Chapitre 4
Je me levai dans un mouvement rapide pour voir qui s'approchait, mais la personne se trouvait déjà devant moi : une grande femme avec un grand chapeau et à la lueur orange dans ses yeux. Dans ce noir presque complet je ne voyais que ça. En le remarquant, je compris. J'avais devant moi...
– Une sorcière...
Les mots sortirent de ma bouche sans que je ne m'en aperçoive. La dame ne me donna pas une seule réaction pour réponse. Elle se baissa et prit le chat dans ses bras avant de le balancer à l'arrière d'un comptoir. J'entendis le chat miauler pour se plaindre mais Je ne le vis pas repartir.
– Que fais-tu ici, jeune cliente ?
Sa voix était calme et plutôt grave. Je tournai mon regard vers la femme dans l'espoir de trouver son visage, mais il était recouvert par l'ombre de son chapeau. Mon cœur battait à cent à l'heure et j'en avait des frissons. Une sorcière se trouvait juste devant moi alors que je n'y croyais même pas quelques jours auparavant.
J'hésitai un moment durant lequel j'en oubliais la raison de ma venue. Puis enfin je me décidai à répondre.
– Vous êtes une sorcière... N'est-ce pas ?
– Une sorcière ? En voilà une drôle d'idée.
Elle n'avait pas l'air de plaisanter. Toute mon assurance s'envola.
– J'ai besoin de vous.
La femme avança vers moi alors que je reculais.
– Le salon n'est pas ouvert jeune fille.
– J'ai besoin des sorcières.
– Mais où sont ces sorcières dont tu parles ?
J'étais si concentrée sur cette lumière étrange qu'émanaient son regard que je ne remarquai pas la chaise derrière moi et tombai dessus. La main sur le dossier, j'étais prête à courir loin de la sorcière qui continuait de marcher à moi.
– Je sais que vous en êtes une.
Je ne savais même pas où regarder. L'angoisse qui avait disparu grâce au chat refit son apparition comme par magie.
La femme tendit son bras vers moi. Ses ongles longs et bien limés me rappelaient ceux d'une bête, comme des griffes. Lentement, elle rapprocha sa main vers mon cou.
– Les sorcières n'existent pas, fit-elle en touchant ma peau de ses doigts froids.
Elle pouvait m'arracher la tête à n'importe quel moment et pourtant je sentais l'excitation monter en moi. J'étais tétanisée face à cette femme mais je ne pouvais m'empêcher d'imaginer ce qui pouvait arriver.
Je sentis ses ongles appuyer sur mon cou. Les yeux grands ouverts, effrayés, je tentai le tout pour le tout.
– Je cherche la Pierre de Lune.
Les lustres s'allumèrent. La femme desserra son emprise et recula sous la surprise. Je pus enfin la voir correctement : de longues boucles châtaines entouraient son visage halé, son regard perçant me fixait comme pour me transpercer et ses lèvres étaient recouverte d'un orange sanguin. Ses vêtements étaient d'un noir total : un chapeau distingué décoré d'une rose noire, une robe sirène dévoilant sa poitrine et cachant ses chevilles, une ceinture de bijoux tout le tour de sa taille...
Cette femme n'avait en rien l'image d'une sorcière que je me faisais.
– La Pierre de Lune ?
La sorcière ne parlait pas. C'était la voix d'une autre femme. Cette dernière descendait des escaliers au fond de la salle. Elle aussi, était habillée entièrement en noir bien que le model de ses vêtements soient différents. Elle était recouverte de la tête aux pieds : un voile noir était posé sur les bords de son chapeau, m'empêchant de voir son visage, et une fourrure d'animal entourait ses épaules et le haut de sa robe rétro. Quant à ses mains, elles étaient recouvertes de gants en soie.
La femme s'avança vers nous dans le plus grand des calmes. Elle slaloma entre les tables et les chaises, faisant claquer ses talons sur le parquet. La première sorcière se décala, laissant approcher la deuxième. Une fois devant moi, elle s'abaissa jusqu'à avoir son voile juste devant mon visage.
