Chapitre 4
Lorsque nous arrivons sur le port, je suis déjà en nage. Marcher par une telle chaleur est un véritable calvaire. Pourtant, il est bien évidemment hors de question d'enlever ne serait-ce qu'une seule couche des vêtements nous protégeant des rayons solaires meurtriers.
-Enfin un peu d'ombre ! soupire Maëva en sortant sa gourde d'eau de son sac.
L'avantage de ce cimetière de bateaux à ciel ouvert, c'est que les carcasses de métal nous procurent un abri. En revanche, leurs coques chauffant au soleil rendent la température, déjà suffocante, totalement insupportable à leurs abords.
D'un revers de main, je m'essuie le front.
-Je suis déjà crevée, et cette foutue journée n'a pas encore commencé... grommelé-je, de mauvaise humeur.
Ian s'approche de moi, et pose une main vigoureuse sur mon épaule. Je le regarde, et il hoche la tête. Nous n'avons pas besoin de nous parler. Nous pensons la même chose. Si les choses continuent dans ce sens, nous mourrons tous d'épuisement avant même d'avoir atteint nos vingt ans.
Pourtant, Alicia se secoue. Je sais qu'elle a horreur de nos jérémiades. Et il en faut bien un qui soit là pour motiver les troupes...
-En avant, dit-elle d'une voix décidée, en frappant ses paumes l'une contre l'autre. Plus vite commencé, plus vite fini.
Je ne peux m'empêcher de soupirer bruyamment. Elle sait très bien que, quel que soit le temps que nous y passerons, nous ne serons pas assez performants. Cependant, je la suis. De toute façon, nous n'avons pas vraiment le choix.
Nous tournons autour de la vieille coquille échouée, à la recherche d'une entrée. Pour être plus efficaces, nous nous séparons. Un peu plus loin, je repère une échelle rouillée, qui grimpe le long de l'enveloppe d'acier. Je sors une paire de gants épais de mon sac, afin de protéger mes mains, et agrippe les premiers barreaux pour en entamer l'ascension. Celle-ci est longue est fastidieuse, mais me permet finalement de gagner le pont supérieur, incliné et branlant. Avec prudence, j'avance jusqu'à la cabine de contrôle du monstre de métal. Le vitrage en est brisé, et les antennes radars qui la coiffaient sont tordues ou arrachées. Avec agilité, j'escalade les débris qui jonchent le sol, et jette un œil à l'intérieur. Tout le mobilier est renversé, mais, étonnamment, pas trop endommagé. De plus, le tableau de commandes, bien que poussiéreux, est en parfait état. Je souris : Dorian aura de quoi se mettre sous la dent ce soir. Je regagne donc l'extérieur, afin de demander aux autres de me rejoindre.
Je leur indique l'emplacement de l'échelle, mais n'attends pas qu'ils m'aient rejointe pour repartir à l'assaut du navire. De toute manière, le temps que je repère un chemin pour m'enfoncer dans ses entrailles, ils m'auront rattrapée.
Je suis entrain de tester la résistance des escaliers menant aux niveaux inférieurs lorsque Peter fait son apparition. Je ne suis pas étonnée : il est le plus rapide après moi. Il regarde autour de lui, et siffle d'admiration, les mains sur les hanches.
-Eh bien ! Tu nous as dégoté la perle rare, cette fois !
Hilare, j'esquisse une petite révérence, avant de désigner la cage d'escalier plongée dans l'obscurité.
-Je vais voir s'il y a autre chose d'intéressant plus bas, le préviens-je. Prenez tout ce que vous pouvez ici !
Il hoche la tête en signe d'assentiment, et se débarrasse prestement de son paquetage pour se mettre au travail.
-Fais attention à toi, m'enjoint-il cependant, alors que je disparais dans les profondeurs du paquebot.
Je lui adresse un clin d'œil rassurant, et quitte la cabine.
Arrivée en bas, j'inspecte la pièce qui s'offre à moi. A l'opposée de là où je me trouve, une porte défoncée s'ouvre sur un couloir qui, vu d'ici, me paraît interminable. Je décide donc de le remonter, à la recherche de la cargaison qui dort probablement encore, quelque part sous mes pieds. Avec un peu de chance, celle-ci sera un tant soit peu intéressante. Mentalement, je dresse la carte du cargo. J'en ai déjà fouillé quelques-uns comme celui-ci, et j'ai eu l'occasion de m'apercevoir qu'ils étaient plus ou moins tous faits sur le même modèle. Donc, si je trouve un accès sur ma droite, je devrais tomber sur l'escalier qui mène aux cales.
-Bingo ! soufflé-je lorsque je tombe sur la bifurcation tant espérée.
Celle-ci est barrée par une porte scellée, mais je ne me laisse pas décourager pour autant. J'ai l'habitude de ce genre d'obstacles, et ils ne sont pas insurmontables. Je saisis à deux mains le volant grippé qui cadenasse l'accès, et tire de toutes mes forces afin de le décoincer. Derrière moi, des pas feutrés résonnent, et je m'interromps pour braquer ma lampe torche sur le nouvel arrivant. C'est Ian.
-Besoin d'aide ? me demande-t-il, d'une voix teintée d'ironie.
Une réplique acerbe me vient à l'esprit, mais je la ravale immédiatement. On n'est jamais trop de deux pour débloquer ce genre de situation, et ce n'est pas le moment d'entamer un débat sur lequel des deux est supérieur à l'autre. A nous deux, il nous faut bien cinq bonnes minutes pour parvenir à nos fins.
Ian s'avance alors dans le corridor, mais je le rattrape in extremis par la manche, paniquée.
-ATTENTION ! hurlé-je.
Il s'arrête d'un coup, interloqué. D'un mouvement leste, je braque ma lampe sur le trou béant du plancher effondré.
-Un pas de plus, et tu t'en allais vérifier si l'Enfer existe vraiment.
Le jeune homme, réalisant que je viens probablement de lui sauver la vie, met plusieurs secondes à reprendre ses esprits. Puis, lentement, il se tourne vers moi, un sourire sarcastique aux lèvres.
-L'Enfer, je te dirais bien qu'on y vit déjà, lâche-t-il, caustique.
Je lève les yeux au ciel pour la forme, mais je ne peux m'empêcher de pouffer en même temps. Il a totalement raison.
Je le tire en arrière et viens m'accroupir au bord du gouffre, afin de voir ce qui se trouve dessous. Sans me presser, je promène ma lampe sur la montagne de caisses renversées qui s'étalent sous nos pieds. Au moins, nous avons trouvé ce que nous cherchions. Soudain, j'entraperçois l'éclat brillant d'un ensemble de petits objets métalliques. Intriguée, je plisse les yeux. Il s'agit de boîtes circulaires, recouvertes par des étiquettes toutes identiques, se déversant à l'extérieur d'un container ouvert. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, et je souffle à Ian :
-Je crois qu'on a touché le gros lot...
Il me regarde d'un air interrogateur, et, tous sourires, je fais planer le suspense.
-Crache le morceau, putain ! s'impatiente-t-il.
Je ris d'un air légèrement moqueur.
-De la bouffe. Des milliers de conserve de bouffe.
Ses lèvres s'ouvrent et se ferment en une série de « o » muets. Il est tellement surpris qu'il en a perdu les mots. Je lui donne un coup de coude en m'esclaffant de nouveau.
-Ferme la bouche, tu vas gober un insecte !
Le jeune homme se renfrogne, mais, à l'éclat qui brille dans son regard, je sais qu'il est content de notre trouvaille. Ce soir, Dorian nous remerciera. Une fois n'est pas coutume...
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