Chapitre 18
Émilia se tenait droite, le regard rivé sur le sol, évitant tout contact avec moi. Je voyais son reflet à travers le miroir. Tôt le matin, elle vint me reveiller. Je ne pouvais pas espérer mieux.
Elle agit comme à son habitude, mais je sentais qu'elle me cachait quelque chose. Dans ses mouvements, son regard et sa façon de parler, je sentais bien qu'elle était mal à l'aise.
Posant la brosse sur la coiffeuse, je demandai d'une voix mielleuse :
– Émilia, Tu veux bien m'attacher les cheveux ?
Surprise, elle releva la tête et stoppa ses doigts avec lesquels elle jouait.
– Tout de suite, mademoiselle.
Elle se précipita vers moi pour me coiffer mais au moment où elle posa une main sur mes cheveux, je lui agrippai le poignet, faisant volte face vers elle.
– Je te faisais confiance.
Ses yeux, plongés dans les miens, tremblaient. Ils ne pouvaient pas regarder ailleurs.
– Tu n'as rien à me dire ?
Je n'avais toujours aucune réponse de sa part. Cependant, son attitude était plus bruyante. Ses jambes grelottaient et elle tirait doucement son bras pour échapper à mon emprise.
– Je t'ai pourtant rien fait. Tu as peur ?
– N-non... répondit-elle, bégayant.
– Alors pourquoi tu ne répond pas ? Tu as quelque chose à te reprocher ?
Elle laissa un blanc s'installer dans la pièce avant de baisser enfin la tête, marmonant des excuses qui n'avaient aucune valeur à mes yeux.
– Je suis désolée... Le duc me posait des questions e-et je pensais que c'était le meilleur moyen pour vous aider... Après tout c'est votre père, il ne vous veut aucun mal... Je ne sais pas ce qui m'a prit...
– Tu sais tenir ta langue ?
– Oui.
– Alors ne parle plus de moi à cet homme. S'il te pose des questions, tais toi. Prétends ne rien savoir. Tu en es capable, n'est ce pas ?
– Bien, mademoiselle.
– Je te préviens : il n'y aura pas de deuxième avertissement.
Je relachai enfin son bras quand elle fit un signe de tête, acquiessant. Je retournai face au miroir pour qu'elle commence son travail.
Émilia... une pauvre jeune fille victime du scénario et de sa fiche personnage. Elle était si facile à lire que ça en faisait un personnage ennuyant.
Seulement, à travers des mots, je n'avais jamais remarqué que l'adolescente était réduite dans ses actions à cause de ceux pour qui elle travaille. C'était sans doute le cas pour tout les employés de ce manoir et dans tout autre endroit où la hiérarchie avait une grande place.
Si elle ne pouvait pas partir d'ici, c'est qu'elle devait s'y plaire.
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Quelques jours passèrent depuis ce diner catastrophique avec les parents de Nefeli et, de nouveau, je me retrouvai devant les appartements de la reine, en compagnie de la duchesse et de la domestique.
Après cet incident nous avions reçu une nouvelle lettre de sa part, nous invitant pour un pic-nic avec elle et ses dames de compagnie.
Naturellement, je n'étais pas à l'aise dans un endroit comme celui ci, mais c'était encore pire depuis la dernière fois. J'avais constamment l'impression d'être observer, comme si on me surveillait.
Je deviens parano ?
À notre arrivée, on fut gracieusement accueillies par la reine en personne qui se dirigeait vers la serre. Son large sourire transmettait une bonne humeur et une joie incontestable.
Sa bonne humeur ne durera pas, ça c'est sûre.
Nous la suivions jusqu'à l'endroit où le pic nic se déroulerait.
Dans la serre, je m'attendais à être enveloppée par une chaleur étouffante, mais ce fut loin d'être le cas. Une légère brise circulait, nous donnant l'illusion d'être à l'extérieur.
L'abondance de couleurs et de senteurs nous plongeait dans une ambiance digne d'"Alice au pays des merveilles".