– Qui t'a parlé de son existence ? demanda-t-elle.
– Les livres.
– Impossible.
Son ton ferme me fit me remettre en question. Si les livres d'ici ne parlaient pas de la pierre, alors où est-ce que j'aurais pu trouver mon excuse ?
Elle se redressa et recula lentement vers l'autre femme.
– Qui es-tu ?
– Gab-
Je m'arrêtai instantanément pour ne pas dire une bêtise. Pour l'instant, je n'étais plus Gabrielle, mais Nefeli.
– Nefeli Vélum.
Le rire de la non voilée se fit entendre dans la pièce.
– Je n'aurais jamais cru que quelqu'un de ton rang serait aussi désespérée pour chercher des sorcières.
Elle s'appuya, demi assise, sur la table la plus proche, son regard amusé fixé sur moi et les bras croisés.
– Quel est le problème ? Les affaires ne marchent plus ? Papa n'a pas voulu acheter la dernière robe de chez Dina ?
Je sais même pas qui est Dina.
– Derta, calme-toi, fit l'autre dame.
La dénommée Derta claqua sa langue avant de regarder ailleurs.
– Pourquoi as-tu besoin de la pierre ?
Je ne savais plus vraiment quoi lui répondre. Les deux femmes avaient l'air de déceler la vérité et le mensonge peu importe ce que je disais. Et je ne connaissais pas assez bien ce monde pour inventer quelque chose de crédible à leurs yeux.
– Je... Je sais pas.
Je baissai le regard vers mes pieds.
– J'ai juste... J'ai l'impression que cette pierre pourrait m'aider.
– Et t'aider à faire quoi exactement ?
– Me liberer de tout ça. J'en ai marre de vivre comme je le fais actuellement et la pierre est le seul moyen que j'ai trouvé pour me débarrasser de cette vie. Mais je sais rien d'elle.
Techniquement, ce n'était pas un mensonge. Ou plutôt, pas complétement. Je n'avais pas trouvé d'autres alternatives que de leur donner une part de vérité.
L'ambiance s'adoucit doucement. Plus je parlais, plus les femmes semblaient s'être calmées.
– Si tu connais l'existence de la pierre, c'est qu'elle doit te chercher.
– Qui ?
La sorcière, dont je n'avais toujours pas vu le visage, enleva son chapeau voilé, laissant découvrir ses cheveux blonds et sa peau diaphane comparable à celle d'un mort. Les seuls traits de couleur qu'elle avait pour rendre vivant son visage étaient ses lèvres rouge vif et ses pupilles orangées. Malgré ça, aucune émotion ne faisait vivre son regard. Elle ressemblait vraiment à une poupée livide. La dame me regardait d'un air froid et pourtant peu hostile lorsqu'elle prit la parole, sans faire attention à ma question.
– Je me nomme Dagona, sorcière invocatrice, et voici Derta, sorcière élémentaire. Nous acceptons de t'aider à une condition : signe avec nous.
– Pourquoi ? ai-je demandé.
– Ne penses-tu pas que ça serait un tant soit peu inéquitable si nous ne recevons rien en retour ?
Je ne comprenais pas vraiment ce qu'elle me racontait sur le moment mais j'acceptai tout de même. Peu importe ce qu'il pouvait y avoir dans ce contrat, je n'appartenais pas à ce monde. Je ne risquais donc rien en offrant le corps de Nefeli.
De son chapeau, elle sortit une feuille de papier dorée et me la tendit. Je la pris et l'observa un moment, essayant de lire ne serait-ce qu'une seule phrase. Malheureusement, je ne comprenais rien de ce qu'il y avait d'écrit. Je plissai les yeux, pensant que le problème venait de moi.
– Compliqué, n'est-ce pas ? fit Derta.
Elle se redressa et s'approcha de moi pour me souffler une sorte de poussière sur le visage. Je toussai un instant pour faire ressortir tout ce que j'avais ingérer.
– Non mais ça va pas ! Prévenez avant de faire quelque chose comme ça !
