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Premier Chapitre



1. SHOYA

Le plancher en bois verni grince légèrement, laissant échapper une plainte délicate mais affreusement piquante. Le prince ne vacille pas, même pas d'un millimètre, et prend une profonde respiration avant d'ouvrir grand les bras et de s'exclamer avec une voix claire, sur le ton parfaitement adapté, avec une justesse impressionnante :

- Quelle belle journée pour mourir, tu n'es pas d'accord, Mariko?

Elle baisse la tête, ses cheveux bruns attachés de façon négligée se secouent autour de son visage tendu, et le noeud jaune qu'elle porte dans ses cheveux glisse. Elle fait de son mieux pour cacher sa détresse, et à son tour, elle se met à parler. Elle n'est pas aussi juste que lui, loin de là.

- Maître, vous ne devriez pas dire de telles choses. Je suis sûre que votre mère, la Baronne, se retourne dans sa tombe.

Sa Majesté sourit jusqu'aux oreilles, un sourire aussi faux qu'il parait honnête, il plisse les yeux, et ses barettes, une bleue et une orange, brillent sous le soleil artificiel. Leur costumes ne sont pas encore parfaits.

- Mariko, ne t'en fais pas. Il est évident que je n'ai aucunement l'intention de perdre la vie aujourd'hui. Il faut bien que je rencontre ma fiancée, ce soir, au bal du palais.

Elle, pas Mariko, elle, elle se mord la lèvre. Je sais qu'elle m'en veut. Elle me hait, après tout. Elle ravale ses ressentiments, et lève la tête vers lui.

- Mon prince, il est primordial que vous vous mariiez, même si je sais que vous êtes opposé à cette idée. Le royaume en a besoin. La Baronne serait fière de votre bravoure.

Le jeune souverain a soudain un air triste, et d'une voix douce, il lui répond, prenant un ton plein d'inquiétude:

- La jeune princesse pourra-t-elle comprendre les sentiments d'un homme perdu comme moi? Pourra-t-elle m'aimer? Je ne veux pas d'un mariage vide de sens.
Il se laisse tomber sur son fauteuil rouge sang, et soupire tristement.
Le noir tombe doucement autour de nous.

Le pauvre reprend son souffle. Pas le prince, mais lui. Je vois doucement apparaitre sa vraie nature. Sur son front, des petites gouttes de sueur perlent, et il s'essuie le front d'un revers de manche.

- Okay, on passe à la suivante, puis on s'arrête là, fait une voix lointaine, sévèrement.

J'ai un poids sur le coeur, c'est bientôt mon tour.

- La princesse, dépêche-toi, crie la voix, sur un ton on ne peux plus pressant.

J'entre, et le parquet grince de nouveau, mais pas un grincement délicat, plutôt un horrible cri de poulet qu'on égorge. Hiroshi me tend le bras. A ce moment-là, il n'est pas encore mon majordome, il est juste Hiroshi.
Je reste là, sans réaction, pétrifié, alors il me tire par le bras. Les lumières s'allument brutalement, et je suis ébloui.

- Votre altesse, que pensez-vous de cette réception? Le palais du prince de Shirokiyama n'est-il pas merveilleux? Je suis certain que vous vous entendrez à merveille.

Le majordome est un peu trop franc, il s'exprime sans délicatesse, il est trop brusque, mais il y a un côté rassurant dans sa voix, un peu trop grave.

A mon tour de parler.

- Je... Suis-je obligée de me marier? N'ai-je donc aucune liberté?

Ma voix est mal assurée, non adaptée, incertaine au possible, et mon expression, pas du tout juste. Je suis une vraie catastrophe. Je réajuste mes lunettes sur mon front.

- Votre altesse, vous savez bien que notre pays a besoin de ce mariage, ne soyez pas déraisonnable. Votre pauvre père, notre bon roi, a mis toutes ses forces pour organiser cette rencontre avec le royaume de Shirokiyama. Allez, venez donc par ici, je vais vous faire danser. C'est le moment d'impressionner le prince avec votre bonne éducation.

Hiroshi me tire toujours par le bras, mais je trébuche sur son lacet défait, et je tente tant bien que mal de me redresser sans tomber. Il entreprend de me faire danser, ce qui ne pourrait être plus laid, mais nous nous efforçons de continuer jusqu'à l'apparition du prince.

