Chapitre 3
Dans la chambre de la noble dame, je faisais les cents pas, réfléchissant à ma position dans ce merdier. Je voulais comprendre mais je n'y arrivais pas. C'était au-dessus de mes capacités.
La magie... existe ?
Je ne voulais pas de cette vie qui n'était pas la mienne. De son vivant, Nefeli avait eu une existence tout à fait parfaite. Elle a grandi entourée d'amour et de richesse. Tout autour d'elle lui rendait les jours plus beau, sans compter le fait qu'elle finirait par devenir reine aux côtés de l'homme qu'elle aime. J'aurais pu être heureuse en récupérant son corps. Mais qu'en était-il du mien ? Et de ce que j'avais battit ?
J'avais tellement donné pour arriver là où j'étais, que le fait qu'on me l'enlève si facilement me semblait irréel. Tous mes efforts pour me faire remarquer : en vain. Toute mes tentatives pour marquer mon nom quelque part : inutiles. Et tous mes espoirs quant à l'avenir : effacés.
Je devrais donc dire adieu à tout ce dont j'étais fière et vivre sous le nom de quelqu'un d'autre ?
Nefeli... Cette femme dont je ne connais que ce que le livre avait bien voulut me donner... Si je pouvais, je lui rendrais sa peau et retournerais dans la mienne. Mais le livre ne me laisserait sûrement pas partir.
Le livre...
Je repensais à lui, encore et encore. Je ne voyais que lui pour m'avoir fait un coup pareil. Mais j'en ignorais encore la raison. Mon voyage jusque dans ses pages était bien réel alors il pouvait bien avoir une conscience. J'avais fait face à tellement de choses durant ces derniers jours que plus rien ne me semblait impossible. Les dragons vivaient dans les grottes, les vampires se cachaient parmi nous et des aliens nous espionnaient.
Je m'assis sur la chaise de la coiffeuse et fixai mon reflet dans le miroir. En me voyant pour la énième fois, je n'arrivai pas à garder mon calme. Ma respiration se fit plus rapide et saccadée. Mes pupilles se contractèrent et mes doigts se mirent à trembler.
À ce moment précis, je ne savais pas si ce que je ressentais était de la haine, de la peur ou du dégout. Peut-être un mélange des trois. Et c'est ce ressentis étrange qui me fit ouvrir les yeux.
Pourquoi je devrais vivre selon les lignes du roman ? Il ne m'a pas demandé mon avis pour m'embarquer alors... Je suis Gabrielle, je peux faire ce que je veux.
Mon identité ne pouvait pas s'évaporer comme par magie. Un roman voué à bien se terminer ne méritait pas le bonheur pour m'avoir volé le mien.
Il veut une Nefeli bienveillante, généreuse et exemplaire. Il aura la Nefeli de ses cauchemars.
Sous cette pensée, j'ouvris les tiroirs de la coiffeuse et fouilla pour trouver de quoi écrire. Il n'y avait ni stylo, ni papier, mais je pus trouver des épingles à tête de toutes les couleurs. J'en pris une et la planta dans le meuble en bois, bien décidée et changer l'histoire.
Dans le livre, un objet magique avait été mentionné. Cet objet pouvait me servir par la suite et il ne fallait surtout pas que je l'oubli. Je commençai à tracer les mots : Pierre Lune. Selon le livre, ce serait une pierre bleue, aussi connue comme étant une clé, dotée d'une puissance extrêmement grande. Personne ne savait où elle se trouvait, ni même les risques qu'encouraient les personnes qui l'utilisaient.
Je voulais en noter plus mais ma main se stoppa instantanément. Elle n'obéissait plus. J'essayais de la bouger mais à chaque effort que je faisais, je sentais mes muscles se serrer et me faire mal. Je ne pus tenir l'épine bien longtemps après ça.
Sur le coup, j'en voulus à Nefeli et à son corps aussi faible. Elle n'avait même pas la force suffisante pour graver des mots sur du bois.
Je la regardais rouler sur le sol comme si elle essayait de fuir quand je me souvins de l'apparition brève de trois sorcières dans le roman. Ces trois femmes aux pouvoirs magiques ont aidé Nefeli à retrouver son chemin alors qu'elle était désespérée et perdue.
