Chapitre 13 - La vie dans la nuit
— Ellie, debout ! Le travail nous attend !
La jeune fée eut toute la peine du monde à ne pas étirer ses ailes comme elle en avait l'habitude. Toujours attachées solidement dans son dos, elles étaient inutilisables et essayer de les étirer ne serait que douloureux.
Ce n'était que son premier jour de vie au palais royal de Teneris et Ellie avait déjà compris quelque chose : elle n'aurait rien sans rien. Si elle voulait conserver la protection du royaume de Teneris, elle devrait travailler comme n'importe quelle domestique au service du Prince. Par chance, la colocataire de Luna au sein de palais était partie à la retraite quelques temps plus tôt ce qui lui permettait de vivre avec elle. Parce que, malheureusement, la couverture d'Ellie ne lui permettait pas de dormir dans la chambre de Fenrir.
— Quel est le programme ?
Luna termina son chignon et répondit.
— Je dois nettoyer les appartements du Prince pendant son entrainement avec la garde. Rien de très exaltant. Que dirais-tu d'aller voir à la cuisine s'ils n'ont pas des courses à faire ? Ça te permettrait d'aller te promener un peu en ville. Il y a plein de choses à voir à Pétris. Mais n'oublie pas, tu ne peux pas voler.
Ellie soupira tout en terminant de se préparer.
— Je sais bien... Euh, par contre, Luna ?
— Oui ?
— Tu peux me dire où se trouvent les cuisines ?
Une heure plus tard c'est les bras chargés de nourriture qu'Héliris traversait la grande place de Pétris. Cette ville n'avait rien à voir avec ce qu'elle avait pu en entendre dire chez elle. Mais, après avoir rencontré Fenrir, ça ne l'étonnait plus tellement. À Solum, on racontait que Teneris était un royaume empli d'obscurité où tous les habitants pouvaient voir dans le noir. Les anciens disaient que sous cette obscurité se cachait une armée maléfique prête à attaquer Solum au moindre signe de faiblesse.
Aujourd'hui, Ellie se rendait bien compte à quel point c'était faux. Certes, il faisait assez sombre à Teneris en raison des immenses arbres qui entouraient tout le royaume mais il y avait de la lumière. De grands lampadaires étaient installés un peu partout et dégageaient une accueillante lueur jaune. Les habitants n'étaient pas si différents des fées du jour et, même les elfes noirs, qui avaient pourtant si mauvaise réputation, n'avaient rien fait qui pourrait être considéré comme compromettant. Rien de plus que ce que ferait des habitants du royaume du jour en tout cas.
Ils ne faisaient que vivre comme n'importe quel autre, serpentant entre les rues pavées de la capitale. Tout cela n'avait pour effet que d'augmenter encore plus la détermination d'Ellie. Il était hors de question qu'une guerre éclate entre les deux royaumes. Rien ne le justifiait.
Sa haine contre Ronan et ses idées ne faisait que s'exacerber de minutes en minutes alors qu'elle marchait dans les couloirs du palais, en direction de la cuisine. C'est alors qu'une voix, qui ne lui était pas inconnue, l'interpella.
— Tiens, tiens. Ce ne serait pas la nouvelle domestique par hasard ?
Ne retrouvant pas à qui appartenait la voix, Ellie se retourna. Derrière elle, se tenait un elfe noir, comme elle en avait beaucoup vu dans la rue, yeux gris, cheveux et peau noire, mais un détail lui permit de savoir à qui elle avait affaire : un sourire amusé dont elle se souvenait parfaitement.
— Cela fait déjà un moment, Aliez.
— Oh je vois que tu m'as reconnu. J'en suis flatté.
— Après tout, tu m'as reconnu aussi. Tu ne m'aurais pas interpellée sinon, je me trompe ?
Aliez s'approcha d'Ellie et parla plus doucement.
— En effet, tu m'as bien cerné. Il parait que tu fuis ton royaume ? Tu sais que je pourrais récupérer pas mal d'argent en te dénonçant à la garde de Solum.
La jeune fée du jour dégluti tout en espérant que l'elfe bluffait.
— Ne t'en fais pas ma petite fée. C'était une blague. Je ne voudrais pas m'attirer les foudres du Prince. Bonne journée !
Et il partit sans plus de cérémonie. Ellie était presque sûre qu'il disait la vérité mais elle préférait tout de même parler de cette rencontre avec Fenrir la prochaine fois qu'elle le verrait. Pour l'heure, elle ferait mieux d'aller rapidement en cuisine si elle ne voulait pas avoir d'ennuis.
La journée continua sur le même ton. Luna faisait en sorte de la quitter le moins possible et Ellie travaillait, faisant marcher sa couverture comme si elle était une nouvelle domestique tout ce qu'il y a de plus normal.
— Dépêche-toi Ellie, nous devons nettoyer la salle du trône pendant que le roi et la reine sont de sortie.
— Viens avec moi Ellie, nous devons nettoyer le hall avant l'arrivée des représentants de la contrée du Sud.
— Tu n'as pas le temps de te reposer, Ellie : Il faut nettoyer l'écurie des chouettes de la garde avant leur prochain entraînement.
La fée du jour était dans l'écurie quand son énergie arriva à sa limite. Elle qui avait combattu les meilleurs guerriers des deux royaumes, elle se retrouvait terrassée par la fatigue.
— J'en peux plus...
Elle se laissa glisser le long de la porte du box qu'elle était en train de nettoyer. La chouette la regarda comme si elle se demandait ce que cette Ermine faisait là à essayer de dormir dans son box.
— Ne t'en fais pas ma belle. Je ne compte pas m'éterniser ici.
