Chapitre 1
« Le bus qui nous emmène à la gare part à 7 h. Mais là, je ne vous apprends rien. Par contre, je tiens à vous dire que tout élève absent à 7 h sur le parking du collège, sera exclu du voyage : nous n'attendrons personne. »
La professeure principale nous l'avait rappelé maintes et maintes fois. De ce fait je n'avais pas voulu jouer avec le feu et je partais de chez moi à 6 h 45, bien que j'habite à même pas cinq minutes du lieu de rendez-vous. Les professeurs nous avaient alléchés, en décrivant, dès qu'ils en avaient l'occasion, le voyage sous toutes ses coutures : hôtels, activités, visites, rencontres... Pour rien au monde je ne raterais ce voyage.
J'attendais particulièrement la visite du centre NAT. Les sciences me passionnent autant que les défis. Notre planète court aujourd'hui à sa perte, et j'avais longuement réfléchi aux solutions qui se prêtent à nous. Je fus interrompue dans ma réflexion interne par mon père, qui m'informait que nous étions arrivés. Je sortis de la voiture, mon père extirpa ma valise du coffre, me souhaita un agréable séjour plein de découvertes, m'embrassa et parti au travail. Je m'avançais vers les professeurs qui attendaient, leur signalais ma présence avant de rejoindre mon groupe d'amis. A6h55 les enseignants nous comptèrent, il manquait deux élèves, perte qui, je l'avais remarqué, ne les affectait pas beaucoup, et nous firent monter.
Je m'assis à côté de Zoé. Nous avons deux personnalités presque opposées, mais on s'entendait bien. La rangée comportant trois places, Léana s'installa à ma droite. Des trois j'étais largement la plus petite, mais mon caractère rattrapait les trois quarts du temps ce léger décalage. Elles étaient toutes les deux aussi intrépides et n'avaient peur de rien. Le car démarra et nous partîmes. Alors que je m'apprêtais à me lancer dans une suite de réflexion sur le monde, Zoé proposa un Uno. Etant donné que j'étais au milieu, mes jambes servirent de plateau. Nous jouâmes ainsi jusqu'à ce que les professeurs nous demandent de nous préparer à sortir. Nous rangeâmes le jeu et remimes nos manteaux.
Vous auriez vu la tête des gens lorsque 90 élèves sortirent bruyamment de 4 cars !! On aurait dit qu'ils regardaient un spectacle vraiment très impressionnant. Nous n'avons pas eu de problèmes jusqu'au train. Mais après... les parents et les enseignants se sont arrachés les cheveux pour que les deux wagons complets que nous occupions ne ressemblent pas à un dépotoir à la fin du trajet. Mes deux amies et moi passâmes le voyage à discuter de tout et de rien. Les deux heures trente de train passèrent plutôt vite et rapidement nous fûmes arrivés à la capitale. Sur le quai, les professeurs nous donnèrent un programme très précis sur le séjour. A ma grande surprise, toutes les activités n'étaient pas obligatoires. Seul le centre NAT et le Louvre étaient imposés. J'occupais avec Léana et Zoé, la chambre 303. En vue des plusieurs occupations optionnelles, on s'était dit que si l'une d'entre nous en faisait une que les autres n'avaient pas choisie, on devait toutes y aller quand même. Pendant ce temps, je cherchais sur le descriptif le créneau sur lequel s'étendait le centre NAT. Je fus contente de constater que l'horaire de départ pour le laboratoire était cet après-midi même à 13h05. Mes amies ne partageaient visiblement pas ma joie. Nous allâmes nous installer dans notre chambre.
Nous déjeunâmes vers 12h, et à 13h05, le car partit. Il y avait seulement quinze minutes de route, et nous fûmes vite arrivés. Un scientifique en blouse blanche nous accueillit dans le hall, il se présenta, il s'appelait Steve. Il allait nous faire visiter le centre. Au début, leur questionnement était intéressant, mais très vite mes acolytes préférées le trouvèrent plus banal. D'une petite tape sur l'épaule, Léana m'interpella. A notre droite on distinguait une porte entr'ouverte laissant apparaître une multitude de casiers. Toute fières, elles me pointèrent toutes les deux la plaque qui ornait cette porte. "Salle de recherche sur la cryogénisation".
Voilà qui se révèle intéressant ! Je n'ai même pas le temps de vérifier si quelqu'un nous regarde, qu'elles m'entrainent dans le laboratoire. Nous attendons dedans, en silence, jusqu'à ce que le couloir soit désert. Zoé me demanda :
-Tu savais toi, qu'ils faisaient des recherches sur la cryogénisation ici ?
