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⸺ Pourquoi faut-il toujours que les organisations illégales se trouvent sous terre en compagnie d'animaux dégoûtant ?
Tout en prononçant ces mots, je retirais un verre de terre qui venait de tomber dans mes cheveux.
⸺ Tu connais le principe d'une organisation illégale ? railla Hana en me jetant un coup d'œil par-dessus l'épaule. Arrête un peu de te plaindre et avance !
⸺ Ta copine a raison, Cuacha. T'as rien à craindre ici-bas, sauf si t'aimes pas les rats. En haut, par contre... appuya la femme à la tresse loin devant, sans daigner se retourner.
⸺ Je sais, je sais. Mais bon...
⸺ Te fais pas trop de mouron par rapport à la propreté des lieux, ceci-dit. Les quartiers crèchent pas ici.
⸺ Où, alors ?
⸺ Peux pas le dire. De toute façon, vous y arriverez bien assez vite.
⸺ Mais si cet endroit n'a aucun rapport avec votre camp, pourquoi nous y faire passer ?
⸺ Pour le plaisir !
Bien-sûr.
Hana s'apprêtait à lui emboiter le pas lorsque j'accrochai mes doigts à la manche de sa tunique pour la retenir. Son regard circonspect retomba aussitôt lorsqu'elle remarqua mon expression grave.
⸺ Qu'est-ce qu'il y a ?
Je lui fis signe de se rapprocher, gardant la silhouette rapetissant de notre guide au coin de l'œil.
⸺ Qu'est-ce qu'on fait pour Fafnir et Reyja ? lui demandai-je à mi-voix.
L'ogam que j'avais tracé à même ma peau était censé attirer Fafnir jusqu'à moi – à supposer que je l'avais bien fait. Je n'avais pas osé me scarifier, mais si le sort n'était pas assez fort ?
Et puis, il y avait le second problème. Parmi les mots de la femme à la tresse, le sobriquet qu'elle avait utilisé pour désigner un dragon n'était pas tendre, dénué du plus infime respect auquel on aurait pu s'attendre. Dans sa voix, un mépris non-dissimulé à l'égard de toute l'espèce.
Que ferions-nous lorsque la confrontation aurait lieu ? Un troupeau de bandits face à deux drakes... l'affrontement allait être sanglant.
Très.
Trop.
Comme à Arkën Soa.
Comme à...
⸺ Non ! chuchotai-je furieusement.
Hana fronça les sourcils.
⸺ Liam ?
⸺ Il faut qu'on parte, tout de suite. On ne peut pas rester ici, avec cette femme, on ne peut pas...
Elle m'agrippa les épaules pour me secouer.
⸺ Liam, Liam ! Calme-toi, d'accord ?
Au loin, la femme à la tresse nous héla pour nous suggérer de nous magner un peu. Hana l'ignora et glissa une main sous mon menton pour plonger ses yeux dans les miens.
⸺ Tu es effrayé, et je comprends ça. Mais, cette femme ? Elle a les réponses à nos questions. Et c'est pour ça qu'on est venus ici, tu te rappelles ?
Elle me relâcha et s'écarta pour resserrer le foulard écarlate qui fixait peu ou prou une partie de sa crinière. Quand elle redressa le chef, je retrouvai la Hana d'Arkën Soa ; l'intrépide, l'inarrêtable.
⸺ Pour l'instant, on n'a pas vraiment le choix. Alors on va continuer, et on verra la suite après.
J'acquiesçai muettement.
*
Après plusieurs poignées de sables, la femme à la tresse nous fit enfin remonter à la surface, retrouvant la lumière du jour.
J'avais craint que quelqu'un ne nous remarque, mais fus vite rassuré en constatant que nous nous trouvions dans une impasse sombre et à l'abri des regards.
Rapidement, nous nous éloignâmes du tunnel et la femme nous entraîna à sa suite, bifurquant partout où l'on pouvait bifurquer, se trompant à chaque occasion de se tromper.
Je la soupçonnais de chercher à nous perdre encore plus...
⸺ Où sommes-nous ? demandai-je alors que nous traversions ce qui semblait être le marché local.
⸺ Toujours à Eri Soën. Dans un autre quartier. Celui du commerce, avec les vieux richous bedonnants qui se comportent comme si l'Iontas était à eux. Des gens sympas, quoi.
Ici, pas de sang, pas de déchets encombrant les pavés, pas d'ivrognes endormis sur le seuil des maisonnées bancales. Tout respirait la prospérité. Mais lorsque j'en fis part à notre guide, celle si se contenta d'un reniflement dédaigneux – ou dégoûté, je ne réussis pas à trancher.
⸺ Regarde mieux.
Elle m'empoigna le bras et dirigea mon regard sur deux enfants jouant avec une grand-mère, près d'un étal.
Un grain de sables, je les fixais sans comprendre. Quel problème pouvait voir notre... sauveuse dans cet instant de complicité ?
Le suivant, l'atrocité me frappa de plein fouet.
L'innocence que j'avais cru apercevoir dans les jeux des deux gamins n'étaient que de la poudre aux yeux, et celle que j'avais pris pour une troisième joueuse n'en était pas une.
C'était un jouet.
Si les garçonnets riaient et criaient de joie, on ne pouvait pas en dire autant de la vieille sur laquelle ils s'acharnaient : celle-ci avait le visage ravagé par la terreur, et sur ses joues fripées coulaient abondement un liquide informe que j'identifiai rapidement comme un mélange hétérogène de larmes, de morve et de sang.
Sur le corps prostré au sol, emmitouflé de guenilles trouées, coups et insultes pleuvaient à répétition, ponctués de mollards au visage et de rires cruels ; le tout sous l'ignorance réfléchie des passants.
Du coin de l'œil, je remarquai la silhouette de Hana s'élancer vers le trio avec une envie d'en découdre imprimée sur le visage – que, pour une fois, je ne reniais pas – et se faire stopper en plein vol par la femme à la tresse. Empêchant ma compagne de se ruer sur les tortionnaires d'un bras, elle me saisit de l'autre et nous éloigna de cette scène de cauchemars.
Une fois s'être assurée que sa captive ne risquait plus de lui sauter à la gorge et que personne ne nous avait suivi, elle réaxa son attention sur nous, laissant libre cours à sa fureur :
⸺ C'était quoi, ça ?
Suivant l'exemple de Hana, je restai silencieux.
La femme à la tresse poursuivit :
⸺ Vous croyiez quoi ? Que parce qu'on forme le même peuple, on est tous égaux ? Faudrait penser à vous réveiller les gars, parce que des scènes comme celle qu'on vient d'assister, on en voie des trâlées tous les jours ! Alors si vous voulez pas finir à la place de la vieille, je vous conseille de commencer à agir en conséquence ! Vous avez remarqué leurs vêtements ? Des Nobliaux. Basiquement intouchables.
» Toi, fit-elle en me pointant du doigt. Reste pas planté là à les fixer comme ça ! S'ils te remarquent, t'es bon pour le pilori. Le mieux à faire, c'est de s'activer et faire semblant de rien voir. C'est dur, mais c'est comme ça. D'où vous débarquez pour pas savoir ça ?
Elle se passa une main sur le visage avant de la laisser retomber, plongeant ses iris noires tour à tour dans les yeux de Hana puis des miens.
Celle-ci marmonna quelque chose dans sa barbe. La femme à la tresse se tourna vers elle.
⸺ Et toi... Tu croyais faire quoi ? Un Nobliau peut faire saisir tranquille toutes les possessions d'un petit bourgeois et l'envoyer au trou suffisamment longtemps pour que ses rejetons oublient son blaze, alors une vagabonde sans titre ni possessions comme toi ? Y t'auraient fait exécuter sur le champ ! Estime-toi jouasse d'être encore en vie, parce que j'étais à deux doigts de te laisser aller t'faire démembrer.
Face à cette réprimande cynique mais abominablement réaliste, j'observai une nuance presque aussi rouge que son bandeau envahir les joues de Hana (une quantité de sang ayant vraisemblablement déserté ses jointures, à en juger leur pâleur). Elle serrait ses poings si forts que je n'aurais pas été étonné de voir ses ongles traverser la peau et jaillir de l'autre côté.
⸺ Et même dans l'hypothèse où t'aurais réussi à te barrer... vers qui tu crois que les soldats se seraient tournés ? Je peux gérer une poignée de soudards, pas toute la garnison !
Hana ne la regardait plus. Ses yeux sombres vagabondaient au sol, errant comme des âmes en peine.
La femme à la tresse saisit le col de sa tunique, l'obligeant à la regarder droit dans les yeux.
⸺ Alors ? T'aurais risqué la peau de ton petit copain pour rien ?
⸺ Ce n'est pas mon petit copain et ce n'était pas pour rien, contra Hana d'une voix saccadée.
⸺ Ah bon ? C'est pas inutile, de mettre un cara en danger pour le plaisir de soulager ta p'tite conscience ?
La guerrière laissa échapper un rire sans joie.
⸺ T'as raison, c'est pas inutile, c'est égoïste. Alors je te redemande : t'aurais risqué sa vie pour celle d'une grand-mère déjà condamnée ?
Mon regard croisa celui de Hana. Ses yeux s'arrimèrent aux miens, en proie à une confusion indignée qui me fit tressaillir. Ses lèvres s'entrouvrirent, mais rien n'en sortit.
⸺ ... C'est bien ce que je pensais.
Laissant notre guide quelques pas devant nous, je m'approchais doucement de mon amie et lui demandait, sur un ton que je voulais compatissant :
⸺ Ça va ?
