Chapitre 8
J'essayai de me souvenir de son apparition dans le livre mais rien ne me vint à l'esprit. Pourtant, le physique de cet homme n'était pas anodin. Il avait l'air jeune avec sa bonne mine et son doux regard vert malgré ses cheveux blancs. Quant au fait qu'il connaisse cette chanson... ça ne pouvait être que le hasard. Ma mère ne l'avait peut-être pas tiré de son imagination finalement.
De retour au palais ducal, je ne sus pas me faire aussi discrète qu'à l'aller. Un des gardes posés à l'entrée m'arrêta.
– Que faites-vous dehors, toute seule ?
Cachant mes mains dans mon dos, je regardai autour de moi, dans l'espoir de trouver une bonne réponse.
– J'ai... J'avais envie de changer d'air.
Même avec une excuse aussi pourrie, le garde me laissa tranquille. Il ne pouvait rien faire d'autre que me laisser aller à ma chambre de toute manière. Je me dépêchai alors d'y aller pour retrouver une Émilia complétement perdue.
– Qu'est-ce que t'as ? dis-je en posant mon manteau sur le lit.
Elle s'assit sur la chaise de la coiffeuse comme si ses jambes ne tenaient plus.
– Je m'en veux tellement, mademoiselle ! J'ai menti à Madame Ingrid et elle m'a cru ! J'ai trahi sa confiance ! Comment je pourrais me faire pardonner ?
Je posai la pommade sur la coiffeuse et commençai à l'étaler sur mes mains. Ça piquait au début, mais plus je massais, plus la douleur s'en allait.
Émilia continuait de se lamenter dans son coin, imaginant tous les scénarios possibles si la femme à qui elle avait menti le découvrait. Je m'appuyai sur la fenêtre, croisant les bras, et l'écoutai. Après de belles minutes à la regarder dans cet état, elle finit par se taire, respirant tout de même très fort.
– T'as fini ? lui demandai-je.
Elle massa son crâne, les yeux fermés.
– Je vous demande pardon... Je n'aurais pas dû manifester une telle attitude en face de vous.
– Pourquoi t'as menti à Madame Ingrid ?
Elle se leva brusquement de la chaise, me jetant le plus innocent des regards.
– Parce que vous me l'avez demandé !
Je souris.
– Déjà, Tu me cris pas dessus. Ensuite, bonne réponse. Tu as trahi la confiance de cette dame mais elle ne le sait pas. Alors que tu as gagné toute la mienne. Un mal pour un bien, non ?
Elle fixa le sol, fronçant les sourcils. On voyait presque ses veines derrière ses mèches rousses. L'enfant ne savait pas vraiment quoi me répondre et encore moins quoi penser de tout ça. Elle semblait songeuse.
Je lui relevai le menton avec mon index et lui touchai le front avec ce même doigt.
– Trop réfléchir, c'est mauvais pour la santé. Et arrête de faire cette tête. Tu vas avoir des rides.
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Malgré son cinéma, je n'en oubliais pas ma mission. Comment pouvais-je faire pour me rapprocher du roi ? Je comptais sur la nuit pour me porter conseille mais cette dernière ne m'apporta que fatigue.
Encore un matin sous ce même toit, réveillée par cette même fille. Je commençais à avoir l'habitude. Elle m'aidait à me lever, me nettoyer et m'habiller. J'étais une vraie poupée.
Une poupée sans joie et les parents de Nefeli l'avaient bien remarqué. Ils venaient souvent me poser des questions sur ma santé, montrant une inquiétude barbante et envahissante envers leur fille.
Je m'étirai un instant et quittai la chambre. Émilia ne tarda pas à me suivre.
– Où allez-vous ?
Bonne question...
Je me promenais dans les couloirs, passant devant des pièces où je n'avais encore jamais mis le pied. À chaque nouvelle porte, je demandais doucement à Émilia. Elle répondait toujours au même volume : la bibliothèque, un salon, une antichambre...
J'espérais trouver une idée avec le temps et en apprenant plus sur ce palais quand nous passâmes devant le bureau du duc. Je restai figée devant la porte un instant.
– Où est le duc, maintenant ?
Émilia hésita quelques secondes. Elle répondit finalement quand je posai mon regard impatient sur elle.
– I-il doit être au domaine de l'est. C'est là-bas qu'il y a le plus de problème après tout.
Sans attendre, je rentrai dans le bureau. Je m'attendais à trouver une salle vide, avec quelques meubles et une petite bibliothèque mais, contre toute attente, une femme de chambre était aussi là, un plumeau à la main.
