de tenir la foule à distance. Aell avait l'impression que son handicap creusait une plaie dans son cœur, un peu plus profonde à chaque crise, à chaque moment de bonheur interrompu, à chaque larme versée, à chaque regard inquisiteur passé sur Archie dans la rue. Elle était impuissante contre cette maudite hypertrophie, incapable de se guérir, de passer à autre chose. À ce stade, la douleur physique avait été largement surpassée par la douleur mentale, celle qui l'embarquait dans des spirales de pensées noires, de pessimisme et de haine d'elle-même et de ce corps qui prouvait sa faillibilité.

— Tu veux rentrer à la maison ? demanda doucement Roy en écartant du visage d'Aell ses cheveux humides.

Les mots restèrent bloqués sur sa langue, étouffés par la tristesse et le nœud dans sa gorge. Tout l'envahissait, la noyait, la suffoquait. Roy le vit et la souleva dans ses bras pour la porter loin de l'agitation. Aell était à peine consciente de leur déplacement, sonnée par l'hyperventilation qui la menait au bord de l'inconscience. Elle sentit alors de l'herbe sous ses jambes nues, la fraîcheur de l'ombre d'un arbre. Elle était à demi allongée sur Roy, elle pouvait sentir sous sa joue ses battements de cœur, forts et réguliers, rassurants, comme une grosse caisse donnant le tempo d'une douce mélodie enveloppante.

— Ouvre les yeux, Aell, et regarde les feuilles de l'arbre au-dessus de nous.

Sa voix était douce, empreinte d'une délicatesse qui apaisait légèrement sa compagne. Aell obéit et vit le contour des boucles sombres de Roy se détachant du patchwork formé par le feuillage vert tendre d'un noyer et le ciel d'un bleu pur. L'extérieur était si calme, comparé à son état intérieur... Elle décida de se concentrer sur cet environnement détendu, et tout ralentit en elle.

Elle se remit à pleurer, moins violemment cette fois, comme une tiède pluie d'été plutôt qu'un orage furieux. Roy lui esquissa un sourire, mais les étoiles dans ses yeux brillaient de peine et non de malice.

Aucun ne parla ; le silence leur suffisait en cet instant. Ils ressentaient le même épuisement teinté de tristesse.

Roy finit par s'allonger près de sa compagne, leurs cheveux se mêlant sur l'herbe, le blond dans le noir, le lisse et le bouclé. Ils était si différents et si semblables à la fois, tous les deux.

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Bonjour vous !

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, ce chapitre m'a fait ressentir énormément de peine ; je sentais exactement leur sentiment de lassitude commun.
Mais ça va s'arranger, ne vous inquiétez pas ;)