Le jeune souverain s'approche lentement, ses pas claquent sur le parquet, et il s'approche, souriant faussement.

- Etes-vous la princesse Funaki, du royaume d'Aokiyama?

Je retiens mon souffle quand il me prend la main, un sourire de plus en plus vrai sur son visage.

- Et vous... vous êtes...le prince Masamitsu...
- En personne. Vous êtes...

Il hésite un instant.

-... Ravissante, ce soir. Bienvenue dans mon royaume. J'espère passer un bon moment en votre compagnie.

Je m'incline. J'ai oublié ce que je dois dire. Je sens la pression dans tout mon corps, et je n'arrive pas a relever la tête.

Il fait semblant de rien et il prend ma main.

- M'accorderiez-vous cette danse, princesse Funaki?
- Avec joie.

Tous ceux qui sont sur le parquet se mettent en arc de cercle, tous les invités, même elle, même le majordome, autour de nous. Quelqu'un tousse.

Nous nous mettons à danser, et la lumière s'éteint.

- Bon, c'est fini pour cette fois-ci, crie notre professeur d'art dramatique. Tout le monde vient s'asseoir autour de moi, je vais vous faire les retours, puis vous pourrez rentrer chez vous.

Tout le monde se remet à parler, à être lui-même. Il n'y a plus de prince, plus de princesse ni de majordome, plus de bal, plus de Mariko... Tout est redevenu comme avant. Je peux enfin respirer. Je vais m'asseoir avec les autres, et Hiroshi me fait signe de loin.

- Hé, Shōya! Ramène-toi!


Il sourit, lui aussi, et agite sa main. Je me mets entre eux deux.

Lui, c'est Takuto. Mitsukane Takuto.
Il est spécial pour moi. Depuis la première seconde, il l'a toujours été. Je pense qu'il le sera probablement toujours.
Je le connais depuis au moins douze ans, et nous sommes meilleurs amis, je crois qu'on peut le dire.
Il est tout sauf ordinaire.

- Tu n'es pas mal, en princesse, plaisante-t-il, en mettant une main dans mes cheveux, et en les ébouriffant.

Je ne peux pas m'empêcher de rougir, et Hiroshi me fait un clin d'oeil complice. Je la vois, elle, me regarder avec dégout.

Moi aussi, je te déteste, Miho.

Notre professeur attend que nous remarquions qu'il est assis devant nous, et que nous nous taisions. Il a beaucoup d'élèves, de classes, et d'années différentes.
Le professeur est une homme d'une cinquantaine d'années, avec une voix criarde et des cheveux presque tous gris. Il est presque chauve, et a un ventre plus rond qu'une femme enceinte. Il toussote, avant de se lancer.

- Bon, vous allez la boucler, bande de gamins?
Le silence se fait dans la salle, et il reprend.

- Alors, vous savez quoi? C'était un vrai fiasco. Entre ceux qui connaissent pas leur texte, ceux qui jouent comme des acteurs du dimanche, ceux qui ont pas leur costumes, ceux qui sont en retard, et les gens du son et du décor qui sont jamais là au bon moment, je ne sais pas ce qui me met le plus en colère. La seule personne qui a fait correctement son boulot, c'est bien notre prince. Lève-toi, Mitsukane.

Takuto se lève, même s'il a plutôt l'air embêté.

- Comme d'habitude, félicitation pour ton interprétation du texte. Elle était merveilleuse.
- Hmm... Merci beaucoup, monsieur.

Les élèves applaudissent faiblement, et il se rassied. Il me regarde d'un air désespéré, ce qui me donne envie de rire, mais je me retiens. Je lève la tête, pour observer le plafond de la salle de spectacle la plus grande de l'école. Il est orné de tas de dessins à la peinture dorée, montrant une fille laissant partir son bien-aimé sur une mer agitée. La peinture est magnifique, et tellement triste. L'expression de la fille est vraiment réaliste, elle se tient bras en croix sur son coeur, comme si elle souffrait, et qu'en laissant celui qu'elle aime, elle se faisait arracher une partie du coeur, n'étant pas sûre de son retour.

- Ohé, Mikio, tu vas arrêter de rêver? T'es loin d'avoir le niveau d'être la belle au bois dormant, alors tu m'écoutes avant que je t'en colle une.

Je suis brutalement sorti de mes rêveries futiles.

