10.Brittany
Merci à Margaux pour ce superbe dessin de Brittany! J'ai essayé de corriger les beugs, dites-le moi si ça ne s'affiche pas 😜
***
J'arrivais au bar avec deux heures d'avance, afin d'être sûr que Gabriel ne soit pas avec le patron. Je trouvais évidemment Freddy accoudé au bar, à donner un dernier petit coup de torchon sur les verres avant l'arrivée des clients.
-Bah alors, princesse, on veut faire des heures supplémentaires? T'en as pas assez de travailler le samedi, il faut que tu viennes le vendredi aussi?
-Fred, j'ai un service à te demander, demandais-je d'une voix mielleuse en m'asseyant sur un tabouret.
Il fronça les sourcils et honnêtement, je pouvais le comprendre. La dernière fois que j'avais utilisé ce ton, c'était pour qu'il m'avance une partie de mon salaire.
-Arrête d'acheter des fringues, miss, tu reviens jamais sappée deux fois de la même manière, marmonna-t-il en saisissant un autre verre.
Je souris malgré moi, parce que Freddy n'embauchait que deux employés et que, sous ses apparences rustres et sévères, il était doux comme un nounours avec nous.
-Je ne veux pas d'argent.
-Ah non? C'est rare de la part d'une damoiselle, pourtant.
-Je te demande de donner sa soirée à Gabriel.
-Ce gamin? Il préféra se faire amputer un doigt que rater une soirée de travail, ricanna-t-il en attaquant les flûtes à champagne.
Je m'accoudais au marbre en croisant les bras. Pourquoi disait-il cela? Tout le monde était heureux d'avoir un jour de congé, surtout lorsque votre travail consistait à faire la plonge une bonne partie de la soirée.
-De quoi tu parles?
-Gabriel a commencé ici en travaillant deux samedi par mois. C'est lui qui est venu supplié d'avoir plus d'heures. Un sombre projet de tours des Etats-Unis qui lui tient à cœur pour l'obtention de son diplôme. Mais je lui ai dit, au petit, que cancre comme il l'est, il avait encore trois ans pour économiser!
-Mais vous avez accepté?
- Au début, non. Mais je l'ai surpris faire d'autre soirée dans les bars parfois en pleine semaine, alors j'ai préféré le garder dans ma réserve à moi, loin des voyous. Et puis, je me préserve de la concurrence en leur enlevant un serveur, n'est-ce pas?
Je souris, parce que le dernier argument n'avait aucun poids et que nous le savions tout les deux.
-Et si vous me prenez mon prochain samedi de congé, vous n'aurez qu'à faire comme si c'était Gabriel qui travaillait.
-Tu es sûre, petiote?
-Oui.
-Il te plait drôlement, le petit!
-C'est l'anniversaire d'une amie à nous, je veux simplement qu'elle passe une bonne soirée.
Freddy me fit un clin d'œil et commença à ranger les bouteilles qu'on venait de livrer.
-File, petiote, et que je ne te vois pas au bras de mauvais garçons ce soir!
Je levai la main en signe d'au revoir avant de quitter le pub. Vanessa m'attendait dans la voiture, son sac sur les genoux.
-Et que fait-on maintenant, Britty?
-On va s'éclater entre fille avant l'arrivée des garçons.
-Faire des folies avant que les sages ne s'en mêlent?
-Exactement, répondis-je en appuyant sur l'accélérateur de ma Volvo.
Je vis Vanessa plonger une main dans son sac et regardais distraitement dans le rétroviseur si son crayon n'avait pas coulé.
-Je nous ai prévu une surprise pour ce soir.
-Ness, tu abuses, c'est à nous d'organiser une surprise!
-Mais non, c'est rien que pour nous deux, les garçons sont exclus ma belle, rigola-t-elle alors que je souris à sa phrase.
En effet, les garçons ne comprenaient jamais rien.
-Et tu ne veux pas me donner un indice?
-Hors de question, mais ça devrait te plaire, à toi qui aime faire la fête et boire de l'alcool jusqu'à oublier ses soucis.
-Eh! Je ne fais pas ça chaque semaine, non plus, m'exclamais-je faussement vexée.
Ma meilleure amie me donna un coup de coude alors que je la déposais chez elle pour qu'elle se prépare. J'hésitais ensuite à rentrer chez moi, consciente que cela pourrait bien me pourrir ma soirée.
Je garai tout de même ma voiture dans l'allée de ma maison et avançais gracieusement jusqu'à la porte.
Je l'ouvris d'un grand coup et vis ma mère sursauter avant de dissimuler quelques papiers sous un dossier.
-Ca va, maman?
-Oui ma chérie, je ne t'avais pas entendu arriver.