— J'espère bien.
Évidemment, ce n'est pas la chouette qui lui a répondu. La jeune fée pencha la tête en arrière pour voir Fenrir, penché au-dessus de la porte.
— Puis-je faire quelque chose pour vous mon Prince ?
La fée de la nuit rie devant la formalité de la réponse de son amante.
— A vrai dire oui. J'aurais besoin que quelqu'un passe un coup de balai dans mes appartements. Viens dès que tu auras fini ton travail ici.
Il ne lui fit qu'un sourire avant de s'éclipser et, en une seconde, l'écurie repris son calme précédent. À la différence qu'Ellie souriait comme une bienheureuse. Elle se doutait bien que Fenrir ne voulait pas simplement qu'elle « passe un coup de balai ».
— Bon allez Ellie, cette écurie va resplendir et le plus tôt sera le mieux !
La chouette poussa un petit cri quand « l'Ermine » sortie de son box. Ellie choisi de prendre ça comme une forme d'encouragement.
Un peu moins de deux heures plus tard, elle toquait à la porte du prince.
— Entre.
Elle ne se le fit pas dire deux fois.
Comme elle se l'imaginait, la chambre princière était bien plus somptueuse que ce qu'elle avait pu voir dans le reste du palais. Un régiment de chouettes auraient pu y dormir et elle était prête à parier que la literie de cette pièce n'avait rien à voir avec celle de sa chambre.
Une fois la porte fermée, Fenrir n'attendit pas plus longtemps et la tira dans ses bras. À ce moment, elle se dit qu'elle devait sentir la chouette et les excréments et se flagella mentalement de ne pas avoir pensé à prendre une douche avant de venir.
— Tu m'as horriblement manqué tu sais.
Heureusement, ça ne semblait pas gêner Fenrir qui la serrait contre lui comme si de rien n'était.
— J'aimerai tant pouvoir te faire visiter le royaume. Voler avec toi vers tous les lieux magnifiques que recèle ce pays.
— Mais tant que la situation ne s'est pas stabilisée, il faut que je reste discrète, je le sais Fenrir, je le sais.
Mais ce que ça lui faisait du bien de pouvoir se laisser aller dans les bras forts de son Prince. Elle pourrait rester comme ça pendant des heures mais la situation ne le permettait pas. Elle se décala légèrement et commença à poser les questions qui faisaient mal.
— Des nouvelles de Ronan ou de mon père ?
Fenrir avait visiblement autant envie qu'elle d'aborder le sujet.
— Tu ne vas pas aimer ce que je vais te dire.
— Ça je n'en doute pas une seule seconde.
La fée de la nuit se sépara d'elle et s'appuya sur une table située au milieu de la pièce.
— Ronan a frappé vite et fort. Ton père est actuellement emprisonné pour avoir libéré une prisonnière.
Ce sale... Il aurait réussi à convaincre le conseil qu'Iliakó qui a toujours fait du travail d'exception, travaillait contre Solum !
Normalement il n'aurait pas dû être emprisonné pour l'avoir libéré. Son statut aurait dû le sauver. Ronan n'était peut-être pas un grand guerrier mais il savait tourner une situation à son avantage.
— Je suis désolé Ellie. C'est ma faute. Je n'aurais pas dû envoyer Fatzìs, j'aurais dû venir moi-même.
La fée du jour s'approcha de son Prince à cette remarque.
— Ne dis pas n'importe quoi. Tu as fait ce qu'il fallait faire. Si tu étais venu en personne et que tu t'étais fait capturer, ça aurait immédiatement déclenché une guerre. Ça devait être une des possibilités de Ronan pour réaliser son plan. Le seul qui est responsable de l'emprisonnement de mon père c'est cette ordure !
— Mais tu n'es pas triste ? Tu adores ton père, je le sais.
— Je ne suis pas triste Fenrir. Je suis en colère. La prochaine fois que je verrais Ronan, il regrettera tout ce qu'il m'a fait, crois-moi.
Fenrir sourit devant ces paroles et lui caressa les cheveux.
— C'est bien pour ça que je t'aime. Tu es forte et déterminée.
— Tu parles... Je n'ai pas arrêté de pleurer ces derniers temps. Et pas toujours pour des raisons glorieuses...
— Mais même les personnes fortes ont le droit de pleurer.
Sur ce, il l'a repris dans ses bras et ils restèrent comme ça un long moment.
Par la suite Ellie parla à Fenrir de sa rencontre avec Aliez. Il ne parut pas plus surpris que ça et lui appris que cet elfe a toujours été fidèle à la famille royale et qu'elle pouvait même le considérer comme un allié. Ça tombait bien, elle en manquait cruellement ces derniers temps.
Le soir même, Ellie réfléchissait à des choses bien trop noires à son goût dans la petite chambre qu'elle partageait avec Luna. Si Ronan avait réussi à écarter son père alors il ne restait plus aucun obstacle pour l'empêcher de mener une guerre contre Teneris. Le roi ne réussirait jamais à convaincre tous les membres du conseil. Sans parler que Ronan s'est sans doute auto-proclamé nouveau chef de la garde royale. En d'autres termes, la guerre était déjà aux portes de Teneris.
C'est alors que la jeune Bagueria se rendit compte de quelque chose : seul Fenrir et elle étaient au courant. Ce qui signifiait que quand les troupes de Solum arriveraient, Teneris ne serait pas prêt à les recevoir. Ellie n'avait pas du tout calculé que son père pourrait être mis sur la touche. Il allait falloir changer totalement de stratégie et la première étape serait de prévenir le roi et la reine de Teneris.
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