-Je...suis désolé.
- T'as intérêt, oui. T'as tout autant intérêt à bosser! On t'a choisi pour être la princesse, parce que tu es petit, alors peut-être que tu dois jouer une gamine, t'as au moins un rôle principal, y en a beaucoup qui voudraient être à ta place. C'était quoi, cette représentation affreuse? Tu comptes étudier, ou tu comptes te ridiculiser et tous nous rabaisser avec toi le jour du festival? C'est la semaine prochaine, les gars, reprenez-vous!

Je ravale les larmes qui me viennent aux yeux et je baisse la tête, attendant qu'il se retourne pour jeter son dévolu sur une autre malheureuse victime. Je déteste que tout le monde me regarde, mon coeur se serre et j'ai l'impression que je ne peux plus respirer. Personne n'a dit que je voulais ce rôle.
Je ne l'apprécie pas du tout, il ne me va pas, et le simple fait que moi, je monte sur scène, ne va pas. Quelqu'un de maladroit comme moi ne devrait pas faire ça.
Et en plus, jouer la princesse? Alors que je ne suis même pas une fille? Pour la clôture de ma première année de lycée, je vois pas mieux, comme grand final catastrophique.

Une fois sorti de l'enfer, je rejoins Takuto et Hiroshi dans la petite salle de notre club, comme tous les jours. Ils sont affalés sur un grand pouf vert, à côté de la fenêtre, en train de jouer sur leur téléphone. La petite musique résonne dans la pièce, tout doucement, et cet air électronique rend ce décor, lui tellement authentique, presque irréel à mes yeux.

Les gens disent que j'ai trop d'imagination.

Les rideaux se balancent avec le vent léger et j'écoute distraitement leurs rires. Je me sens un peu seul au monde, parce que je n'arrive pas à sourire, après ce qui vient d'arriver.
Je me mords la lèvre, pour empêcher les larmes de couler.

La salle est toute petite. Sur le mur, à gauche, il y a un tableau noir usé, et dans le coin de la pièce, une ancienne bibliothèque, remplie d'histoires contenues dans des tonnes de livres de toutes les couleurs, et de tous les auteurs, qui sentent le vieux papier. La fenêtre est énorme, elle couvre toute la longueur de la pièce, et est bordée de rideaux gris hideux. Nous avons aussi une petite commode, où on range des tas de trucs personnels plus au moins utiles. Au milieu de la pièce, il y a une vieille table en bois verni, que Takuto a pu avoir grâce à son grand père, quelques chaises un peu écorchées, et à côté, un banc vieux modèle, sur lequel on s'assied à chaque fois qu'on a quelque chose à dire aux autres, et qu'on veut qu'ils écoutent.

Ce club, le club des enfants des 10, c'est nous qui l'avons créé, quand nous sommes entrés au collège.
En réalité, il s'agit d'un club où on ne fait pas grand chose, à part discuter, se disputer, faire nos devoirs en groupe et trainer sans but, mais pourtant, on a été capable de faire accepter notre demande de création. C'était une véritable querelle entre Taku et Miyamura, le professeur qui s'occupe de la gestion des clubs. Après beaucoup d'acharnement, il a finalement cédé et nous a donné une petite salle, excédé de voir sans cesse Takuto venir le déranger pendant ses pauses.
Takuto, c'est quelqu'un qui n'abandonne jamais. Il est assez têtu, mais je l'envie. Pour quelqu'un comme moi qui ne sait pas aller vers les autres, c'est quelque chose d'impossible.
Je finis toujours par abandonner.

Takuto est le créateur du club, et moi, je suis le manager. De base, Takane aussi voulait le faire, mais Taku a tenu à ce que ça soit moi, alors il a donné le poste de président du club à Takane. Celui-là, il est vraiment têtu, donc je crois qu'il l'a fait pour s'épargner sa mauvaise humeur.

Ce n'est pas que je n'aime pas Takane, c'est que lui, il ne m'a jamais aimé. Même si je dois avouer que ses derniers temps, sans qu'il ne l'avoue, il devient de plus en plus agréable avec moi.
Takane, c'est un des meilleurs amis de Taku, lui aussi.

C'était pas pour me plaire.

Après, il y a les autres membres du club.