-Non. Dans tout ce que j'ai lu sur ce centre, ils n'en parlent nulle part, je lui répondis.
-Bizarre !! bizarre !! marmonna Zoé.
Pendant bien cinq minutes, nous fouillâmes de fond en comble la pièce, au bout d'un moment, Léana proposa :
-Et si on rentrait toutes les trois dans un casier pour voir.
-Tu es folle !? Et si ça marchait vraiment ? rétorquais-je.
-En même temps d'après les fichiers informatiques et papiers que l'on a découvert, il semble très douteux , renchérit Zoé.
-Non mais les filles ! Vous mesurez ce que vous dîtes ? On parle là de C.A.S.I.E.R.S de C.R.Y.O.G.E.N.E.I.S.A.T.I.O.N ! On peut y rester congelées pendant une éternité ! m'offusquais je.
-Oui, Mia, on sait. Mais en même temps ça peut être pratique ... me répondit Léana
Je les fixais une à une, elles semblaient sérieuses, une part de moi voulait y aller, une autre, sûrement la raison, s'y opposait.
-Les filles... Fouillons encore un peu, le temps que ... je pèse le pour et le contre ...
Elles échangèrent un clin d'œil, pendant les cinq minutes les plus courtes de ma vie, je cherchais une solution à ce problème. Au bout de ce très court temps, j'avais décidé : pas question de passer pour une poule mouillée, j'irai !
Quand je leur annonçai la nouvelle, elles sautèrent de joie, me prirent par la manche et m'entrainèrent dans un casier assez grand pour trois. Zoé en ouvrit la porte, et nous rentrâmes dedans. Soudain la porte se referma en un claquement sinistre. Nous nous regardâmes avant de nous jeter sur la porte. Rien à faire. Elle était définitivement verrouillée. Nous criâmes, nous tapâmes, en vain. Au bout de quelques minutes, nous sombrâmes toutes dans l'inconscience.
*****
Quand je repris connaissance, j'étais dans une salle intégralement blanche. D'étranges personnages tout flou m'observaient. A mes côtés, j'entendais deux souffles réguliers. Au prix d'un grand effort, je parvins à ouvrir les yeux plus grands que deux fentes. Ma bouche refusait de m'écouter et m'empêchait de poser les questions qui venaient à flot dans mon esprit.
Quelques longs instants plus tard, la salive circula de nouveau et je retrouvais l'usage de la parole. Afin d'interroger les gens autour de moi, je me relevai. Une fois en position assise, mon lit se mit à bouger et on m'emporta dans une pièce adjacente.
Là, on me dit : "Vas-y, tu peux parler maintenant". C'était une voix d'homme assez rauque. Au début, j'émis des petits sons, telle une souris, j'étais plutôt gênée de passer pour une fille qui ne sais pas parler. Au bout d'un petit moment, je réussis à demander :
-Où suis-je ?
-Vous êtes toujours sur Terre, mais elle a beaucoup changé. Vous êtes dans la ville de Gaëlia me répondit la voix.
-Pourquoi suis-je là ?
-Vous êtes là, car lors d'une sortie scolaire, il y a mille ans, vous vous êtes, avec vos deux amies, cryogénisées par erreur et vous voilà en 3020.
Je me tus. La gravité des événements venait de me retomber dessus. J'étais seule, plus de famille. Je débarque en 3020. Sans rien comprendre. Heureusement que je suis avec Zoé et Léana. Sans elles.... je ne sais pas si j'aurais tenu le coup. Je demandai :
-Où sont mes amies ? Est ce qu'elles vont bien ?
-Vos amies sont à côté et elles vont bien. Par contre elles n'ont pas encore émergé. Vous vous êtes réveillée étrangement vite ...D'ailleurs en parlant de ça, vous avez rendez-vous avec le chef des médecins tout à l'heure à ce sujet. Vous avez une heure devant vous.
-Puis je passer cette heure de mon temps libre à leurs côtés ?
-Bien sûr !
