Chapitre 35: Trouble obsessif compulsif
Émilie
Sybil et moi marchons un long moment à travers les dédales du château. Après ce qui m'apparaît une éternité, nous débouchons sur un long passage où des armes de toutes sortes accrochées sur les murs font office de décorations. Épées, haches, boucliers et lances sont à l'honneur.
— Nous sommes dans l'aile sud du château. Celle consacrée à certains membres de la défense royale, m'explique Sybil. Les commandants des différentes divisions logent au rez-de-chaussée. Au sous-sol, ce sont les recrues qui sont en formation et à cet étage se trouvent les appartements du haut général, c'est-à-dire Gadriel.
Un sentiment de stupéfaction m'envahit. Je savais que Gadriel avait une place importante au sein du royaume de Shéol, mais le fait de l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre le rend plu réel. Qu'un étage complet lui soit consacré en dit long sur son statut.
— Voilà, nous sommes arrivées ! annonce Sybil en s'arrêtant devant une double porte de bois ouvragée. Si Gadriel est bel et bien de retour, il se trouve ici ou sur le terrain d'entraînement.
L'étrange femme cogne à la porte de couleur sauge et entre sans plus attendre.
L'endroit dans lequel nous pénétrons est beaucoup plus sobre et moderne que le décor entraperçu dans le bureau de Satanaël. Une grande pièce ouverte nous accueille, où se côtoient salle de séjour, cuisine et salle à manger. Canapé, fauteuil et table affichent des tons de blanc et noir tandis que les murs sont d'un gris perle. Un îlot au comptoir de marbre blanc sépare la cuisine du salon et des électroménagers dernier cri occupent une grande partie de cette dernière.
Ce qui attire le plus mon attention sont les immenses bibliothèques qui ornent les murs du salon. Des centaines, voire des milliers de livres sont classés sans qu'un seul ne dépasse ou soit légèrement incliné. Ce simple détail rend l'endroit plus accueillant bien qu'il soit épuré de toute décoration. Néanmoins, il manque une chose très importante dans cette pièce : Gadriel.
Lorsque je m'avance un peu plus dans l'appartement, j'aperçois une porte entrouverte du côté du salon. Une faible lumière s'en échappe, ce qui m'incite à approcher et y jeter un coup d'œil. Le soulagement m'envahit dès que mes yeux se posent sur Mickaël qui dort paisiblement. Je me glisse à l'intérieur de la chambre et remarque aussitôt Gadriel assit dans un fauteuil un peu à l'écart. Il tient un livre pour enfant dans ses mains et me fait signe de garder le silence en portant un index à ses lèvres.
Je m'assieds auprès de Mickaël, remonte la couverture sur ses épaules puis dépose un baiser sur son front. Malgré les dernières heures qu'il vient de vivre, il semble paisible. Sa résilience m'épate à chaque fois et je ne peux m'empêcher de penser qu'il grandit beaucoup trop vite pour son âge. La gorge me serre, comme toutes les fois où j'ai eu l'impression d'échouer à le protéger des noirceurs de la vie.
Lorsque je me retourne vers Gadriel, je constate qu'il n'est plus dans la chambre. Je caresse une dernière fois la joue de mon fils puis quitte la pièce sans faire de bruit.
— Il dort depuis une dizaine de minutes, m'annonce Gadriel qui m'attendait debout dans le salon.
— Merci de t'être occupé de lui.
Le coin droit de sa bouche se soulève un instant, mais il n'ajoute rien. Ses yeux violets reflètent une étrange tristesse. Je croyais pourtant qu'il était heureux de rentrer à Shéol. Il m'a répété à plusieurs reprises qu'il détestait voyager et séjourner dans notre dimension. Son silence et ses traits affligés me font douter.
Je remarque qu'il tient encore le conte pour enfants dans ses mains et j'y vois l'occasion de le faire sourire un peu.
— Monsieur se lance dans la lecture philosophique ?
Il hausse un sourcil puis comprend lorsque j'avise le livre. Comme j'espérais, il sourit, puis le dépose sur une table d'appoint près du fauteuil.
— Gadriel est un grand lecteur, minaude Sybil dont j'avais oublié l'existence.
Assise sur l'îlot de la cuisine, elle nous observe, la tête légèrement inclinée. Je l'ignore et ramène mon attention sur Gadriel.
— Ah oui ? Et quel genre de livres lis-tu ?