Ici, chacun a sa particularité, et son caractère. Ils sont tous différents. Tout le monde se connait depuis toujours, et nous sommes presque tous des amis depuis la maternelle. Tous les membres du club, excepté moi et Hiroshi, sont les enfants d'un groupe d'amis que les années n'ont pas pu séparer. Parents obligent, ils ont pratiquement été élevés ensemble. La raison pour laquelle nous avons appelé notre club « les enfants des dix », c'est que ce groupe d'amis populaire d'il y a une vingtaine d'année comptait dix membres, dont nous sommes pratiquement tous les enfants. Sauf moi, bien sûr.
Je suis toujours différent.
Je suis orphelin.
Orphelin d'un père inconnu.

Je m'assieds à coté de Takuto, sur le pouf vert, il ne me remarque pas, et je ne dis rien. J'observe son profil. Il a des yeux brun foncé, en amande, et quand il sourit, il les ferme presque, comme si la joie, ça l'éblouissait. Il a des lèvres fines, rosées, et des cheveux châtains qui foncent avec les années. Il a une frange garnie de deux barrettes, et une mèche de cheveux un peu plus longue d'un côté, ce qui résulte d'une dispute avec sa petite soeur, qui est finalement devenue quelque chose qui lui plait. Il porte des lunettes carrées, et là, elles sont sales. Il secoue la tête, et le reflet du soleil sur ses cheveux les rend presque dorés.
J'ai envie de mettre ma main dedans, et je sais pertinemment que je ne m'y résoudrai jamais. Je n'en ai pas le droit.

- Shōya, pourquoi tu chiales encore?

Voilà Takane, qui entre en claquant brusquement la porte coulissante de la pièce. Il jette sa veste d'uniforme sur le dossier d'une des chaises, et vient s'étaler sur le pouf, à côté de moi, et soupirant à haute voix.
Takane est un garçon de grande taille. Il a de larges épaules, un corps assez musclé, et est plutôt sportif. Il est toujours tiré à quatre épingles, bien coiffé, bien habillé, et il soigne son image de président du conseil des élèves avec toute son énergie. Il est tout à fait différent quand il n'est qu'avec nous. Ses cheveux sont coupés au bol, avec une frange qui cache un peu ses sourcils presque toujours froncés.
Ses cheveux clairs viennent de l'albinisme, apparement. Il n'a pas des yeux très foncés non plus. Il porte des lunettes rondes. Nous sommeille groupe à lunettes, nous.

Taku se tourne vers moi, ses joues sont rosées, il a encore un sourire aux lèvres, et je peux lire l'étonnement sur son visage. Il passe un bras autour de mes épaules, et je pose ma tête sur son épaule. Il sent le même shampoing que Hayami, sa petite soeur. Je ne l'ai pas encore vue, aujourd'hui. Elle est très proche de moi, et elle adore les câlins. C'est la personne à qui je dis tout de moi.

- Dis, pourquoi tu pleures, Shōya? Tu ne te sens pas bien ? demande Takuto, avec une voix douce, marquée d'une inquiétude légère mais audible.

Les larmes coulent de plus en plus, et je commence à sangloter.

-Bah, c'est comme à son habitude, hein, lance Takane, en me donnant une grosse tape dans le dos. C'est à cause de ce que t'a dit l'autre, hein?

Je hoche la tête, même si ce n'est qu'à moitié vrai.

- Ben voyons, t'es timide comme tout, et il te fait faire ça. Faut vraiment être con. M'enfin, c'est pas comme si t'étais une lumière non plus, Mikio.

Taku me frotte la tête, et mon coeur se met à battre très vite, si bien que j'ai du mal à respirer. Même Hiroshi, pour qui l'amour des jeux importe presque plus que ses amis, se penche vers moi pour m'observer, sans pouvoir s'empêcher de sourire.Je trouve qu'il a l'air bête, en plus, il a les dents écartées devant. Takane me tire par le bras.

- Taku, arrête de le traiter comme ça, c'est pas ton petit frère, laisse les câlins à ta soeur.

Je regrette presque, mais je sais qu'il le dit pour moi.

- Pas besoin d'être aussi sévère, monsieur le président du conseil des élèves! C'est pas parce que tu es Nagi Takane que tu peux les séparer comme ça! T'as vu comme ils sont mignons?
- Hein? rigole Takuto, sans rien comprendre.
-Mais qu'est-ce que tu racontes encore, Hiroshi, comme conneries... Tais-toi un peu, tu me fatigues déjà.
-Roh, aie un peu d'humour...
- C'est pas une question d'humour. Dans ce monde, mon petit Hiroshi, tout est -une question d'intelligence.