Je rejoignis Zoé et Léana d'un pas aussi lourd qu'était mon cœur. J'arrivai à leur chevet et leurs visages paisibles m'allégèrent un peu. Pendant l'heure qui suivit, je cherchai à accepter la réalité. Elle était d'une dureté incomparable. Ma famille entière était décédée et j'en étais la seule rescapée. Mes amis, n'étaient plus et je n'avais pu les remercier pour tout ce qu'ils avaient fait pour moi et leur dire "Adieu". En faisant le point, je remarquai que j'avais perdu tout ce qui m'était cher. Moi, Zoé et Léana étions des êtres perdus, venant d'ailleurs. J'avais l'impression d'être une extraterrestre. Lorsque je parvins au terme de l'heure qui m'était accordée, je n'avais accepté que la moitié des durs faits qui composaient ma vie.
Une charmante jeune femme m'accompagna chez le "chef des médecins". C'était un bonhomme grand et fort qui possédait une carrure imposante. Il me fît asseoir puis me proposa une tisane contre les vertiges pour que je me sente mieux. Je l'acceptai de bon cœur.
En attendant que l'eau bouille, il me demanda :
-Est ce qu'en 2020, vous étiez considérée comme disons .... une sorcière ?
-Non pourquoi ?
-Lorsque l'on vous a sorti du bloc de cryogénisation, vous avez aspiré de l'énergie dans tout être vivant dans la pièce. Une "sorcière" vous a administré une solution afin que vous n'aspiriez pas toute l'énergie vitale de vos amies.
Abasourdie, je mis un certain temps à répondre. Je débarque en 3020, seule et en plus on me suspecte de sorcellerie. Avant de m'énerver, je pris le temps de l'interroger.
-Et çà implique quoi que je sois peut-être une sorcière ?
-Oh ! Je comprends votre question. Et bien, les sorcières, d'ailleurs on ne les nomme pas comme ça, elles s'appellent "Srilawa", ont une place de choix dans notre société. Elles, car ce sont toutes des femmes, nous soignent, nous aident à gouverner, bien que les Srilawa soit un peuple à part entière, et protègent les gens.
Pour vous rassurer, elles ne vont pas au bûcher comme lors de votre ère.
Je soupirai de soulagement. Il continua :
-Demain, une Srilawa nommée Sheïla viendra vous voir. Elle confirmera ou non nos doutes et vous informera sûrement mieux que moi sur votre caste, si vous êtes une Srilawa bien sûr.
Un pigeon arriva. Il disait que les deux autres filles venaient de se réveiller.
-Bon ! Très bien ! Je suppose que vous souhaitez aller les voir ?
-Très certainement Monsieur. Puis-je ?
-Evidemment ! Je vous accompagne.
Nous repartîmes dans les dédales de couloirs. Quand nous arrivâmes dansla pièce blanche, mes amies avaient les yeux à demi ouverts.
-Zoé ! Léana !
-Mia ? C'est toi ? s'enquit Zoé.
-Oui Zoé ! C'est moi ! On devrait parler, mais avant remettez-vous. Je resterai avec vous.
Sur ce, tous les médecins sortirent et nous laissèrent seules. Pendant près de trente minutes elles récupérèrent et seulement après elles demandèrent :
-Où sommes-nous Mia ?
-Nous sommes à Gaëlia, je leur répondis tel le Monsieur m'avait répondu.
-Et pourquoi nos familles ne sont pas là ? demanda Léana.
-Là est le cœur du problème les filles .... dis-je d'une voix emprunte de tristesse, nous sommes en 3020 ...
Zoé lâcha un cri étouffé avant de continuer :
-Du coup nous n'avons plus de famille ?
-Non. Pas plus qu'il nous reste d'amis de 2020. Nous sommes les trois seules rescapées du monde d'avant. Lors de la sortie à Paris, nous nous sommes cryogénisées. Et nous revoilà.
-Mais ? Pourquoi étais-tu réveillée avant nous Mia ?
A partir de là, je leur racontai tout sans exception sur ce que j'avais vécu ici.
*****
Vers18h20, un serviteur plutôt mignon selon les goûts de Zoé, vint nous chercher pour nous emmener à notre logement.
Nous nous couchâmes et nous endormîmes aussitôt.
*****
Je me réveillai dans la petite cabane que nous occupions vers 8h du matin. L'agitation dans la rue était forte, les gens ici n'étaient pas des marmottes. J'avais dormi avec mes habits du XXIe siècle. Devant l'armoire, trois tabourets portaient des tenues presque princières que je revêtis en souriant. La nuit m'avait allégée. Je réveillai Zoé et Léana en leur disant qu'il y avait beaucoup à faire avant midi. J'ouvris la porte et je découvris le serviteur de la veille qui faisait le ménage. Au regard interrogateur et ébahi que je lui portais, il sourit et me promit de tout nous expliquer durant notre petit déjeuner. Les filles me rejoignirent et Zoé sourit en voyant le serviteur.