Il hausse les épaules puis m'indique une bibliothèque sur sa droite.
— Pour l'instant, je suis dans la littérature fantastique européenne des années 1830. Il m'en reste une cinquantaine à lire avant de passer à celle de l'Asie de la même époque.
Sur le coup, j'ai l'impression qu'il plaisante, mais son air on ne peut plus sérieux m'indique le contraire.
— Waouh ! Tu vas lire TOUS les livres de cette époque ?
— Ça fait partie de son trouble obsessif compulsif, annonce Sybil.
Elle décroise les jambes puis les croise de nouveau se prenant sans doute pour Sharon Stone dans Basic Instinct, sauf que Sybil elle, a une petite culotte. En fait, elle n'a que ça.
Puis elle continue :
— Ça, et son TOC de donner systématiquement trois orgasmes à toutes ses partenaires avant de jouir lui-même...
Trois orgasmes !? À chaque fois ?
Mon cerveau bogue. Je fige sans le vouloir.
Gadriel lance un regard noir à la blondinette alors que je tente de contrôler le rouge qui me monte aux joues.
— Bon, je retourne voir les filles ! annonce Sybil en sautant du comptoir. Mais si jamais tu as besoin de te changer les idées ou puiser dans mon énergie pour recharger tes pouvoirs suite à ton voyage, tu sais où me trouver !
Elle lui fait un clin d'œil, m'envoie un bizou soufflé puis quitte l'appartement, sa queue pointue fouettant l'air derrière elle.
Pour ma part, je reste interdite devant ses sous-entendus à peine voilés, car je ne connais qu'une seule façon de transmettre son énergie à Gadriel : le contact physique.
Des images de Sybil jouissant trois fois dans les bras de celui qui fait battre mon cœur, assaillent mon esprit. Je secoue la tête pour les faire disparaître, pourtant ma poitrine se resserre sur elle-même.
Un silence s'installe entre le déchu et moi. Alors que la conversation devenait de plus en plus fluide dans les derniers jours, j'ai l'impression que nous sommes revenus à la case départ.
— Est-ce que..
— Je...
Nous avons parlé de concert. Le silence revient, puis je fais signe à Gadriel d'y aller en premier.
— Je voulais savoir si tu avais faim? C'est le matin pour toi, mais peut-être que tu aimerais manger un peu avant de...
— Dormir ?
— Oui. De dormir.
Il frotte sa mâchoire et c'est maintenant que je remarque qu'il n'a plus une seule trace de barbe. S'est-il rasé ?
— J'aimerais bien manger quelque chose, oui.
Il hoche la tête puis se dirige vers la cuisine. Il sort une assiette de l'armoire, la dépose sur l'îlot et m'invite à m'asseoir sur le tabouret de cuir blanc juste en face de lui.
— Qu'est-ce que tu aimerais manger ?
— Je ne sais pas. Ce que tu as dans ton frigo.
Il émet un petit rire craquant puis ouvre grand la porte de son réfrigérateur.
Il est vide ! Complètement vide !
— Oh... et bien as-tu des pâtes ou des biscottes ?
Il sourit de plus belle, s'appuie sur le comptoir à l'aide de ses coudes et croise les doigts sous son menton. Ses yeux rieurs se plantent dans les miens et comme à chaque fois, une myriade de papillons s'envole dans mon ventre.
— Tu peux me demander tout ce que tu veux.
Mon cerveau bogue. Encore une fois.
Et puis ce regard qui s'assombrit... Est-ce qu'on parle encore de nourriture là ?
— Dis-moi ce que tu aimerais manger, reprend-il, sans doute parce que mon visage laisse transparaître mes pensées.
Euh, toi ?
Ses yeux me scrutent et une lueur étrange y brille.
J'inspire afin d'amener un peu d'oxygène à mes neurones qui surchauffent, puis lui rends son sourire. Il veut jouer ? D'accord. Je me mets à la recherche du plat le plus compliqué à préparer et au final, j'opte pour ce que j'aime le plus :
— J'aimerais des sushis au saumon et fromage à la crème.
Il se redresse, hoche la tête puis lève sa main droite d'un geste théâtral. Un claquement de doigts plus tard, l'assiette devant moi est remplie de futomaki alléchants dont certains sont frits.
J'écarquille les yeux, la bouche ouverte, ce qui le fait rire aussitôt. Je le regarde puis reviens sur mon assiette.
