Box
J'ai ajouté du papier à ma boîte. Pas du nouveau, mais de l'ancien, exposé trop longtemps. Il y a plus que des lettres, j'ai trouvé des bricoles, des bouts de papiers malhonnêtement pensés perdus. Ils étaient accrochés sur mon mur mais ils n'y sont plus.
La bile brûle. Elle remonte souvent dans ma gorge, au point de m'en perdre l'appétit, ou bien de le transformer en une faim dévorante et illogique. Mon visage me devient insupportable, mon corps semble être celui d'un étranger, et ma voix ne m'appartient pas. Il ne résonne que dans ma tête une triste et lente musique, qu'un violon racorni joue en boucle.
Je crois l'avoir définitivement fermée. Je devais y faire rentrer de grandes feuilles, précieuses, mais je n'avais pas le cœur à les plier. Je les ai donc posées sur la boîte, dans le fond de mon armoire, là où s'empilent cartes postales et cartes d'anniversaire que personne ne garde. Mais moi je garde tout. Je garde les souvenirs, même les plus douloureux. La mémoire torture, mais elle perdure aussi.
J'ai dépassé le stade la colère. Je suis simplement lasse des choses, des gens, de l'existence. Lasse de voir mes rêves se briser un à un, de percevoir les mensonges au milieu des vérités, comme des phares lumineux dans la nuit. Lasse de comprendre les choses, sans que les autres les comprennent aussi. Et alors m'enfermer dans le silence devient une habitude. Soit je parle trop, soit je ne parle pas assez, je préfère au final ne rien dire.
Je pensais avoir le cœur léger en fermant la porte, mais non, jamais n'avait-il été aussi lourd. Je pensais avoir passé une étape, monté une marche, mais la sensation de chuter au lieu de grimper se faisait plus persistante au milieu de ma solitude. La porte s'est arrêtée en cours de chemin, à quelques centimètres d'être totalement close. Elle aussi paraissait se poser la question de la mémoire. Est-elle bonne à jeter ou à garder ? Pourquoi dois-je infliger à mes yeux de telles censures ? Je ne suis pas encore au bout du chemin.
La décrépitude attend patiemment, et la mort prend lors de journées chaudes et brillantes, préfère semer la tristesse un jour de printemps qu'un jour de pluie. La solitude pèse, même pour mon cœur qui pensait ne jamais vouloir les autres. Avoir pour seule compagnie ses pensées reste dangereux, c'est comme avoir un couteau sous gorge. Sauf que c'est notre main qui l'ouvre, et pas celle d'un autre.
S'attacher était ma hantise. Je l'ai pourtant fait, voilà que je le regrette. Voilà que je m'enferme dans cette indifférence familière où l'avis des autres, jugements et pensées glisse sur moi comme l'eau coule dans les rivières. Voilà. C'est bien le mot. Car au final il ne se passe rien. Plus rien en tout cas.
Le rien ne s'est pas fini en larmes, cris de colère ou de tristesse, il s'est simplement effrité. Lentement, une douce érosion, ou plutôt corrosion qui ne laisse pas de quartier. Qui ne laisse que le néant, peut-être quelques miettes malheureuses d'un cœur brisé. Cœur qui aurait préféré être arraché à mains nues plutôt qu'abîmé par le temps, sans réellement mourir. Comme une torture aux mille douleurs qui laisse une pauvre âme dans son sillage, rampante, accrochée à la vie comme un lierre accroché à un rocher. C'est doute ça. Je me raccroche, je garde un espoir qui me brûle les rétines et les os, mais je ne peux en détourner le regard.
Il y a sans doute milles mots, milles phrases, milles pages que je pourrais écrire, mais rien ne suffit. Rien ne correspond, rien ne se rapproche de mes pensées tortueuses, qui laisseront au final un grand vide, une grande étendue d'eau, calme, sans bruits ni vie.
Box II – mai 2020
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