AVANT LA CHUTE 1.2MAHASIAH
La séance a été fructueuse. Nous nous dirigeons tous les sept vers la salle commune. C'est un rituel auquel aucun n'échappe. Tous les anges se retrouvent pour échanger sur les dernières créations des uns et des autres. On y trouve beaucoup de nouveautés, parfois farfelues et quelquefois magnifiques. La dernière en date est le glaive, ainsi que la cuirasse, présenté par Raphaël en personne. J'ai moi aussi une œuvre à proposer. J'ai pour habitude de créer petit, mais utile. Pourtant, Metatron m'a confié la tâche d'imaginer le lieu qui habitera l'Homme. Je dois me surpasser dans cette mission... Pour l'instant, je n'ai aucune idée de la taille qu'il devrait avoir. Sans cela, il m'est impossible de concevoir. Chacun de nous avons nos missions, et j'admets que la mienne est bien plus difficile que ce que l'on peut penser. Dieu crée toujours dans un but, je me dois de le satisfaire.
Je chasse mes inquiétudes et bombe mon torse en entrant dans la salle gigantesque aux côtés des autres. La lumière est constamment présente et s'étend à l'infini. Mis à part la foule d'anges qui s'y presse souvent, il est impossible de discerner le fond de cette pièce. Certains s'arrêtent et nous scrutent. Nous avons pris l'habitude de faire cesser les paroles autour de nous. De tous les Ordres, nous sommes le plus élevés dans la hiérarchie, c'est donc vers nous qu'ils se tournent pour proposer leur création à Dieu.
Et à peine entrés, nous nous séparons tous les sept pour observer le plus de merveilles ou non. Je m'avance sous le regard pétillant de mes semblables lorsqu'un grondement se fait entendre. Un rictus nait tout de suite à la commissure de mes lèvres. Un seul Ordre peut-être responsable de ce raffut. J'hésite. J'ai envie de les rejoindre, non pas pour me porter garante, mais pour une tout autre raison. Figée sur mes jambes quelques secondes, je marche finalement vers eux en silence.
Les Archanges se chamaillent comme la plupart du temps. Raphaël est en retrait des autres et ricane de sa troupe. Ils commandent les Légions et créent principalement des armes, d'où leur brutalité, mais ils sont aussi considérés comme les plus lumineux. Leur brillance n'est pas que physique, elle est issue de leur savoir. Et bien qu'ils aient tous des ailes blanches, il n'y en a qu'un qui contraste avec ses plumes noires. Mon sourire s'étend en écoutant Michaël et Gadrel. Ils ne m'ont pas remarqué, cela ne m'étonne pas. Ses deux géants se moquent du vacarme qu'ils peuvent faire.
— Tu as tort !
— Non !
— Bien sûr que si Michaël, mon arme est meilleure que la tienne.
— C'est... un bâton !
Je me mords les lèvres pour ne pas pouffer de rire face au regard ébahi de Michaël. Quant à Gadrel, il est de dos et ne me voit pas. Il est immobile, les bras croisés. Son charisme a toujours été le plus imposant de tous. Il inspire le respect, le devoir et la force. Une âme qui est parfois détestée par les Chérubins si minuscule ou rondelet en comparaison. Son corps n'est que ligne droite. Comme les autres de son rang, il ne revêt qu'une tunique à la taille lorsqu'il ne porte pas le bouclier. Je soupire en l'observant et songe au fait que je n'aurais peut-être pas dû me soucier des créations des Archanges.
— Oui, mais c'est un bâton magique. Il est très... rapide !
Il l'attrape aussitôt et le tape brusquement sur la tête de Michaël. Ce dernier crie de surprise. Gadrel impose bien respect à tout le monde, sauf à son rang. Son rire mélodieux se moque de son frère, et étrangement, mon pendentif échauffe ma poitrine. Bien plus férocement qu'à l'habitude. Je m'éclaircis la voix dans ses ailes, curieuse de découvrir son œuvre entre les mains. Gadrel décroise ses bras pour ensuite me faire face. De tous les anges présents, il a les plus beaux yeux de la création. Ce vert émeraude m'hypnotise à m'en faire perdre les mots. Je suis subjuguée. Son sourire divin se dessine devant moi, décuplant mon malaise. Je me reprends un peu, je suis une Séraphin après tout.
