7.Gabriel
12 ans plus tôt....
-Plus vite, Gaby!
La petite fille riait aux éclats et, pour une fois, Gabriel n'avait pas à lui intimer le silence. Il tourna un peu plus vite et sourit en voyant les pieds d'Evangeline sur les siens.
Il regrettait qu'il n'ait pas de musique. Lorsque la maîtresse leur avait appris la chorégraphie pour la danse de fin d'année, elle y avait ajouté une musique entraînante.
Il aurait beaucoup aimé la faire écouter à Evy. Elle l'aurait adoré, il en était sûr.
Pris dans son mouvement et avec le poids de la fillette qui n'était pas beaucoup plus jeune que lui, il chuta sur le sol et se rappela brusquement sa blessure de la veille.
-Oh Gaby, ça va?
-Ca va beaucoup mieux, répondit-il en souriant légèrement, comprenant qu'elle pensait elle aussi à hier soir.
Discrètement, il passa une main sur son côté et faillit grimacer en sentant que la bosse au niveau de son ventre le faisait encore plus souffrir qu'avant, mais il n'avait pas envie de gâcher leur moment.
-Dis, Evy, tu veux encore danser?
L'enfant rigola en reposant ses pieds sur ceux de son ange gardien, à peine âgé de deux ans de plus qu'elle, et ferma les yeux alors que Gabriel recommençait à tourner sur lui-même dans la chambre rose.
Et c'était tant mieux, pensa le garçon, parce qu'ainsi, elle ne pouvait pas voir les larmes de douleurs qui apparaissaient au coin de ses yeux.
Et il s'assurait qu'elle ne les voit jamais.
Je shootais brutalement dans une canette sur la route pour rentrer chez moi, mon skate à la main.
J'aurais pu frapper Brittany. Cette pensée me donnait envie de vomir, parce qu'elle ne m'avait strictement rien fait.
Une autre me murmurait que je n'avais jamais eu besoin de raisons pour brutaliser les gens, avant.
Mais ce n'était pas pareil. Brittany avait quelque chose de spéciale que je ne pouvais expliquer, et il était trop tôt pour savoir si j'appréciais sa touche mystérieuse ou si je la méprisais.
Sa question avait réveillé bien trop de chose. J'avais eu peur qu'elle n'arrive à me faire perdre mon propre jeu en fin de compte. J'avais peur d'être vulnérable.
Je ne savais plus quoi faire face à ce démon qui semblait être sorti des enfers pour me perturber.
J'avais compris ce soir que Brittany n'aimait sa popularité seulement parce que cela la protégeait des moqueries.
Mais si j'avais commencé à la cerner, je n'avais pas envie qu'elle en fasse de même avec moi. Elle ne comprenait pas, elle n'avait pas vu à quel point j'avais été proche de devenir un monstre à mon tour.
C'était de famille, après tout.
La plupart des gens baissaient la tête face à ma rage et, généralement, les filles se mettaient à pleurer.
Pas elle.
J'avais vu que ses yeux avaient cherché les miens, mais j'avais pris garde de rester dans l'ombre, pour éviter qu'elle ne remarque que ce n'était plus la colère qui animait mes traits, mais la peur.
D'une façon ou d'une autre, cette Brittany était plus que spéciale, elle était extraordinaire. Et je n'avais aucune envie de tomber là-dedans.
Je me rappelais ensuite que, toutes mes pensées focalisées sur Brittany, j'avais totalement oublié de surveiller Vanessa. Ces filles allaient me rendre fou.
Je composais machinalement son numéro: il ne me suffirait que de quelques secondes pour apprendre si l'adolescente avait fait une connerie.
-Allô Gabriel, bonsoir. Je sais ce que tu crois mais ne t'inquiète pas, je suis toujours vivante. Maintenant, tu permets, j'étais plutôt occupée avec Rodrigue, si tu vois ce que je veux dire. Donc, non, je n'ai absolument rien et oui, tu peux me lâcher les baskets. Au revoir, Gabriel.