Je reconnus tout de suite cette chevelure blonde coiffée en queue de cheval. C'était elle, la deuxième femme de chambre que j'avais croisée l'autre jour.
Elle se tourna dans notre direction puis me salua. Elle était beaucoup plus calme que la dernière fois.
– Mademoiselle, bonjour. Monsieur le duc ne rentrera que ce soir.
– Je sais. Sortez un instant. Vous reviendrez faire la poussière plus tard.
Elle jeta un bref coup d'œil curieux vers Émilia. Cette dernière haussa simplement les épaules. La bonne finit par sortir, nous laissant seules dans le bureau.
Je jetai un œil rapide à la cheminée qu'elle nettoyait avant de marcher jusqu'à la table basse qui se trouvait au centre et de m'assoir sur le canapé.
Plutôt confortable.
Je m'approchai ensuite de la bibliothèque et observai ses livres en passant une main sur l'étagères.
Aucune saleté.
Finalement, je pris place sur la chaise en laiton beige derrière le bureau. Émilia me regardait faire, perplexe. Je me balançai et regardai au plafond. Peut-être qu'il pouvait m'aider.
Je réfléchis quelques minutes, quand je brisai le silence installé entre ces murs.
– Le duc et la duchesse sont amis avec le roi, c'est ça ?
Émilia répondit presque instantanément.
– Tout à fait ! Votre famille est fidèle à la royauté depuis plusieurs générations déjà.
Je pourrais utiliser ce lien déjà instaurée... mais ensuite ?
C'est alors que les paroles du chasseur blond me revinrent à l'esprit. Si je me souvenais bien, il avait parlé d'une soirée.
Je me redressai comme touchée par la foudre et me mis à chercher dans tous les tiroirs et placard que je pouvais trouver. Le duc devait forcément avoir quelques informations sur ça dans son bureau. Que ce soit une date, un lieu, une invitation, peu importait.
Comme pour répondre à mes besoins, une enveloppe tomba par terre. Elle était bordeaux et ses bordures dorés ne passaient pas inaperçues. Je la pris et la fixa. Le sceau de cire était brisé mais on y distinguait facilement une fleur de glaive et deux épées.
"Derrière toi."
J'arrêtai tout mouvement quand j'entendis la voix.
Derrière moi ?
Je me levai de la chaise lentement, et regardai par la fenêtre. J'avais une vue direct sur le grand portail et plus particulièrement sur l'homme à la flute qui discutait avec un garde.
Je plissai les yeux. De loin, il était vraiment petit. Mais je n'eus aucun mal à l'identifier avec ses cheveux argentés attachés en queue de cheval.
Le garde fit volte-face et avança vers la porte d'entrée, suivit par l'homme.
"Il est mauvais. Débarrasse-toi de lui."
Je bondis en dehors du bureau, refilant la lettre à Émilia, et dévalai les escaliers pour voir ce qu'il se passait au rez-de-chaussée. L'homme se tenait au centre du hall, la carrure droite et fière. Il arborait un sourire calme et distinct et ne semblait pas écouter les indications de l'intendant en face de lui.
Il observait les motifs des poutres en marbre feint quand son regard se posa sur moi, encore en haut des escaliers.
"Ne le laisse pas entrer. Ne le laisse pas entrer."
Je m'arrêtai et le dévisageai.
– Vous êtes qui, vous ? questionnai-je.
L'intendant ferma sa bouche et se retourna. Il s'avança lentement dans ma direction, les mains dans le dos.
– Mes excuses, Mademoiselle. Vous n'avez pas à accueillir nos visiteurs, ne vous en faites pas. Cet homme, ici présent, s'apprêtait à repartir.
Le flutiste me fixait toujours, sans montrer une seule faille dans son expression. Je ne savais pas à quoi il pensait, mais je savais qu'il n'était pas venu pour admirer les poutres.
– J'ai pas l'impression qu'il veuille partir, fis-je.
L'intendant s'apprêtait à rétorquer quand l'homme lui coupa la parole.
– Je partirais uniquement quand vous aurez accepté d'échanger avec moi.
Je fronçai les sourcils. Que me voulait-il ?
Je guettais les réactions de l'intendant, au cas où il laisserait échapper quelque chose. Mais lui aussi ne semblait pas savoir d'où sortait cet homme.
Je réfléchis un instant puis soupirai.
– Venez.
L'homme s'approcha des marches alors que je me retournai, manquant de percuter Émilia.
