2∆1
(Y a plus personne mais here I come)
☯
Un dernier mensonge ne pouvait pas faire de mal. Quand l'esprit s'habitue à une nouvelle tâche, il devient aisé de s'en accommoder. Alors mentir à ses parents, une nouvelle fois, ne semblait plus remuer Solbin comme avant. Bien sûr, au fond d'elle, une petite voix coupable sommeillait. Elle ne se faisait ni remarquer ni entendre, mais elle était là et attendait patiemment. Elle attendait que d'autres éléments viennent la renforcer avant de se déchainer complètement.
Mais elle, elle voulait le voir. Le revoir pour une seule fois, seulement le croiser.
De jour, la jeune brune avait mis de côté sa routine autoritaire et ainsi enfreint ses propres règles imposées. Elle avait parcouru inlassablement les rues du quartier, dans l'espoir de remarquer sa silhouette fantomatique, et cela durant plusieurs après-midis.
Il n'était nul part.
Il semblait ne lui apparaître que de nuit et dans un lieu précis.
- Yixing a quelques clients avant toi. Je te suggère de revenir un autre jour. Lui annonça la blonde derrière le comptoir de Pearl Harbor.
- Combien en a-t-il avant moi ? Demanda Solbin après s'être mordue inconsciemment la lèvre inférieure.
Sa déception n'était que peu trop visible, même si elle tentait vainement de se la cacher.
Toutefois, la blonde vit claire dans son jeu. Les filles comme ça, elle les connaissait.
- Beaucoup. Reviens demain.
- En chiffres ? Rétorqua-t-elle sans faire attention à la dernière remarque de la secrétaire médicale.
Naturellement, Solbin était patiente. néanmoins, le ton de la jeune femme finit par l'irriter. Elle voyait bien qu'elle n'était pas la bienvenue, qu'elle était toujours perçue comme une étrangère. Elle avait pourtant retroussée sa longue jupe au point où elle ne lui arrivait qu'aux genoux.
- J'ai choisi trois clients pour aujourd'hui. Finit par lui répondre une voix douce, derrière son dos.
Elle sursauta. Et qui d'autre que lui pouvait produire un tel effet sur elle?
Yixing.
- Je lui ai dit que tu avais déjà des clients pour aujourd'hui, mais elle ne veut rien entendre. Affirma, un peu trop vite, la voix agacée de la blonde.
Sentant le regard dur de Yixing sur elle, Solbin baissa intuitivement la tête. Sans prêter attention au vacarme ayant lieu dans sa poitrine, elle n'attendit pas de réponse, et déplaça honteusement son corps vers la porte de sortie. Si elle avait juste mise ses émotions de côté, elle aurait peut-être pu percevoir la scène comme étant normal. Si Yixing était occupé, avec des clients choisis avant elle, alors il était naturel qu'il ne puisse pas la recevoir.
C'était un rejet.
Elle n'était pas à sa place et n'était pas voulue ici.
Yixing continuait de la regarder se trainer les jambes avec douleur. Le front baissé comme un petit chiot que l'on venait de punir, les poings fermés, les cheveux formant un rideau au dessus de son visage, elle était adorable à qui voulait le voir. Un sourire aux lèvres, la scène qu'on lui offrait semblait l'amuser, et s'attelant à mettre ses gants jetables, il attendit patiemment le moment où elle attrapa la poignet de sa porte pour briser le silence.
- Tu peux rester et attendre que je termine. Je finirais par m'occuper de toi.
Et juste avec ses quelques mots, il fit de nouveau rebondir le petit coeur de Solbin. Elle révéla son visage surpris à temps pour percevoir le dos disparaissant du jeune chinois dans le réservoir.
débarrassée de sa honte, Elle ne put empêcher son sourire d'éclore en revoyant la même veste en cuir que la dernière fois, balancé nonchalamment sur son dos.
La porte du réservoir entrouverte, Solbin se laissa glisser lentement sur la petite chaise pliable que l'on lui a apporté tout en scrutant les moindres gestes effectués par le jeune brun. N'étant vraisemblablement pas une fenêtre grande ouverte sur le monde, la porte ne lui offrait que de brefs aperçus, de timides étincelles du corps enflammé de son étranger.
Solbin la voyait, elle était là, cette passion pour son art qui le consumait. Peu importe le client qu'il a devant lui, Yixing le regarderait toujours avec tendresse et le manipulerait délicatement, de peur peut-être qu'il n'abîme, d'un simple toucher, sa peau unique. Un corps disait-il, avait mille façons de narrer son histoire et chaque écorce, chaque parcelle de celui-ci, détenait un secret du maitre qui l'habitait.
Finalement, aux yeux de la jeune fille, il était difficile de percevoir qui du client ou de Yixing était l'oeuvre et l'artiste. Se hâtant de mettre de côté cette pensée trouble, la brunette soupira avant de reprendre la contemplation du numéro orchestré, à quelques pas d'elle.
Une autre femme soupira à son tour. La blonde derrière son comptoir regardait elle aussi quelqu'un, elle fixait attentivement Solbin. Les mains moites, le visage figée, les yeux froids mais une lueur semblable au regret/tristesse s'agitait timidement à l'intérieur. Elle voulait la prévenir, la jeter dehors, lui demander de partir et ne jamais se retourner. Au lieu de ça, elle continua à la regarder se tortiller sur son siège pliable, dans l'espoir de mieux apercevoir l'homme dans l'autre pièce.
