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46

*Liam*

Trois jours plus tard


Ça va aller ?

Je ne sais pas. Je ne suis pas dans sa tête, tu sais ?

Mais tu la comprends.

⸺ Je ne sais pas.

Aie confiance en toi.

⸺ J'ai confiance en moi. Si je devais douter de quelqu'un, ce serait plutôt toi.

Silence coupable.

... C'est un coup bas.

⸺ Non. Tu savais. Tu savais que Reyja n'était pas ce qu'elle paraissait être, et tu ne m'as rien dit. Pire, tu as remis mon jugement en cause et tu as cherché à me faire douter de moi quand je t'en ai parlé !

Je ne pouvais pas t'en parler, Liam.

Sourcils levés, j'attendis qu'il développe : s'il n'avait pas pu m'en parler, il devait y avoir une sacrément bonne raison.

Elle m'a fait jurer de ne rien te dire.

Juré ? Juré, comme dans...

⸺ C'était...

Oui.

⸺ Quand ?

Peu après la destruction d'Arkën Soa. Dans la forêt où on s'est cachés. La première.

Si tôt...

⸺ ... Je comprends.

Il parut surpris.

Vraiment ?

⸺ Le Lien est bien fait...

Je rouvris les yeux. Personne n'était là pour me voir parler dans le vide (discutailler en pensée générait souvent en moi un sentiment creux, aussi évitais-je l'action autant que faire se peut), mais je ne me fiais pas aux apparences. Pas ici, en tout cas.

Face à moi, une porte en bois. Entre mes mains, une gamelle de nourriture.

Inhaler, expirer.

Je caressai la poignée, qui s'illumina de glyphes avant de se tourner doucement.

La porte s'ouvrit.


Hana faisait peur à voir.

La lumière du dehors éclairait ses cheveux flottant en broussailles autour de sa tête, les minuscules égratignures qui couraient le long de ses bras. Roulée en boule sur sa paillasse, son dos accablé ne trahit aucune réaction face à mon intrusion.

⸺ Hana ?

Je me dirigeai vers elle à pas prudents et m'accroupis à ses côtés, déposant l'écuelle de bois un peu plus loin.

⸺ Ça fait trois jours. Il faut que tu manges.

Elle resta amorphe. J'insistai doucement :

⸺ Hana.

Subitement, elle se redressa et m'agrippa le bras :

⸺ Comment est-ce que j'ai pu ne pas m'en rendre compte, Liam ? Tout ce temps ! ... Tout ce temps, elle... !

Son menton retomba brutalement, comme une marionnette à laquelle on aurait coupé les fils.

⸺ ... Tu savais.

⸺ Non. Mais je m'en doutais.

Sa poigne se desserra.

⸺ Pourquoi, hein ? Pourquoi ?

Elle eut un rire nerveux.

⸺ Tu savais que mon bandeau avait été fabriqué ici ?

⸺ ...

⸺ Mes « parents » l'ont découpé dans les langes qui m'enveloppait quand Reyja m'a déposée à Arkën. Apparemment, elle leur a ordonné de le faire pour garder mon sang faërique sous contrôle. Ils me l'ont vendu comme un symbole de ma rareté, tu te rends compte ? J'ai passé toute mon enfance à penser qu'ils me le faisaient porter pour s'assurer que je n'oublie jamais que je n'étais pas vraiment leur fille, alors que c'était juste une bride pour éviter que je ne mette feu à une bâtisse dans un accès de colère...

Hana se tut un instant.

⸺ ... Je l'ai tuée, Liam.

... Pardon ?

⸺ De qui tu parles ? Reyja ? Hana, ce n'était pas de ta faute si...

⸺ Je ne parle pas de Reyja.

⸺ De qui, alors ?

Ses yeux se levèrent vers moi, sombres et hantés. Elle les baissa aussitôt, mais ce que j'y aperçus m'effraya.

⸺ Hana ?


C'était qui ?


Hana. Hana !

DE QUI TU PARLES ?

⸺ Mélisande, c'était Mélisande !

Mélisande ?

Un pan de mon monde s'effondra.

Mélisande.

Le souvenir des lèvres de son frère... je le chassai aussitôt.

Pas le moment.

Mélisande.

Ses yeux rêveurs, son air ailleurs.

Mélisande, la sagesse toujours sur le bout de la langue.

Mélisande...