Hiroshi ronchonne un peu, et passe une main lasse dans ses cheveux noirs. Il fait un peu paysan, et est assez négligé, ce qui l'oppose presque totalement à Takane. Son teint est mat, il est un peu plus bronzé que nous, et ses yeux sont foncés. Ses cheveux sont toujours dans tous les sens, et tombent presque sur ses épaules. Il n'est pas vraiment grand, mais pas petit non plus, je dirais de taille tout à fait moyenne. Il n'est pas mince non plus, sans pour autant avoir du poids à perdre. Tout comme moi, les études ne sont pas son fort, et il passe tout son temps à jouer. Je trouve qu'il est toujours un peu ailleurs, mais c'est ce côté de sa personnalité qui me permet de me sentir à l'aise quand je lui parle. A vrai dire, je ne suis pas à l'aise avec la plupart des gens.

Je me recule, coincé entre Takuto et Takane, et j'essaye de ne pas me remettre à pleurer.
Il ne comprendra jamais, et je ne veux pas qu'il comprenne.

Je me lève d'un coup, je ne peux pas rester là. Il faut que je sois seul un moment.

- Hé, Shōya, tu vas où? Shōya?

Takane se lève aussi, mais je suis déjà devant la porte. Il ne faut pas qu'il m'attrape. Je pose ma main sur la poignée.

- Je veux que tu me laisses seul, Takane.

La porte s'ouvre de nouveau brutalement, et Hayami me saute dans les bras.

- De quoi, que tu veux qu'on te laisse seul? Jamais. Et si Takane t'a encore fait quelque chose, je vais vraiment le frapper, cette fois.

Elle m'étouffe, et ses longs cheveux noirs me grattent le visage. Je cache ma tête sur son épaule et je me remets à pleurer.Je suis comme ça, je ne peux pas m'en empêcher.

- Hé, Shocchi, qu'est-ce qui t'arrive? Tu pleures? TAKANE!
- J'ai rien fait, lâche-moi, un peu, sale gamine!
- Me traite pas de gamine, t'as que deux ans de plus! Taku, tu pourrais dire quelque chose, non?
- Hayami, c'est moi...

Elle recule son visage du mien pour écouter ce que je dis. Sa tête est juste devant la mienne, mais comme elle est toujours aussi proche, elle ne me surprend plus. Elle a de grands yeux foncés qui brillent toujours, et quand on la connait, on sait lire ses émotions dans ses yeux. Elle est débordante de sentiments. Elle porte aussi deux barrettes une violette et une verte, sur le coté droit de sa tête, et elle a l'habitude de tresser une mèche de ses cheveux bouclés sur le même côté.
Quand on la regarde comme ça, c'est l'idéal de la collégienne, elle est jolie, je trouve, même si je ne m'y connais pas, mais dès que l'on s'attaque à son caractère, c'est une autre histoire. Elle a une volonté monstre, elle n'abandonne jamais, tout comme son frère, c'est dans la famille, et quand elle veut quelque chose, elle fera tout pour l'avoir, peut importe la personne face à laquelle elle se tient. C'est là où elle s'oppose radicalement à son frère. Heureusement ou malheureusement, Taku est une personne qui ne peut être persévérant que face à des gens dont il ne se soucie pas du jugement. Il est vite influencé par le regard des autres et a tendance à faire des choses pour que les autres l'apprécient plutôt que parce qu'il aime les faire. Il se tient à carreaux la plupart du temps, alors que Hayami, elle, se refuse à ce genre de comportement.
Elle est en deuxième année de collège, elle aura bientôt quatorze ans. Notre école est un peu spéciale, alors, même s'il y a quelques différences entre la partie collège et la partie lycée, nous sommes toujours dans les mêmes bâtiments, et on peut toujours se voir.

- Qu'est-ce que tu dis, Shōcchi?
- Takane...n'a rien dit... C'est juste moi.
Elle me regarde d'un air suspicieux, avant de sourire et de me tirer par la main, pour aller s'asseoir autour de la table. Elle fait aussi signe à Sumire, qui est juste à la porte. Elles se mettent toutes les deux autour de moi. Très vite, Hiroshi vient aussi s'asseoir près de Hayami, et pose une main timide sur son épaule.

