Quand je termine tous mes cours, il fait presque nuit. Je n'ai pas vu le temps filé. Il faut dire que l'analyse de Impression, Sunrise 1872 de Claude Monet était amusante. J'ai passé un bon moment à décortiquer chaque aspect de cette toile mais si je ne me dépêche pas, je risque d'en payer le prix. En rejoignant le parking, je suppose même qu'Angel est déjà parti. Je me dis qu'il a dû en avoir assez de m'attendre.

Sauf qu'évidemment ce n'est pas le cas. Il est bien là. Debout, devant sa voiture. Mais il n'a pas l'air énervé. Du moins, en apparence.

-Tu viens?

Je cours dans ses bras. Angel est surpris par cette spontanéité. Mais comment je pourrais y résister ? Je n'ai déjà plus envie de le lâcher. Il sent si bon...il est si doux et réconfortant...

-Oh. Qu'est-ce qui me vaut ce câlin?

-J'ai passé une bonne journée.

-Ah oui? Tant mieux.

Ses yeux brillent.

-Tu as aimé le déjeuner, aussi?

-Oui.

J'aime quand il me caresse les cheveux. Je suis heureuse que ça m'apaise toujours autant.

-On y va? il murmure presque. On nous attend.

-« on nous attend »?!

Je relève la tête.

-Qui?!

-Ma mère nous invite à dîner.

-Oh. Ok.

Ma réponse semble plus froide que voulu. Angel le remarque aussi.

-Mais je peux toujours annuler si...

-Non, c'est parfait! je l'arrête.

C'est une bonne nouvelle. Juste que je suis épuisée par cette longue journée. J'ai donné mon max et écouté attentivement à chaque cours. Je n'ai plus la moindre force. Même pour serrer Angel. Donc je fini par le lâcher trop tôt.

-Ça ne sera pas long, princesse. Promis!

J'ai droit à un baiser avant qu'il ne m'ouvre la portière. Il est toujours aussi prévenant.

-Merci.

Cela fait bien longtemps que je n'était pas entrée dans cette voiture. Cette belle Jeep noire...La revoir me rend étrange. C'est un peu comme revoir une ancienne amie. J'en ai passée du temps dans cette voiture. Que des bons, d'ailleurs. J'ai surtout beaucoup taquiné son propriétaire...

-Qu'est-ce qui te fais rire, princesse?

-Rien...

Mon large sourire me trahis. Pourtant, il n'insiste pas. Il doit être bien pressé d'aller dîner avec Sophia. Moi aussi je le suis, pour être honnête. C'est peu dire! Angel démarre à peine que je commence à l'haceler...

-On arrive bientôt ? C'est loin?

-On va juste au manoir, il me rassure.

-Super. Je vais pouvoir me changer, avant. Je dois être présentable devant ta mère.

Il lance un sourire étrange. Comme s'il me préparait quelque chose. Ça m'inquiète. Mais je sais aussi qu'il ne me dira rien. Lui sortir les mots de la bouche est plus dur que d'escalader l'elvrest. A ce rythme, j'ai même le temps de faire un aller-retour. Donc j'oublie ça et fais une chose beaucoup plus productive: dormir.

Je ne réouvre les yeux que lorsque la voiture s'arrête.

-Nous sommes arrivé, princesse. Tu peux marcher?

J'ai presque envie de répondre "non".

-Oui, évidemment !

Il aurait préféré le contraire. Mais je ne peux pas croiser Sophia, posée sur l'épaule de son fils. Vous n'êtes plus à ça prêts... Oublie-moi, conscience! Je sors de la voiture et prend la main qu'Angel me tend.

-Merci.

-De rien, princesse.

Puis nous avançons tranquillement, en direction de la porte d'entrée, main dans la main. A présent, il fait vraiment nuit. Le ciel est même couvert. J'ai faillit ne pas le remarquer...trop occupée à admirer un bleu plus intense. Des pupilles d'un bleu plus intense.

Il est si beau, qu'il sourisse ou pas. Joyeux, énervé ou plongé dans ses carnets. Il l'est tout le temps, même quand il ne le fait pas exprès. Je me rappelles que ça a toujours été ainsi: j'ai toujours été aussi captivée par lui. Des fois, il m'arrivait même de ne pas sentir la douleur de ses coups de fouets, tellement le petit sourire que ses lèvres dessinait me comblait.

Son fouet sur ma peau devenait presque un plaisir...car ça lui faisait plaisir. Et moi jele fixais tout le temps, attendant la moindre réaction de sa part. Le moindre changement dans sa voix qui m'indiquerait qu'il y prend du plaisir. J'etais devenu si douée pour déchiffrer ses émotions. Maintenant, j'ai un peu perdu la main mais...je sais quand il est heureux. Et là, il l'est! Ce soir, il l'est!

-Dès qu'on entre, vas te changer. Je t'attendais dans le salon.

J'acquiesce d'un hochement de tête. C'était ce que j'avais déjà prévu de faire. Peut-être aussi prendre une petite douche. Mais soudain je me rappelle qu'il ne me reste pas grand chose à porter. Enfin, je trouverais bien quelques chose. Après tout ce n'est qu'un dîner entre nous trois...Il n'y a pas de quoi en faire tout un plat.

Mais lorsque la porte du manoir s'ouvre seule, je change d'avis. Deux hommes en sorte. Puis le plus âgé des deux claque la porte violemment derrière lui. Je me tourne vers Angel, perplexe mais lui ne semble pas dérangé par la situation. Il semble même habitué. Il continu d'avancer calmement, ma main bien serrée dans la sienne.

Quand nous arrivons à leur niveau, ils nous lancent un regard que je ne saurais décrire.

-Tu rentre déjà? lance Angel à moitié intéressé

-Oui!

-Bien. La prochaine fois, fais-nous plaisir, ne viens pas du tout.

Le ton de sa voix est sacrément sec, alors que l'homme à qui il s'adresse pourrait être son père.

-Et toi arrête de le suivre comme un toutou, il lance au second.

Je me sens de trop, d'un coup. Surtout quand le plus jeune croise mon regard. Je détourne même les yeux. Son regard est bien trop menaçant. Comme si on se connaissait...comme s'il avait une vieille rencoeur contre moi. Mais son visage ne me dit rien.

Soudain la tension s'intensifie encore plus. Ils se mettent à échanger des mots violents en italien. Enfin, je crois.

-Ancora con la tua puttana? Pensavo che questa fosse una cena di famiglia. Ma tra tua madre che mi fa fare la figura dell'idiota e tu... Argh! Mi stai facendo impazzire!!! (Encore avec ta pute ? Je croyais que c'était un dîner familial. Mais entre ta mère qui me fait passer pour un con et toi...Argh! Vous allez me rendre fous!!!)

-Scusi? (Pardon?!)

-Mi hai sentito. Non sarei mai dovuto venire qui. (Tu as bien entendu. Je n'aurais jamais dû venir ici.)

J'ai beau ne pas comprendre l'italien, un mot attire bien mon attention et pas d'une bonne manière. On t'a traité de "puttana", miss...Et je ne suis pas seul dérangé par ce mot. Ce peux sentir la patience d'Angel lui filer entre les doigts. Le jeune que je devine être son frère tente d'intervenir, entre deux regards noirs qu'il me lance....

-Non dice sul serio, Angel. E' solo un arrabbiato...(Il ne le pense pas, Angel. Il est juste un énervé...)

-Stanne fuori, Andras! (Toi, reste en dehors de ça, Andras! )

...en vain. J'aurais presque de la peine pour lui. Mais j'en ai plutôt pour le père, vu comment Angel s'avance vers lui.

-Ascolta attentamente, perché lo dirò solo una volta.(Ecoute bien parce que je ne le répéterai pas.)

Je pourrais presque voir les flammes de l'enfer se dessiner dans ses pupilles et la force avec laquelle il serre la main est tout aussi inquiétante.

-Non è colpa della mamma se ti comporti come un idiota. È solo che nessuno ti prende sul serio. (Ce n'es pas de la faute de maman si tu passe pour un con. Juste que personne ne te prend au sérieux.)

-Ritira quello che hai detto! (Retire ça !)

-Perché l'avrei fatto? Potrebbe essere un falso? (Pourquoi? C'est faux peut-être ?)

C'est juste moi où ils n'ont pas l'air de s'entendre ?

-Attenzione, potresti dire per sbaglio qualcosa di cui ti pentirai, Angel. ( Fais attention, tu pourrais dire accidentellement quelque chose que tu regretterais, Angel.

-Saprai che non faccio mai nulla di accidentale. ( Tu sauras que je ne fais jamais rien d'accidentel.)

-Oh. Je vois...

Il le dit en rapprochant ses doigts degoutants de mon visage. Heureusement un cloche pied bien placé l'envoi au sol, au bon moment.

-Il est saoule?

-Oui. C'est pour ça que mamma l'a foutu dehors.

-Oh. Je vois.

Angel est aussi coupant qu'un éclat de verre. Il n'attend même pas que son père se relève et tourne les talons, en me tirant avec lui.

-Il n'y a rien à voir ici, princesse...

Je n'ose pas le contredire et avance. Son père dévale carrément les marches de l'entrée et se prend le sol en pleine face mais ça ne lui fait strictement rien. Et moi qui pensais être la seule avec des problèmes parentaux... Angel a l'air d'avoir sa propre espérance sur le sujet. Sauf que, lui, ne retient pas ses coups. Il lance même un dernier pic, sans se retourner.

-Oh e comunque... se qualcuno si sta comportando come una puttana qui, non è la mia ragazza...(Oh et d'ailleurs...si quelqu'un se comporte comme une pute ici, ce n'est pas ma petite-amie...)

Ce dîner commence si bien. Mais y'a encore mieux. Une visite surprise...💕💕💕