— Wouah ! Tu peux faire apparaître vraiment n'importe quoi ?
— Tout ce qui n'est pas vivant.
Je hoche la tête, impressionnée et m'imagine déjà tout ce que ce pouvoir implique. Une vie sans jamais faire à manger ! Le rêve !
Puis, je réalise une chose :
— Pourquoi as-tu une cuisine si tu n'as pas à cuisiner ?
Il abaisse son regard sur le comptoir de l'îlot puis glisse sa main dessus, comme pour faire disparaître une poussière invisible. J'imagine aussitôt cette même main, grande et puissante, caresser mon épiderme qui se dresse sous son passage. Un délicieux frisson parcourt ma colonne alors que je tente, tant bien que mal, d'effacer ce fantasme de mon esprit.
— Tu sais, l'éternité c'est très long, me répond-il une pointe de lassitude dans la voix. On a parfois envie d'essayer de nouveau passe-temps. L'art culinaire en était un.
— Était ?
Il sourit puis ramène ses prunelles lavande dans les miennes.
— J'ai découvert que la cuisine et moi ne sommes pas vraiment compatibles. Je n'ai pas la patience pour ce type d'activité. Rassure-toi, ces sushis sont bien meilleurs que tout ce que j'aurais pu te préparer moi-même.
Je ramène mon attention sur mon repas que j'avais presque oublié. Je souris à moi-même, car je réalise qu'en apprendre un peu plus sur Gadriel me rend heureuse. Chaque détail que je découvre sur sa vie, sur ce qu'il aime, me réchauffe le cœur. J'aimerais connaître toutes ses qualités, tous ses défauts, ce qui le fait vibrer ou ce qui le rend triste. J'aimerais tout savoir sur son passé et bien que je n'ose me l'avouer totalement, j'aimerais faire partie de son présent et surtout son futur.
Je soupire puis saisis un sushi frit, le noie dans une petite mayonnaise qui accompagne le plat — il a vraiment pensé à tout — et le pousse en entier dans ma bouche. L'explosion de saveur sous ma langue m'incite à fermer les yeux pour faire durer le plaisir. Il y a si longtemps que je n'ai pu me permettre ce petit péché mignon. Avec le loyer, l'épicerie et les essentiels pour permettre à Mickaël d'avoir une vie confortable, je n'avais plus mangé de sushis depuis une éternité. Qui a les moyens de se payer ce luxe avec un salaire comme le mien ? Personne.
— Ch'est bon ! confirmé-je la bouche encore pleine. Tchu en veux ?
Il secoue la tête, les yeux rieurs.
J'avale ma bouchée puis insiste.
— Allez, goute !
Je saisis un autre morceau, bondis du tabouret puis contourne l'îlot, l'objet de ma menace tendu vers lui.
Il recule en protestant. Néanmoins, j'insiste en le secouant sous son nez ce qui le fait rire.
J'adore l'entendre rire. C'est si rare, si précieux.
Bon joueur, il finit par prendre une bouchée du sushi. Je fourre ensuite le reste dans ma bouche en gémissant de bonheur les yeux fermés face à se régale.
Lorsque j'ouvre à nouveau les paupières, le regard sombre de Gadriel fixe ma bouche. Son changement d'humeur est palpable. Dans ses pupilles noires, plus aucune trace d'amusement. C'est plutôt un mélange de désir et de douleur. Comme si un combat intérieur se jouait dans son âme.
Ses yeux remontent pour se planter dans les miens. L'atmosphère se tend. L'organe sous ma poitrine bat plus fort.
Attiré par tout son être, mon corps s'avance vers lui.
Puis, un coup de poignard : Gadriel détourne le visage et s'écarte de quelques pas.
Ma poitrine s'affaisse, je ne sais plus quoi penser.
Gadriel refuse cette attirance qui nous lie.
Il refuse de franchir ce pas.
Mais pourquoi ?
Il me désire, ça ne fait aucun doute. Je l'ai vu dans ses yeux, je l'ai lu dans ses gestes à de nombreuses reprises.