Auparavant, elle se serait approchée pour embrasser mon front, mais elle craignait désormais que je ne fouille dans ses affaires si elle quittait sa chaise.
Et puis, j'étais trop grande et fière pour oser demander quoique ce soit.
Je posais donc mon sac sur la chaise d'à côté et me servit un verre de soda frais.
-Tu sais ce qu'il se passe avec ma carte de crédit? Vous avez oublié de l'alimenter ou c'est une incompétence de la caissière?
-Oh tu sais, peut-être une débutante qui ne savait pas comment s'y prendre....
-Ouais, bah cette tarée m'a affiché devant tout le magasin.
Je passais sous silence qu'elle avait été tout à fait professionnelle. Qu'elle avait coupé ma carte. Que j'étais officiellement sans carte bancaire. Ma mère n'aimait pas parlé de ces choses-là, et mon père était aussi que fier que moi. Il n'avouerait jamais que, d'ici quelques mois, ce serait leur cartes qui ne seraient plus valides.
Je sirotais doucement mon verre en regardant par la fenêtre, pas parce qu'il y avait la troisième guerre mondiale dans mon jardin mais tout simplement parce que ma mère et moi avions bâti un mur de béton à coup de secrets et de peines inavouées. Au point qu'aucune de nous ne savait plus s'adresser à l'autre. Avant, les gens riaient et disaient que nous n'avions pas coupé le cordon.
Aujourd'hui, ils ne pensaient même plus que nous appartenions à la même famille.
Cela faisait mal, de s'éloigner ainsi de ses parents. On ne l'avouait pas souvent, on se cachait derrière un mur de colère, de haine, de rancœur. Mais au fond, je voulais simplement que tout redevienne comme avant, lorsqu'ils me comprenaient encore, lorsque je n'avais pas besoin d'être superficielle et de jouer un rôle avec eux comme avec les autres.
J'avais des milliers de souvenirs où Papa n'était pas haut placé dans son entreprise, où maman n'avait besoin que d'un regard pour savoir mes pensées.
Nous évoluions tous sur la même orbite, et j'avais soudainement l'impression d'avoir été éjecté pour tourner inlassablement autour de Pluton.
Ça ne s'était pas fait en un jour, je ne m'étais pas rendu compte tout de suite que tout avait changé.
Un jour, j'avais été en colère contre eux. Réellement en colère, au point que j'avais pensé que ce n'était même plus mes parents. Je m'étais sentie trahie.
J'avais ensuite commencé à me maquiller, à essayer des fringues plus moulants, plus serré, plus osés. J'avais commencé à sortir le week-end, à attirer les garçons. Au point où mes parents, qui me prenaient encore la tête si je ne débarrassais pas mon assiette, m'avaient semblé à des kilomètres de mon monde. Et je m'en étais éloignée d'autant plus.
Puis, les problèmes s'étaient accumulés. J'avais effacé ma rage contre eux, mais j'avais eu trop d'orgueil pour réparer nos liens abîmés. Et la situation s'était dégradée, encore. Papa avait déconné, maman s'était vengée. Papa avait continué.... Et maman avait arrêté de se battre.
Je leur en voulais profondément pour ça, mais j'en étais la première responsable.
Je remarquais alors que mon verre était vide. Ma mère semblait avoir laisser tomber les soupçons et était partie dans la chambre, probablement pleurer une nouvelle fois, ou simplement pour quitter cette atmosphère pesante et silencieuse.
Je glissais alors le dossier sur le côté et m'emparais brusquement des quelques feuilles de papier en dessous, avant de remettre tout à sa place.
Je ne parcourais même pas mon vol des yeux et montais me préparer comme si de rien n'était.
***
Stationnée devant le pub, je me rendis compte que c'était la première fois que je venais en voiture. Cette pensée m'arracha un sourire mais la vue de mon sac me l'ôta aussi vite.
A l'abris des regards et de la méfiance de mes parents, je saisis les feuilles et commençais à inspecter leur contenu.
C'étaient des relevés de banque incompréhensible, et le chiffre rouge au bas de la page me donnait envie de vomir.
Les banquiers ne prenaient déjà pas souvent la peine de faire des photocopies couleurs, alors si le chiffre avait été surligné, c'était qu'il valait beaucoup.
Je soupirais et levais les yeux au ciel, non pas par exaspération mais pour éviter qu'une larme inopportune ne se fraye un chemin. Je ne pouvais pas me permettre d'arriver devant des gens de mon lycée, des populaires, avec les yeux rouges et le mascara coulant.
Je ravalais mes peurs, ma tristesse et entrais dans le bar comme si je gouvernais le monde.
Et c'était vrai. Durant une soirée, l'alcool me rendrait reine de mon royaume, ne serait-ce qu'une poignée d'heure.