Non, pas Mélisande. Maïanka. Son vrai nom, un beau nom. Celui que les Vendeurs de peaux lui avaient arraché.

Que dirait Ashe ?

Ne pense pas à lui, pas maintenant.

⸺ Comment... qu'est-ce qui s'est passé ?

Hana avala sa salive.

⸺ Quand... quand le Vol a attaqué, je suis partie à la recherche de Reyja, et Mélisande... elle m'a suivie. Donc, je suis arrivée aux grottes où Fafnir et Reyja... et quand j'ai vu l'autre dragon lui trancher la gorge, j'ai hurlé.

⸺ Tu as... hurlé ?

⸺ Oui, j'ai... j'ai hurlé, et tout est devenu blanc autour de moi, et quand j'ai ouvert les yeux...

Elle ne finit pas sa phrase, mais je comblai les trous tout seul.

⸺ C'est elle qui m'a dit de venir ici. Avant de...

Incroyable.

Je me relevai pour faire les cent pas. J'avais la tête qui tournait.

⸺ Je ne comprends pas. Pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt ?

⸺ ...

⸺ Hana !

⸺ Et qu'est-ce que tu voulais que je te dise ? « Oh, salut, ça va ? Au fait, j'ai tué Mélisande, ça ne te dérange pas ? Quoi, comment je l'ai fait ? Oh, c'est pas compliqué, juste à cause d'un stupide héritage et d'une stupide magie dont je n'ai jamais voulu ! » C'est ça que tu aurais voulu que je dise ?

⸺ J'aurais voulu que tu nous dises qu'elle était morte ! Je... tu... et Aaron ?

Elle me considéra sans comprendre.

⸺ Quoi, « Aaron » ?

⸺ Au Clan ! Au Clan, tu étais tellement enragée contre lui, et même après ! tu... tu...

⸺ ... Je ?

Sa voix tremblotait. Sans doute que la mienne aussi.

⸺ ... Comment tu as pu faire ça ? murmurai-je dans un sanglot incrédule.

De nous deux, ce n'était pas elle, le monstre, ça ne pouvait pas l'être, j'avais déjà endossé ce rôle bien auparavant, il ne pouvait pas y avoir deux abominations, deux coupables, j'étais déjà là et si elle y venait aussi alors il y en aurait trop et ce n'était pas possible et Ashe qui avait perdu la moitié de son âme et Hana aussi par la même occasion sauf que ce n'était pas sa Liée pas vraiment et nous étions deux avec du sang sur les mains tellement de sang sur les mains trop de sang sur les mains du sang partout partout partout !

Je croisai son regard. Dans ses yeux, la douleur. Une douleur à nulle autre pareille, une terreur sans limite. Hana me répondit dans un souffle semblable au mien :

⸺ ... Tu crois que je l'ai fait exprès ?

⸺ Je ne sais pas...

Ou plutôt si, je savais que non, mais...

Je lui tournai le dos pour faire face à l'unique lucarne de la pièce. Dehors, rien ne venait troubler les branches, rien ne venait suggérer ce qui se passait dans cette cahute.

Et toi, Ashe ? Sens-tu dans ta chair comme ta moitié s'est consumée ? Si un jour je te retrouve, seras-tu devenu une Anam Cráite ? Et si tu l'ignores... qui te le dira ?

J'entendis Hana déglutir.

⸺ Tu sais, malgré ce que je dis... commença-t-elle, une sorte de perplexité désespérée dans la voix, je crois que je n'arrive plus à en vouloir à Aaron. J'ai beau la chercher en moi, cette « juste colère » ... Je ne la trouve pas. Je ne la trouve plus.

Je la sentis se déplacer dans mon dos, s'éloigner avant de revenir.

⸺ J'étais furieuse, pourtant ! Ce jour-là, lorsque les Dragonniers sont arrivés, j'aurais pu l'égorger de mes propres dents.

Dans ses mots, une détresse sans nom.

⸺ Ça m'arrive de temps à autres, j'ai, j'ai ces bouffées de haine, comme ça, qui ne dure pas. Je crois que je n'arrive plus à ressentir sur le long terme.

Un bégayement.

⸺ Et puis, il y a cette énergie que je sens pulser sous ma peau à chacune de ces bouffées, celle qui a tué Mélisande... est-ce que tu t'imagines ne serait-ce qu'un grain de sables à quel point ça me graille les entrailles ?

⸺ Je ne peux rien faire pour toi, Hana, murmurai-je.

Ma paume se posait contre le battant de la porte lorsqu'elle reprit la parole, une dernière fois :

⸺ Je me suis toujours demandé comment tu t'étais fait cette cicatrice... Pour ce que ça vaut, je suis désolée de l'avoir appris comme ça.

Je claquai la porte derrière moi.


*


Pour un endroit aussi moussu, on se serait attendu à ce que le sol soit un minimum spongieux, mais le tapis d'herbes et de feuilles sous mes fesses était étonnamment confortable. Et le bruit de la rivière en-dessous avait quelque chose d'une berceuse, un air familier et réconfortant.

⸺ Eh bien ! Si ce n'est pas là un miracle comme on en voit dans les histoires ! Je ne t'ai jamais vu aussi songeur, je crois.

⸺ « Je » ne doit pas être très observateur, alors... ou observatrice.

Je coulai un regard par-dessus mon épaule en direction de Fána. Elle haussa les épaules et s'installa près de moi.

⸺ Qu'est-ce que tu veux ?

⸺ Pas grand-chose... rien, en fait. Je passais juste dans le coin quand je t'ai aperçu.

⸺ Comme si j'allais te croire !

Sans même la regarder, je compris que je l'avais vexée.

⸺ Et pourquoi pas ? rétorqua-t-elle.

Je ricanai.

⸺ À part que tu nous aies caché ta véritable identité pendant un Mök ? Que tu aies espionné Hana pendant tout ce temps pour le compte d'une Grande Seigneuresse fourbe et manipulatrice qui tire les ficelles depuis le début ? Ou que tu sois une Sidh, tout simplement ?

Dieux...

Je ne leur demandais qu'un simple instant de tranquillité. Pourquoi n'étaient-ils pas en mesure de me l'accorder ? Enfin, je ne pouvais pas vraiment leur en vouloir... Il était du savoir commun que les Sidhí se jouaient des désirs des dieux et que, en leur statut de favoris, le panthéon leur passait tous leurs caprices.

⸺ Je n'avais pas le choix ! protesta la faune.

⸺ C'est pour ça que je ne te le reproche pas – pas complètement, en tout cas. Mais de là à te faire confiance ? N'exagérons pas.

Je cueillis une fleur pour l'examiner de plus près.

⸺ Je suppose que tu n'as pas tort...

⸺ C'est bien, on avance !

Ma voix était lasse, elle n'avait plus l'ironie piquante dont je l'habillais dès lors que l'envie me prenait. Ma voix... non, j'étais lasse. La discussion – faute d'autres mots – avec Hana m'avait épuisée.

⸺ Tu es obligé d'être aussi désagréable ? Et personne ne m'envoie, pour ta gouverne.

⸺ Ah non ?

La fleur avait une forme de cloche. Sur la plante dont je l'avais tirée, des centaines d'autres grelots pendouillaient vers le sol.

⸺ Personne ne m'envoie. Je suis là de mon plein gré.

⸺Tu m'en diras tant...

Pour l'instant, la clochette était encore immaculée ; mais d'ici quelques septaines, elle se teinterait d'incarnat.

⸺ Je suis sérieuse.

⸺ Moi aussi.

Elle soupira, passa une main dans sa chevelure luxuriante, passa ses doigts sur l'une des deux cornes qui poussaient sur son crâne.

⸺ Qu'est-ce que je dois faire pour que tu me crois ?

⸺ Partir ?

Regard noir.

⸺ Très drôle.

⸺ On me l'a souvent répété, oui.

J'examinai les feuilles oblongues qui poussaient en couronne.

De l'andromède.

Un vomitif, toxique mais sans plus.

Enfin, ça, c'est dans les forêts normales.

Une plante qui fleurissait juste avant les Föanghaenz... il n'y avait qu'ici que ça pouvait se produire. Je récupérai une tige entière et la glissai dans ma sacoche (on ne savait jamais ce qui pouvait arriver).

Fána ramassa un galet et l'envoya ricocher sur le ruisseau à nos pieds. Elle en récupéra un autre, et recommença. Le premier fit quelques rebonds misérables, le second traversa jusqu'à la berge opposée, le troisième coula dans une immense gerbe d'éclaboussure.

Au bout du cinquième, elle se tourna vers moi.

⸺ Écoute, je sais que tu ne veux pas te confier à moi – tu me l'as très bien fait comprendre –, mais c'est n'est pas bon de tout garder pour soi.

⸺ ... Et ?

⸺ Et je ne te dis pas de t'épancher sur moi, mais tu as un frère d'écailles, raísk !

⸺ Il sait déjà.

La Sidh me lança une œillade interloquée.

Qu'est-ce qu'elle croyait ? Évidemment, qu'il savait ! Il avait toujours su, ou en tout cas, s'en était toujours douté : les écailleux avaient du flair pour ce genre de choses...

Je laissai mon regard se perdre sur les reflets colorés du cours d'eau à nos pieds, mais mon attention était ailleurs. D'après Fafnir, Reyja lui avait tout révélé la nuit qui avait suivi le massacre, sous prétexte de partir chasser. Aussitôt après, elle lui avait lancé une geis. J'avais beau savoir que rompre le serment aurait provoqué des conséquences désastreuses...

Je finirai bien par passer outre !

⸺ Eh bien ! J'adore les conversations riches et dynamiques, pas toi ?

La voix de Fána me sortit de mes pensées.

⸺ Hmm ?

⸺ Je pensais que ta compagnie serait plus intéressante que celle de l'autre tueur de dragons, mais on dirait que je me suis encore trompée.

J'interdis à mon regard de descendre plus bas lorsque je me tournai vers elle, me concentrant sur le vert boueux de ses yeux auréolés d'un halo de cils épais au lieu du corps sur lequel sa tête était posée (et dont elle ne se cachait pas du tout).

Quelque part en Gaërwhenn, un autre déambulait avec des iris tout aussi beaux, encore plus verts...

Concentre-toi, garçon, concentre-toi !

⸺ Je ne savais pas que tu avais une dent contre lui.

Tu me diras, je ne savais pas grand-chose.

⸺ Euh... c'est un assassin ? Il a abattu des dizaines d'êtres appartenant à une race ancestrale dans sa vendetta personnelle, et la Morgane le promène partout comme un toutou inoffensif – ce qu'il n'est définitivement pas. Est-ce que j'ai vraiment de bonnes raisons de l'apprécier ?

⸺ Mais au Clan...

⸺ Je devais tenir un œil sur lui, c'est tout. Et quand vous êtes arrivés, il fallait bien que je reste près de vous, hein ?

⸺ Ça se tient...

Merci.

⸺ ... Mais tu es au beau milieu de tes semblables. Qu'est-ce qui t'empêche d'aller chercher leur compagnie au lieu de la mienne ?

Au loin, un gamin aussi roux qu'Aaron déboula en ricanant, une paire de chausses colorées – qui n'étaient vraisemblablement pas les siennes – en main. Lorsqu'il aperçut Fána, cependant, son rire s'éteignit brusquement. Il esquissa une grimace de dégoût, cracha par terre et s'enfuit sans demander son reste.

⸺ Besoin d'une explication plus parlante ? ironisa-t-elle.

Sa mine était cynique, ses lèvres pincées.

⸺ Toi, tu es là... dit-elle.

Sa voix avait baissé d'une octave.

Sa main caressa la mienne. Remonta. Elle se pencha vers moi. Un parfum de bouc et de terre fraiche m'enveloppa.

Fána m'embrassa.

Je basculai en arrière et me retrouvai étendu dans l'herbe, la Sidh à califourchon sur mon bassin. Un frisson de plaisir remonta mes terminaisons nerveuses, et je m'abandonnai un instant au plaisir de ses lèvres expertes.

Puis je retrouvai mes esprits et la repoussai avec force.

Retombée sur les fesses, et me rendit un regard abasourdi.

⸺ Je suis désolé, je... enfin, tu es magnifique, mais... je ne peux pas.

Un grain de sables s'envola jusqu'aux Aubes Dorées. Fána éclata de rire.

⸺ On a connu des manières plus délicates de repousser quelqu'un, pas vrai ?

⸺ ... Désolé.

Le suis-je vraiment ?

La faune secoua la main comme si mon excuse était une mouche désagréable qu'elle pouvait envoyer papillonner au loin.

⸺ Tu l'as déjà dit. Mais je m'en remettrai, ne t'inquiète pas ! Et puis, si quelqu'un est en faute, c'est plutôt moi... Au moins, je pourrai toujours me dire que j'ai embrassé le héros d'une prophétie !

Elle se redressa d'un bond et s'éloigna en sautillant – un peu trop vite pour que je ne soupçonne pas sa désinvolture de n'être que de la comédie.


