9 décembre - Seokjin
Séoul, la table d'angle de la cafèt'
9 décembre 2020
Heure de la sixième pause-café de la journée
Petit scarabée,
Je me suis souvenu que c'était à moi de t'écrire une lettre aujourd'hui parce qu'en pliant un bête bon de commande en forme de glace, ça m'a fait penser à toi. D'ailleurs, tu ne trouves pas que le prénom Youngyong est super étrange ? J'essaie de me mettre à la place de cet homme lorsqu'il était enfant. Le pauvre n'a pas eu la chance de recevoir un prénom aussi classe que le mien, un prénom aussi agréable à prononcer qu'à entendre.
Mais de toute manière, il n'y aurait pas eu assez de place pour deux Seokjin sur mon bureau, même si son nom était écrit en tout petit en bas de la feuille. Je suis unique et je prends bien assez de place comme ça. Ne mens pas, je sais que tu l'as pensé au moment où tes yeux ont lu le début de la première phrase de ce paragraphe.
D'ailleurs, en parlant de place, les fleurs de Jimin sont vraiment belles en ce moment, malgré les températures de plus en plus rudes. Elles embellissent extraordinairement le QG en ces temps hivernaux. Ce sont d'incroyables acolytes, presque des rivales, mais je ne leur en veux pas. Je suis passé les arroser hier comme c'était mon tour, et je me suis dit qu'elles devaient lui manquer, lui qui les aime tant. Et puis en partant, j'ai regardé le mur que nous avons commencé à redécorer.
Tu sais, je suis passé chez lui quelques jours auparavant. Je ne sais plus quand c'était, les jours se ressemblent tous, je me souviens juste qu'il faisait très froid. Il m'a ouvert sa porte avec un grand sourire, comme toujours, et on s'est posés au milieu de sa petite jungle. Un endroit parfait pour moi, je t'entends ricaner.
On a parlé tous les deux. Enfin, il a parlé et je l'ai écouté tout en recréant la Royal Air Force avec ce qui me traînait sous la main (j'espère que je ne me ferai pas engueuler cette fois), et ensuite je lui ai raconté ma palpitante vie tandis qu'il continuait d'arroser ses plantes en souriant. Des hellébores je crois ? Wow. Je vais lui dire que j'ai retenu le nom, il n'en reviendra pas. J'avoue que c'est une des choses pour lesquelles mon génialissime cerveau refuse de coopérer habituellement. Et puis il en a tellement...
J'ai longtemps hésité à lui parler. Oui, moi, j'ai hésité. J'ai hésité à lui parler de toi parce que tout le monde sait à quel point votre dispute vous a fait du mal. Il va mal, tu vas mal, tout le monde va mal ? Il a fini par me dire qu'il avait lu ta lettre. Mais il ne m'a rien dit de plus. Je n'ai rien ajouté non plus.
Je pense donc savoir qu'il est passé après notre rencontre et qu'il t'a répondu... La maison vide sur le mur, c'est de lui, non ? J'aurais aimé plaisanter sur le fait que pour dessiner à cette hauteur, ça ne pouvait être que lui, mais voir ce dessin m'a fait plus mal au cœur que prévu. Est-ce que c'est notre QG qu'il a représenté ? Est-ce que c'est lui ? Est-ce que c'est nous ?
J'ai eu l'agréable surprise de voir que Yoongi aussi était passé, et deux fois. Par Kim Seokjin, aurais-je réussi l'impossible ?
Je parle, je parle, et je me rends compte que je me suis totalement éloigné de ce que je voulais te dire à l'origine.
Du coup, pour en revenir à cette histoire de glace... Qui d'autre que toi aime ce détestable parfum appelé « chocolat-menthe » déjà ? Peut-on même définir ça comme un parfum ? C'est une torture. Rien que prononcer ces mots côte à côte me donne de l'urticaire.
