Chapitre 5
De nouveau au palais, je me faufilai, discrète comme un chat, dans le couloir qui menait à la chambre de Nefeli. Tout me semblait normal : les lumières éteintes, le hall vide, les salles silencieuses... Tout, à l'exception de ma porte. J'étais sûre de l'avoir bien fermée avant de partir et pourtant, à mon retour, elle était semi-ouverte.
Je ralentis le pas et ouvris doucement la porte, le cœur battant, craignant un mauvais coup. J'entendais des pas rapides et réguliers à l'intérieur de la pièce. Comme s'il y avait quelqu'un qui marchait sans arrêt. Pour vérifier, je passai ma tête prudemment entre la porte et le mur. La chambre était seulement illuminée par les reflets de la lune et, malgré ça, je pus distinguer presque parfaitement la silhouette d'une jeune fille qui faisait les cents pas : Émilia.
J'entrai alors complètement, refermant la porte derrière moi. Le petit clac de la porte qui se ferme fit sursauter Émilia. Elle se retourna brusquement vers moi avant de fondre au sol, les mains sur le visage. Elle murmurait quelque chose que je ne parvins pas à comprendre.
– Qu'est-ce que tu fous ici ?
Elle leva rapidement la tête dans ma direction. L'enfant tremblait comme une feuille, ses pupilles dilatées se voyaient à des kilomètres et les battements de son cœur étaient presque aussi audible que ma voix dans la pièce.
– Vous avez du mal à vous endormir ces derniers temps. Je pensais que... Je pensais qu'une tisane vous aiderait.
Je plaçai mon regard sur la table de chevet. En effet, un plateau avec un verre de thé et une cuillère était dessus.
– Et t'as paniqué en voyant que j'étais pas là, c'est ça ?
Elle hocha la tête d'une manière si vive qu'elle aurait pu se l'arracher.
Émilia était très attentionnée envers Nefeli... ça me semblait irréaliste.
– Qui d'autre sait que je suis partie ? demandai-je.
– Personne. J'étais si surprise que je n'ai su réagir.
Soulagée, je lui tendis la main. Elle la prit sans hésitation et, en un rien de temps, elle était de nouveau sur ses deux pieds. Je lui adressai un petit sourire et continuai :
– Tant mieux. Je pense que tu peux partir, maintenant.
À ces mots, elle partit à toute vitesse.
Lorsqu'elle ferma la porte, je pus enfin me reposer. J'enlevai ce lourd manteau inconfortable et me dirigeai vers le lit quand j'entendis une voix féminine derrière moi. Je me retournai, pensant qu'Émilia était revenue, mais il n'y avait personne.
"Que fais-tu ici ?"
J'entendis encore une fois cette voix à l'autre bout de la pièce.
– Qui est là ?
Aucune réponse.
Je m'assis alors sur le lit quand les chuchotements reprirent.
"Gabrielle ? Que fais-tu ici ?"
En entendant mon prénom, je me figeai. Personne dans la piece, et pourtant j'entendais quelqu'un. J'étais actuellement Nefeli et pourtant ce quelqu'un savait. Mon cœur se serra dans ma poitrine et je sentais la sueur couler sur mon front. Qui pouvait bien connaitre ce que je gardais secret ?
À moins que je ne devienne folle ?
La voix n'arrêta pas de parler. Pour atténuer le son, je me mis en boule sous la couverture mais malheureusement ça n'avait pas l'air de fonctionner.
"Que fais-tu ici, Gabrielle ? Pourquoi es-tu là ?"
– Mademoiselle ?
Cette voix...
C'était bien Émilia. Elle était revenue me voir. J'enleva alors rapidement la couverture pour la regarder et, à ma plus grande surprise, fus aveuglée par les rayons du soleil. Émilia tenait un grand bol d'eau et une serviette entre les mains.
– Avez-vous mal dormi ? demanda-t-elle. Vous n'avez pas bu votre tisane.
J'observa la tisane en question avec de petits yeux fatigués. Je n'avais pas vu le temps passer avec cette voix qui fredonnait dans ma tête.
Doucement, je voyais le paysage basculer à ma gauche et disparaitre petit à petit. Je m'apprêtais à me rendormir quand Émilia me rattrapa la tête juste avant qu'elle ne touche le coussin.
– Mademoiselle, je suis navrée mais vous ne pouvez vous rendormir.
Qu'est-ce qu'elle me veut encore ?
– La duchesse tenait à passer la journée avec vous.
La bonne me remis droite sur le lit alors que j'avais du mal à garder un œil ouvert. Elle posa son bol d'eau sur la commode et récupéra le plateau avec la tisane pour le débarrasser.
– Elle m'a demandé de vous rassurer en vous disant que vous n'irez pas au lac aujourd'hui.
