Bien que ça ne l'enchantait pas plus que ça, Fenrir réussi à obtenir un entretien avec ses parents. Ce sera bien la première fois qu'une domestique allait pouvoir parler, en tête à tête, aux seigneurs de Teneris mais, après tout, elle n'était pas n'importe quelle domestique.

Une fois devant la porte de la salle du trône, Ellie n'était tout de même pas au mieux de sa forme.

— Tu stresse ? Lui demanda Fenrir, debout à côté d'elle.

— Après ce que tu m'as dit sur ton père, j'ai de quoi.

Pour toute réponse, Fenrir lui prit la main et la serra. Qu'importe le caractère du roi, il fallait à tout prix qu'ils réussissent à le convaincre. L'avenir des deux royaumes en dépendait.

Après quelques minutes, un garde passa la porte et leur fit signe d'entrer, sans oublier la petite révérence envers le Prince en titre. Ellie pu tout de même voir un éclair de surprise sur son visage quand il vit que Fenrir ne portait pas son masque. Il n'avait pas voulu le mettre ce matin, préférant parler à son père à visage découvert, et Ellie n'allait sûrement pas s'en plaindre.

Fenrir s'avança, d'une démarche fière et sûr de lui. Ellie était bien moins confiante mais elle faisait en sorte de ne pas le laisser paraître. Elle s'était déjà tenue dans une salle du trône des dizaines voire des centaines de fois mais là c'était différent. Auparavant, elle gambadait, souriante, aux côtés de ses parents. La famille royale de Solum étaient des amis de la famille. Là, en plus de faire face à ses futurs beaux-parents, du moins elle l'espérait, elle devait expliquer clairement que son propre royaume s'apprêtait à attaquer le leur. En le disant comme ça, elle se rendait bien compte que ça n'allait pas être de la tarte.

La salle du trône de Teneris était très semblable à celle de Solum mais les couleurs différaient. Le bleu nuit remplaçait le rouge et l'argent, l'or. Ellie porta finalement son regard sur les deux trônes où se tenaient les parents de Fenrir.

— Que nous vaut cette entrevue Fenrir ? Tu ne nous as tout de même pas demandés pour nous présenter ta petite amie. Une Ermine en plus.

C'est à ce moment qu'Ellie se rendit compte que Fenrir lui tenait toujours la main mais il n'avait pas l'air de vouloir la lâcher. Pourtant, ce n'était peut-être pas le moment de se présenter comme sa petite-amie. Il y avait plus urgent.

— Non, père, je ne suis pas ici pour cela, on en parlera plus tard. J'aimerai commencer par vous présenter cette jeune personne. Luna, s'il te plait.

Luna, qui se tenait dans un coin de la pièce aux côtés de Fatzìs, s'approcha d'Ellie, alors que Fenrir lui lâchait la main, et commença à lui retirer son manteau. Ce même manteau qui couvrait ses ailes.

— Luna, qu'est-ce...
— Ordre du Prince.

Un regard à Fenrir lui permis de comprendre. Pour que ses parents la croient, il fallait déjà qu'ils sachent qui elle était.

En un temps record, Luna lui retira ses attributs d'Ermine et libéra ses ailes devant les regards mi-choqués, mi-surpris des parents de Fenrir.

Avant qu'ils n'aient pu dire quoi que ce soit, Ellie s'avança et prit la parole.

— Je m'appelle Héliris Bagueria et je viens de Solum. Je m'excuse de m'être déguisée pour pouvoir entrer ici mais la situation est critique.
— Continue mon enfant.

Devant la gentillesse de la réponse de la reine, Ellie perdit un peu pieds mais se repris vite.

— Mon père, le chef de la garde royale de Solum, s'est fait emprisonné suite à un complot mené par une fée nommée Ronan. Son objectif est de déclarer la guerre à Teneris et de régner sur votre royaume. Sa soif de pouvoir est sans limite. Il est fou mais très doué. Il a mis tout le conseil de Solum dans sa poche. Seul le roi et mon père lui tenaient encore tête. Aujourd'hui, plus rien ne le retient. Je suis persuadée que son armée ne va pas tarder à passer la frontière. Vous devez vous préparer à une attaque imminente.

A-t-elle été convaincante ? Elle n'en avait pas l'impression. Même si la reine abordait un visage grave, le roi ne faisait que la toiser comme s'il voulait savoir si elle mentait ou non.

— Mademoiselle Bagueria, votre identité ne nous est pas inconnue. Vous êtes bien la jeune fée du jour qui est arrivée seconde au tournoi n'est-ce-pas ?
— Oui, votre Majesté.
— Et ce fameux Ronan est celui qui est arrivé troisième ?
— Oui, votre Majesté.

Le roi avait l'air confus. Comme si ce qu'Ellie lui racontait ne pouvait pas arriver. Ne pouvait pas être arrivé.

— Vous me dîtes qu'Iliakó est emprisonné ?

C'est en acquiesçant qu'Ellie se rendit compte que le roi avait parlé d'un ton extrêmement familier.

— Excusez-moi père mais, vous le connaissez ?
— Crois-tu être le seul à t'être éclipsé à la frontière pendant ta jeunesse, Fenrir ?

Le choc fut tellement violent pour le Prince qu'il resta totalement immobile jusqu'à ce que la reine ne prenne la parole.

— Ton père, Iliakó et Achéon se retrouvaient régulièrement à la frontière et ce n'était un secret pour personne au palais.

Ce petit instant souvenir diminua la gravité sur le visage de la reine alors que le roi semblait légèrement gêné.

— Bref, j'aimerai que tu me racontes toute l'histoire Héliris et avec le plus détails possible. Nous agirons en conséquence, reprit le roi Miloren.