Il savait ce qu'il faisait, se dit la jeune blonde. Il avait fait exprès de laisser le réservoir ouvert alors qu'il le fermait toujours derrière lui.
Tu n'es qu'une petite sotte, finit par affirmer la blonde avant de lever les yeux au ciel.
Finalement, elle ne savait pas si cette déclaration lui était adressée ou si elle était destinée à la jeune innocente devant elle.
☯
- Myung-ah. Tu peux rentrer chez toi. Informa Yixing en quittant son dernier client.
Pearl harbor maintenant presque vide, Yixing quitta son réservoir avant d'enlever ses gants noirs. La fatigue commençait lentement à l'étreindre, mais il lui restait encore une dernière cliente.
- Mais tu n'as pas fini, je peux rester encore ! Cria tantôt la fausse blonde.
Je dois rester encore.
Yixing inspira profondément. Il laissa trainer son regard sur ses gants usées, ses cheveux couvrant à moitié ses yeux fatiguées puis...Il expira.
- Tu rentres chez toi.
Il ne lui donnait pas d'ordre, ce n'était pas son genre, il confirmait son départ.
-D'accord, je te laisse. A demain. Répondit-elle après une courte pause, puis disparût aussitôt.
Encore une victime.
☯
Solbin devait faire quelque chose, dire au moins un petit mot, lever un petit doigt. Mais rien de cela ne vit le jour, elle restait là, presque tremblotante et cramponnée à sa modeste chaise. Elle baissait les yeux, puis les relevait pour l'admirer hâtivement, puis les baissait encore et encore, et encore. Quant à lui, il semblait relativement décontracté, ne prêtant aucune attention à la bataille qui faisait rage à ses côtés. Au contraire, il s'affairait à ranger le comptoir, à ramasser les quelques mégots de cigarette par terre, à souffler sur les quelques poussières sur les tables vides.
Solbin le regardait faire, s'exclamant silencieusement à chacun de ses mouvements. Etait-elle si invisible que ça ? Si transparente qu'il l'avait oublié ?
Le silence installé pour de bon, et Yixing ayant enfin terminé de ranger, il ramassa une dernière fois son sac à dos noir, ses clés, le reste de sa bière et s'éclipsa.
Horrifiée, Solbin ne put que le regarder s'extirper sans peine, un visage toujours aussi serein. Il l'avait réellement oublié. L'idée même qu'il l'enferme à Pearl Harbor ne lui avait pas traversé l'espritn pas une seule fois. Non, il l'avait oublié.
- « Je ne te tatouerai pas aujourd'hui. Tu n'es pas venue pour ça. » Lui sourit l'homme. « Viens, je te raccompagne ».
Et juste ainsi, juste avec la lumière nocturne inondant son visage et son sourire étincelant, juste avec son regard amusé et ses oreilles rougies par le froid, elle comprit.
Elle comprit qu'il la voyait.
Et elle comprit qu'elle venait tout juste de sombrer dans la plus grotesque des folies.
☯
La gorge nouée, le coeur serrée, elle s'avançait, à petits pas, derrière lui. Elle avait peur qu'en s'approchant de trop près de cette figure inaltérable, l'homme la refoulerait et reviendrait sur sa promesse.
Il la raccompagnait chez elle.
Elle !
Lui qui s'aventurait dans les rues étroites de Séoul d'un pas rapide mais nonchalant, les mains dans les poches mais le dos droit, le visage fermé mais les yeux rieurs, pas une seule fois il ne s'était retourné pour regarder la jeune femme.
Il la raccompagnait tout de même chez elle.
Devant elle, il lui semblait si détaché, n'importe quel passant exprimerait l'idée que Yixing arpentait les rues de son quartier seul,...mais si seulement, au lieu de le regarder avec le coeur, elle avait été plus observatrice, elle aurait peut-être remarqué que les oreilles pointus du jeune homme n'obéissaient qu'aux sons de ses petits pas, elle aurait peut-être remarqué que ses propres pas, tantôt rapides, tantôt lents, s'adaptaient à elle. Si elle ralentissait soudainement, alors Yixing faisait semblant de contempler la pleine lune avec émoi, et si elle repartait de plus bel pour limiter leur éloignement, alors Yixing réveillait presque les environs en martelant, d'un pas pressé, le sol de ses talons.
Sortant de sa torpeur, une révélation se fit enfin.
- S-stop ! ...Comment est-ce que tu peux m'accompagner chez moi, alors que tu ne sais pas où j'habite ? Demanda-t-elle, haletante, après avoir couru jusqu'à lui. La distance entre eux n'était pas colossale mais ses petits poumons ne pouvaient tolérer une telle pression.
Inconsciemment, fixing frôla ses doigts avant de saisir sa main tremblotante. Elle était finalement venu jusqu'à lui et a finalement réussi à libérer quelques mots à son intention. Il sourit à l'idée, tout en continuant de contempler la figure, maintenant figée, de la brune aux cheveux ondulés.
- Je n'ai jamais dit que je t'emmenais chez toi. Fit-il la distinction, ses doigts maintenant entremêlés aux siens.
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