Elle rougit un peu, et prend sa main, du bout de ses doigts longs et fins, garnis de vernis brillant.

Ces deux-là sortent ensemble depuis peu, mais j'ai toujours su qu'ils finiraient à deux.

- Oh, vous faites votre couple parfait, siffle Sumire, en rigolant.

Elle se rapproche de moi, et met sa tête sur mon épaule, en me prenant la main. Elle a une odeur de lavande.

- Shōya, tu peux me tenir la main? Je ne peux plus attendre d'être seule avec toi, il faut que je te serre dans mes bras, renchérit-elle, riant de plus belle.
- Viens là, embrassons-nous, je murmure.

Le visage de Hayami devient écarlate, et Hiroshi tourne ta tête, en lâchant sa main.

- On n'y peut rien si vous, vous êtes toujours célibataires!
-Hayami, tu as treize ans, rappelle-toi, crie Takuto, de loin.
- Toi, tais-toi, tu finiras seul, espèce de tue-l'amour ambulant!
- Hé, je te permets pas!
- Je me permets!

Elle se retourne vers nous et nous écarte brutalement, sous les moqueries de Sumire, et je me rends compte que je suis en train de rire avec elle. C'est toujours pareil quand je suis avec elles, je finis toujours par oublier ce qui ne va pas.

- Allez, séparez-vous, bande d'imbéciles. Oh, Shocchi, tu viens de rigoler.
- Hmm.
- C'est vrai, il a rigolé! se moque Sumire
Je cache ma tête dans mes mains et je me mets à rire encore.

Sumire sort une boite large de son sac, et l'ouvre lentement. Aussitôt, une odeur de cannelle envahit l'atmosphère, et je me penche pour découvrir des carrés de tarte aux pommes dans des petits ramequins.
- De l'apple pie!
- Tu adores ça, hein, Shōya! J'ai demandé à papa de m'en faire, comme on est tous occupés avec nos répétitions. J'ai pensé que ça nous ferait du bien de partager ça. Takane, Takuto, venez aussi!
Elle s'affaire à installer sa patisserie autour de la table, et je la regarde faire. Sumire, c'est une fille de nature plutôt calme et posée, qui passe pour une sérieuse, mais dès qu'elle est avec Hayami, elle n'hésite plus à rigoler de bon coeur. Elle est généreuse et compréhensive avec tout le monde, rares sont les personnes qu'elle n'apprécie pas. Elle est du genre à ne jamais se plaindre. Elle s'étire discrètement, et secoue sa chevelure longue et lisse. Elle a des cheveux si noirs qu'au soleil ils paraissent presque bleus, et une frange. Elle porte aussi des lunettes, d'ailleurs, lunettes rectangulaires rouges. Ses yeux sont marrons et fort bridés, ce qui donne l'impression rassurante qu'elle sourit toujours.

Tout le monde se partage les ramequins d'apple pie, en s'échangeant des blagues. A côté de Sumire, Takane se ronge les ongles. Il n'ose pas la regarder en face. Oui, même notre autoproclamé impénétrable président du conseil des élèves a bien des sentiments pour quelqu'un. En face de moi, Taku me sourit, tout en commentant la texture et la forme de ce qu'il mange.

La table est presque complète, il ne reste qu'une place vide, à l'extrémité droite. Je suis presque soulagé qu'elle soit vide, mais je sais que la dernière personne ne va pas tarder à arriver.

- Miho, sourit Sumire, on t'a laissé un morceau d'apple pie.

Le démon vient d'arriver. Elle pose son costume et sa veste sur la commode, et sort un vieil éventail de son sac. Ses cheveux sont un peu humides autour de son visage et elle est légèrement essoufflée.

- Désolée, après la répétition, j'ai croisé mon père dans le couloir, il voulait me parler. J'ai eu beau lui dire que j'étais pressée, il n'a rien voulu entendre.

Elle s'assied, et retrousse ses manches. Son père, c'est le directeur de l'Académie Appollonia, Aonuma Kaito. C'est aussi le directeur de l'université voisine, et d'un hôpital universitaire, mais aussi l'héritier de l'immense groupe Aonuma, l'un des plus riches du Japon. C'est donc la très riche fille du directeur, que nous avons là. Sa richesse est à la hauteur de son mauvais caractère. Contrairement à elle, son père est d'une gentillesse incroyable, d'ailleurs.