Elle se dirigea ensuite vers le grand placard pour me choisir des vêtements pour la journée. Elle hésita entre une longue robe droite, rose bonbon et une autre un peu plus courte, de couleur blanche et bleue.
– Laquelle préférez-vous ?
Au final, elle rangea la rose à sa place et posa la blanche à côté de moi. J'avais si peu d'énergie que tout ce que je pouvais faire était la regarder. La nuit avait été très courte et très peu reposante.
– Voulez-vous que je vous prépare un bouquet de fleurs pour madame la duchesse ?
Des fleurs ?
Ces mots résonnèrent dans ma tête comme une musique impossible à sortir. Soudain, je me souvins des mots de la sorcière : la Drose Timere. Je devais trouver une fleur pour ces sorcières et je perdais déjà mon temps avec un réveil compliqué.
Je me levai alors brusquement de ma place, me rinçai le visage vite fait et courrai vers la porte. Je n'eus le temps de franchir cette dernière qu'Émilia était déjà devant, à me barrer la route.
– Bouge.
– Je ne peux pas vous laisser sortir comme ça, enfin !
J'allais rétorquer quand je remarquai l'état dans lequel j'étais. La veille, je ne m'étais pas changée. J'avais gardé les vêtements poussiéreux que j'avais emportés chez les sorcières. Je rebroussai donc chemin pour me changer et avoir l'air de quelque chose.
Sans perdre une seconde, je courus aussitôt vers le jardin dans l'espoir d'y trouver quelqu'un. Là-bas, en dehors du chemin de sable, il y avait un long tracé de galets qui menait à un pavillon en pierre.
Je marchai longuement entre les buissons et les rosiers, regardant les fleurs qui pourraient ressembler à la description faite par la sorcière. Malheureusement, il n'y avait que des jonquilles ou des tulipes dans l'herbe. Le nombre d'arbres taillés en nuage était impressionnant. Chez moi, nous avions un seul arbre et nous l'avions fait tomber.
Alors que j'observais les broussailles, j'entendis des bruits de ciseaux et une personne chantonner. Je fonçai dans cette direction pour trouver un homme moustachu, habillé d'un tablier vert. Ses cheveux, d'un mélange de châtain et de gris, lui tombaient sur ses épaules. Il taillait les arbres avec des cisailles, un pied sur un tabouret. Il semblait que personne ne pouvait le déconcentrer.
– Eh ?
– AH !
L'homme sursauta comme s'il venait de voir un fantôme et manqua de tomber dans son œuvre.
– Mademoiselle, ce n'est que vous...
Il se redressa, dépoussiéra son tablier et rangea son outil avant de me regarder enfin.
– Que puis-je faire pour vous ?
Sa surréaction me fit presque oublier la drose. Je secouai la tête puis annonçai :
– Je recherche une plante : elle est rouge, petite et bouffe les insectes.
Il fit mine de réfléchir, regardant le ciel, se grattant l'arrière de la tête, prenant son menton entre ses doigts... Mais il ne me dit rien. Je me raclai alors la gorge pour le forcer à me répondre.
– Pouvez-vous m'en dire plus sur cette plante ? demanda-t-il.
– Plus ? Même moi j'en connais pas plus...
Exaspérée, je soupirai. Je comptais sur le jardinier pour m'en dire davantage mais même lui n'en savait pas beaucoup. Je bégayai quelques mots avant de me souvenir de son nom.
– C'est une Drose Timere !
– Une Drose Timere, vous dites ? Pourquoi cherchez-vous cette fleur ? Ce n'est pas ici que vous la trouverez, c'est certain.
– Je vous ai pas demandé votre avis. Dites-moi juste où je peux la trouver.
Le jardinier haussa un sourcil et fit la grimace en m'écoutant parler. Il reprit ses cisailles et se tourna de nouveau vers son arbre.
– Vous la trouverez dans la forêt, non loin d'ici. Cependant, je vous déconseille d'y aller maintenant. C'est la période de la chasse.
Il ne me regardait même plus. Je ne voyais donc pas pourquoi je devais me forcer à écouter son blabla. Je rebroussai chemin vers la chambre de Nefeli pour chercher un sac ou quelque chose qui pourrait contenir une fleur. Le sac en main, je me dirigeai vers la sortie sans attendre.
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Je n'eus le temps de franchir la porte que j'entendis la voix du duc appeler sa fille. En me retournant, je pus faire face au regard perplexe de l'homme.
– Où vas-tu ainsi ?
– Faire une balade, répondis-je rapidement.
– Ne devais-tu pas passer la journée avec ta mère ?
– Elle a changé d'avis. Je suis passée la voir tout à l'heure et elle m'a dit qu'elle était dé.bor.dée.
J'insistai bien sur le mot "débordée" avec des mouvements de mains pour qu'il me lâche la grappe. Ça avait l'air de fonctionner. Enfin presque.