*


Le lieu qu'ils s'étaient choisi ressemblait à une petite alcôve, tout encerclée d'une rangée de hêtres serrés les uns contre les autres. J'avais beau comprendre que ces derniers n'offraient qu'une intimité de façade, je m'y étais réfugié comme si j'avais le Kraôl aux trousses. Et maintenant, nous en étions là.

⸺ Qu'est-ce que tu fous là ?

Ma question s'adressait au rouquin occupé à rafistoler une vieille veste à l'aide d'un fil et d'une aiguille, mais ce fut le dragon qui releva la tête.

Ta visite s'est bien passée ?

⸺ Elle s'est passée. Hana a tué Mélisande, ajoutai-je en pensée.

Les pupilles de Fafnir s'étrécirent.

⸺ Aaron, l'interpelai-je comme il restait interdit : qu'est-ce que tu fous là ?

Il arrêta son ouvrage pour me regarder.

⸺ Les Créatures ont pas beaucoup de sympathie pour moi. Je le leur rends bien.

Haussement de sourcil.

⸺ Donc tu choisis de t'installer auprès d'un membre d'une espèce que tu as chassé sans relâche pendant des Möks ? ... Il va falloir que tu m'expliques ta logique de raisonnement.

Demi-sourire contrit.

⸺ Il a le mérite de la franchise...

Je ne le déteste pas, l'interrompit Fafnir dans ma tête.

... Attends. Quoi ?

Tu le détestes, toi ?

Je...

Est-ce que je détestais Aaron ?

Il avait menti.

Il avait tué.

Il avait pillé.

... Il avait survécu.

Survécu aux flammes, aux coups, à la faim et à la fatigue.

Survécu aux chiens, aux dragons et aux hommes.

Est-ce que je lui en voulais réellement ?

Non.

Oui.

Peut-être, pas vraiment.

« Cette « juste colère » ... Je ne la trouve pas. Je ne la trouve plus. »

Je ne savais pas, je ne savais plus.

Je...

Je ne crois pas.

Alors, tu vois, c'est tout ce qui compte.

Même en sachant qui il était ?

Liam... je l'ai su dès le début.

J'eus un mouvement de recul et trébuchai en arrière. Aaron se précipita pour me retenir mais je l'arrêtai dans son geste, une main levée. Je foudroyai Fafnir du regard.

Liam...

⸺ Un Mök, Faf'. Un Mök ! Et tu n'as pas trouvé de moment pour venir m'en parler ? Reyja t'a lancé une deuxième geis en plus de la première ? J'imagine qu'elle savait aussi !

Je pris appui contre un arbre.

Trop de geisí couraient dans cette relation...

Elle savait, oui... mais ce n'est pas elle qui m'en a empêché. C'est la Sidh.

Qui, Nimuë ?

⸺ Fána, plutôt, suggéra Aaron en se remettant au travail. C'est son laquais, elle lui fait tout faire.

Je lui jetai un coup d'œil, revins vers mon frère d'écailles.

⸺ Il t'entend depuis le début ?

Le Drâkorian resta de marbre.

Ça m'évite de devoir parler sans parler, quelle aubaine !

Le regard que me lança Fafnir était lourd de sous-entendus quant à ce qu'il songeait de mon sarcasme dégoulinant à travers le Lien.

⸺ En plus de ça, Fána a la marotte pour les geisí, continua Aaron.

Je rejouai dans ma tête tous les non-dits qui jalonnaient nos conversations, tous ces blancs suspects que Fafnir se refusait systématiquement à remplir... Au moins une chose qui prenait sens au cours des dernières septaines.

⸺ Mélisande est morte.

Aaron cligna des yeux.

⸺ ... Je m'en doutais. (Sa voix s'était assombrie.) Qui d'autre aurait pu dire à Hana de trouver le Bois ? Si ç'avait été Nimuë ou Fána, elles l'auraient emporté directement.

⸺ C'est elle qui l'a tuée.

Les mots étaient trop lourds pour moi. Avant même d'essayer, j'avais compris que je n'aurais pas la force de les porter tout seul.

L'aiguille que tenait l'ancien Dragonnier se figea en l'air. Lentement, il reposa le gilet.

⸺ ... quoi ?

⸺ Ne me fais pas répéter, s'il te plaît.

Je l'observai se décomposer en silence.

⸺ Elle aurait pas... elle aurait pas tué Mélisande... pas volontairement. Non, pas volontairement.