Ellie ne s'attendait pas à ce que tout aille aussi rapidement mais elle n'allait pas s'en plaindre. Elle se mit alors à raconter en commençant par le jour où elle a entendu son père, le roi et Ronan dans la salle du trône, en passant par la fête de Solum, le tournoi du jour et de la nuit et, enfin, les manœuvres de Ronan pour devenir chef avant l'heure.

Une fois son long récit terminé, Ellie attendit une réaction du roi. Celui-ci se leva et s'approcha d'elle.

— Aliez, réuni immédiatement le conseil.

L'elfe noir, caché dans un coin, s'inclina et partit précipitamment. Ellie ne l'avait même pas remarqué.

— Reste ici. Dès qu'une décision aura été prise, tu seras la première à le savoir. Fenrir, viens avec nous.

Le roi sortit alors suivi de la reine. Fenrir serra à nouveau la main d'Ellie avant de la lâcher et de suivre ses parents.

— Ne t'en fais pas, notre roi trouvera un moyen de sauver le plus de monde possible, dit Luna arrivée à nouveau à côté d'elle.

Ellie ne put qu'hocher la tête en voyant la porte de la salle se refermer derrière son prince.

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De l'autre côté de la porte, je vole derrière Fenrir et ses parents. Je me demande bien ce qui va se passer entre le père et le fils. Quoi ? Vous m'avez déjà oublié ? Je suis la narratrice ! D'ailleurs, il est difficile pour une Selky de s'immiscer dans le palais de Teneris sans se faire voir. Mais je sais que mes péripéties ne vous intéressent pas. Passons à Fenrir.

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Le Prince suivait ses parents tout en se demandant si c'était réellement une bonne idée de laisser Ellie seule. Heureusement, Luna et Fatzìs étaient avec elle. Son père choisi alors de s'approcher de lui et de prendre la parole. Fenrir était encore secoué par la soudaine familiarité qu'il avait avec lui.

— Je voulais te dire que j'approuve ton choix.

Le prince eut un peu de mal à comprendre où il voulait en venir.

— Une fois que cette histoire sera terminée, tu devrais faire visiter le royaume à Héliris. Si cette jeune fée ressemble autant à son père que ce qu'on dit, elle ne restera pas enfermée dans le palais très longtemps.

Le roi ne laissa pas son fils lui répondre et rejoignit sa femme qui, malgré la situation dramatique dans laquelle se trouvait le royaume, semblait déborder de joie. En effet, en plus du fait que son fils se soit trouvé une adorable compagne, son mari essayait enfin de montrer un peu de son affection. Elle se demandait si la petite Héliris était celle qui avait produit ce changement. Elle n'oublierait pas de la remercier plus tard.

Plusieurs heures s'écoulèrent et le palais était en effervescence. À la suite des ordres du roi et des conseillers, la garde se préparait à recevoir leurs visiteurs.

Ellie, comme les autres, s'équipait pour le combat. Elle était en train de mettre une ceinture lui permettant de porter des couteaux de lancer quand Fenrir entra dans sa chambre.

La jeune fée fut presque éblouie par l'aura de puissance qui l'entourait. Vêtements et parure de combat aux couleurs de sa famille, morceaux d'armures noire ici et là. Il était beau et dangereux. Magnifique et merveilleux. Comme l'était le feu avant qu'il ne te brûle. Et il était à elle.

Il s'approcha et la pris dans ses bras.

— Une jeune noble normale serait morte de peur et n'arriverait même pas à mettre cet équipement.
— Mais je ne suis pas normale et tu le sais.
— Oui mais tu restes apeurée bien que tu ne veuilles pas l'admettre. Je le sens.

Et c'était vrai. Évidemment, comme d'habitude, Fenrir avait raison. C'était fou de voir à quel point il avait réussi à la cerner en si peu de temps.

— J'ai peur de devoir me battre contre des gardiens de Solum. Contre des personnes que je connais, avec qui je me suis entraînée depuis toute petite.
— Ça n'arrivera pas. Si le plan de mon père se déroule comme il le veut, tu n'auras qu'une seule personne à combattre.
— Je sais.

Le plan du roi jouait entièrement sur le fait que la mission de Ronan était très probablement de la ramener à Solum tout en occasionnant divers dégâts à Teneris. La garde avait été entièrement amenée au palais où elle avait pour mission de ne laisser personne entrer à part Ronan. Les villages situés entre la frontière et le palais ont été évacués et la plupart des habitants de la capitale ont été mis en sécurité quelque part en ville. Si tout se passait bien, Ronan finirait derrière les barreaux avant la fin de la journée. Mais, ces temps-ci, tout se déroulait rarement comme Ellie l'avait prévu.

— Tu ne crois pas que Ronan va se douter de nos intentions en voyant les villages et la capitale vides ? Demanda-t-elle.
— Il est trop fier. Il prendra sûrement ça pour de la peur. Et même si ce n'est pas le cas, je le vois mal reculer à mi-chemin, répondit le prince ce qui suffit à la rassurer.

Elle était toujours dans les bras de Fenrir, dans le seul endroit où elle se sentait véritablement en sécurité, quand un garde entra en trombe dans la chambre.

— Votre Majesté, la garde de Solum a été aperçue à la frontière.

S'il était gêné par la position de son Prince, ce fidèle garde n'en montra rien. Ellie sourit tout de même de la situation. Le pauvre avait l'air assez stressé comme ça. Il n'avait pas besoin de se demander, en plus, si son prince avait une amourette avec une fée de Solum. D'ailleurs, elle se demandait bien ce que le chef de la garde avait pu dire à ses soldats à son propos. Après, tant qu'ils n'étaient pas hostiles envers elle, elle s'en fichait. Et, même s'ils l'étaient, elle n'aurait pas le temps de s'en préoccuper. L'heure de la bataille venait de sonner.