Dents
L'Amertume. Elle qui nous tient éveillé des heures durant, et semble les étirer en de longues nuits et journées. Elle qui serre la gorge et remue les paupières, peuple notre conscience non pas de rêves mais de cauchemars. Peuple nos ténèbres de créatures informes, incontrôlables, et pourtant silencieuses. Leurs griffes n'apportent ni souffrance ni douleur. Leurs cris égalent le murmure léger du vent. Leurs paroles ne sont qu'un maigre grésillement au milieu du silence, mais elles sont bien là. Assises, tapies dans l'ombre, observant notre décrépitude.
Les années rendent amère, tout comme les blessures nous barrent de cicatrices indélébiles. Elles m'observent saigner, ignorer les larmes d'hémoglobines, préférant observer le monde derrière un voile de mensonge. Un tissu de rêves, d'espoirs, pour la plupart infondés. Sans ce voile la réalité est triste, noire, désagréable. Elles s'y cachent, et attendent toutes dents dehors que ce linceul se lève enfin. De leurs petits yeux rouges elles me fixent, fixent tout le monde, impatiente de se jeter sur une pauvre âme errante pour lui jeter leur venin empoisonné. Un poison qui fait fleurir la colère, la tristesse, la folie, la douleur d'un Spleen trop présent. Il déchiquette le tissu de rêve pour faire voir à nos yeux trompés les horreurs de la vie. Elles nous mettent face à la vérité tranchante de notre existence, nous force à l'observer jusqu'à en pleurer ; jusqu'à ce que le désespoir nous face succomber.
Nous ne pouvons plus nous bercer d'illusions, ignorer ces créatures de mauvais augures. Elles sont vainqueurs, porteuses de nos malheurs et de celui des autres. Rouvrent nos cicatrices pourtant scellées depuis longtemps. Elles les redécoupent et les mêmes larmes en découle. Les mêmes inquiétudes, les mêmes agacements, les mêmes ennuis, le même chagrin.
C'est l'œsophage qui gratte. L'estomac qui se retourne. Le cerveau qui brûle. Les yeux qui piquent, et le cœur qui fait mal. Il bat dans la poitrine et pourtant jamais il n'a semblé si décharné. Si faible, qu'elles ne peuvent plus attendre de planter leurs crocs dedans, et le faire pourrir.
Mais sans le voile, les chimères ressemblent plus à la réalité elles aussi. Arborent des visages, des voix, des souvenirs parfois regrettés ou haïs. Elles viennent avec Regret ou Trahison, les deux qui marquent au fer rouge les pauvres gens trop torturés pour les ignorer. Toutes les deux veulent rendre stupide, montrer l'inconscience que Gentillesse et Espoir nous ont donné, nous montre que s'accrocher blesse plus que laisser. Que nos monstres ne sont pas dans nos cauchemars, mais devant nos yeux crevés, délavés par le corbeau de l'Amertume.
2019
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro