On était tous là, réunis. Tous, sauf lui. Deux mèches brune mal coiffés tombaient de chaque côté de mon visage trempant dans la crème. Mes deux yeux noisettes fixaient le gâteau au chocolat recouvert de crème à la vanille.

- Joyeux anniversaire Lucy ! Crièrent-ils me perçant les tympans.

Joyeux ? Non, ce jour ne sera pas joyeux. Il sera morne, vide et déprimant comme d'habitude. Il ne fallait pas rêver !

- 10 ans déjà ! Fit une voix que je reconnu comme celle de ma mère.

Ma mère, une femme aux cheveux noir jais coupé au carré et à l'air sévère.

Oui, déjà. Une année de plus vers la mort. Super !

- Allez, souffle tes bougies ! Insista mon père.

Mon père, un homme long comme un haricot à la tignasse charbon.

Arrêtez ! Arrêtez de faire comme si rien ne s'était passé !

- Non, c'est ridicule. Rétorquai-je.

- C'est la tradition voyons ce n'est pas ridicule tout le monde le fait ! Fais un vœux ! Répondit ma grand mère.

Ma grand-mère une femme aux nattes grisonnantes et au visage couvert de rides.

Un vœux ? Pourquoi pas après tout ?

Alors je pensais très fort : je veux qu'il soit à nouveau parmis nous, je souhaite revoir ses boucles brunes valser au rythme de ses pas de danse, j'exige à nouveau entendre les douces mélodies qu'il me chantait le soir lors de mes insomnies, un véritable prodige de la musique du haut de ses huit ans.

J'inspirai une grande bouffée d'air pour souffler sur les bougies. Je les avais toutes éteintes, j'aurai aimé qu'il soit là pour me féliciter avec Papa, Maman et Mamie.

Oh Ani, où est tu ? À quoi pense tu ? As tu des amis là où tu es ? Est-ce qu'on se moque encore de tes jambes toutes maigres et de ton corps trop frêle ? Si c'est le cas qui te défend dans la cours de recrée si ce n'est pas moi ?

Pff c'est n'importe quoi ça marche pas ce genre de truc.

Papa, Père ou je ne sais par quel nom l'appeler me tendit une part de gâteau. Je le réduisais en charpie à l'aide de ma cuillère. Je n'avais pas faim.

- Tu ne manges pas ma chérie ? Demanda Maman.

- Si, si. Répondis-je en avalant une bouchée à contrecœur.

J'avais demandé son dessert préféré, à lui comme si ça pouvait le ramener à la vie. Pourtant lorsque ma salive se mélanger aux morceaux de moelleux des souvenirs refirent surface.

Lui et moi dans la cabane du jardin jouant à la dînette.
Lui se mettant à tousser et à s'effondrer.
Moi hurlant et pleurant.
Mon cœur battant si vite.
Son petit cœur sur le point de s'arrêter de battre.
L'ambulance, les urgences, rester seule avec mamie en attendant.
Me mordre les doigts car j'avais insisté pour qu'il grimpe dans l'arbre avec moi.
Me promettre de ne plus jamais lui montrer quand j'ai peur ou quand je suis triste.
Être forte pour lui.

- Maintenant ouvre donc tes cadeaux Lulu. Déclara Mamie une fois le gâteau terminé.

- OK.

Je saisissais un paquet de couleur sombre et retirait le ruban blanc. Je secouais la boîte en carton. Je reconnus au son des pièces qu'il s'agissait de lego. J'eu un instant d'euphorie en découvrant le château harry potter. On nous avait toujours dit "il est trop cher les enfants". Je compris alors qu'ils l'avaient acheté pour me réconforter de sa mort il y a deux mois. Comme si un misérable jouet pouvait le remplacer. Parfois les adultes étaient vraiment bêtes.

Je montais à l'étage avec mes lego sous le bras et des bougies piqués dans un placard jettées dans un sac (elles servaient au cas où il y avait une pane d'électricité). (Non je ne comptais pas mettre le feu à la maison). J'allumais les cierges, sans me brûler les doigts. Puis j'empilais les pièces les unes après les autres en sifflotant. Puis je l'entendis, cette voix qui se joignit à la mienne fluette et si douce, je regardais autour de moi pour apercevoir ce corps fantôme qui déplaçait les briques pour former les murs du château.

- Anaël ?! M'exclamai-je.