Elle croque dans sa part, et laisse échapper une petite exclamation.

-Hmm, les apple pies de Key-san sont toujours aussi bonnes, il n'y a pas à dire.
- Merci, Miho! Je lui dirai.
- Ah, oui. D'ailleurs, Sumire, ton père va venir voir la pièce où on joue?
- Je ne joue pas, mais je suppose qu'il viendra avec les parents de Hayami, comme ils ont toujours fait, donc oui.
- Tant mieux, maman m'a demandé de te passer le message pour voir combien papa doit garder de places. Je vais noter ça.

Elle sort un petit carnet de son sac, et un stylo rose à petites décorations qui pendent, et va s'asseoir sur le vieux banc, avant de taper dans les mains. Tout le monde s'arrête de parler peu à peu.

- Bon, je vais prendre des notes pour réserver des places pour vos parents pour la pièce, alors bouclez-là un peu.
- C'est toi qui va la boucler, avec ton air autoritaire, réplique Takane.
Elle ignore la remarque.

- Hiroshi?
- Ma mère et mon père viendront, j'pense.
- Hayami, je note déjà tes deux parents, hein?

Cette dernière lance un regard à son frère qui hoche la tête avant de répondre.
- Oui, tu peux nous garder des places. Ils ont dit qu'ils réussiraient a avoir des congés.
- Pour une fois qu'ils seront là tous les deux, j'ai hâte, se réjouit Hayami, en me souriant.
Comme Miho fait le tour de la table, elle devrait me poser la question , mais aussi habilement qu'exprès, elle fait semblant qu'elle ne m'a pas vu.
- Sumire, pour toi, c'est réglé, hein. Takane?
- Prends nous cinq places, mes frères et ma soeur viennent aussi.
- Oh, ça fait un moment que je ne les ai pas vus. Bon, on a fini.
- Qu'est-ce que tu racontes encore comme conneries, Miho, lui rétorque Takane, et Shōya, tu lui demandes pas?

Elle sourit, un sourire qui aux yeux des autres ne veut rien dire, mais qui pour moi, montre toute sa haine à propos de moi. Elle en a tellement qu'elle ne peut pas la retenir.

- De toute façon, personne ne viendra te voir, hein, Mi-ki-o?

J'aimerais avoir le courage de Hayami, ou la répartie de Takane, mais je ne peux faire autre chose que faire non de la tête en baissant les yeux.

- Tu aurais quand même du demander, par gentillesse, non, ajoute Sumire, en lui souriant gentiment.
- A quoi bon perdre du temps, puis, lui poser la question, ce n'est pas justement plus insister sur le fait que chez lui, personne ne prendrait la peine de venir le voir?

J'ai beau me répéter de faire semblant de rien, ce qu'elle dit finit quand même par toucher mon coeur.
Takuto, en face de moi, évite mon regard. On a beau être meilleurs amis, c'est comme je le disais, il y a des gens devant qui il ne veut pas perdre la face.
Et Miho, pour lui... Pour lui...
Je sens une main se poser sur la mienne.

- Bon, dit Hayami, d'un ton énergique, si on parlait un peu de nos projets de vacances? C'est pour bientôt, n'empêche.
Elle se rapproche de mon oreille pour me glisser quelques mots pendant que les autres se remettent à parler, et elle serre ma main plus fort.

- Shocchi, ça va aller, ne t'en fais pas. Tu sais que mes parents viennent aussi pour te voir, et pour mon frère...
- Je sais, Hayami. Je l'ai toujours su.
- Arrête d'y penser, ça ne vaut pas la peine de te faire du mal pour rien.
- Ce n'est pas une question d'y penser ou non. Je sais. Je ne pourrai jamais...

Elle me regarde d'un air triste, alors je lui ébouriffe les cheveux, avant de lui donner une petite pichenette.

- Tu n'y peux rien, Hayami. Et lui non plus. On ne choisit pas de qui on tombe amoureux, hein. Je crois que je vais rentrer. Demain, on doit encore venir répéter.

Je me lève, je repousse ma chaise derrière la table, et je vais récupérer ma veste sur la commode.

