΅ ΧΧΙΙΙ ΅
Pierrot avait chaud. Il voyait beaucoup mieux que la dernière fois, mais il avait l'impression d'être dans un sauna, ou un désert, ou sous une couette en été. Il sentait qu'il transpirait horriblement, mais paradoxalement, sa sueur lui donnait froid.
Ils étaient devant la mer, en tout cas, et Jésus parlait, comme à son habitude vous me direz, et vous aurez raison. Et il y avait énormément de gens pour l'écouter ce jour-là, une grosse foule, dans laquelle la poussière était devenue l'oxygène. Il y en avait partout. Et Pierrot avait super chaud, et il était assis par terre alors il avait mal aux fesses.
Il leva la tête pour essayer de voir où était Jésus, puisqu'il entendait sa voix ; ah, sur une barque. D'accord.
C'était moi son compagnon de barque avant.
Mais Pierrot ne pouvait pas se sentir trahi ; après tout, Jésus était tout seul sur la barque cette fois.
« Écoutez ! Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, du grain est tombé au bord du chemin ; les oiseaux sont venus et ils ont tout mangé. »
Quels bâtards ces oiseaux.
« Du grain est tombé aussi sur du sol pierreux, où il n'y avait pas beaucoup de terre ; il a levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde ; et lorsque le soleil s'est levé, ce grain a brûlé et, faute de racines, il a séché. Du grain est tombé aussi dans les ronces, les ronces ont poussé, l'ont étouffé, et il n'a pas donné de fruit. »
Ce semeur sème vraiment n'importe comment.
« Mais d'autres grains sont tombés aussi dans la bonne terre, reprit Jésus après une légère pause ; ils ont donné du fruit en poussant et en se développant, et ils ont produit trente, soixante, cent, pour un. »
Voilà qui est mieux. Et rentable. J'aime.
Jésus darda un regard lourd de sens sur les gens qui étaient amassés là, sous le soleil.
« Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende ! »
Pierrot releva la tête sans comprendre ce commentaire et ce qu'il venait faire au milieu de la parabole du semeur. Mais comme les gens se relevaient pour partir, parce qu'apparemment cette phrase était le signal pour qu'ils se barrent, il ne put établir de contact visuel avec Jésus.
Pierrot ne partit pas comme les gens, mais se rapprocha plutôt des apôtres, qui avaient entouré Jésus. Matthieu était présentement en train de lui poser des questions, et ma foi, tout le monde attendait que Jésus réponde.
C'était clairement pas la plus compliquée les gars, vous exagérez, soupira Pierrot intérieurement — avoir chaud le rend exécrable — sans se douter que cette parabole simple puisse avoir un sous-entendu sacré.
« C'est à vous qu'est donné le mystère du royaume de Dieu, répondit Jésus à Matthieu ; mais à ceux qui sont dehors, tout se présente sous forme de paraboles. Et ainsi, comme dit le prophète :
Ils auront beau regarder de tous leurs yeux,
Ils ne verront pas ;
Ils auront beau écouter de toutes leurs oreilles,
Ils ne comprendront pas ;
Sinon ils se convertiraient
Et recevraient le pardon. »
Et comme c'était à prévoir, personne ne comprit quand bien même tout le monde ait écouté, et tout le monde fronça les sourcils de frustration.
Je n'arrive pas à savoir si on est tous cons, ou si on a juste les oreilles complètement bouchées.
« Vous ne saisissez pas cette parabole ? Alors comment comprendrez-vous toutes les paraboles ? Sourit Jésus doucement, éternellement calme et ultra intelligent. Le semeur sème la Parole. »
OH.
AH.
Sous la réalisation de son erreur quant aux questionnements qu'avaient les autres alors que lui ne cherchait même pas, il rougit de honte.
« Il y a ceux qui sont au bord du chemin où la Parole est semée, étoffa Jésus : quand ils l'entendent, Satan vient aussitôt et enlève la Parole semée en eux. Et de même, il y a ceux qui ont reçu la semence dans les endroits pierreux : ceux-là, quand ils entendent la Parole, ils la reçoivent aussitôt avec joie ; mais ils n'ont pas en eux de racine, ce sont les gens d'un moment ; que vienne la détresse ou la persécution à cause de la Parole, ils trébuchent aussitôt. Et il y en a d'autres qui ont reçu la semence dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis du monde, la séduction de la richesse et toutes les autres convoitises les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Et il y a ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre ; ceux-là entendent la Parole, ils l'accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent, pour un. »
Tout à coup, Pierrot eut l'impression de tomber, tomber, tomber encore, tête la première dans la mer.
C'est absurde, j'étais par terre il y a dix secondes...
Et à peine cet éclat de lucidité eut-il traversé son esprit qu'il se sentit redevenir stable, mais il n'eut plus d'image, plus que le son. C'était la voix de Jésus, qui résonnait comme s'il parlait dans une église.
« Quelqu'un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n'en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : « Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ? »
C'est fou, j'ai l'impression d'entendre une autre voix que la sienne quand il dit ça...
Pierrot tendit l'oreille pour la suite.
« Mais le vigneron lui répondit : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas. »
Ah non, c'était la voix de Jésus cette fois... zut. Ce serait plus drôle s'il imitait les différentes voix comme pour l'autre.
Et tombant dans une mélasse de plus en plus brûlante et moite, Pierrot finit par ouvrir les yeux.
אבא
Mc 4, 1-20
Lc 13, 6-9
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