Nous nous assîmes à table tandis qu'il nous servait. En premier lieu il se présenta ; il s'appelait Gaëtan, fils de Sraved. Il nous expliqua qu'il vivait dans une cabane adjacente pour nous servir. Je lui demandai s'il était normal que des inconnus soient traitées telles des rois. Il me répondit qu'une possible Srilawa devait être traitée telle une reine, car cette caste comportait peu de membres mais était vitale pour la société.
Zoé grommela que si sa meilleure amie était traitée comme une reine, ses amies et sa seule famille devait l'être aussi. Malheureusement, Gaëtan l'entendit et lui répondit qu'étant donné qu'elle faisait partie de la famille de l'une des dernières descendantes des Srilawa, ses camarades seraient aussi bien traitées. Il sourit à Zoé qui rougit. Il nous expliqua les quelques salutations de base.
Durant la matinée, il nous instruisit sur la vie à Gaëlia. Nous déjeunâmes et je lui demandai :
-Est ce que mes amies peuvent m'accompagner chez Sheïla ?
-Je pense oui, mais elles resteront sûrement avec moi et Call, le serviteur de Sheïla.
-Je vois ...
-Bien sûr, allons-y !
Nous nous mîmes en route pour la demeure de Sheïla. Quand nous arrivâmes, je constatai qu'elle logeait dans une modeste demeure.
Quand je fis remarquer cela à Gaëtan, il me dit qu'elle avait refusé de loger plus aisément. Notre guide nous demanda de saluer Sheïla avec les signes que nous avions appris ce matin même.
-Gunera sied tes, dis-je en voyant la Srilawa apparaître dans l'encadrement de la porte.
-Sied tes lieno, me répondit elle étonnée.
-Tieli saïeti, achevais-je.
Dans notre langue, Sheïla dispensa mes amies de salutations. Rapidement elle m'entraîna dans une autre pièce pas très loin. Sheïla semblait vieille, pourtant elle se déplaçait avec une aisance et une grâce surprenante. Ses longs cheveux noirs étaient tressés dans son dos. Elle portait une tunique pourpre et or.
Deux tapis étaient disposés au sol. Elle commença :
-Bonjour, j'ai appris que Salienti pensait que tu étais une Srilawa.
Elle me scruta, et au bout de quelques minutes me demanda :
-Peux-tu ouvrir ton esprit ? Tu es mieux barricadée qu'une prison.
Je m'excusai, me concentrai et m'ouvrit au monde. Peu de temps après, elle déclara :
-La réponse est presque marquée noir sur blanc. Tu dois à présen tm'appeler Zieli. Tu es une Srilawa. Qui plus est ,l'une des dernières. J'ai deux pairs qui sont en fin de vie et je ne suis moi-même pas toute jeune ... Tu es l'Espoir. Nous t'attendions Mia.
Durant près de quatre heures, Zieli Sheïla m'apprit presque toute l'histoire des Srilawa. A la fin, lorsque le soleil déclina, elle me dit :
-Dors bien Mia et médites ce que tu as appris. Demain à la même heure, je te conterai les dernières connaissances historiques qu'il te manque. A demain, Espoir !
*****
Je sortit de la pièce et je repartis de la maison de Sheïla plus légère que lorsque j'y étais entrée. Le doute a la vilaine habitude de me peser sur le moral. Mes amies me posèrent plein de questions que j'ignorai. Elles comprirent mon silence sur le sujet et Léana dirigea la conversation ailleurs :
-Dis donc Zoé .... il faudra qu'on discute toutes les trois ce soir...
Je pouffai pour approuver. Même un aveugle aurait vu qu'elle appréciait beaucoup Gaëtan, il semblait bien l'aimer, mais à quel point ?
L'idée me fit sourire. Soudain, une voix dans ma tête dit : "Mia, je suis Salienti le chef des médecins. Demain, le Conseil souhaite te voir. Sois devant chez toi à 7h.
J'informai notre serviteur et mes amies de la nouvelle. Je leur proposai de m'accompagner, Léana accepta, mais Zoé déclina mon offre.
Je respectai mes amies et leur choix. J'irai donc seulement avec Léana. Le réveil du lendemain étant annoncé comme très matinal, je me couchai et m'endormis en rentrant juste après manger.
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