Je levai les yeux au ciel alors qu'elle me raccrochait au nez. J'étais rassuré qu'elle ne soit pas dans un coin sombre à faire des choses qu'elle regretterait plus tard. Et je m'en serais voulu si j'avais délaissé la seule personne qui comptait sur moi. Je ne pouvais pas la décevoir, pas alors qu'elle n'avait que moi.
Si ma relation avec Brittany avait été ambiguë l'année passé- entre l'étranger et le supposé petit copain-, celle avec la reine des garces l'était encore plus.
Je savais toutefois que, même si nous avions couché ensemble une ou deux fois par le passé, depuis qu'elle avait éclaté en sanglot dans mes bras, je ne pourrais plus jamais tenté quoi que ce soit avec elle.
Je ne la voyais plus ainsi désormais.
J'ouvrais la porte et retins un soupir en voyant la lumière du salon allumé. Je marchais sur la pointe des pieds et me figeais en entendant des voix.
-Je ne sais plus quoi faire, Claire. On ne sera jamais une famille. Tu as entendu sa directrice?
-Laisse-lui du temps, mon chéri. Mets-toi à sa place.
-Justement, je me mets à sa place! Allons, Claire, tu sais très bien qu'il n'aurait jamais trouvé de famille d'accueil sans nous, son dossier est bien trop gros! Il devrait au moins être heureux d'être sorti de cette orphelinat et, au lieu, il continue de nous traiter en étranger!
-Arrête de t'emporter, il n'arrive pas à nous considérer comme ses parents et c'est normal. Jake avait six mois lorsqu'il est arrivé chez nous, il n'a rien connu d'autre. Tu as tendance à oublier que Gabriel avait douze ans, Chéri. Il se souvient de son ancienne vie et il a le droit d'en avoir des regrets.
-Comment pourrait-il regretté l'enfer, dis-moi?! C'est mon garçon quoi qu'il en pense, bon Dieu! Je m'inquiète pou lui!
-Tu ne devrais pas, lâchais-je en sortant de ma cachette.
Mes tuteurs sursautèrent et Patrick se leva pour venir me donner une tape dans le dos.
-On doit parler, Fiston.
-Je vous avais prévenu que Brian faisait une fête ce soir.
-Ne fais pas comme si tu ignorais l'appel de ta directrice, Gabriel, me réprimanda Claire.
Elle s'installa à côté de son mari et, ainsi encadré, j'avais presque l'impression de passer un interrogatoire.
-Dis-nous la vérité Gab'.... Est-ce que tu es malheureux ici?
-Non.
Mon absence d'hésitation fit soupirer Patrick de soulagement et je me retins de poursuivre ma phrase.
Je n'étais pas malheureux ici, mais j'aurais préféré être ailleurs.
-Alors pourquoi ne tournes-tu pas la page?
-Je ne peux pas. C'est la moitié de ma vie, Patrick.
J'essayais de choisir mes mots avec soin pour éviter de les blesser trop profondément mais je savais que, quoi que je fasse, ils seraient déçus de mes pensées.
Je ne voulais pas tourner la page, parce que j'étais incapable de l'oublier, pas alors que je désespérais de son absence.
Je n'avais pas envie d'oublier mes parents, Evangeline, les journées à l'orphelinat et mes jours à l'école de ma petite ville. Cela n'avait pas toujours été heureux, certes. Je m'étais cru en enfer quelques fois, c'était vrai.
Avant que je ne me rende compte que l'enfer, c'était de vivre sans elle.
-Écoute, Gabriel, je peux comprendre que tu ne veux pas nous appeler "papa et maman", je peux imaginer que tu t'isoles quelques fois, je peux comprendre beaucoup de chose mais je ne veux pas que tu retombes dans le même état qu'à ton arrivé, d'accord?
Patrick essayait de me remémorer doucement tout les psychologues, les assistantes sociales et compagnie qu'on m'avait relégué. Je leur avais fait vivre un enfer, tantôt en menant la vie dur pour qu'ils m'abandonne, tantôt en me réveillant la nuit en hurlant. La culpabilité m'assaillie en repensant que, même après tout ça, ils avaient continué à m'accepter sous leur toit.
-Mais il ne s'est rien passé, ok? Ce mec m'a juste insulté et je lui attrapais le col, je ne l'ai même pas touché! C'est cette vieille qui exagère tout! Elle m'a énervé et je... J'ai dis des choses, c'est tout!
