Peut-être était-ce à cause de la maladie qui le clouait au lit, mais il n'y eut pas d'images dans son rêve, cette fois encore. C'était comme s'il rêvait dans un rêve.

Mon cerveau devient vraiment de plus en plus con.

Il n'entendait que Jésus, personne d'autre. Pas les apôtres, et pas les rageux non plus. Que Jésus.

Et Jésus parlait, encore et toujours.

« Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l'accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n'y a pas de récompense pour vous auprès de votre père qui est aux cieux. »

De lointains souvenirs de gens qui mettaient leurs bonnes actions en avant sur tiktok lui vinrent, mais il ne commenta pas.

« Ainsi, quand tu fais l'aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi — l'image le fit sourire —, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. »

Le débit de paroles était lent, et Pierrot se demanda s'il pouvait vraiment s'endormir à répétition, comme ça.

« Mais toi, reprit la voix plus fort, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. »

Pierrot songea qu'il ne disait jamais à personne quand il faisait l'aumône à un pauvre dans la rue, mais en même temps, c'était un peu parce qu'il n'avait personne à qui le dire. Est-ce qu'il le ferait, si c'était le cas ?

« Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. »

Aux carrefours quoi. No limit, pouffa le jeune homme intérieurement, tendant l'oreille — peut-on parler d'oreille interne ?

« Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans la pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. »

Je capte l'idée. Sauf que je ne prie pas.

Pas le temps de se demander à lui-même pourquoi il ne priait jamais, la voix reprenait déjà :

« Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l'ayez demandé. »

Pierrot décida qu'il aimait bien ce système de communication télépathique pour prier. Quand bien même il ne sache pas que ça voulait réellement dire.

« Vous donc, dit la voix chaude et douce de Jésus, priez ainsi :
Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
Remets-nous nos dettes,
comme nous-mêmes nous remettons nos dettes
à nos débiteurs.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du Mal. »

Il ne connaissait pas cette poésie, mais avait la vague impression de l'avoir déjà entendue quelque part, c'était comme s'il était capable de confirmer qu'il y avait déjà eu affaire dans sa vie, mais n'en connaissait pas un mot.

Comme les chansons à la radio.

« Car, si vos pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. »

Ces deux phrases simples lui tournèrent longtemps dans la tête.

« Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites — les fameux — : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »

Pierrot n'arrivait plus à penser, son corps se réveillait de sa sieste. Mais, alors que ses yeux commençaient à papillonner, il entendit une dernière phrase, et ce n'était plus la voix de Jésus.

« Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes.

אבא

Mt 6, 1-18
Mt 7, 12