Un ange supérieur.
L'un des bras droits de Dieu. Du moins, j'essaye, car en l'observant, j'ai du mal à ne pas savourer ce que je vois. Son teint hâlé offre encore plus de contraste à ce magnifique visage. Ses cheveux sont le juste milieu entre la noirceur de ses ailes et la blancheur de son âme. Un brun voluptueux et soyeux à la fois. La chaleur de mon pendentif s'accroit quand je me perds dans le vert de tels iris.
— Mahasiah ! Souhaites-tu admirer mon œuvre ?
Sa malice éclate devant moi. Je me tais. Impossible de trouver mes mots.
— Elle ne va pas présenter ton bâton au Père, Gadrel ! Ne sois pas si stupide !
Michaël écarte son frère et se place aussitôt sous mon nez. Gadrel lève les yeux en grimaçant. Je reporte mon attention sur le deuxième Archange qui réclame mon attention.
— Mahasiah, regarde ce que j'ai fait.
Il sort de sa cuirasse un métal ciselé, façonné avec minutie et aussi brillant qu'un miroir. Le son qu'il libère lorsqu'il tranche l'air m'intrigue.
— Je l'ai appelé épée.
Gadrel l'imite dans son dos en se moquant de lui. Je peine à garder mon attention vers Michael. Ses prunelles vertes se fondent dans les miennes et il m'octroie un clin d'œil. Cela fait si longtemps que je ne me suis pas autant rapprochée des Archanges. Je connais les raisons de cet éloignement, mais j'avoue que ce Chœur me manque. Surtout que ces deux-là sont réputés pour faire trembler tout le monde, mais entre eux, on a l'impression que ce ne sont que des Chérubins. À celui qui sera plus vertueux et plus fort que l'autre. Je souris à Michaël qui physiquement, ne ressemble pas à son frère. Blond comme la pureté divine. Des yeux sombres sur un corps opalin alors que Gadrel a un regard si clair par rapport à lui. Sa prestance est même plus imposante, et attirante que l'Archange qui m'a dévoilé son épée. Je dois même admettre que Dieu a dû créer Gadrel pour qu'il représente la beauté, car il est magnifique. Michaël me dévisage en attendant ma réponse, me ramenant à la réalité. J'avais même oublié la raison de ma venue.
— Et... que fait ton épée ?
— Elle transperce aisément. Elle tranche tout.
Je tire de ma poche ma dernière conception pour vérifier ses dires. Gadrel et Michaël froncent les sourcils en découvrant cette nouveauté dans le creux de ma main, puis le plus beau des deux s'avance vers moi.
— Qu'est-ce donc ?
— Je l'ai nommé pomme.
Je crée aussitôt une petite effervescence au sein des Archanges. Gabriel s'approche de moi et veut l'observer de plus près. J'en profite pour m'amuser un peu en la jetant en l'air à la limite de son visage. Il sursaute et se recule d'un bond en arrière. De tous les Archanges, il est le plus peureux, je le sais. Très intelligent, mais froussard. Et les rires autour de moi ne me démentent pas.
— Fais-moi voir.
Gadrel me tend sa main et attend que je lui donne ma petite création. Je la pose dans sa paume et me sens agressée par son contact. Je ne l'ai qu'effleuré, mais j'ai cru perdre mon âme. Ses prunelles ne me quittent pas malgré la pomme déjà dans sa main.
— Que fait ta pomme ?
— Devine.
Il se redresse et la lorgne en la tournant dans tous les sens. Son sourire s'immisce sur son visage.
— Connaissant tes dernières créations...
Mes dernières créations ? M'observe-t-il souvent ?
— Elle doit se manger ?
Je partage son amusement sans lui répondre. Il croque soudain dans ma pomme à la surprise générale. Je l'observe pendant qu'il mâchouille en haussant les sourcils. Une grimace plus tard, il déglutit.
— Délicieuse ta pomme.
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