Et dans cette promesse qu'il a murmuré à mon oreille : « parce que lorsqu'on baisera, je veux que tu t'en souviennes pour le reste de tes jours. »
Qu'est-ce qui l'en empêche ? Je comprends mal cette lutte intérieure, car pour ma part, j'ai abdiqué depuis un bon moment. Je rêve de le sentir sur moi, en moi, derrière moi, bref partout à la fois. Je veux sentir son souffle dans mes cheveux, ses baisers sur ma peau et découvrir le son qui s'échappe de ses lèvres lorsqu'il se libère dans la jouissance. Mon corps et mon âme le réclament et je n'ai pas l'intention d'ignorer leur appel, pas cette fois.
— Tu devrais finir de manger, me conseille-t-il froidement en pointant mon assiette du menton. J'imagine que Satanaël doit t'attendre. Je peux veiller sur Mickaël aujourd'hui et on le déménagera dans vos quartiers demain.
Soudain, l'évidence me frappe. Gadriel croit que j'ai encore des sentiments pour le père de Mickaël. Satanaël est son souverain, son roi. Il lui doit fidélité, loyauté. Qui voudrait s'attirer les foudres du roi des enfers? Personne.
Pourtant c'est totalement absurde de penser qu'il y a quelque chose entre ce type et moi. Je le connais à peine. Ce n'était l'amant que d'une seule nuit. Et puis il y a à peine quelques heures, j'ignorais qui il était.
— Je n'en ai rien à foutre de Satanaël !
Gadriel relève un visage surpris vers moi.
Je soutiens son regard avec ferveur. Je veux qu'il comprenne que je l'ai choisi, lui, et que je n'ai pas l'intention de changer d'idée. C'est lui qui fait battre mon cœur comme il n'a jamais battu. C'est lui qui me fait sentir vivante, importante. Qui me permet enfin de croire que la vie c'est autre chose qu'un combat éternel pour être heureux. Je n'en ai rien à faire de cet homme qui m'a mise enceinte il y a très longtemps. Quand bien même il m'offre son royaume sur un plateau d'argent, c'est cette sensation d'être complète que je recherche et Gadriel est le seul à me l'offrir.
Alors que Gadriel reste silencieux à sonder mon âme, un doute s'immisce en moi. Les paroles de Sybil me reviennent en tête. Il y a quelque chose entre elle et lui et c'est peut-être la raison de cette barrière qu'il dresse constamment entre nous.
— À moins que tu ne préfères aller rejoindre Sybil, ne puis-je m'empêcher d'ajouter face à son silence.
— Sybil ? répète-t-il, surpris.
— Oui, pour aller « recharger tes pouvoirs », répondis-je en imitant la voix de Sybil et en traçant des guillemets dans les airs.
Ses sourcils se froncent et une lueur de colère zèbre son regard.
— Je n'en ai rien à foutre de Sybil !
Mon cœur s'emballe devant l'emprunt de mes propres mots. Il n'en a rien à foutre de la jolie succube à qui personne ne saurait résister. Et je n'en ai rien à foutre de ce dieu des enfers qui m'offre son royaume.
Je fais un pas vers lui, mais il recule de deux. Une nouvelle lame transperce ma poitrine, détruisant l'espoir qui venait de s'y loger. L'espoir que mes sentiments étaient réciproques, l'espoir de trouver dans ses bras un réconfort et d'apaiser la tension qui grandit en moi depuis que nos chemins se sont croisés.
Cependant, lorsque mon regard croise le sien, je comprends.
Je comprends qu'il lutte contre ses émotions, comme il l'a toujours fait. Je vois la peur qui se terre au fond de son âme. Gadriel, l'ange déchu, a peur de souffrir, de donner une seconde chance à ce qui pourrait devenir plus qu'une simple attirance.
— Je ne suis pas Ève, murmuré-je du bout des lèvres.
Sa mâchoire se crispe et la colère enflamme ses yeux. En deux pas, il est sur moi et me surplombe.
— Qui t'a parlé d'Ève ?!
L'air s'échappe de mes poumons. Je n'ose pas lui répondre.
Mais nul besoin. Gadriel devine aussitôt l'identité du délateur.
— Je t'interdis de prononcer ce nom ! crache-t-il entre ses dents, son visage à quelques centimètres du mien.
J'entends son souffle s'accélérer et je peux voir ses pupilles se dilater. Je n'ai toutefois pas peur de lui. J'affronte son regard courroucé sans sourciller.
Puis soudain, l'atmosphère se tend. Son regard change. Il devient si brûlant que j'ose à peine respirer. Mon corps s'enflamme. Mon organe vital s'emballe et l'implore :
Prends-moi !