À notre entrée, nous fûmes accueillis par un parterre de pétales éparpillés sur le sol, formant un chemin menant à une table. Des pots en céramique, remplis de camélias, bordaient l'allée. Derrière ces pots, une multitude d'arbres et de fleurs de différentes variétés s'épanouissaient. L'odeur des fleurs, concentrée par leur regroupement, en devenait presque insupportable.
J'appréciais le parfum de la pelouse fraîchement tondue ou celui de la pluie printanière, mais l'arôme entêtant des fleurs m'était désagréable.
Une table était joliement installée au milieu de ce décor.
Les invitées de la reine -assise bien avant notre arrivée- furent toute étonnées de nous voir, la duchesse et moi, entrer aux côtés de la reine.
Elles saluèrent toutes la reine avec respect avant de prendre en compte notre présence.
– Quelle bonne surprise ! S'écria l'une d'entre elles. La duchesse Vellum et sa fille sont parmi nous.
La reine avait dit qu'elle espérait me voir bien m'entendre avec les autres, mais les regards que je recevais à cet instant même en disaient long sur les véritables intentions de ces femmes.
De jolies paroles et des sourires chaleureux pour ne pas véxer la reine ; c'est tout ce qu'on m'adressait. J'avais l'habitude d'être celle qu'on ne veut pas dans un groupe mais il y avait quelque chose de different chez ces personnes : elles me prenaient de haut. Toute, sans exception.
– C'est une véritable joie de pouvoir passer du temps avec vous mesdames, déclara la duchesse.
La reine prit place en bout de table. La duchesse s'assit à son tour et je fis de même.
Le vrai défi n'était pas de surpporter leur hypocrisie mais bien de suivre leur discussion. J'en avais du mal à rester concentrée tellement ça ne m'interessait pas.
Sérieusement, qui ça interesserait de parler vêtements et ragots toute une après-midi ?
Sur la table, s'étalait une sélection de petits gâteaux et de tartelettes, bien plus captivante que les échanges en cours. Les saveurs proposées, allant de la banane aux fraises, en passant par les noix, semblaient répondre à toutes les préférences. Bien que je n'étais jamais particulièrement friande de pâtisseries, une tarte au citron vert, garnie de chantilly, retenait mon attention. J'eu l'occasion de la goûter lors de ma dernière visite, et le souvenir de ce délice, raffiné et parfaitement équilibré, restait gravé dans ma mémoire.
Malheureusement, il fallait que je laisse cette part à plus tard. Je devais en priorité trouver un moyen de communiquer avec la reine. Toute ces dames la monopolisaient...
Comment peuvent-elles se permettre de rire alors que je suis là, souffrant à cause de leur foutu monde ?
– Dites moi, mademoiselle Nefeli, Vous n'avez prononcé aucun mots depuis votre arrivée. Où est passée votre langue ?
– En voilà une drôle de question.
D'une certaine manière, je la remerciais. Elle m'avait incluse sans que je n'ai à faire quoi que ce soit.
Je n'aimais pas particulièrement le ton qu'elle employait pour me parler, avec son regard supérieur et ces airs de princesse.
Cette femme ne prenait aucun filtre pour s'adresser aux femmes ici présente. Elle restait polie mais tout le monde savait qu'elle n'était pas très aimaible. Tout le monde sauf la reine.
Étrangement, elle s'autorisait plus de liberté quand elle me parlait.
Elle était déjà là, la dernière fois. Comment s'appelait-elle déjà ? Ah oui. Freya. C'était la princesse Freya, d'un royaume voisin.
Dans le roman, elle avait tenté d'assassiner Nefeli par pure jalousie. Et elle avait été renvoyée dans son pays directement après avoir été démasquée.
– Vous aviez l'air si emballée par vos histoires que je n'ai pas voulu vous interrompre, déclarai-je.
– Je vous en pris, participez. J'aimerai beaucoup savoir ce qu'une personne comme vous en pense.
Une personne comme moi, tiens...