– Prends donc des gardes avec toi. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quoi que ce soit.
J'avais beau refuser, il ne voulait pas me laisser sortir seule. C'est donc à contre-cœur que je pris la route dans un carrosse en compagnie de trois grands hommes en armures.
Arrivés devant la forêt, nous laissâmes le fiacre derrière nous pour continuer à pied.
Une petite fleur rouge carnivore... une petite fleur rouge carnivore...
Je répétais ses mots sans cesse dans ma tête pour éviter de me disperser. La forêt était si dense qu'on pouvait y perdre un enfant et ne jamais le retrouver. Les grands arbres aux troncs épais laissaient passer la lumière et la chaleur du soleil à travers leur feuillage luxuriant. Le sol était recouvert de feuilles mortes et de petits points colorés. Il y avait de nombreuses plantes de toutes les couleurs, de toutes les formes, certaines que je n'avais même jamais vu... mais rien qui ne ressemblait à ma plante.
– Mademoiselle, interpela un des soldats. Que recherchez-vous exactement ?
C'est vrai qu'ils n'avaient pas été très utile depuis le début. Ils ne devaient sûrement pas savoir pourquoi je fouillais la forêt.
– Une petite fleur rouge carnivore. Aidez-moi à la trouver, si vous voulez vous rendre utile.
Ni une ni deux, lui et les deux autres suivirent le mouvement. À quatre, on augmentait nos chances de la trouver, et bien plus rapidement. Malheureusement, ça restait aussi facile que de chercher une aiguille dans une botte de foin.
Si le jardinier s'est payé ma tête, il peut être sûr qu'il va m'entendre...
Ça faisait presque trois heures que nous cherchions et nous n'avions toujours aucune Drose en main. Ma patience s'en allait doucement avec les nuages qui nous laissaient derrière eux. Je marchai, encore et encore, examinant chaque recoin et chaque racine, mes pieds me faisant souffrir.
C'est alors que mon ventre se mit à gronder et faire écho dans une clairière. Je soufflai et marmonnai dans ma barbe, m'asseyant sur une racine d'arbre. Ce n'est qu'à cet instant que je me rendis compte de l'absence des gardes. J'avais tellement marché que je les avais aussi perdus. Le monde devait être contre moi.
Je continuais à me lamenter, seule contre les insectes, lorsque j'aperçus, derrière des fougères, de jolies feuilles rosées. Je m'approchai doucement, quand je la vis enfin, en plein milieu de son repas : la Drose Timere ne mangeait pas une simple mouche mais un petit lapin. Elle avait des dizaines de pétales rouges aux bords roses qui entouraient son cœur touffu. Sa tige était complétement enterrée dans le sol, ne laissant échapper que le haut et quelque feuilles troués. Elle ne bougeait pas vraiment pour avaler ce lapin, mais une liane les reliait et la boule de poile avait l'air déjà mort. Je ressentis un fort sentiment de soulagement. Ma fatigue s'était elle aussi envolée.
Avec le sourire, je m'approchai de la fleur, quand j'entendis un énorme grognement derrière moi et cette fois ci, ce n'était pas mon ventre.
Je fis volte-face. Une sorte d'ours noir sans poils avec des cornes et des épines le long de son dos était devant moi. C'était un mélange entre un ours et un dinosaure. Ses yeux étaient si creusés dans leur orbite qu'on aurait dit qu'il n'en avait pas. J'étais tellement stupéfaite de voir une telle chose que j'en oubliais de respirer. Sous la surprise, je tombai sur les fesses, salissant la robe avec laquelle Émilia m'avait habillée ce matin. L'ours était prêt à me sauter dessus à n'importe quel moment pour me dévorer. Je n'avais le temps de fuir nulle part et rien autour de moi ne pouvait me permettre de me défendre face à un ours de cette taille.
Un bout de bois ? Qu'est-ce que je pouvais faire avec ça face à ÇA !
Je tremblais comme une feuille, mon cœur ne voulait pas se calmer et je n'avais même plus de force pour crier à l'aide. Mais, malgré la peur qui m'avait frappée, je me dis que ça ne pouvait pas être pire que la noyade que j'avais subit.
Quand l'ours se dirigea vers moi, la gueule grande ouverte, je plaçai ridiculement mes bras devant mon visage, pensant que quelque chose comme ça pouvait me protéger des crocs d'un ours.
La dernière chose que je vis fut la bête, debout sur ses deux pattes arrière, avec ses grosses griffes levées au ciel pour montrer sa puissance. Cependant, rien ne m'atteignit. Ni ses crocs, ni ses griffes. Il arrêta même de hurler.
Il n'y avait plus que ma forte respiration et une voix inconnue qui caressait mes tympans.
– Mademoiselle ? Tout va bien ?