Dis-moi, petit Jabba. Tu te rappelles cette fois où on a quitté Séoul tous les deux sans ne rien dire à personne ? Tu avais cette petite mine sombre si habituelle et qui est si adorable, même si jamais je ne me lasserai de te répéter que lorsque tu souris, c'est encore mieux. Peut-être un jour réussiras-tu à être aussi beau que moi ?
Pardon, je m'égare. Enfin juste un peu, tu ne pourras démentir que mon physique est parfait.
Je disais donc, contrairement au reste du temps, cette petite mine avait pour moi un arrière-goût de glace chocolat-menthe. Tu ne m'avais rien dit, mais je savais pourquoi tu étais comme ça. Pourquoi tu semblais plus éteint que d'habitude : Yoongi était encore parti sans rien dire. Tu crois que tu avais réussi à cacher ça à mon sens si pointu de l'observation ? À mon sixième sens dépassant la normale humaine ? Qui croyais-tu duper ? Je l'avais compris à la seconde où tu avais soupiré en levant tes yeux sur le ciel bleu.
C'est quoi déjà, le bleu, dans votre langue à Taehyung et toi ? Ça aussi c'est quelque chose pour laquelle ma mémoire est assez réticente. Et puis après tout, c'est votre langage, votre monde, vous ne m'en voudrez pas de ne pas le partager, j'imagine.
Je disais. Ce jour-là, il faisait beau. Ce jour-là, il faisait chaud. Et tu t'étais malgré tout laissé entraîner jusqu'à Incheon, malgré ton aversion des endroits bondés et bruyants qui te font peur. Tu n'avais pas décroché un mot de tout le trajet, tu m'avais laissé parler comme toujours. Ça pour parler, je me souviens que j'en avais soif en arrivant. J'étais totalement desséché, comme l'éponge sur le bord de mon évier parce que les lave-vaisselles sont des inventions du génie et que je mange proprement. D'ailleurs, en parlant d'éponge, qui est l'imbécile qui a dessiné un phallus géant à mon magnifique Bob, que je vienne lui faire le même sur le front ?
Je m'éloigne encore mais je sais que tu arrives à me suivre. C'est amusant d'ailleurs, toi qui ne parles que trop peu et qui nous écris autant d'un coup... Ta lettre était si belle, et si familière. Sont-ce mes avions en papier et mes centaines de petits mots qui t'ont inspiré cette façon d'écrire ? De sauter du coq à l'âne, d'une idée à une autre, rebondissant sur chaque paragraphe ?
Revenons-en à nos moutons (sache que j'ai eu du mal à ne pas faire une blague ici).
Je disais donc que j'avais grandement besoin d'hydratation, et puis nous étions tombés sur ce stand de glace. J'aime les glaces, tout le monde aime les glaces.
Je m'en étais acheté une et j'avais eu la bonté de t'en offrir une également. Et puis on s'était assis sur le béton en bord de plage, les pieds dans le sable, loin des gens se prélassant au soleil pour te laisser respirer, et j'avais commencé à parler, encore et encore, tandis que tu m'avais à peine écouté, mangeant ta collation avec les yeux perdus sur la mer Jaune. Tu ne m'auras pas, ce n'est pas au vieux beau gosse qu'on apprend à faire des grimaces, Jay-Kay. Je t'avais raconté l'une de mes blagues les plus drôles du moment et tu n'avais même pas esquissé un sourire.
Avais-je été vexé ? Noooooooooooon. Pas le moins du monde. Juste un peu. Un peu beaucoup. Horriblement, oui. Je parie d'ailleurs que tu as déjà oublié cette blague et sa réponse.
Comment ramasse-t-on la papaye ? Avec une foufourche. UNE FOUFOURCHE JAY-KAY. C'était du génie. Cette blague était aussi pliante que les chaises des baigneurs en pause bain de soleil. PLIANTE, TU AS COMPRIS ? HAHAHA !
Je t'ai vu sourire. Tu as perdu.