- Tu t'en vas, Shōya? On devait pas rentrer ensemble?

Je regarde Takuto, et je lui fait un grand sourire.

- Non, aujourd'hui, je vais rentrer en premier. Ne t'en fais pas pour moi, aujourd'hui, tu devrais raccompagner Miho chez elle. Il fera bientôt noir, il ne faut pas laisser une jeune fille rentrer toute seule.

Personne ne dit un mot, même pas Miho, et je ferme la porte derrière moi, lentement, dans ce silence étouffant. Le couloir baigne dans la lumière orangée du coucher de soleil, il est vide. Je m'éloigne de la salle du club, de plus en plus rapidement, et bientôt, on entend plus que le bruit de mes pas, dans les immenses bâtiments vides.

Dès que je passe la grille, je suis noyé dans l'assourdissante atmosphère de la ville qui bourdonne. Des gens courent, des gens crient, ils rient, ils mangent, ils attendent peut-être un proche, le bus, ou même juste que le temps passe. Les voitures vont et viennent, et je m'arrête devant le grand passage pour piétons. J'attends que la lumière devienne verte, au milieu de tous les autres. Je suis insignifiant, ici. Personne ne me remarque, personne ne me voit. Personne ne juge mes choix. Il n'y a que moi, seul avec moi-même, pour juger ce que je pense, ce que crois.

Mes sentiments ne sont qu'à moi.

Je passe, le flot des gens avec moi, et dans cette vague de gens, j'imagine des histoires. Peut-être que la petite fille qui tient la main de sa mère rêve de devenir chanteuse un jour? Peut-être que le garçon qui vient de me bousculer en courant est attendu à l'hôpital, parce que son père vient de mourir, et que la fille avec des couettes pleure à cause d'un chagrin d'amour?

Nous avons tous une histoire. J'arrive bientôt devant notre immeuble, l'Ikebana, un hideux logement social crasseux, rempli de racailles et de gens mal intentionnés.
Je monte les escaliers jusqu'au cinquième étage, l'ascenseur est en panne, et je me retrouve devant la porte métallique de ma maison.
« Mikio », indique le petit panneau branlant à côté de la sonnette.

Je prend une grande respiration avant d'entrer.

Comme d'habitude, les lumières sont éteintes, et l'odeur de cigarette envahit tout l'appartement. Je laisse mes chaussures dans l'entrée et traverse le couloir pour aller jusqu'à ma chambre, la plus petite des trois chambres minables de notre minuscule « chez nous ».
J'entends ma mère rire, encore devant une émission de télévision ridicule, sûrement.

- Tu es rentré? crie-t-elle, depuis le mini salon.
Je l'entends arriver derrière moi. Je sens mes jambes trembler.

Elle m'attrape par les cheveux, en se mettant à hurler comme une possédée.

- Espèce de fils indigne! Je t'ai élevé et je te nourris, et c'est comme ça que tu me remercies?

Elle me pousse à l'intérieur de la chambre, et je me laisse tomber par terre.

- Arrête de me faire perdre mon temps, incapable. Je vais être en retard au travail.

Elle travaille dans le monde de la nuit.

Une fois qu'elle ferme la porte, je me traîne jusqu'à mon lit. Les rideaux sont ouverts, et je peux voir les lumières de la ville dehors.

Ma mère me hait.

J'entends rire ma soeur ainée de l'autre côté, complimentant faussement ma mère sur sa robe ou son maquillage. Mon autre soeur n'est pas encore rentrée, mais de toute façon, il n'y en a pas une pour rattraper l'autre. Toutes les deux couvertes de peinture et de parfums étouffants, noyées dans les rires artificiels et la popularité virtuelle.

Je m'appelle Mikio Shōya. J'aurai seize ans dans une semaine, exactement le jour du festival.

Sur moi, il n'y a rien de particulièrement joyeux à dire.
Comme le dit ma mère, je suis un incapable.

Je ferme les yeux, couché sur le dos, sur mon lit trop dur, dans ma chambre affreuse, et je repense à tout ce que j'ai vu aujourd'hui.

Il faut que je m'applique un peu plus, pour la pièce. Il n'y avait personne d'autre que moi pour jouer la princesse pour Takuto, donc, comme je vais jouer avec lui, il faut que je fasse de mon mieux. A défaut de pouvoir compter plus pour lui.

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