J'ouvris les yeux, feintant un mélange de surprise et de joie.
– Ce que je pense ? Allons, je ne voudrais pas poluer l'air avec mes pensées.
Je laissa échapper un faux rire de gené.
– Pourquoi ? Avez vous honte ?
– Moi ? Jamais. Si vous insistez, je vais vous dire ce qu'il y a dans ma tête : Je pense que les bijoux que vous portez doivent être assez lourd pour être tenus par une si petite tête. Je pense que le rose de votre robe ne met pas en valeur vos jolis yeux. Je pense que vos paroles sont trop précieuse pour être dites autour de nous.
On pouvait tous voir le rouge lui monter aux joues. Je m'attendais à ce qu'elle m'arrête mais elle restait sans voix.
– Je pense que les abeilles sont celles qui vous apprécient le plus ici.
– Les abeilles ? dit-elle enfin.
Elle regarda autour d'elle, secouant la main comme s'il y avait une mouche qui lui volait autour. Son moment de folie fut interrompu par la reine, qui reprit, perturbée par la situation :
– Mais que faites vous ?
– Ne l'avez vous pas entendu ? Elle a dit que des abeilles me tournaient autour.
La reine se tourna vers moi, attendant une réaction de ma part.
– Moi ? Je n'ai jamais dit ça, enfin. C'était un compliment. Les abeilles ne tournent qu'autour des plus belles fleurs.
La princesse souhaitait, sans doute, pouvoir se moquer de mon manque de culture ou montrer qu'elle savait plus de chose que moi, mais ce qu'elle ne savait pas, c'était que j'étais intouchable.
Ses mots et ses actes ne pouvaient m'atteindre, sachant pertinemment qu'elle ne valait pas moins qu'une souris. Elle n'avait de princesse que le nom.
Je n'entendait plus Freya m'adresser la parole durant le temps restant. Je sentais seulement son regard pesant à chaque fois que j'ouvrais la bouche. Ce n'était pas pour me plaindre, mais je trouvais ça dommage. Elle mettait de l'animation dans les discussion.
– Nefeli, ajouta la reine. Dites nous, quel est votre rêve ? Vous avez beau parler, je n'en apprend pas beaucoup sur vous.
– Mon rêve ? Je suis flattée, votre majesté. À vrai dire, je suis plutôt contente que vous abordiez le sujet. Je ne savais pas vraiment comment vous demander.
Je fis mine d'hésiter un instant avant de reprendre, l'air ferme et sûr.
– J'aimerais intégrer l'école nationale.
La duchesse, surprise par ma declaration, s'étouffa avec un bout de biscuit.
– Mes excuses, je n'étais pas au courant de ça... Reprenez je vous en prit.
Depuis qu'Orion m'en avait parlé, je n'attendais que ça. L'école nationale était le moyen le plus simple d'obtenir ce sceau royal.
– L'école nationale ? Pourquoi ne pas le faire dans ce cas ?
– Malgré mon rang, ce n'est pas n'importe qui qui peut integrer cette établissement. J'ai besoin d'une autorisation royale officielle ou bien d'une recommandation de la part d'un partenaire de l'école. C'est très compliqué, vous savez. Cependant je ne perd pas espoir et je continu de travailler dur comme fer pour l'intégrer. Je suis sûre qu'un jour je pourrais y mettre les pieds en tant qu'élève et travailler efficacement pour mon pays.
Un mensonge de plus.
La reine n'avait aucun moyen de savoir si je disais la vérité ou non. Et de par son attitude, je devinais facilement qu'elle me croyait sur parole, ses yeux plongés dans mon regard, plein d'intérêt et de compassion. Elle avait même posé sa fourchette pour m'écouter.
– Je vous comprend, Nefeli. Se sentir utile pour une noble cause est un sentiment qu'on ne peut surestimer.
– Vous allez parler au roi ?
Elle ria.
– Vous êtes très directe ! Je vous aime bien. Malheureusement je ne peux vous promettre une réponse positive
Quoi ?
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