J'entendais. Je n'écoutais pas. Quand j'ouvris les yeux, c'est à mes pieds que ce trouvait l'énorme bête. Son corps gisait sur le sol, avec trois flèches plantées en elle. Entre le cadavre et moi se trouvait une personne. Elle me tendit la main pour m'aider à me relever mais, bien plus attirée par l'ours, je marchai à quatre pattes jusqu'à lui. Lentement, je tendis mes mains vers cette chose encore chaude et la caressai du bout des doigts.
L'ours qui avait tenté de me manger plus tôt se retrouvait désormais inanimé. Le sang rouge, qui coulait encore au niveau de ses blessures, gisait sur le sol. Sa peau et ce léger duvet, qui venait casser cette homogénéité, glissait sous mes doigts. Ses yeux, désormais livides, me paraissaient plus vivant que jamais.
Magnifique...
C'est alors que l'homme ayant achevé cet œuvre me ramena à la réalité.
– Excusez-moi mais je ne pense pas que toucher cette chose avec vos mains délicates soit une bonne idée.
Je levai alors la tête pour la première fois vers l'homme. Je tenais à le remercier de m'avoir offert ce spectacle mais je refrénai tout désir quand j'aperçus le personnage. Je faillis oublier que j'étais dans le livre.
L'homme semblait inquiet, comme si j'avais tapé ma tête quelque part. Je sentais son regard bleu persistant derrière ses mèches blondes. Il posa son arc et son carquois au sol puis me tendit à nouveau la main pour m'aider. Dans un élan de surprise, je reculai et me mit sur mes deux jambes. Il leva les deux mains pour me montrer qu'il ne tenait rien et fit un pas dans ma direction.
– Ne vous inquiétez pas. Nous ne vous voulons aucun mal.
"Nous" ?
Je jetai alors un œil derrière lui. En effet, il n'était pas seul. Un autre homme se dirigeait doucement vers nous et un chien, un braque, ne bougeait pas à l'entrée de la clairière. Comme le blond, il portait une sorte d'armure faite de petites plaques d'acier. L'une d'entre elles portait le dessin d'une fleur de glaive violacée, soulignée de deux épées noires.
– Que faites-vous sur un terrain de chasse ? me demanda le blond.
– Un terrain de chasse ?
Je regardai autour de moi, cherchant un panneau, de la peinture ou même des ficelles pour m'indiquer que j'étais entrée en terrain de chasse, mais rien. Seuls les animaux nous prévenaient de leur présence.
– J'ai encore le droit de me balader où je veux.
L'homme qui restait en retraite accéléra le pas pour se retrouver au même niveau que son ami. Les sourcils froncés et le regard sévère, il prit la parole :
– Où vous voulez ? Vous avez failli y laisser la vie !
Le blond posa doucement sa main sur son épaule et lui afficha un sourire peiné. L'homme détourna son regard et le laissa parler à sa place.
– Je vous prie d'excuser mon ami. Il ne voulait pas hausser le ton. C'est seulement sa façon à lui de s'inquiéter. J'espère que vous n'avez rien...
– Non.
Il avança de nouveau vers moi alors que je reculais. Il venait de tuer un ours à l'aide de quelques flèches et son attitude posé et sereine ne me mettait pas vraiment à l'aise.
– Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur ? questionna-t-il.
Hésitante, je finis par lui répondre :
– Nefeli Vélum.
– Fille du duc Vélum, continua-t-il, sûr de lui. C'est un honneur de faire, enfin, votre rencontre. Quoi que dans un endroit aussi inattendu.
Il abaissa sa tête pour me saluer, une main sur le torse, une autre dans son dos. Comme par reflexe, je fis la même chose d'une manière plus maladroite.
– Pareil.
Sans attendre un instant de plus, je me marchai vers la fleur puis m'accroupis pour l'arracher. Je veillai bien à ce que la plante s'abîme le moins possible tout en agissant rapidement.
Une petite fleur rouge carnivore...
Je ne tenais pas à ce qu'elle me mange un doigt. Même en la mettant dans mon sac, je lui fis une grande place pour garder ses pétales intacts. Je n'avais pas envie qu'on me renvoie dans cette forêt juste pour avoir casser une feuille.
– Pourrais-je à nouveau vous revoir ? Au bal des frontières, vous y serez ?
La voix du blond était drôlement proche. Il s'était rapproché alors que je m'occupais de ma fleur. Rapidement, je me levai et me retournai dans sa direction.
– Si le destin le décide.
Il avait l'air trop... gentil. Innocent. Niais. Je ne pouvais pas me fier à son sourire.
Je plaçai le sac sur mon épaule et jetai un dernier regard aux deux animaux morts avant de quitter la clairière pour de bon. Je laissais les deux hommes et le chien à leur partie de jeu pour retrouver mes hommes, incapables de suivre une pauvre jeune femme.
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