Chapitre 9
Le lendemain, l'homme est revenu, comme il l'avait dit la veille. Je m'y attendais. Il n'avait pas l'air de vouloir lâcher l'affaire. Malheureusement pour lui, je n'avais toujours pas envie d'échanger avec lui. S'il voulait poser des questions à quelqu'un, qu'il les pose à sa voisine.
– Mademoiselle, a interpelé Émilia qui venait d'entrer dans le bureau. Quelqu'un vous demande.
– Dis lui de s'en aller.
Sans rien rajouter, elle est sortie. J'ai attendu quelques minutes avant de sortir à mon tour pour voir où en était l'expulsion de l'intrus : il n'était plus là.
C'est rassurée et soulagée de ne plus l'avoir dans les pattes que je suis sortie prendre l'air dans le jardin.
– Son entêtement a vite fini par s'envoler, ai-je dis doucement.
J'ai parlé trop vite : de nouveau, le jour d'après, je vis son visage se montrer devant le portail et Émilia entrer dans mon bureau.
– Mademoiselle, cet homme est de retour.
– Qu'il aille se faire voir...
– Pardon ?
– Fais le partir.
Encore une fois il est repartit pour revenir le lendemain. Puis le sur-lendemain. Et encore le jour d'après... Il ne voulait pas abandonner. Il se disait sans doute que j'allais finir par craquer mais j'étais sûrement bien plus têtue que lui. J'ai tenu pendant plusieurs jours. Je ne voulais surtout pas retomber dans son interrogatoire. Après tout, que voulait il de plus ?
À l'aide d'un mini couteau en argent, j'ouvrais les lettres adressées à Nefeli. La plupart étaient des declarations de personnes qui avaient seulement entendu parler de la femme. J'avais arreté de leur donné un quelconque intérêt. C'est alors que le vieil homme toqua à ma porte. Cette fois ci, ce n'était pas Émilia, mais la raison était la même.
– Mademoiselle...
– Vous connaissez ma réponse.
– Toutefois, il insiste.
– Insistez encore plus ! Si vous devez utiliser la menace, faites le. Pourquoi il continu de venir après tout ces refus ?
Je n'ai reçu aucune réponse et il n'est pas sortit non plus. Il est simplement rester là, planté devant moi à regarder tout ces papiers éparpillés sur le bureau.
– Autre chose ? ai-je demandé avec insistance.
– Êtes vous sûre de ne pas vouloir régler l'affaire qui tourne autour de cet homme ?
Je l'ai fusillé du regard. Si je pouvais, je le renverrai chez lui, revoir sa famille et je ferai en sorte qu'il ne remette plus un pied ici. Je tolérais ces fois où il venait à ma porte pour me prévenir que l'heure du diner était passée, ces fois où il pensait encore s'adresser à l'ancienne Nefeli, ces fois où il envoyait Émilia me suivre jusque dans le fond du jardin... Mais je ne supportais plus ses remarques et ses supposés conseils. Il me dérangeait.
J'ai reprit mon calme en quelques secondes et c'est avec le sourire que je lui ai répondu :
– Je suis plus que sûre de ce que je fais actuellement. Pourquoi ? Vous pensez que je ne suis pas en mesure de régler un problème comme cet individu ? Vous pensez que je devrais le laisser rentrer ici comme bon lui semble ?
Je me suis levée de ma place en posant le couteau ouvre lettre sur le bureau, avant de faire quelque pas en direction du vieil homme. Il fallait que quelqu'un le remette à sa place et ce n'était sûrement pas le duc qui allait le faire. Jarrel prenait trop de place. Plus qu'il ne devait en avoir. Ce n'était qu'un personnage inutil dans mon histoire.
– Laissez moi juste vous demander quelque chose : je devrais solliciter votre aide pour le mettre dehors une bonne fois pour toute ?
– Ce n'est pas ce que je-
– Mais pourtant, je l'ai demandé, votre aide, non ? Et vous avez pas été capable de faire ce pour quoi vous êtes payé. Sinon pourquoi il serait encore là ? Je me demande si c'est vraiment lui que je devrais mettre à la porte.
Aucune réponse, il a gardé sa bouche fermé. Il tenait à son travail et avait une famille à nourrir. Dans un moment comme celui ci il ne devait pas avoir beaucoup de chose en tête. Seulement "comment garder mon travail ? Si elle en parle à son père je suis fichu...".