Depuis quand elle est là, elle ?
Elle s'excusa avant de se ruer sur le côté.
– T'as pas besoin de me suivre, genre... tout le temps, si ?
– C'est-
Sans attendre sa réponse, je continuai ma route vers le petit salon.
J'ouvris la porte de ce dernier puis m'installai sur le sofa de velours turquoise, posant mes pieds sur la petite table en métal. N'ayant jamais vraiment passé du temps dans cette pièce, je n'étais pas forcément très à l'aise avec le décor. Il y avait deux grands tableaux en bois accrochés aux murs qui contenaient un portrait de la duchesse et son mari mais aucun de Nefeli. J'avais l'impression qu'on m'épiait.
– Jamais, commença-t-il en s'asseyant sur le fauteuil en face, au grand jamais je n'aurais pensé que vous accepteriez si facilement.
Je croisai mes bras sur ma poitrine, un sourire en coin apparaissant doucement.
– Et pourtant, nous voilà. Après tout, je suis Nefeli. Le petit ange d'Uranema.
Je levai les yeux au ciel, exaspérée par mes propres mots.
– En êtes-vous sûre ?
Je laissai échapper un rire. À entendre sa question, on aurait dit qu'il connaissait déjà la réponse.
– Je sais encore c'est quoi mon nom. Par contre, je dirais pas non à ce que vous me rappeliez le vôtre.
– Appelez-moi Orion.
Il s'installa plus confortablement, s'appuyant sur son dossier.
– Ma très chère étrangère, je ne ferai aucun détour pour vous expliquer ma venue. J'aimerai savoir où est passé le "petit ange d'Uranema" et encore plus la raison de votre présence ici.
Je restai dubitative, ne comprenant pas ce qu'il racontait. À écouter son charabia, ma nuque me démangea. Je passai une main dessus pour m'apaiser.
– J'aime pas cet échange. Soyez plus clair.
Il pouffa de rire.
– Faisons simple dans ce cas : je vous pose des questions et vous y répondez honnêtement.
J'acquiesçai en silence.
– Quel est votre nom.
– Nefeli.
– D'où venez vous ?
– La ville d'Ofane.
– Quel âge avez-vous ?
– 22.
– Pourquoi êtes-vous ici ?
– J'habite ici.
– Combien de mensonge avez-vous dit ?
Je ne répondis pas.
Comment un homme comme lui pouvait savoir si je mentais ou non ?
J'enlevai mes pieds de la table et m'approchai de lui. C'était fini. Ça ne me faisait plus rire.
– À moi de vous poser une question.
Il s'approcha à son tour, appuyant ses avant-bras sur ses genoux, un petit sourire narquois sur les lèvres.
– Une seule ? Je vous écoute.
– Êtes-vous un sorcier ?
Cette fois ci, il me regarda avec de grands yeux surpris avant d'exploser de rire. Il se leva de sa place et vint mettre un genou à terre, juste devant moi.
– Les sorciers, ça n'existe pas enfin ! Et ai-je vraiment l'air d'une sorcière ?
Il pencha doucement sa tête sur le côté, attendant une réponse de ma part. Voyant que rien n'en sortait de ma bouche, il se leva et dépoussiéra ses habits.
Je ne vois pas d'autres solutions pourtant...
– Vous venez tout de même de me prouver que j'ai raison.
– Notre échange est terminé, dis-je en claquant la langue.
Je me levai à mon tour et lui montrai la porte d'un signe de main. L'homme perdit son sourire, montrant une petite mine.
– Mais je n'ai pas fini...
– Moi, si.
Cet homme savait quelque chose et je ne pouvais pas me permettre de me mêler à lui. Je risquais de laisser entrevoir des choses qu'il pourrait utiliser contre moi.
Même si c'est lui qui passera pour un fou s'il disait que Nefeli a disparu.
Il soupira longuement avant de se tourner vers la sortie.
– Vous êtes très compliquée, vous savez ?
Il s'avança jusqu'à la porte, l'ouvrit et mit un pied dehors. Seulement, il s'arrêta en plein milieu pour s'orienter vers l'intérieur de la pièce.
– Au fait ! On dit Opane.
Il eut un sourire satisfait qui transperça mon égo.
– Je reviendrais demain, fit-il en s'inclinant.
– Pas la peine.
Lassée, je poussai le jeune homme d'une main vers l'extérieur et refermai la porte.
Peu de temps après, je me rendis vers l'intendant et lui fis part de ma conclusion :
– Ne laissez plus entrer cet homme ici.
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