⸺ Casse-toi, Liam.
*
Au bout d'un certain moment (assez en tout cas pour que l'incident soit mis de côté par les deux antagonistes), notre petit groupe arriva devant une minuscule auberge, ou quelque chose qui y ressemblait.
J'échangeai un regard dépité avec Hana :
C'est là-dedans que se cachent les Sealgairí ?
Devant nos mines perplexes, la femme à la tresse s'empressa de nous expliquer :
⸺ Je sais ce que vous pensez, mais je vous assure que c'est pas ce que vous croyez.
⸺ Oh ? fit Hana, une pointe de surprise dans la voix. Et qu'est-ce qu'on pense, au juste ?
L'autre lui lança une œillade agacée, mais ne releva pas l'ironie de sa remarque.
⸺ Vous pensez que c'te boui-boui est not' destination finale, et que nous – les Sealgairí –, on est qu'une bande de pauvres types qu'ont pas la suite dans les idées. Bah vous vous gourez sur toute la ligne, dit-elle en nous dirigeant lentement mais sûrement vers la porte de la taverne.
⸺ C'est marrant, j'ai des doutes sur la dernière déclaration, raillai-je devant la façade délabrée de l'établissement.
⸺ Sérieusement. Cet endroit, c'est qu'un passage, encore une fois. Et pis le fait est que son état de détérioration avancé lui attire pas l'regard des curieux. C'qu'est assez utile pour une guilde de hors-la-loi, s'entend.
Touché.
Son raisonnement tenait la route, c'était un fait ; aussi Hana et moi lui emboîtâmes le pas à l'intérieur.
La gargote était un lieu sombre, mal éclairé, où semblait régner la tristesse et l'abattement. Les quelques clients présents paraissaient tous maussades, noyant leurs misères dans un fond de bière dont les simples relents suffisaient à me retourner l'estomac, même après toutes les atrocités dont j'avais été témoin aujourd'hui.
Certains mauvais souvenirs avaient la vie dure...
Ici, tout était fade. Pitoyable. Presque transparent.
Transparent. C'est ça. Exactement ce dont elle parlait.
Même notre arrivée, un trio de nouveaux venus dont la présence occasionnerait habituellement un ou deux coups d'œil curieux, ne suffit pas à tirer de leur chope un seul des ivrognes présents.
Quelle tristesse...
Pendant que je déprimais sur la morosité des personnes présentes (le serpent se mordait la queue !) la femme à la tresse apostrophait une femme derrière le comptoir occupée à essuyer des gobelets de terre cuite à l'aide d'un torchon plus graisseux que ce qu'il nettoyait.
⸺ Hey, Shayla ! Comment vont les affaires ?
La dénommée Shayla, une femme de forte carrure en pleine santé – comme en témoignait ses muscles saillants – lui offrit un grand sourire.
⸺ Hey ! Beau temps aujourd'hui, tu trouves pas ?
⸺ Je sais pas, Shayla, je sais pas. Le ciel était tellement encombré que j'ai pas pu l'apercevoir.
⸺ Quand celui-ci le sera moins... commença cette dernière.
⸺ Alors je pourrais enfin savoir, conclus la guerrière.
La tenancière nous fit signe de descendre à la cave, un léger sourire aux lèvres. Mais son expression changea du tout au tout lorsqu'elle m'aperçut.
⸺ Que... comment... Est-ce que... ? balbutia la femme dans un charabia incompréhensible, qui sembla pourtant limpide comme du cristal aux oreilles de notre guide.
Celle-ci lui répondit d'une voix neutre, impossible à décoder :
⸺ C'est pas vérifié, mais qu'les dieux me foudroient s'ils possèdent aucun lien de parenté ! Scáth Ársa saura trancher. On verra si j'ai gagné mon pari.
De quoi parlent-elles ?
Shayla acquiesça, me détaillant avec un intérêt nouveau, une observation méticuleuse qui me mit mal à l'aise.
Finalement, elle se décala pour nous laisser passer, et la femme à la tresse descendit à la cave où devait se trouver un énième passage secret – pour changer. Comme nous n'avions pas beaucoup d'autres choix, nous la suivîmes.
Ledit passage secret nous fut révélé comme « l'ultime guichet avant l'but, qui deviendrait l'trou à rats le plus sacré de toute la Gaërwhenn quand tous les Nobliaux et aut' lézards auraient débarrassé l'plancher des vivants ». Rien de bien grandiloquent, en somme.
Outre le fait que le ton de notre hôte manquait d'un poil de... simplicité, de modestie, peut-être, les derniers mots de sa tirade me laissèrent un arrière-goût amer dans la bouche. Étrangement, les termes « lézards » et « débarrassé le plancher des vivants » placés dans la même phrase ne me mettaient pas dans un état de confiance et d'apaisement... Et si je ne me trompai pas sur la veine que je voyais battre à la mâchoire de l'autre Liée présente dans la cave, je ne n'étais pas le seul à être un peu agité.