Il ne savait pas que la relation que j'entretenais avec le père de Nefeli était tendu en ce moment et ça jouait en ma faveur.
– Débarrassez moi de ce rat.
Sans rien ajouter, il s'en est allé et mon sourire avec. J'avais espoir qu'il mette des gardes à l'entrée qui interdiraient le passage à ce parasite, comme une sorte de liste noire, ou qu'il engage des mercenaires pour se débarrasser de lui pour de bon. Mais la famille Vélum et ses employés sont beaucoup trop bon pour ça. Trop bon, trop con comme on dit.
Alors que je fis demi-tour pour retourner à ma place, je vis cette expression détestable sur le visage de l'homme que je cherchais à éviter. Sous la surprise j'ai lâcher un juron. Comment avait il fait pour venir jusque ici?
– Qu'est ce que vous faites là ?
– Vous me manquiez.
– Comment vous avez fait pour passer la porte ? J'étais...
Même en regardant la seule porte par laquelle il aurait pu entrer, je ne voyais pas comment il avait fait.
– Je n'ai simplement pas passé la porte, a t il affirmé en montrant d'un geste de la tête la fenêtre qui se trouvait derriere lui. Saviez vous qu'un rat pouvait grimper ?
– Par la fenêtre ? On est au deuxième étage ! Vous êtes complètement fou.
– En réalité, je n'ai eu qu'un étage à monter. J'étais au premier quand je me suis dit que ce serait sans doute plus facile de vous atteindre par l'extérieur.
Je suis restée bouche bée. J'avais du mal à croire que cet homme, aussi fou soit il, venait de grimper un étage jusqu'à cette pièce, courant le risque de tomber et de se casser quelque chose, juste dans le but de pouvoir me parler.
– Pouvons nous enfin avoir une discussion ?
– Je vous ai déjà dit que vous vous trompiez à mon sujet.
– Je suis sûr du contraire. Nefeli ne connait pas la musique que je jouait. Elle a bon coeur et n'aurait jamais refusé de voir un inconnu demandant à lui parler. Elle n'a jamais attiré mon attention comme vous le faite.
– Parce que j'ai pas un bon coeur ?
– Si vous m'en donnez l'occasion, je pourrai attester du contraire.
– Pourquoi vous forcez ? Qu'est ce que vous voulez à la fin ?
Alors que cette question fut sollicitée, je posa mon regard sur le couteau en argent que j'avais laissé sur la table. Non aiguisé et tout petit, mais c'était ma seule solution. Il se trouvait juste là à quelques pas en face de moi, ce parasite qui me suivait tout les jours, et juste devant figurait l'arme qui me permettrait de m'en débarrasser. Si j'étais assez fluide et rapide dans mes mouvements, il ne pourrait pas se débattre et, encore mieux, si je plantais le couteau à la bonne profondeur, je n'aurais pas à couvrir ses cris pour ceux qui passeraient devant la porte. Pour nettoyer, je n'aurais qu'à appeler Émilia afin qu'elle vienne m'aider. Si on s'y prend à deux et assez rapidement, le sang n'aura pas le temps de sécher et il s'en ira facilement. Le plus gros problème serait de savoir comment je pourrais me débarrasser du corps. Descendre deux étages tout en évitant de croiser qui que ce soit ne serait pas d'une mince affaire. Ou bien je pourrais prétendre qu'il m'a attaquée en premier. Ils me croiront, c'est sûr. Personne n'irait oser contredire Nefeli. Et je n'aurais pas à me débarasser du corps.
Mais je me demande... Est ce que l'argent serait beau tâché de rouge ?
– Le bal des frontières ?
– Hein ?
J'en avais presque oublié qu'il était là.
– Vous ne m'écoutiez pas, n'est ce pas ?
– J'étais ailleurs.
– Je vous ai demandé si vous comptiez aller au bal des frontières.
Dans ses mains se trouvait une lettre différente des autres. Elle venait du palais. Elle avait dûe se perdre entre toute ces lettres puisque je n'étais même pas au courant de sa présence...
"Mais oui ! Elle est là ma solution !"
Il me montrait cette lettre avec insistance, comme s'il attendait une réponse immédiate.