-Et bien, la "vieille" semble penser que tu as besoin d'un soutien psychologique.
-Pardon?!
-Ta punission. Elle a décidé que ce serait une consultation avec le psy scolaire chaque mois jusqu'à la fin de l'année.
-Tu blagues....
Claire secoua de la tête pour appuyer les dire de son mari et je soupirais. Cette dirlo' commençait réellement à me tapper sur le système.
-Fais chier, marmonnais-je.
-Gabriel. Je sais que tu ne veux jamais en parler.... Mais parfois.... Je me dis que c'est en enfermant tout a l'intérieur que tu disjonctes à la moindre colère. Si.... Si tu veux parler...
-Merci Claire, la coupais-je alors qu'elle se levait.
Elle déposa un baiser sur mon front et partit se coucher.
Patrick s'appuya dans le fond du fauteuil et fixa un point devant lui.
-Elle te manque, n'est-ce pas? Je sais que c'est dur Gabriel, mais ce n'est pas à cause de nous.
-Je sais.
-On a fait notre possible pour la retrouver, mais tu sais aussi bien que moi qu'elle a quitté l'état. Ton Evangeline n'est plus dans l'Utah. Ton foyer était à San Francisco, mais elle n'y est plus non plus.
-Je sais, me contentais-je de répondre.
Il touchait un point sensible et j'étais désormais incapable de faire de longues phrases sans trémolos dans la voix.
-Enfin bref. Que fais-tu demain soir? On pourrait se faire une sortie entre hommes...
-Demain, je travaille au Puppy's.
-Tu veux vraiment faire ce tour des USA en voyage? Tu sais que nous pourrions te l'acheter, tu sais? Comme un cadeau d'anniversaire.
-C'est un peu.... Mon rêve. J'ai besoin de le faire seul. De rester autonome.
Ce que Patrick ignorait, c'est que je ne partais pas à travers tout le pays simplement pour faire du tourisme. Je n'étais comme un parfait voyageur qui s'extasiait devant une montagne de brique simplement parce que cela provenait d'une grande ville.
Je n'en avais rien à battre, en réalité, des grands monuments. Mais, comme Patrick, j'avais fini par comprendre qu'elle n'était plus dans l'Utah.
***
J'enfilais une simple chemise noir et un jeans sombre avant de saisir mon skate.
Je partais travailler.
Fredy m'attendais à l'intérieur du bar et hocha simplement de la tête en me voyant correctement habillé. Il était vrai que je ne prenais que rarement le code vestimentaire en compte, surtout que je restais caché les trois quart du temps dans la cuisine.
Mais aujourd'hui était une soirée spéciale. La première de Brittany.
Je n'avais pas l'intention de lui reparler, parce que cette fille était un peu trop toxique à mon goût et parce que je n'avais jamais plié devant personne, alors je ne commencerais pas avec elle.
J'en avais même strictement rien à faire de ce qu'elle pensait de moi. Je ne m'excuserais pas.
Fredy me fit signe de m'éloigner du bar et j'entrais avec lui dans la réserve.
-Tu as l'air de bien la connaître, la petiote?
-Disons qu'elle est dans ma classe, répondis-je prudemment, sentant venir le piège.
-C'est une tigresse, hein?», me taquina-t-il alors que je serrais la mâchoire.
-Disons qu'elle a... du mordant.
-Je voudrais que tu jettes quand même un coup d'œil aux gars. Les habitués ne poseront pas de problèmes mais il y a toujours des hommes un peu spéciaux, surtout vers la fin de la nuit.
-Tu voudrais que je la raccompagne?
-Si ça ne te dérange pas.
-Fredy, elle ne me laissera jamais faire. Brittany est... Indépendante.
-Et bien, montres-toi convaincant, declara-t-il mystérieusement en me laissant planter là.
Elle arriva un quart d'heure plus tard mais Fredy l'accapara presque immédiatement pour lui montrer toutes sortes de cocktails. Je la regardais du coin de l'œil alors qu'elle semblait encaisser les détails les uns après les autres. Mes yeux accrochaient ceux des garçons un peu trop insistants mais aucun d'eux n'auraient eu la débilité de la toucher: c'était simplement de gros dragueurs plutôt lourds.