⸺ Allez, on s'remue l'arrière-train ! lança la femme à la tresse. Cuacha, à toi l'honneur !
À côté d'elle, la tavernière s'était volatilisée.
⸺ Où...
⸺ Là-haut, me répondit la femme en ponctuant ses paroles d'un léger signe au plafond (ou au sol, ça dépendait du point de vue). Elle a un commerce à faire tourner, comprenez ?
Je pinçai les lèvres.
Comment va faire Fafnir pour me retrouver ?
Tous ses passages souterrains ne me disaient rien qui vaillent. Les dragons n'aimaient pas les profondeurs, et mon frère d'écailles n'échappait pas à la règle.
Moi non plus, d'ailleurs. Mais je m'éternisais et le coude que m'enfonça Hana dans les côtes réussit efficacement à me le rappeler.
Je m'engageai donc le premier dans la trouée souterraine.
Le tunnel suintait l'humidité et la moisissure. Dans l'obscurité, je ne savais pas où je mettais les pieds et manquai de m'étaler sur le sol à de nombreuses reprises. Par la suite, j'avançai plus prudemment en m'aidant des murs pour avancer à tâtons. La pierre était froide au toucher, mais la crasse qui la recouvrait ici et là lui procurait une certaine tiédeur.
Mes yeux s'accoutumèrent bientôt à la pénombre ambiante : je pus enfin distinguer – à défaut de la voir clairement – la galerie dans lequel je m'enfonçais depuis ce qui me semblait une éternité (même si je savais pertinemment que cela ne faisait guère plus de quelques poignées de sables).
Étrangement, le tunnel était à peu près conforme à ce que je m'étais imaginé. Habituellement, mon imagination avait tendance à dériver un peu trop loin de la réalité, de la crédibilité. Il m'avait fallu plusieurs Möks d'entraînement intensif pour que j'admette publiquement – c'est à dire devant ma mère et mon frère d'écailles – à la non-existence des cait beacán.
Je m'étais persuadé de la véracité de ces félins au pelage embarbouillés de champignons à l'âge effectif de six Möks et demi, en tombant sur un vieux livre de contes que ma mère avait eu le malheur de laisser traîner, et je n'en avais pas démordu officiellement jusqu'à mon dixième Mök.
Officieusement, j'étais toujours convaincu que l'auteur du livre était un homme honnête et en parfaite possession de ses moyens.
Tout était si simple, à l'époque... réalisai-je avec un pincement au cœur.
Simple.
Et doux.
Et bon.
Si bon !
Le pincement évolua rapidement en étau qui m'empêchait de respirer. Si j'avais été seul ? Si j'avais été seul, je me serais probablement effondré. J'aurai peut-être pleuré jusqu'à ce qu'il ne reste plus de mon corps qu'une carcasse desséchée.
Mais je n'étais pas seul. Étant accompagné, je reléguai cette option – pourtant ô combien tentante – à plus tard et me forçai à respirer un grand coup avant de me remettre à avancer.
Que mes compagnonnes notent ou non mon trouble, elles eurent le bon goût de ne pas le faire remarquer. La progression se poursuivit. Je marchai devant moi comme dans un rêve jusqu'à ce que j'arrive devant un trou.
Un trou.
Pas un simple trou dans la terre, oh non... ç'aurait été bien trop facile. Non, un trou dans l'air, creusé dans l'invisible, perçant la réalité.
Une Fenêtre.
Les contours étaient flous, mais l'on pouvait distinguer malgré tous des rebords scintillants, comme des éclats de soleils sur une rivière. L'intérieur... On aurait dit une flaque d'eau suspendue. On distinguait vaguement ce qu'il y avait derrière, quoique voilé par une profonde obscurité. Et puis je me rendis compte que cette noirceur était ce qu'il y avait de l'autre côté.
C'est donc ça qu'elle entendait par passage...
⸺ T'inquiète pas Cuacha, il t'arrivera rien.
J'opinai nerveusement du chef...
Et je traversai.
*
Contrairement au premier côté du tunnel, cette version-là étaient agrémenté de cristaux blancs qui diffusaient une agréable lueur argentée. À défaut d'offrir un éclairage suffisant, celle-ci me permettait au moins de ne plus me déplacer à l'aveuglette – et m'évita par le même coup plusieurs chutes que j'imaginais spectaculaires.
Au fur et à mesure que nous progressions, ce que je devinais être la fin du couloir se découpait de plus en plus nettement devant moi. J'accélérai le pas, pressé d'atteindre notre but.
Enfin, les parois de pierres s'évasèrent sur un espace immense qui marquait la fin du couloir.
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