Mais cette fois-là, tu n'avais pas souri. J'avais simplement continué de parler, et j'avais évoqué Yoongi qui s'était encore envolé on-ne-sait-où sans un mot. Et tu t'étais encore plus refermé. Je savais que tu détestais quand il partait comme ça, que ça te faisait peur de le voir s'éloigner, que ça te faisait mal parce que tu te disais que s'il s'en allait si facilement, c'était que nous, nous n'étions pas aussi importants pour lui que lui l'était pour nous, et surtout pour toi ? Je comprends ta peur et je ne te dirai pas les raisons de ses longs et soudains voyages parce que c'est quelque chose qu'il doit faire lui-même. La seule chose que je pouvais faire pour te changer les idées était de faire le pitre, que dis-je, d'être moi-même, comme toujours. Mais ce jour-là semblait particulier. Est-ce que c'était parce que ton anniversaire était quelques semaines après et que tu craignais qu'il soit aux abonnés absents ?
Quoi qu'il en soit, tout ce que je pouvais faire était de te faire rire, mais ça s'était annoncé plus compliqué que prévu. Alors j'avais eu une idée, et ma petite cuillère de plastique s'était de nouveau plongée dans ma glace sauf que cette fois, je m'en étais servi comme d'une catapulte.
Jamais je n'oublierai la façon dont ta mâchoire s'est serrée lorsque mon précieux sorbet à la fraise a atterri sur ta pommette.
Jamais je n'oublierai la façon dont tu t'es retourné vers moi pour probablement me dire que je te cassais les pieds.
Jamais je n'oublierai la façon dont tu as levé ta main droite pour probablement me repousser en me disant que je te saoulais.
Jamais je n'oublierai la vision de ta boule de glace voler accidentellement et atterrir une seconde plus tard en plein dans mon magnifique visage.
Jamais je n'oublierai cette horrible tâche qui restera probablement toujours sur cette belle chemise aux motifs que tout le monde déteste dans cette bande de personnes sans goût.
Et jamais je n'oublierai le sourire que tu as eu du mal à retenir, puis le son de tes éclats de rire.
Tu t'en souviens, toi aussi, n'est-ce pas ?
Ma chemise, elle, s'en souvient. J'aurais pu la jeter, tu sais. Mais je l'ai toujours, cachée au fond de mon armoire avec l'hideux costume que j'avais réussi à te faire porter il y a des années de ça, quelques mois après que tu aies coché la case « non » sur mon avion de papier. Je ne sais pas pourquoi, je n'arrive pas à me défaire de ces choses. Pourtant je sais que je ne la porterai plus jamais, que ni toi ni moi ne pouvons plus rentrer dans ce costume maintenant, mais j'y tiens étrangement. Je ne suis pourtant pas du style à m'encombrer de choses inutiles, mais elles me rappellent ces jours-là auxquels je tiens.
Le passé est important, les souvenirs sont importants. Qu'ils soient bons ou mauvais, ils nous définissent, et nous font grandir. Ce jour-là, bien que tu n'en aies pas conscience, tu as grandi, Kookie. Avec cette longue lettre où tu as magnifiquement tenté de parler l'humain, tu nous as montré à tous que ta croissance était une réussite. Ce qui vient de t'arriver te fait peur parce que le monde fait peur, mais c'est en affrontant ses peurs que l'on devient adulte. Je l'ai déjà répété à une certaine personne et je te le dirai aussi.
J'allais dire d'autres choses bien trop profondes que ça m'en fatigue d'avance, je laisse à Hoseok ou Namjoon le soin de le faire, être trop sérieux ne me va pas. En plus j'ai mal à la main à force d'écrire, et j'ai bien envie d'une soirée dans un endroit bondé avec un verre et de la musique assez forte.
Quoi qu'il en soit, mon origami du jour était une réussite et m'a empêché de t'oublier. On se revoit bientôt, Jay-Kay.
Avec tout mon désamour pour la glace chocolat-menthe,
Seokjin l'Incroyable
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