Peut-être qu'elles pourront m'aider, moi aussi.
Aller voir ces femmes était la meilleure des choses à faire ; elles savaient forcément plus de chose que moi. Je ne pouvais pas rester dans cette chambre à me tourner les pouces jusqu'à ce que la pierre tombe dans mes mains.
– Si je me souviens bien... murmurai-je en me frottant le front. Elles devraient être... au salon D ?
Ni une, ni deux, j'ouvris la porte de la chambre pour sortir les chercher. Seulement, je n'eus le temps de poser le pied dehors qu'on m'arrêtait déjà. Une des bonnes du manoir faisait les vitres du couloir. En me voyant sortir, elle se précipita vers moi.
- Mademoiselle ! Vous sortez enfin de votre chambre, s'exclama-t-elle.
Ses cheveux en pagaille et ses vêtements poussiéreux traduisaient son sérieux dans sa tâche. Et son sourire jusqu'aux oreilles me faisait me dire qu'elle se plaisait ici, à faire le ménage toute la journée.
- Où allez-vous comme ça ? Voulez-vous que j'appelle quelqu'un pour vous accompagner ?
Je ne répondis pas. Je préférais la regarder, attendre de voir ce qu'elle allait me proposer. J'attendis bien plusieurs longues secondes avant qu'elle ne se rende compte que je n'avais pas envie de lui parler.
Un peu longue à la détente, la vieille.
Elle perdit doucement son sourire, son regard se levant peu à peu sur la vitre.
– Ça alors ! Je n'ai pas terminé mon travail, moi !
La dame fit une courbette, me souhaita une bonne journée et retourna nettoyer ses carreaux.
La regardant faire, je décidai finalement de retourner dans la chambre et d'attendre la nuit tombée. Si quelqu'un me voyait rendre visite à des sorcières, je pouvais m'attirer des regards douteux.
C'est donc en plein milieu de la nuit que je quittai la résidence, vêtue d'un long manteau brun. Il n'y avait pas grand monde dans les locaux, voire carrément personne. Même à l'extérieur, il n'y avait aucun soldat pour monter la garde. Je trouvais ça étrange pour une si puissante famille de ne placer personne à l'entrée, mais ça m'arrangeait.
Le chemin vers le centre-ville était plutôt calme. Je suivais les panneaux affichés et demandais parfois la route à des passants. Aucun ne semblait savoir qui j'étais. Tant mieux. Mais ils ne semblaient pas savoir où était le salon non plus. Je dus me débrouiller seule, ou presque.
Après avoir fait le tour de la ville au moins cinq fois, je réussi enfin à trouver cet endroit : caché dans un sous-sol, sans devanture ni enseigne pour nous avertir de sa présence, il ne risquait pas de ramener grand monde. Sur la porte en bois, était noté un "D" en plein milieu. Je toquai. Aucune réponse. Je toquai à nouveau. Toujours rien.
Irritée, je tentai d'ouvrir la porte par moi-même et, étonnement, elle n'était pas verrouillée. À l'intérieur, on ne voyait presque rien sans lumière. Il y avait bien les lampadaires de la rue qui traversaient les petites vitres en haut des murs, mais ça ne suffisait pas à illuminer toute la pièce.
Je soufflai un bon coup et fis le premier pas. Je ressentis comme un lourd poids sur mes épaules, m'empêchant d'avancer plus loin. J'étais comme paralysée devant la maison des sorcières alors que je sentais mon courage s'évaporer. La pénombre et le tic-tac d'une pendule m'inquiétaient. Je sentais la sueur couler sur mon front. À cet instant, j'hésitais même à retourner en arrière.
Soudain, les miaulements d'un chat me firent sursauter, débloquant tout ce que je ne contrôlais plus de mon corps. Je levai la tête vers cet animal en face de moi et soupira.
Ressaisis-toi, merde !
Je ne pouvais pas reculer. Assurée, j'avançai vers le chat. Je m'accroupis devant lui pour le caresser.
– Où sont tes maitresses ?
Alors même que je finissais ma phrase, je pus entendre un bruit de talons derrière moi.
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