Alors que je la fusillais du regard, la sorcière haussa un sourcil. Elle n'en avait clairement rien à faire de ce que je pouvais bien lui dire.
Super...
– Lis, ordonna-t-elle.
Je levai les yeux au ciel avant de réessayer. Les mots sur le papier se formèrent alors sous mes yeux, comme de réels petits bonhommes qui couraient pour se mettre chacun à leur place. Le contrat me parut tout d'un coup beaucoup plus clair.
Du coin de l'œil, je pus apercevoir son sourire narquois. Qu'est-ce qu'elle y gagnait à montrer sa supériorité à une simple humaine ?
Elle a si peu d'estime de soi...
L'autre sorcière sortit soudain une plume de son chapeau. Elle me la tendit avec un léger sourire sur les lèvres.
– Ignore la pour l'instant. Signe simplement.
Réticente, je pris la plume et signai, sans même savoir ce que j'avais offert aux sorcières. La seconde d'après, les mots qui s'étaient formés plus tôt se décollèrent de la feuille et se mirent à danser dans les airs, montant petit à petit jusque devant mes yeux, et explosèrent comme des mini feux d'artifices. Je n'avais jamais vu ça auparavant, même dans les films. Les lettres et les mots ayant disparu, on ne pouvait plus rien modifier au contrat.
Désormais, les sorcières devaient faire tout ce qui était en leur pouvoir pour me trouver la Pierre De Lune.
Je me levai et m'apprêtai à repartir quand la curiosité me frappa.
– Je voulais vous demander, c'est quoi la différence entre une sorcière invocatrice et une sorcière élémentaire ?
Dagona remit son chapeau.
– Tout est dans le nom. J'invoque ce qui me chante et je communique avec le monde métaphysique.
– Quant à moi, continua l'autre, Je flambe, je noie, j'enterre, j'étouffe... à toi de choisir ce que tu préfères.
J'eu un frisson jusque dans le dos. Ses paroles sonnaient comme des menaces, comme si elle me demandait de choisir comment mourir.
– Et... et la troisième ? Elle est quel type de sorcière ?
Derta ouvrit grand les yeux. Surprise de ma question, elle fronça les sourcils.
–...Et tu sais que nous sommes trois. Je me demande vraiment où tu as appris tout ça.
Je n'eus le temps de parler que Dagona me répondait déjà.
– Chaque sorcière est spéciale. Sa capacité est un trait de son identité, offert par la sorcière originelle. C'est donc à elle de voir si elle veut te le dire ou non.
– La sorcière originelle ?
Le rire des deux femmes résonna entre les murs.
– Tu es bien bavarde pour une Vélum. Talina, notre mère à toutes.
Ce nom, Talina, faisait écho dans ma tête comme une douce mélodie. Je n'avais jamais entendu ce nom auparavant et pourtant, il me semblait familier. Il me rappelait un endroit agréable à fréquenter, rempli de souvenir et de tendresse.
J'allais continuer avec mes questions mais elles me mirent rapidement à la porte, certainement agacées par ma personne. Je repris alors le chemin du retour, dans ces rues silencieuses, sous ce ciel étoilé.
C'est alors que j'entendis le nom de Nefeli derrière moi. Je me retournai pour faire face au visage posé de Derta.
– Vous voulez enfin répondre à mes questions finalement ?
– Qu'elle est mignonne. Nous avons besoin de vérifier quelque chose sur toi.
– Sur moi ?
– Oui. Il faudra juste que tu ailles me chercher une fleur. Une petite plante carnivore un peu rouge qui porte le nom de drose timere. Ça nous ferait gagner du temps.
La dame se retourna ensuite, sans me dire au revoir, et repartit en direction de son salon.
– Mais je la trouve où, cette fleur ? Criai-je.
Elle ne répondit pas.
Surprenant.
À la place, elle me fit un signe de la main pour me dire au revoir.
Elle me laissa dehors avec pour seule compagnie cette information et mon agacement.
Comment j'étais sensée trouver une plante dont je ne connaissais ni la forme ni l'endroit où elle pousse ?
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