Comme s'il répondait à ma prière, ses mains empoignent brusquement mes fesses et me soulèvent sur l'îlot. Son corps chaud et puissant vient se plaquer entre mes cuisses tandis que mon cœur tambourine dans sa cage. Avec une lenteur démesurée, il approche son visage du mien. Son nez caresse ma joue et ses lèvres, si près des miennes, me communiquent leur chaleur.
Un soupir de désir s'échappe de ma poitrine lorsque je sens ses lèvres s'éloigner des miennes pour frôler la peau de mon cou. Il inspire, longuement, comme s'il voulait s'imprégner de mon odeur à tout jamais.
— Tu vas me rendre fou, souffle-t-il à mon oreille.
Je le sens sur le point de fléchir, puis hésiter. Son corps amorce un mouvement de recul, mais je lui refuse ce droit. Mes mains sur ses hanches, je le plaque contre moi. L'effet de son désir qui heurte le mien est instantané. La moiteur s'installe entre mes cuisses et une plainte langoureuse s'échappe de mes lèvres.
Son regard fiévreux croise le mien, suppliant. Au fond de ses prunelles, ses barrières s'effondrent une à une.
Jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucune...
Ses lèvres fondent alors sur les miennes dans un baiser violent. Possessif. Explosif. Comme si sa bouche exigeait tous ces baisers qu'elle n'avait jamais osé voler. Comme si un barrage laissait enfin passer le torrent des émotions qui n'ont jamais été prononcées. Appelés l'un à l'autre, nos deux corps qui se fondent et nos langues qui fusionnent peinent à éteindre le feu qui brûle en moi.
Impatientes, mes mains se glissent sous son chandail. Je veux sentir sa peau sous mes doigts, caresser son corps sans jamais m'arrêter. Les muscles de son abdomen se bandent sous mon toucher et le grondement qui s'échappe de sa bouche, alors que mes paumes descendent un peu plus bas, font vibrer mon bas-ventre.
Il s'écarte soudain, le temps de retirer ma veste et soulever mon chandail puis sa bouche fond à nouveau sur la mienne comblant le manque que ses quelques secondes sans sa chaleur avaient creusé. Ses mains se promènent sur la peau nue de mon dos, la parcourant de frisson à la fois agréable et déroutant. Jamais personne ne m'avait bouleversée à ce point, jamais personne ne m'avait fait vivre une telle passion. Chaque passage de ses doigts sur mon épiderme, chaque son qui s'échappe de sa gorge m'enflamme davantage. Comment expliquer ce désir qui grandit en nous depuis des jours et qui ne demande qu'à être libéré ?
Lorsque ses lèvres quittent les miennes pour se glisser dans mon cou, ma soif de lui décuple. Je rêve que sa bouche vénère chaque centimètre de mon corps, que ses dents malmènent ma poitrine et que son désir se fonde en moi.
La bouche de Gadriel semble partout à la fois. Elles caressent mon oreille, le creux de mon cou, retourne sur mes lèvres avant de descendre sur la peau délicate de ma poitrine.
Mon souffle s'accélère au rythme du sien alors qu'il torture de ses dents mon sein droit à travers le fin tissu de mon soutien-gorge qui est...
Transparent ?!
Mon corps se fige.
Gadriel se redresse aussitôt puis s'écarte, l'air inquiet.
J'en profite pour inspecter ma poitrine. Je saute ensuite du comptoir, détache mon jean noir et jette un coup d'œil à ma petite culotte. Elle s'avère être un string de dentelle rouge et noir, assortie à la perfection avec le soutien-gorge, et relié à des jarretelles!
Je lève un regard accusateur vers le démon qui m'a accoutrée de cette lingerie coquine avec sa magie.
Gadriel fait mine de regarder ailleurs comme si de rien n'était, mais le demi-sourire qu'il affiche le trahit.
— C'est toi qui m'as mis ça ?
— Peut-être..., répondit-il un rictus sur les lèvres.
— Et tu peux me dire qu'elles étaient tes intentions en m'attriquant de la sorte ?
Tout en parlant, je me rapproche de lui d'un air faussement menaçant et plaque ma main sur son ventre. Du bout des doigts, je trace les lignes de son abdomen puis, avec une lenteur absolue, je descends un peu plus bas afin de caresser d'une main malicieuse son entre-jambes dur comme la pierre.