– Exactement. J'y ai été invitée et je ne suis pas impolie.
– Est ce vraiment là, vos raisons ? Je croyais que vous n'aviez pas de temps à perdre ?
– Et c'est repartie...
– Comptez vous vraiment y aller avec cette attitude ? Avez vous quelqu'un à rencontrer ? À impressioner ? Serait ce le prince héritier ? Je pensais que votre présence ici était plus noble.
– Ça n'a absolument rien à voir avec le prince.
– Je pourrais vous aider à vous rapprocher du prince si c'est ce que vous souhaitez. Je connais la famille royale mieux que personne.
J'ai fait un pas en avant, montrant l'intérêt que je lui portais désormais. Connaitre la famille royale était un exploit en soit, alors "mieux que personne"... Peut-être qu'il savait quelque chose qui pouvait m'être utile.
– Vous faites parti de la famille royale ?
– Non.
– Un ami proche ?
– Non plus.
– Un espion ?
– Pas vraiment.
– Alors un escroc.
S'il mettait des mots clairs sur ce qu'il pensait, ce qu'il voulait dire ou juste ses intentions sur notre situation actuelle, nous irions tellement plus vite.
– Absolument pas, a t il reprit. Vous voulez vous rapprocher du prince et je sais comment vous pouvez le faire. Je sais beaucoup de chose que vous ignorez.
– Ce n'est pas du prince que je veux me rapprocher mais du roi. C'est plus compliqué que ce que vous imaginez.
– Plus compliqué en effet. Mais pas difficile. Je sais comment vous pouvez vous y prendre. Vous avez le rang, la position sociale, les capacités necessaire pour vous lier avec le roi et la reine.
– Vous savez donc comment approcher le roi ?
– Enfin on avance un peu, reprit-il en s'assayant sur ma chaise. Je vous aiderais à atteindre le roi, peu importe la raison, à une seule condition.
– Une condition évidement...
– Je veux rester avec vous. Ne me refusez plus l'entrée comme vous l'avez déjà fait. Vous savez à quel point j'ai été blessé ?
– Pourquoi cette obsession ?
- Pourquoi pas ?
L'homme tendis sa main vers moi, le coin de ses lèvres s'étant relevé. Il avait l'air satisfait de cette discussion. Je l'étais aussi, d'une certaine manière, mais la confiance que j'avais en cette homme n'avait pas bougé d'un poil. Il était de loin plus louche que Denata.
Denata était un personnage du livre. Je savais plus ou moins à quoi m'attendre. Mais pour Orion, c'était différent. Il pouvait être n'importe qui, penser n'importe quoi, ou agir comme il l'entendait et je ne le saurai pas. Cet homme était dangereux.
"Le garder proche de moi pour le surveiller n'est peut être pas une si mauvaise idée" ai-je pensé.
Pour lui, je n'étais pas Nefeli. Pour lui, j'étais une intruse. Tout comme il l'était pour moi.
J'ai, pendant un instant, regardé la main d'Orion sans la prendre, sans bouger, ni même parler. Lui non plus n'avait pas l'intention de l'enlever. Lui serrer la main était au dessus de mes forces. Pour l'instant il devait se contenter d'un sourire et de s'en aller.
– Bon courage pour sortir en évitant les gardes.
Il comprenait enfin : sa main descendit pour se placer derrière son dos.
– Je reviendrai demain.
Cette fois ci, je pouvais me permettre de l'acceuillir.
C'est sur ces mots qu'il quitta la pièce par la porte. Dés le moment où il mit un pied dehors il se fit arrêter par plusieurs soldats de la famille. Orion ne perdit pas un instant pour lever les mains grandes ouvertes, l'air ravi, signe qu'il se rendait. L'un des soldats jeta un bref regard dans le bureau, croisant par erreur - ou non - mon regard. Ils me désespéraient tous. Comment avaient ils fait pour être sélectionnés pour protéger l'une des familles les plus importantes du royaume ?
Dans un soupir je claqua la porte pour ne plus avoir à regarder cette scène. La panique générale se calmait peu à peu, quand la nouvelle de l'intru arreté se propageait.
J'ai observé la lettre royale pendant un moment. La date y était noté, évidemment. Plus que quelques semaines avant le jour J.
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