La musique coule dans mon atmosphère comme les ruisseaux que j'aime à regarder, et je laisse ma main aller sur le papier. La mélodie et les mots se confondent ; je ne sais pas ce que j'écris. Je ne réfléchis pas, je laisse mes doigts voler sur le clavier, le doux rythme des pressions imprimées sur les touches de ce dernier me bercent encore un peu plus. Je ne veux pas, je ne peux pas réfléchir, je réinvente l'écriture automatique, j'écris sans penser sans drogues sans couper mon sommeil sans essayer de bien faire. J'écris sans virgule sans point sans majuscule parfois, j'écris sans fioritures, sans lois, sans procédés. J'écris sans comprendre, je laisse les mots former des phrases qui manquent de sens et suivent le chemin du coq et de l'âne, les idées se précipitant en moi et l'écriture suivant leur flot soutenu et désordonné.

Chaque musique invoque en moi des mots différents, je me demande si c'est une forme de synesthésie, mais j'écoute à nouveau la musique et la magie a disparu ou les mots refusent de poursuivre l'idée originale, alors j'écris un autre texte pour me débarrasser des lettres qui s'empilent à l'intérieur de ma tête, je les jette sur le papier pour me vider l'esprit et pourtant le bordel ne réduit pas. Encore une fois mes yeux se ferment et mes doigts continuent leur danse effrénée, j'écris sans voir sans penser mais pas sans écouter, c'est la musique qui dirige mes gestes comme un chef d'orchestre. Je peine à continuer, les mots s'épuisent et je commence à réfléchir, c'est mauvais, c'est incroyablement mauvais, je ne dois pas réfléchir ou les mots m'échappent. Ça y est, l'inspiration s'épuise, avoir garanti l'espace d'une seconde le contrôle à mes pensées rend l'accord caduc, les notes et les mots ne s'entendent plus, je ne sais plus respirer, je ne sais plus écrire, mon coeur se serre à l'idée de faire mourir l'alliance et la pression le brise.