C'est curieux.

⸺ Curieux ?

Qu'elle ne se soit pas doutée de sa mort.

Eh ?

J'étais perdu.

⸺ Tu dis ça parce qu'elle voyait les esprits ? demanda Aaron.

Je me tournai vers lui.

⸺ Elle voyait les esprits ?

⸺ Et l'avenir, parfois ? C'est ce qu'Ashe m'a dit, un jour.

⸺ J'avais deviné que c'était une empathe, mais...

⸺ Elle était beaucoup de choses.

Ce qui rend sa mort d'autant plus surprenante.

Ma main vint caresser ses écailles.

⸺ Tu crois qu'elle savait qu'elle allait mourir ?

Je sentis une vague de satisfaction me submerger – celle de Fafnir, pas la mienne. J'avais compris son raisonnement, et ce, sans utiliser le Lien (qui ressemblait de toute façon de plus en plus à un tuyau d'aspiration à sens unique).

⸺ Mais si elle savait... pourquoi ne pas avoir cherché à l'éviter ?

⸺ Peut-être qu'elle a pas pu. Ou que, ça, elle l'a pas vu.

⸺ Peut-être. Mais, je ne sais pas... ça m'étonnerait.

⸺ Oui, moi aussi.

⸺ Alors quoi ? Elle l'aurait su... et y serait allée malgré tout ?

C'est une empathe. Pour ces gens-là, la survie est secondaire.

⸺ C'était, Faf', c'était...

Il n'avait pas tort, cela dit. Pour les empathes, les autres passaient toujours avant eux. La puissance de ce que leur don leur faisait ressentir les poussait à s'oublier, s'effacer. Se sacrifier comme ça, un empathe sans attache en aurait tout à fait été capable.

Mais Mélisande... elle ne l'aurait pas fait, si ? Pas avec son frère encore debout. Son jumeau. Sa moitié. Elle n'aurait pas... elle ne l'aurait pas abandonné, pas lui. Elle ne se serait pas sacrifié quand Ashe avait si cruellement besoin d'elle.

À moins qu'elle ne l'ait déjà senti mourir.

L'air se bloqua dans ma poitrine.

Non.

Pas Ashe, pas lui. Il ne pouvait pas...

Quelque chose poussa ma hanche. Je baissai la tête pour découvrir que celle de Fafnir me donnait de petits coups répétitifs.

Nous le retrouverons.

Aaron me tendit une gourde à moitié pleine que je reluquai d'un air soupçonneux.

⸺ C'est de l'eau, me rassura-t-il.

⸺ Hmm.

J'approchai le goulot de mes narines pour le renifler. Ne flairant aucune odeur suspecte, je me décidai à en avaler une prudente gorgée. Une fraîcheur minérale se déversa dans mon œsophage.

De l'eau.

⸺ Je te l'avais bien dit...

⸺ Tu m'excuseras, mais on m'a sorti tellement de mensonges ces derniers temps que j'ai un peu du mal à voir au travers, répliquai-je en lui rendant son outre.

⸺ Pas faux.

Mon attention se perdit dans les buissons.

⸺ Tu crois qu'il sait ?

Aaron comprit tout de suite de qui je voulais parler, mais il ne me répondit pas.

Je me laissai tomber sur une souche décharnée.

⸺ Je me suis toujours demandé comment vous vous étiez rencontrés, les jumeaux et toi. Je veux dire, tu m'as raconté ton enfance, l'Arène, les Dragonniers... mais vous trois, jamais. Et je ne sais pas, j'ai toujours trouvé ça un peu bizarre, je veux dire, votre trio, c'était pas la même relation que les autres, c'était, comment dire ? logique pour eux, mais toi...

Je me noyais sous le flot de mes hésitations, mais Aaron, lui, parvint à garder la tête hors de l'eau.

J'imagine que survivre aux Larmes à cet avantage-là.

⸺ Eux et moi... on s'est comme qui dirait sauvé la vie, tu vois ? Échange de bons procédés. Pis dans l'urgence de la situation, ça crée des liens.

J'acquiesçai en silence. N'était-ce pas de la même manière que Hana et moi nous étions rapprochés ?

Hana...

⸺ Raconte-moi. Raconte-nous.

Fafnir se redressa, attentif à ce qui allait suivre.

Aaron résista quelques poignées de sables, avant de finir par céder :

⸺ D'accord, d'accord. J'vais vous dire.

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