Ses mâchoires se contractent et ses paupières s'alourdissent alors qu'il rejette la tête vers l'arrière.
J'appuie un peu plus fort puis frotte de haut en bas à travers l'épais tissu. Sa queue pulse sous ma main et un grognement rauque me répond. Ce son primal et l'idée que j'ai un pouvoir sur lui attisent la partie la plus sensible de mon anatomie. L'envie de l'entendre grogner est plus forte que moi. Mes doigts tentent de dégrafer ce pantalon qui me sépare du paradis, mais il ne m'en laisse pas l'occasion. Ses mains agrippent mes cuisses puis me soulèvent pour me plaquer au mur. Sa bouche s'empare à nouveau de la mienne et la dévore pendant que mes jambes s'enroulent autour de lui. Nous repartons de plus belle dans cet étrange ballet à la fois sauvage et passionné. Sa langue prend possession de la mienne, ses doigts s'enfoncent dans ma chair, son excitation se frotte à mon sexe déjà prêt à le recevoir.
— Maman ?
Gadriel se fige, tout comme moi. Nos souffles chaotiques s'entrechoquent alors que la panique se repend dans mes veines.
Avec une lenteur démesurée, Gadriel me dépose au sol puis se retourne vers Mickaël qui se trouve à quelques mètres de nous dans l'entrebâillement de sa chambre. Le déchu se déplace de quelques centimètres afin de me faire écran de son corps, me protégeant par le fait même ma nudité partielle. Un petit geste subtil, mais qui lui vaut toute ma reconnaissance.
— Oui, mon trésor ?
Ma voix est plus aigüe qu'à l'habitude. Je me sens comme une adolescente qui s'est fait prendre par sa mère.
— Peux-tu dormir avec moi ? J'ai... j'ai un peu peur.
Je penche la tête pour mieux le voir et scrute son visage. Le soulagement m'envahit lorsque je réalise que je n'aurais peut-être pas à répondre à une question du genre « qu'est-ce que vous faisiez, maman ? ».
Je me racle la gorge puis acquiesce en vitesse.
— Oui, mon ange. J'arrive dans quelques minutes.
J'ai l'espoir que ma réponse lui suffise et qu'il retourne dans sa chambre.
Espoir qui est tout de suite piétiné par une armée entière d'éléphants : Mickaël reste obstinément dans le cadre de porte à m'attendre.
Je sens Gadriel tendu devant moi et j'ose à peine le regarder lorsque je m'accroupis puis me glisse derrière l'îlot pour attraper mon chandail et l'enfiler. Je me relève le plus dignement possible et lui jette un regard rempli d'embarras et d'excuse. En retour, je n'ai droit qu'à un visage fermé. J'aurais aimé voir un léger sourire ou une promesse pour plus tard, mais ce n'est pas le cas.
Seuls ses yeux sombres et ses lèvres gonflées par nos baisers trahissent encore cette passion qui nous a emportés.
— Je... bonne nuit.
Mes mots sonnent comme une question et pour toute réponse il hoche la tête et se fond dans ce mutisme qu'il maîtrise si bien.
Merde, dis quelque chose !
Un étau dans la poitrine, je finis par le quitter des yeux puis rejoins mon fils qui m'attend toujours près de sa chambre. Ce n'est que lorsque je m'apprête à refermer la porte derrière nous, que Gadriel m'interpelle.
— Émilie. Attends.
Je tourne la tête vers lui, pleine d'espoir.
Sa main droite se lève et il claque des doigts. Aussitôt, des fourmillements parcourent ma peau. J'abaisse mon regard pour découvrir sur ma personne un pyjama deux-pièces rose bonbon parsemé de licornes.
— Dors bien, me souhaite-t-il d'une voix éraillée.
Je le remercie d'un murmure gêné puis referme la porte.
Pendant que mon fils grimpe dans son lit, j'inspecte de plus près ma tenue et le fait qu'elle me correspond à la perfection gonfle ma poitrine d'un nuage de bonheur. Je profite du fait que Mickaël a le dos tourné pour jeter un coup d'œil rapide à mes sous-vêtements : aucun soutien-gorge et une petite culotte de dentelle rose assortie au pyjama. Un sourire borde mes lèvres et ne me quitte plus jusqu'à ce que le sommeil me gagne aux côtés de mon fils.
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