L'un d'eux voulut lui proposer un verre mais elle refusa poliment, du moins, de la façon la plus polie qu'une hyène dans son genre était capable.
Je me contentais de faire la plonge dans la cuisine, c'était pour cela que j'avais été engagé. Fredy avait vite compris que je n'étais pas le plus patients des serveurs et il venait de rajouter quelques restaurations rapides à la carte.
En plus de la vaisselle, je me tapais les croques, frites et compagnie.
****
Vers deux heures du matin, je quittais la réserve pour entrer dans le bar. D'ici, je pouvais mieux voir Brittany, les joues rouges, qui essayait de reproduire l'une des boissons que le boss lui avait montré en début de soirée.
Elle servit le client et une fois qu'il eut le dos tourné, souffla. Je pouvais presque imaginer le soupire d'agacement qui venait d'échapper de ses lèvres jusqu'ici.
Fredy me fit signe de loin et je lâchais ma proie des yeux pour m'occuper de l'homme qui était accroché aux bras de mon patron.
-Elle m'a largué, vieux. Elle m'a laissé tout seul.
Je levai les yeux au ciel et l'entraînait à l'extérieur pour guetter l'arrivé du taxi.
-J'en retrouverais plus jamais des comme elle. Elle était si tendre, si douce, si compréhensive...
-Dis, mec, c'est de ta copine ou de ta mère que tu me parles?», me moquais-je en le plaçant dans le taxi.
J'allais retourner à l'intérieur du bar lorsque, en me retournant, je vis Brittany marchait sur le trottoir opposé.
Était-elle réellement venue à pied? Était-ce un suicide volontaire ou juste une irrévocable débilité?
-Fricht!
-Je ne compte plus t'adresser la parole, Gossom.
-Tu ne vas pas rentrer à pied?!
Elle se retourna en haussant les épaules.
-Je ne suis pas loin de chez moi. Maintenant, tu me lâches?
Elle reprit la route et je sourirait bruyamment, marchant deux pas derrière elle. Je n'allais pas laisser une fille bien... Enfin, bien... Bien féminine, marchait seule dans ma rue à une heure pareille. Je n'avais pas beaucoup de principes, mais j'avais encore une conscience.
En miette, certes, mais elle continuait quand même à fonctionner la plupart du temps.
-Tu vas arrêter de me suivre oui ou merde?!
-J'habite aussi par là, Fricht, arrête de te prendre pour la reine de Papouasie, claquais-je sèchement en enfonçant les mains dans mes poches.
Elle me lança un regard noir et accéléra légèrement le pas.
Je la regardais marcher de loin, m'assurant de toujours voir sa silhouette dans la nuit. Je commençais à regretter de ne pas être rentrer dans le pub pour reprendre mon manteau avant de la suivre, parce qu'il commençait vachement à geler.
Elle rentra dans une maison et je fis semblant d'avancer encore quelques mètres, au cas où elle aurait eu l'idée psychopathe de vérifier derrière le rideau que j'habitais réellement dans les environs.
Lorsque j'arrivais au bout de sa rue, je fis brusquement demi-tour et sautais sur mon skate, un léger sourire aux lèvres malgré moi.
Je venais de me rajouter un quart d'heure de marche supplémentaire parce que Miss Perfect n'avait pas froid aux yeux.
Cette fille était définitivement fascinante.
Ce que Gabriel ignorait, c'était que Brittany l'était peut-être un peu trop.
Et que certains vaccins ont besoin d'un rappel.... Ou le virus nous contamine.
~*~*~*~*~*~*~*~*~*~
Je m'excuse pour ces deux longues semaines sans chapitre, sans réponses, sans rien du tout. J'ai fini mes examens vendredi, fêtait un anniversaire surprise le samedi et donc, je viens toute penaude vous postez le nouveau chapitre aujourd'hui.
Je sais que plusieurs d'entre vous ont probablement cru que j'étais morte mais non, je suis juste un peu crevée 😜
Je répondrais aux commentaires demain après-midi 😘
Gros bisous mes anges ❤️❤️❤️
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