— Oh, merde, balbutia Aell en bondissant hors du parc à chiots. Oh merde, merde, merde. Heu... Tania ?

Son amie lui jeta un coup d'œil distrait depuis l'autre bout de la pièce.

— Tout va bien, Aell ? Les chiots t'ont mangé tes lacets ?

— Non, je... je perds les eaux.

•••

Ils pleuraient tous les deux, serrés sur cet inconfortable lit d'hôpital, leur bout de chou dans les bras : Leios, leur fils, avec ses ongles minuscules et son visage froncé, sa peau rose et ses trois cheveux blonds. Leios, né deux mois avant l'heure, Leios et ses poumons fragiles. Leios qui passa la nuit en couveuse, empêchant son papa et sa maman de fermer l'œil, Leios et ses patchs partout, puis Leios et sa perfusion, puis Leios et ses joues grises.

Leios et la fleur sur sa tombe.

Et puis il y eut Aell et l'hiver, l'hiver dans son cœur, dans sa tête, dans sa ville. L'hiver qui mangeait tout pour le glacer, tout recouvrir de givre et tout immobiliser, tout briser, casser, tuer. Aell et Roy étaient impuissants contre ce vent glacial balayant tout ce qu'ils avaient un jour connu des émotions et des sentiments.

Aell se réfugia dans son travail, Roy dans sa musique. Ils cessèrent un temps de partager des choses ensemble, ayant besoin de panser leur âme chacun de leur côté.

Et puis arriva la première crise.

Aell revenait tout juste de balade avec deux des chiennes de l'élevage, et elle sentit son cœur s'emballer de manière incontrôlable. Elle referma la porte du parc des chiens derrière elle et s'appuya contre le mur, tâchant de ralentir sa respiration pour calmer son rythme cardiaque ; rien n'y fit. La douleur pointa alors, les larmes lui montèrent aux yeux, et tout s'obscurcit lorsqu'elle perdit finalement connaissance.

Elle rouvrit les yeux entourée de ses collègues, le visage inquiet de Tania penché au-dessus du sien. Aell prit une profonde inspiration tandis que ses souvenirs remontaient à la surface. Une légère irrégularité de son pouls subsistait, sans être trop incommodante ; elle mit cela sur le compte de son évanouissement.

— On va t'emmener à l'hôpital, déclara Tania en dégainant son portable.

— Non, je vais bien, c'est passé, protesta faiblement Aell.

— Ton cœur battait à plus de cent-cinquante ! insista Tania.

— C'est fini maintenant. Ça ne m'était encore jamais arrivé, je ne vois pas pourquoi ça recommencerait. Je dois être un peu fatiguée mentalement et physiquement, après Leios.

Un silence triste accueillit cette phrase. Ils aidèrent Aell à se redresser en position assise contre le mur, et elle fut prise d'un vertige qui lui souleva le cœur.

— Ouh là, c'est peut-être pas tout à fait parti.

Tania se leva aussitôt en portant son téléphone à son oreille.

— Retournez voir les chiots, ordonna Raphaël, un autre ami d'Aell, à la petite troupe pressée aux côtés de la jeune femme.

— Tu nous tiendras au courant ? s'assura Gabrielle, cheffe de leur département.

— Oui, bien sûr. À tout à l'heure.

Aell ayant repris son souffle, elle se mit sur ses pieds et lutta pour tenir à distance les nuages sombres bordant sa vision. Raphaël la soutint par la taille et l'emmena hors du bâtiment pour qu'elle prenne l'air. Tania les rejoignit quelques minutes plus tard.

— Une ambulance arrive. Ils vont vouloir faire des tests, ils disent qu'il ne faut pas jouer avec les irrégularités cardiaques. Tu veux appeler ton copain ?

— Non, je ne veux pas l'embêter, je l'appellerai plus tard. Il doit être en cours avec ses élèves...

Son regard se perdit dans la brume floutant son champ de vision. Elle n'était pas sûre de ressentir quoi que ce soit, tant sa poitrine était vide. Seul son cœur balançant entre tachycardie et bradycardie venait animer son hiver intérieur.

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Bonjour vous !

Ce chapitre me broie le cœur. Ma pauvre Aell et mon pauvre Roy... Ça devient très compliqué pour eux de tenir...

Mais sinon, comptine d'un autre été : l'après-midi est absolument magnifique, j'adore ce morceau.