J'étais prête à tout pour ça.
***
-Quoi?
-J'ai dit: « Pose ce tablier petit, tu es de repos aujourd'hui». Tu es sénile précoce?
-Mais Freddy, j'ai besoin de cet argent!
-Je me suis arrangée avec la petiote, va t'amuser, rétorqua le vieux barman en me désignant de ma tête.
Gabriel tourna la tête vers moi et je le vis souffler bruyamment.
-Ne te mêle pas de mes affaires, Fricht.
-Calme-toi Gossom, je travailles pour toi samedi prochain.
Je vis ses épaules se rabaisser et sa mâchoire se desserrer même si sa silhouette droite me montrait qu'il ne baissait pas totalement sa garde.
-Pourquoi?
-Pour Vanessa.
Il sourit et rejoignit notre table alors que je retrouvais discrètement Freddy.
-Merci.
-De rien, ma p'tite dame.
-Je me demandais si je pourrais travailler quatre samedis par mois, comme Gabriel.
-Pourquoi? T'as envie de mourir jeune? Faut pas s'user, à votre âge!
-S'il te plaît, Freddy, c'est important.
-Va t'amuser, on en reparlera un autre jour. En attendant, je vais faire comme si vous aviez tous 21ans, declara-t-il en me poussant plus loin alors que la musique assourdissait mes tympans.
Je partis vers ma table et saisis le verre que Brian me tendait. J'aurais aimé pouvoir aider mes parents, leur prouver que j'étais digne de confiance. Je voulais pouvoir sauver un peu de la dignité des Fricht, aussi. Je refusais qu'on perde la face.
-À Ness'!
Cette dernière sourit alors que nous trinquions et sourit en déballant ses cadeaux un à un.
-Oh merci Brittany, j'adore ces boucles d'oreilles! Et Gabriel... Oh... Et bien, je les aime aussi, hein.
-C'est les mêmes, Vanessa, c'est normal, ricana Brian en lui offrant un bracelet.
Gossom jeta sur moi un regard noir et je lui rendis un sourire arrogant alors que Vanessa m'emmenait sur la piste de danse. Ce n'était pas de ma faute si nous avions eu la même idée, quand même!
Je ne sais pas combien de temps je restais ainsi, à commander au bar pour retourner tout aussi vite danser parmi les corps des autres danseurs amateurs . Je pouvais voir Gabriel m'observait, sa bière à la main, alors qu'il discutait avec Brian à notre table et le regard du brun mystérieux commençait à m'être familier. J'avais presque envie de le secouer pour qu'il se lève. N'avait-il jamais appris à s'amuser dans sa vie?
Le basketteur nous rejoignit pour danser quelques chansons avant de déclarer qu'il s'en allait pour être en forme à son match de demain. Je ne l'entendis que vaguement parce que l'ambiance était électrique et que mes neurones grillaient une à une.
Je vis Vanessa jeter un regard furtif sur Gabriel qui parlait avec notre boss avant de me prendre par la main pour m'amener à l'extérieur.
-Ness'? Qu'est-ce que tu fais?
-La surprise, tu te rappelles?
Elle sourit en m'entraînant dans une ruelle proche et je rigolais en m'appuyant contre un mur.
Vanessa me regarda et sortit un petit tube de sa poche.
-Ca te branche, de planer quelques temps?
-Je prends pas ces merdes, Ness', tu le sais.
-Oh Britty, c'est mon anniversaire et j'ai vraiment, vraiment besoin de ça. Tu n'as jamais eu envie d'oublier, pendant quelques instants, tout ce que tu avais foiré dans ta vie?
Je repensais aux papiers qui m'attendaient dans le fond de mon sac, à ma famille désastreuse. Je repensais tout simplement au fait que parfois, l'adolescence, ça craint. Ce passage où vous voulait être adulte sans pour autant tirer totalement votre révérence sur l'enfance.
Mais je n'étais plus un bébé. Et si j'avais envie d'oublier, je le pouvais.
Alors je saisis le tube, et Vanessa me tendit un briquet.
Et ce fut ce geste naïf qui enflamma la mèche de la bombe. Et, sans le savoir, Gabriel en était le détonateur.
*~*~*~*~*~*~*~*~*
Coucou les filles! Je vous poste le chapitre avec un peu d'avance car demain, Viva la Vida, je m'en vais en vacances!
Normalement, je garderais le rythme de publication car j'ai déjà écrit les prochains chapitres 😚😚!
Ah oui! Je voulais aussi vous dire que j'aime beaucoup les dessins que vous m'envoyez! Normalement, Margaux aura son deuxième esquisse dans le chapitre de dimanche prochain!
Gros bisous mes anges ❤️
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